Les cent huit mentions de processions dans le Journal de Hardy répondent à la fois à une expérience individuelle et à un souci de noter l'événement. Elles rappellent les usages, origines, rangs et parcours, mais également les troubles et accidents. La procession est à la fois reliée à la piété et à la politique. Hardy reprend les traits des récits jansénistes des cortèges en insistant sur le Saint-Sacrement. Il partage la ferveur des marches à Sainte-Geneviève. Il replace la procession dans un vocabulaire politique, par les équilibres institutionnels qu'elle donne à voir, par les réactions des spectateurs, mesure de l'opinion publique qui peut déboucher sur l'émeute. La procession prend ainsi toute sa place dans le journal comme rituel religieux, acte social et culture politique.
Sur le plan des pratiques, le testament orléanais enregistre un recul net des gestes (messes, fondations, don), surtout populaires, autour de la décennie 1740. Cependant, ce recul quantitatif s'accompagne surtout d'une mutation de la nature des pratiques et du testament dont rend compte une lecture globale de l'acte qui croise contenu et statut du document. Il ne s'agit donc pas ici de fournir un nouvel échantillon testamentaire, mais de montrer comment le testament se vide au XVIII e siècle, et devient un indicateur majeur des modifications du vécu religieux. D'une part, sa confrontation avec d'autres sources (frais funéraires, inventaires après décès) souligne la promotion d'une sphère privée. D'autre part, l'affirmation d'une dimension successorale illustre en parallèle la recomposition plus personnelle de la sphère religieuse. Loin de mesurer une déchristianisation, le testament est l'indice d'une individualisation où la rédaction de l'acte ne décline plus automatiquement un modèle religieux mais révèle une dimension personnelle.
Résumé Au XVIII e siècle, les relations entre la municipalité d'Orléans et le clergé de la ville sont nombreuses et diverses. Les processions dessinent une étroite collaboration, image d'unanimisme. La question fiscale dresse un autre portrait, où le clergé défend ses privilèges et s'exclut de la fiscalité ordinaire. Le clergé est vu ici comme ordre social. Les tensions les plus importantes entre ville et clergé se situent sur un autre plan. Le XVIII e siècle voit les compétences municipales se développer dans les domaines de la charité et de l'enseignement, source d'une remise en cause pratique de la place du clergé. Ceci s'accompagne d'un discours laïc qui définit une vision politique du clergé : nettement séparé et limité au spirituel. Ainsi, au travers de ces relations, se dessine une frontière politique. Les cahiers de doléances donnent corps à cette conception et proposent une réforme du clergé, image d'un nouvel équilibre entre clercs et autorité politique.
L'approche des cahiers de doléances a été fortement renouvelée grâce à l'apport d'une dimension culturelle, au-delà du seul comptage. Cependant, la religion est peu considérée dans cette relecture. Le bailliage d'Orléans permet de corriger en partie cette lacune, puisque les questions religieuses sont présentes dans quatre cahiers sur cinq, notamment sous l'angle fiscal, selon un net clivage ville/campagne. Au-delà, les cahiers proposent une reconstruction de l'Église, cohérente, et non une seule accumulation désordonnée de critiques ponctuelles. Cette refonte est centrée sur le curé et la paroisse aux dépens des membres du haut clergé. Cette première lecture doit se compléter d'une approche de la cohérence même du cahier qui souligne une articulation et ouvre sur le ton du document. À ce niveau, le discours des doléances porte un changement de statut du religieux, signe d'une sécularisation, selon un clivage essentiel entre Église et religion. Plus qu'une préfiguration des mesures révolutionnaires, le cahier apparaît ici comme un indice des évolutions religieuses du XVIIIe siècle.
Loin des discours théologiques qui opposent cloître et monde, le couvent trouve sa place dans la ville. Il multiplie les relations avec la société locale. La distinction entre celle-ci et la notion de «monde» est ainsi bien assise. Cet enracinement permet aux visitandines d'affirmer une identité dans la ville, et dans l'ordre lui-même. Émanation de l'environnement, le couvent intervient dans la société, à la fois comme force économique et comme foyer religieux, qui anime la ville et contribue à sa ferveur. Les changements extérieurs provoquent de la part des moniales une nécessaire adaptation, se traduisant par des mutations de la mentalité conventuelle. Pour autant, la synthèse reste efficace entre action extérieure et spiritualité interne. Une lecture sociale et globale nuance l'image d'immobilisme des communautés religieuses et invite à relire certaines vues du XVIIIe siècle religieux.