If the expression new town is no longer in vogue in the discourse on urban policies ofwestern countries, the reverse is true in the case of countries with strong economic growth and/orthose called South countries. For twenty years, for reasons of various orders ads projects "new towns"are legion. In this profusion, Algeria and Morocco are no exception. In the mid-2000s, the moroccanministry for town planning and housing announced the implementation of a program of "new towns"cash fifteen projects including one called Tamansourt, located in the outskirts of Marrakech. InAlgeria, in 1987, the National planning scheme recommends the creation of new towns in the HautsPlateaux and South. Meanwhile, "new towns", local emanation are launched, that is the case of AliMendjeli, near Constantine. Starting from the premise that the concept of new town " exceeded ˮ, wequestion the reasons prompting the algerian and moroccan public action to still be seized . Why dogovernments continue to use this type of development policy? This first question leads to two othercomplementary policies: how are they conducted and what are their territorial effects ? According toour first hypothesis , the performative and iconic efficiencies that intellectual representation, overtheir feasibility that have guided these options. Our second hypothesis is that there was nocapitalization of foreign experiences in the context of redefining and adapting the concept. Studiedacting arrangements do not fall under the urban planning or urban planning project , this statement isour third hypothesis. Our fourth hypothesis is that these actions are vectors more or less powerfulreterritorialisation the outskirts of Constantine and Marrakech. It will check whether the emergenceof centralities and/or new urban margins is observable. We want to verify the idea of the existence ofa wide gap between the "new town" ideational , that the project leader, and the "new town" lived ,that is to say that the inhabitants of daily life. ; C'est depuis peu, selon une échelle de temps urbanistique, que les pouvoirs publics algériens et marocains ont engagé la réalisation de projets d'aménagement dits de « villes nouvelles », dans les périphéries de grandes villes maghrébines. C'est notamment le cas en Algérie, près de Constantine, avec le projet d'Ali Mendjeli lancé en 1993, et au Maroc avec celui de Tamansourt, amorcé en 2004 à proximité de Marrakech.Un bilan détaillé des publications scientifiques portant sur les divers essais d'application de ce type de politique menés ailleurs et antérieurement (Brésil, France, Grande Bretagne, Égypte, Finlande, Japon, ex-URSS, etc.), montre que la ville nouvelle, en tant qu'outil d'aménagement du territoire et d'urbanisme, est un objet polémique qui attise à la fois la critique et la fascination, une pratique urbanistique qui a ses tenants et ses opposants. Partant de cette observation notre thèse cherche à éclairer les motifs qui sous-tendent la mise en œuvre de telles politiques dans des territoires jusqu'alors non-concernés par la doxa ville nouvelle. À ce premier questionnement s'en ajoutent deux autres : selon quelles modalités sont menées ces politiques et quels sont leurs aboutissements territoriaux actuels ? Notre recherche doctorale permet de vérifier les hypothèses suivantes :1. Un usage éminemment performatif de la terminologie « ville nouvelle »Les projets d'aménagement d'Ali Mendjeli et de Tamansourt ont été officiellement labellisés « villes nouvelles » en vue de la charge symbolique et émotionnelle véhiculée par cette appellation et non pour le réalisme opérationnel afférant à un tel énoncé. Il est démontré que ces projets sont incompatibles avec l'idée communément admise, par les chercheurs et praticiens en urbanisme ou en aménagement du territoire, de ce qu'est une ville nouvelle – ce que, pour notre part, nous dénommons le concept de ville nouvelle. Si, toutefois, les actions spatiales étudiées peuvent correspondre à ce concept, c'est essentiellement à travers les discours de mise en valeur et de légitimation, autrement dit à travers la communication et le marketing de projet. La faiblesse des moyens financiers, institutionnels, économiques, législatifs et politiques développés par les gouvernements au regard de telles