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Loin des idées reçues, cette histoire sociale et politique sans équivalent raconte et explore le "siècle ouvrier". Faisant la part belle aux témoignages, l'auteur trace les contours du quotidien ouvrier : travail, engagements, combats, mais aussi vie de famille, logements, loisirs. Il inscrit l'histoire de ces hommes et de ces femmes dans un siècle scandé par les crises, du Front populaire à Mai-juin 1968, en passant par les deux guerres mondiales et la crise des années 1930. Balayant bien des clichés - comme les liens indéfectibles entre partis de gauche et classe ouvrière -, cette synthèse novatrice nous livre les clés pour saisir la force et la complexité d'un monde qui incarne le XXe siècle français dans son aspiration à la solidarité comme dans sa récente déstabilisation

L'œuvre d'Alessandro Portelli est au cœur de cet article. L'historien italien a pratiqué l'histoire orale en trois lieux : Rome (massacre des fosses ardéatines), Harlan County dans les Appalaches (grèves et répressions de mineurs dans les années 1970) et la petite ville sidérurgique de Terni en Ombrie. L'article montre comment Portelli se met à l'écoute des récits des classes subalternes pour faire advenir des histoires qui sont aussi des contre récits. Refusant la position de surplomb, il prête une attention particulière à l'énonciation même, à la manière dont elle peut associer narration historique et récit légendaire.

Parmi toutes les raisons qui justifient la lecture des nombreux récits que Léon de Seilhac a consacrés aux classes ouvrières de la Belle Époque, beaucoup concernent directement les textes consacrés aux grèves. En premier lieu, le lecteur contemporain est immédiatement frappé par les enquêtes qu'il conduit, supposant par conséquent une interlocution avec les différents acteurs des conflits ; Seilhac est par ailleurs le témoin et l'observateur d'un certain nombre de conflits sociaux majeurs de l'époque, et en général d'un intense moment de conflictualité ouvrière à l'échelle nationale et européenne. Il se montre enfin attentif aux territoires, aux acteurs et aux répertoires d'action qui caractérisent ces grèves. C'est précisément cette richesse qui nous incite à l'examiner. Au lieu donc d'envisager ces textes comme des sources imprimées proposant un récit, il s'agit de soumettre la démarche même de Seilhac à l'analyse, en enquêtant sur son enquête et en regardant comment s'opère le passage de l'investigation à l'écriture de la grève.

Léon de Seilhac, né en 1861 et décédé en 1920, « délégué permanent » en charge du Service industriel et ouvrier au Musée social, est une source citée dans un nombre incalculable de travaux consacrés au monde et au mouvement ouvriers entre 1895 et 1914. Or l'homme, évoqué dans ces notes infrapaginales que scrutent les seuls érudits, mérite qu'on braque le projecteur sur lui parce qu'il se trouve en position de carrefour, à l'intersection de toute une série de réseaux, d'associations et d'initiatives ; et parce que ses travaux, très nombreux, participent d'une pratique déjà ancienne – l'enquête sociale ou l'enquête ouvrière – qu'ils contribuent à renouveler.