Cet article analyse l'appropriation de la catégorie « jeunes » par le régime Egyptien actuel pour construire une politique de jeunesse composée de programmes, conférences et des organisations qui parlent au et au nom des jeunes. En se basant sur le matériel de promotion de ces programmes et conférences, en plus d'une étude ethnographique des organisations étudiantes à l'Université du Caire entre 2011 et 2017, cette article aborde la politique et les discours sur la jeunesse comme point d'entrée pour comprendre les reconfigurations autoritaires en Egypte. Nous démontrons que les détenteurs du pouvoir adaptent des outils existants à des nouvelles configurations révélant d'un part, l'influence du contre-modèle révolutionnaire dans la manière dont sont envisagées les politiques, et d'autre part la pluralité des acteurs qui font partie de la nouvelle configuration au pouvoir.
Au cours du XX e siècle en Égypte, les étudiants du supérieur émergent comme avant-garde contestataire. L'État développe alors une « boîte à outils » spécifique pour contrôler leurs activités politiques. Cet article retrace la récurrence des pratiques de répression des mobilisations étudiantes, des séquences d'interaction et des acteurs pour mettre en avant la construction d'un répertoire. Cette étude analyse ensuite la suspension de la répression avec la révolution 2011, puis sa reprise avec le coup d'État de 2013, rompant avec les pratiques historiques et culminant avec le choix d'introduire une entreprise de sécurité privée dans les campus universitaires en 2014. Cette stratégie est révélatrice de l'expansion du dispositif sécuritaire et de sa diversification par la privatisation, et s'inscrit dans une reconfiguration plus générale de l'autoritarisme avec le nouveau régime.
Cet article construit une histoire parallèle de la contestation étudiante égyptienne après 2013. Outre la remise en question de la lecture dominante, selon laquelle les universités ne seraient que le dernier « champ de bataille » dans la guerre entre les Frères musulmans (FM) et le régime d'Al-Sissi, il examine les ressorts de l'action de groupes étudiants qui sont en concurrence avec les FM tout en s'opposant aux pratiques répressives du régime. L'historicité du mouvement étudiant et le renouveau de ses mobilisations après le soulèvement du 25 janvier 2011 permettent de saisir le processus de constitution de ce « milieu étudiant contestataire non-FM » afin de comprendre, par la suite, comment ces acteurs construisent des possibilités d'action collective à partir des effets induits par la répression de leurs rivaux.