ambitions socio-spatiales, témoigne de cette inadéquation. Il ressort que ces « villes nouvelles » sont davantage guidées par des opportunismes fonciers et immobiliers.L'hypothèse d'un usage de ce terme plus pour sa forme que son contenu est validée par le vide théorique des options d'aménagement qui ont présidé à leur création. Il n'y a pas eu de capitalisation des expériences étrangères, ni dans la perspective d'actualiser un modèle opératoire ayant connu ses principaux développements entre les années 1950 et 1970, ni en vue d'une prise en compte des spécificités territoriales algériennes et marocaines quant à l'implémentation de tels projets. Il est mis en évidence l'insuffisance, tant quantitative que qualitative, des représentations conceptualisées consignées dans les documents spécifiquement consacrés aux projets (rapports, études de faisabilité).2. Des villes nouvelles en tant qu'aménagement hybrideLes modalités décisionnelles de ces projets, qu'elles concernent leur mise en œuvre ou leur maîtrise d'ouvrage, révèlent des permanences mais aussi des ruptures dans les logiques de l'action publique urbaine algérienne et marocaine. Bien qu'ils possèdent chacun leur singularité, les projets d'Ali Mendjeli et de Tamansourt s'inscrivent tous les deux dans une logique de projet. Ils ne relèvent pleinement ni de la planification urbaine, au sens d'un « urbanisme de plan-masse » (Lacaze, 1995), ni du projet urbain tel qu'on peut le connaître au nord de la Méditerranée. Toutefois, certaines composantes relatives à ces deux logiques sont employées par les porteurs des projets. C'est pourquoi nous qualifions les modalités d'agir qu'ils expriment d'« aménagement de l'entre-deux » ou encore d'aménagement hybride, au sens d'un aménagement qui « n'appartient à aucun type, genre, style particulier, [mais] est bizarrement composé d'éléments divers » (CNRTL, CNRS, 2014).3. Des projets vecteurs de reterritorialisation de périphéries de grandes villes maghrébinesLes effets territoriaux de ces projets sont multiples. En premier lieu, ils participent d'une redistribution spatiale de la population à l'échelle des agglomérations qui n'est pas anodine. Par ailleurs, ces politiques d'aménagement génèrent autant de nouvelles centralités que la relocalisation et la recomposition de nouvelles marges urbaines : des urbanités peinent à s'y développer.L'entrée par l'analyse de la reterritorialisation, en confrontant les villes nouvelles idéelles – pour ne pas dire « idéales » –, c'est-à-dire celles des porteurs de projets, et celles vécues, c'est-à-dire représentées, pratiquées et appropriées par certains de leurs habitants, met en évidence de fortes distorsions entre les deux. L'étude des espaces vécus de villes nouvelles réelles permet d'apprécier le passage de la performativité potentielle à la performance avérée ou la performativité réalisée effective (Lussault, 1997). Ces projets bouleversent de ce fait les territoires péri-urbains selon une acception politico-administrative. Ils mettent en question les modalités de gouvernance territoriale des espaces dans lesquels ils s'inscrivent à travers son caractère conflictuel.4. Des projets singuliers malgré un label communLes projets d'Ali Mendjeli et de Tamansourt, l'un algérien et l'autre marocain, concordent avec les trois propositions précédentes du fait de caractéristiques convergentes : dimension conflictuelle du projet durant toutes ses temporalités, conception évolutive, introduction dans les systèmes d'action d'acteurs privés, influence forte du pouvoir central et déconcentré, etc. Néanmoins, en dépit d'une appellation identique et de certaines composantes relativement similaires, ces projets présentent aussi des différences structurelles fondamentales. L'une des caractéristiques de cette thèse tient dans le fait de ne pas lisser ces contrastes, d'autant que ceux-ci ne vont pas à l'encontre des trois affirmations ci-dessus, mais permettent au contraire de les affiner.Ainsi, la thèse de l'aménagement hybride doit être pondérée dans la mesure où le cas marocain indique une plus grande inclination vers l'urbanisme de projet que l'algérien. Le contexte d'autorisation des projets indique que s'il est fait recours à l'urbanisme réglementaire, c'est pour l'essentiel à des fins de justification et/ou