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Face au conflit ukrainien, Ankara, qui avait auparavant développé avec chacun des belligérants une relation spéciale basée à la fois sur l'histoire et sur l'intérêt économique, adopte une stratégie de neutralité active, d'équilibre. Puissance opportuniste au plein sens du terme, la Turquie saisit toute occasion de défendre ses intérêts propres, de proposer sa médiation et d'affirmer, face aux adversaires et aux alliés – en particulier dans l'OTAN –, son poids de puissance régionale.

Les révolutions arabes ont frappé des États dysfonctionnels qui se maintenaient basés sur l'usage récurrent de la violence. Mais elles ont aussi produit des réformes dans ceux qui ont tenu, et la redécouverte des vertus des États efficaces dans les pays ayant entrepris une transition démocratique, sans parler des revendications d'États des minorités. Les Occidentaux sont mal préparés à cette revitalisation d'une demande d'État qui passera par l'émergence des sociétés civiles et comporte encore bien des inconnues.

Le traité de Sèvres symbolise pour les Turcs la liquidation de l'Empire et l'action des puissances extérieures pour démembrer la Turquie. L'effet historique du traité survit sous forme de syndrome, justifiant une vision obsidionale de la survie nationale. Au-delà de l'actuel néo-ottomanisme, un dialogue repensé avec l'Europe pourrait peut-être donner au pays un rapport nouveau à sa mémoire et l'aider à dépasser un syndrome manié par toutes les composantes de sa classe politique.

Membre de l'OTAN depuis 1952, la Turquie est un allié traditionnel des États-Unis, malgré des désaccords sur des dossiers comme Chypre ou l'Irak. Depuis la fin de la guerre froide, et particulièrement après l'arrivée de l'AKP au pouvoir, les relations entre les deux pays se sont toutefois tendues. Il va désormais falloir trouver un équilibre entre le besoin de reconnaissance d'une Turquie toujours plus ambitieuse à l'échelle régionale et les impératifs de sécurité américains.