Aux États-Unis, la gestion de la migration mexicaine passe par des moments de sécuritisation des mobilités, nichés dans des controverses techniques, partisanes, fédérales et citoyennes. L'article interroge l'opportunité d'une configuration d'acteurs de l'Arizona de présenter les mobilités transfrontalières comme une menace dont la gestion passerait par l'érection de « barrières ». Il s'interroge sur leur rôle dans la période ante-Trump dans la fixation des débats autour du « Build the wall ». L'analyse présente la centralité que constitue l'outil « barrière » dans leur entreprise de sécuritisation face à des dissensions locales, mais aussi la publicisation du récit pro-barrière via des séquences d'affrontements avec le gouvernement fédéral dans les arènes médiatiques, parlementaires ou judiciaires. Sur le plan théorique, une telle analyse propose de repenser le rapport entre acteurs sécuritisant et public en alliant deux corpus : les théories de la sécuritisation post-Copenhague et la construction des problèmes publics.
La paramilitarisation et la technicisation des pratiques de surveillance de la frontière de deux groupes de citoyens en Arizona donnent à réfléchir sur l'usage du concept de vigilantisme aux États-Unis. Les pratiques d'auto-justice, propres à la chasse aux migrants, semblent évoluer vers la constitution d'une expertise technique. Détenant et publicisant un savoir spécialisé sur les migrations et la contrebande, les deux groupes observés cherchent moins à recourir à la force contre les migrants qu'à mettre en cause les politiques de sécurité des forces de l'ordre en tant qu'experts. Toutefois, cette expertise questionne sur ses modalités, sa crédibilité et sa réception. Un tel affichage interroge également sur l'euphémisation des registres de justification de la surveillance ainsi que sur la teneur de la critique du monopole de l'État fédéral sur le maintien de l'ordre. Loin de diluer leur engagement politique, le recours à l'expertise apparaît finalement pour ces vigilantes comme un moyen de se réinventer et de rester pertinents dans un contexte de militarisation de la frontière.
Dans le champ des études stratégiques et de sécurité, le label « critique » est accolé à des travaux ayant réussi au cours des vingt dernières années à déconstruire les pratiques et discours de sécurité dominants. L'argument développé dans cet article est que le label peut être décortiqué conformément à trois postures scientifiques. La première est de nature ontologique : les « critiques » s'inscrivant dans l'élargissement du concept de sécurité dans l'après-guerre froide. La deuxième est de nature épistémologique et renvoie aux débats entre positivisme et postpositivisme sur le rapport aux savoirs en la matière. Enfin, la troisième relève de l'engagement intellectuel et motive des réflexions sur les méthodes mobilisées et sur la contestation des politiques de sécurité.
Beyond controlling mobility of undesirables, the function of the building up of "fences" on territorialboundaries is also to reassure fenced-in citizens. By analyzing the cases of Israel and the USA, thepresent dissertation investigates how the fenced territory becomes the place of a public performanceaimed to reassure Israeli and US citizens. The starting point of the demonstration is that such defensepolicies nourish social mobilizations (in Israel from 2001 in favor of a "security fence" in the WestBank; in Arizona from 2010 in favor of a "border fence" with Mexico). I rely on analyses ofrepresentations, actions and security practices of such mobilizations to investigate national andgeopolitical specificities. Beyond these specificities, I compare three analogous political operations bypro-fence movements in their political systems. First, they construct situations of mobility andpresence of undesirables as problematic. Second, they securitize these situations as a security issuescalling for a military response. Finally, they diffuse pro-fence framing by collective and dissentingactions against governments. Thus, they contribute to maintain a consensus over the role of themilitary in the construction and the management of a "public problem" of mobility in these twosocieties. ; En Israël et aux États-Unis, les politiques de défense matérialisant des limites territoriales au moyen de« barrières » ont pour point commun de susciter des mobilisations infra-étatiques (en Israël à partir de2001 pour une « barrière de sécurité » en Cisjordanie ; en Arizona à partir de 2010 pour une « barrièrefrontalière » avec le Mexique). Les opérations homologues de cadrage pro-barrière des situations demobilités et de présence de Palestiniens et de Mexicains que ces mobilisations remplissent, contribuentà entretenir le consensus sur le rôle du militaire dans la construction et le traitement d'un « problèmepublic » de la mobilité. Le territoire marqué par la barrière devient alors le lieu d'une performancepublique destinée à ...
Penser la frontière comme marqueur spatial délimitant l'aire de validité d'un ordre juridique souverain ne rend plus compte de manière satisfaisante des nouvelles formes d'articulations entre espace et politique. Sous les coups de la globalisation, de l'intégration régionale, des revendications séparatistes et indépendantistes, les frontières connaissent aujourd'hui des transformations profondes tout aussi bien de leurs formes que de leurs fonctions. Dès lors, la frontière doit être envisagée comme une construction sociale, fruit de rapports sociaux et de pouvoirs, tantôt marqués par des liens de coopération, tantôt par des formes d'oppositions entre les acteurs en présence. Elle gagne de ce fait à être saisie par les outils de la sociologie. Elle ne se révèle plus, comme l'envisage le droit international, unique, linéaire et intangible, mais au contraire multiple, réticulaire et fondamentalement mobile.
L'article interroge comment des savoirs experts produits « par le bas » participent au processus de politisation et de dépolitisation de l'action publique en matière d'immigration en France depuis 2017. Il compare l'expertise de groupes anti-migrants, qui sous le registre de la « crise migratoire » prônent un contrôle frontalier renforcé, à celle des mouvements solidaires qui dénoncent des pratiques étatiques au nom de l'accueil. La comparaison de ces mobilisations antagonistes fait émerger des similarités importantes dans l'usage des savoirs experts dans une politique migratoire construite sous l'angle du contrôle. Dans les deux cas, la constitution d'une expertise ne se traduit pas nécessairement par de la dépolitisation et apparaît comme une ressource politique ambivalente. Elle sert avant tout à ces mouvements d'outil de légitimation pour être audible dans l'action publique. Les anti-migrants se constituent en experts par mimétisme du langage et des codes techniques de leurs adversaires dans le but d'atténuer le caractère idéologique de leurs positionnements xénophobes qui autrement manqueraient de légitimité dans l'espace public. En revanche, les acteurs solidaires mettent en avant l'expertise acquise par l'observation et la participation à la gestion étatique de l'immigration afin de repolitiser l'action publique et revendiquer davantage de participation citoyenne.
En France, en Italie et dans l'Arizona (États-Unis), des groupes, des élus et des citoyens sont engagés dans la construction de la migration comme « problème » public. Quelles sont les actions, initiatives et stratégies discursives de ces entrepreneurs de cause anti-migrants ? La démarche comparative révèle la convergence des discours et des modes d'action tout en soulignant les différentes modalités d'articulation de ces acteurs dans leurs systèmes politiques respectifs. Les deux enquêtes menées en Arizona, pour l'une, en Italie et en France, pour l'autre, permettent d'identifier trois types d'opposition à l'immigration : des actions directes contre l'arrivée de migrants, se nourrissant d'un discours de l'abandon de l'État ; des actions qui ont trait à l'élaboration d'un savoir organisé commun à l'ensemble du mouvement ; des actions visant à produire une réaction politique, dans le but de mettre à l'agenda le contrôle migratoire et frontalier. Il convient dès lors de déterminer ce qui, dans ces actions, relève du vigilantisme, de l'action collective ou de l'action publique.