de légitimation du projet. L'utilisation des plans est révélatrice d'un usage de la logique d'urbanisme de projet loin d'être consommé. Le rôle toujours prédominant des acteurs déconcentrés et non décentralisés, plus précisément des walis, l'atteste aussi. Toutefois, le canal d'autorisation du projet de Tamansourt, qui dénote un caractère essentiellement commercial et d'investissement, s'approche d'une certaine définition du projet urbain. La « ville nouvelle » de Tamansourt peut être considérée comme un ensemble résidentiel à vendre qui s'insère dans une démarche économique libérale. En outre, l'ouverture significative de la maîtrise d'ouvrage de la ville nouvelle marocaine, via des partenariats public-privé, à des promoteurs immobiliers d'envergure nationale voire internationale, est un indicateur supplémentaire d'une démarche s'inscrivant dans une logique de projet. De plus, toujours pour ce cas, la mise en image très soutenue de l'action, dans des visées de valorisation et de communication, l'asseoit d'avantage dans cette logique. Ainsi, et toujours plus particulièrement pour le cas de Tamansourt, nos analyses confirment l'une des propositions du programme de recherche « Faire la ville en périphérie(s) ? au Maghreb » (Signoles [dir.], 2006-2009), selon laquelle : « Si on prend en considération l'importance attribuée à la médiatisation des mégaprojets maghrébins, leur mise en image peut se substituer carrément au projet lui-même. […] Peut se créer ainsi une sorte d'effet mirage des grands projets des métropoles maghrébines du XXIe siècle, lesquelles semblent s'engouffrer dans une voie où la confusion risque de s'établir entre les possibilités réelles et concrètes d'aménagement et le rêve virtuel des images en 3D ». À défaut de ville-mirage, la ville nouvelle de Tamansourt est dénommée ville-fantôme par une partie de ses habitants…10L'état de territorialisation des projets présente aussi des différences. Il ressort que l'espace d'Ali Mendjeli s'est constitué en plusieurs étapes qui ont vu se succéder différents processus : marginalisation-démarginalisation-développement de centralités-émergence d'urbanités. Mais au bout du compte, en 2014, la ville nouvelle d'Ali Mendjeli possède une réalité urbaine certaine, ce qui n'est pas le cas de celle de Tamansourt, laquelle constitue plutôt une nouvelle marge périphérique de Marrakech. Si le facteur temporel, c'est-à-dire le décalage de dix années qui sépare le lancement de chacun des deux projets, peut expliquer en partie cette différence, d'autres facteurs interviennent : l'économie de rente permet à l'État algérien de subventionner la production de logements sociaux en très grand nombre, ainsi que la réalisation d'équipements – dont certains de rayonnement régional, voire national –, ce qui contribue efficacement à l'attractivité de la ville nouvelle d'Ali Mendjeli, au développement de sentiments d'appartenances territoriales ainsi qu'à la cristallisation d'urbanités d'un ordre nouveau, ces deux caractéristiques n'étant pas sans rappeler l'idée de ville émergente (Chalas, 1997).5 D'un point de vue méthodologique, l'une des ambitions de cette thèse réside dans sa manière d'envisager la comparaison. A priori, les projets d'Ali Mendjeli et de Tamansourt disposent de caractéristiques communes : localisation dans la périphérie d'une métropole régionale intérieure maghrébine, qualification homonyme, projections. Toutefois, des différences tant contextuelles et substantielles ont été anticipées : économie de rente fortement centralisée versus économie libérale, concentration du pouvoir politique versus mouvement de décentralisation, etc. Cela nous a conduit à mener une forme de regard croisé, plus qu'une comparaison stricto sensu, c'est-à-dire termes à termes. Notre approche ressort d'une mise en perspective de la déconstruction et des effets territoriaux de ces actions d'aménagement. En fonction d'entrées analytiques communes (genèse, maitrise d'ouvrage urbaines, effets territoriaux), le cas de Tamansourt éclaire d'avantage celui d'Ali Mendjeli et inversement : « Il s'agit de procéder à une réflexion qui va et vient de l'un à l'autre » (Gervais-Lambony, 2003).6 Privilégiant une démarche pragmatique et critique, s'appuyant sur des données qualitatives, ce travail mobilise les