La pensée conspirationniste, qui postule que le cours de l'Histoire est déterminé par l'action secrète d'un petit groupe d'hommes désireux de voir la réalisation d'un projet de domination, s'est largement diffusée depuis la fin duxviiie siècle. Forme moderne de Providence sécularisée, dont la rhétorique entend convaincre par des modes de déduction d'apparence scientifique, elle est essentiellement un discours politique. Dès lors, la propagation de ces théories du complot est susceptible d'une analyse en termes de sociologie politique. Notamment pour considérer leurs usages, les acteurs qui les énoncent, et leur ambition de mobilisation. Le complotisme apparaît alors autant comme une ressource cognitive que comme un moyen de politisation. En ce début dexxie siècle, que le conspirationnisme nie la « version officielle » des attentats du 11-Septembre, ou qu'il alerte sur la campagne nationale de vaccination contre le virus H1N1, dans laquelle il perçoit un biopouvoir instrumentalisé, il vise surtout à peser sur l'agenda politique.
L'occultation progressive de la publicité des exécutions dans la France du tournant XIXe-XXe siècle, jusqu'à leur déroulement dans la cour d'enceinte des prisons, est un phénomène qui nous informe sur la nature du processus de civilisation. La dépublicisation du rituel exécutionnaire passe par la réduction de sa pompe, de sa durée, et son arraisonnement par l'espace pénitentiaire. Prise dans les politiques d'hygiénisation de la ville, la guillotine paraît délivrer une mort « sale » et sanglante qui donnerait le goût de la violence et devrait être ôtée à la vue. Cette « formalisation » révèle donc en double part le renoncement par le pouvoir à une technologie politique jugée inefficace et l'émergence de sensibilités s'accommodant mal désormais de la présence d'une effusion de sang dans l'espace public.