outils théoriques du système d'action (Crozier, Friedberg, 1977), de la justification (Boltanski, Thévenot, 1991), de la sociologie de l'émancipation (Boltanski, 2009) et de la géographie sociale (Di Méo, 1991). Les méthodes d'enquêtes employées comprennent de nombreuses observations in situ échelonnées entre 2007 et 2010 ; une centaine entretiens semi-directifs avec des acteurs variés (opérateurs public de l'habitat régionaux, collectivités locales, services déconcentrés, départements ministériels, habitants) ; la collecte de documents de types divers (études d'aménagement et documents de planification, rapports et notes internes, contrats de PPP, plans, cartes schémas, plaquettes promotionnelles, etc.). Enfin nos résultats s'appuient sur des séjours qui m'ont conduit à résider plus d'un mois dans chaque ville nouvelle, afin d'apprécier les centralités et urbanités potentielles de ces espaces de villes nouvelles, en y vivant au quotidien et au plus proche de leurs habitants.
In contrast to topical trends of mediatic discourse analysis (predominantly focused on newspapers from the 21st century), this thesis aims at analyzing the discourse of a French newspaper called Le Petit Comtois (1883-1944). Rooted in various fields of research, namely corpus linguistics, "discourse analysis from a historical viewpoint" (Robin, Maldidier, Guilhaumou), "textual analysis of discourse" (Adam, Heidmann) and lexical statistics (Lebart, Salem), this thesis questions the contributions of a new numerical philology (Rastier; Viprey).This work is based on two complementary axes of research: on the one hand, we worked on the constitution of a textual database with the aim of accurately editing, controlling and normalizing it in order to allow for a revival of interdisciplinary studies led on regional 19th century newspapers. Therefore, our point is to propose some methodological approaches in order to overcome technical obstacles which occur during the acquisition and the sharing of large volume of textual data. The construction and the normalization of the database condition the heuristic confrontation of points of views and the choice of textual sciences methods for the analysis.On the other hand, our objectives are to highlight the specificities of Le Petit Comtois discourse during the period 1883-1903. Exploring a 5.5 million-word corpus, we mainly use the textual statistical methods to produce the emergence of the linguistic, textual and discursive reliefs of the text itself in order to use them as clues for the continuation of the analysis, with the aim to overtake the traditional entrance of the vocabulary used in lexicometry and its ways to approach textuality. ; À la différence des tendances actuelles de l'analyse du discours médiatique, majoritairement tournée vers la presse nationale contemporaine, notre thèse vise un titre régional du XIX e siècle : Le Petit Comtois (1883-1944). Plongeant ses racines dans différents terreaux de recherche, à savoir la linguistique de corpus, l'analyse du discours du côté de l'histoire (Guilhaumou, Robin), la statistique textuelle (Lebart, Salem) et l'analyse textuelle du discours (Adam, Heidmann), cette thèse interroge les apports d'une nouvelle philologie numérique (Rastier; Viprey, Mayaffre) se fixant pour programme de renforcer l'accès aux matérialités discursives.Cette thèse articule ainsi deux axes de recherche complémentaires : d'une part, les conditions de la constitution d'une base de données textuelles finement établies, contrôlées et normalisées selon les recommandations XML-TEI, visant à favoriser le renouveau des lectures interdisciplinaires de la presse régionale de la Troisième République (chapitre II).Il s'agit, ce faisant, de proposer des pistes méthodologiques en vue de la levée des obstacles techniques pesant sur l'acquisition et le partage de grands volumes de données textuelles, dont dépendent les avancées des sciences du texte. Partant, on replacera ces pistes dans la perspective des débats théoriques contemporains en linguistique textuelle et linguistique de corpus.D'autre part, notre objectif est d'apporter un éclairage sur le discours du Petit Comtois sur la période 1883-1903 à partir d'un corpus de 5,5 millions de mots en articulant diverses méthodologies et niveaux d'analyse, de sorte à appréhender dans toute son hétérogénéité et sa complexité l'objet texte. Si notre recherche s'appuie principalement sur les outils de la statistique textuelle qui permettent de faire monter du corpus lui-même ses reliefs linguistiques, textuels, discursifs, envisagés comme des vecteurs d'exploration, elle vise à dépasser la traditionnelle entrée du vocabulaire sur laquelle se fonde la lexicométrie, et ses modes d'approche traditionnels sur cette entrée même.Parce qu'un texte est tout d'abord inscrit sur un support matériel signifiant, notre premier temps d'analyse textuelle du discours du Petit Comtois (chapitre III) est ainsi consacré à l'analyse de la mise en forme de l'information, telle qu'elle se donne à lire à travers l'organisation matérielle de l'aire scripturale (Peytard) et les niveaux d'organisation que sont le rubriquage et le système de titres du quotidien.Plus qu'un simple « chemin de fer » ayant pour fonction de catégoriser l'information, le rubriquage constitue un des ressorts principaux de la rédaction pour hiérarchiser l'information. Parce qu'il rend compte des catégories par lesquelles le quotidien découpe le monde, ce niveau constitue un lieu d'accès privilégié à l'identité du quotidien. Une analyse quantitative du rubriquage, mesurant la surface, l'emplacement topographique de chaque rubrique, sa fréquence moyenne, nous a permis d'observer, outre les thématiques principales du quotidien, les stratégies par lesquelles celui-ci hiérarchisait l'information. Ce volet d'analyse nous a permis d'observer que Le Petit Comtois, à l'instar de la presse quotidienne régionale de la Troisième République, fait la part belle aux événements de portée nationale et internationale, ainsi qu'à la vie politique de la Troisième République. Un examen linguistique des intitulés de rubrique du journal a pour sa part démontré la forte mise en valeur de la coïncidence de la temporalité de l'imprimé quotidien avec celle du monde, ainsi qu'une forte persistance des liens avec la matrice littéraire (Thérenty), perceptible notamment à travers la prédominance des intitulés de rubrique référant à l'écriture épistolaire.Notre intérêt s'est ensuite porté sur les titres du Petit Comtois, dont nous avons interrogé les caractéristiques linguistiques et fonctionnelles, les variations et les régularités en diachronie. Celles-ci ont été analysées à partir de l'étude d'un sous-corpus substantiel de 6910 titres, extrait d'une des rares rubriques comportant des titres de façon permanente de 1883 à 1903 : les « dépêches de nuit ». En premier lieu, au terme de l'analyse, a été dégagée la fonction de classification de l'information dans un horizon thématique, géographique ou historique assurée par les titres, au détriment d'une fonction d'annonce et de condensation de l'information principale de la dépêche. En second lieu, dans cette rubrique emblématique du journalisme d'information inscrite dans un quotidien revendiquant sa fonction d'organe porte-parole d'une sensibilité politique, les titres sont le lieu d'une coloration de l'information livrée par la voix du correspondant ou de l'agence Havas et donc des indices précieux de l'ethos discursif (Amossy) du quotidien : tout en exprimant sa lecture de l'actualité, Le Petit Comtois recourt à une parole railleuse et ludique, un certain franc-parler, visant à entretenir la connivence et la proximité avec son lecteur.Dans un second mouvement (chapitre IV), nous avons entrepris une série d'explorations dans le vocabulaire du Petit Comtois, entendues comme le socle d'un parcours objectivé du discours du journal. Une série de prise de vue sur le vocabulaire du Petit Comtois ont ainsi été constituées.L'index hiérarchique du corpus, analyse fort classique en lexicométrie, a livré une première indication sur la consistance lexico-thématique du corpus, en confirmant notamment l'ouverture du quotidien sur un horizon politique dont Paris est le cœur géographique et l'importance de la temporalité dans Le Petit Comtois.Une seconde analyse, tout aussi classique en lexicométrie, a consisté à examiner la ventilation du vocabulaire en diachronie (ou niveau macro-distributionnel) grâce aux méthodologies de l'AFC : celle-ci a pointé pour sa part une très nette division du corpus en deux séquences chronologiques distinctes : 1884-1896 d'une part, et 1897-1903 d'autre part. L'analyse des profils macro-distributionnels des items, associée à un mouvement de retour au texte, nous ont permis d'interpréter ce clivage comme l'opposition entre une première séquence marquée par un contexte colonialiste et revanchard ainsi que par les fameuses « affaires » politico-financières, et une séquence chronologique témoignant pour sa part d'un tournant radical et de l'intensification des débats autour de la question sociale.Nous nous sommes ensuite tournée vers l'analyse de la configuration fine du vocabulaire (niveau micro-distributionnel - Harris), mode d'accès privilégié à la textualité-texture, à ses dimensions non linéaires (tabulaires, réticulaires), encore insuffisamment exploitées et conceptualisées. L'analyse micro-distributionnelle du vocabulaire du Petit Comtois a ainsi suggéré que la configuration fine du vocabulaire s'organisait autour de quatre pôles isotropiques (Viprey), à consistance lexico-thématique voire rhétorico-stylistique, évoquant respectivement (1) les faits divers et leur passage en justice, (2) la vie législative, (3) les réseaux locaux de sociabilités, et enfin, (4) le vocabulaire du politique, voire de l'idée républicaine.Nous avons voulu observer l'évolution diachronique de cette configuration fine en diachronie. De façon très stimulante, si l'on tient compte des résultats livrés par l'examen du niveau macro-distributionnel et de la nature du discours étudié, la structure fine du vocabulaire se révèle extrêmement stable en diachronie. De rares items témoignent d'une évolution significative de leur co(n)texte d'une diachronie à une autre. Il est intéressant de remarquer que ceux-ci sont particulièrement emblématiques des évolutions socio-politiques dont prend acte la fin d'un très long XIXe siècle. C'est notamment le cas de la forme ouvriers, dont l'évolution très nette du profil collocatif marque celle de son sens. Dans un dernier temps, nous avons examiné les facteurs responsables de la stabilité du rubriquage observée : l'analyse des spécificités des rubriques a ainsi révélé une forte corrélation entre le niveau du rubriquage et celle de la structure fine du vocabulaire. L'invariance des « motifs » lexicaux et stylistiques du quotidien nous suggère donc que l'actualité et son essence présupposée « fluctuante », restent contrôlées et organisées par les pratiques routinières journalistiques, renvoyant tant à la sélection de l'information qu'à sa mise en scène comme événement. Enfin, un dernier temps de cette recherche (chapitre V) est dédié à la consolidation d'une méthode de typologie en corpus, appliquée au classement des rubriques, basée sur le niveau morphosyntaxique. À la recherche d'une typologie discursive des rubriques du Petit Comtois, ce volet d'analyse examine les vertus et les insuffisances d'un étiquetage automatique et explore les perspectives offertes par l'AFC en vue d'un dialogue continué avec les données. Devant être envisagé comme le préalable à une analyse linguistique des genres journalistiques qui croiserait le niveau du vocabulaire et le niveau de la morphosyntaxe tout en tenant compte du plan compositionnel du texte (Bakhtine) grâce à un encodage xml-tei, cet empan de nos recherches constitue une investigation méthodologique visant à se doter d'un protocole robuste et transparent d'analyse.À la suite des travaux pionniers de Douglas Biber, de nombreuses études de typologie textuelle convoquent aujourd'hui le niveau morphosyntaxique. La logométrie, telle que définie par D. Mayaffre, perçoit d'ailleurs dans les progrès de l'étiquetage automatique un renouvellement décisif de l'analyse des données textuelles. Cette position implique de s'accommoder du taux d'erreur intrinsèque aux données issues d'un étiquetage automatique, dont l'influence est supposée modérée par la méthodologie statistique utilisée. Une analyse du discours soucieuse de la matérialité du texte ne peut néanmoins se satisfaire de ce taux d'erreur : entendant l'annotation morphosyntaxique comme un véritable état du texte, elle implique au contraire un étiquetage fin du niveau morphosyntaxique. Or, l'expérience menée dans le cadre d'une entreprise typologique des rubriques du Petit Comtois montre que l'étiquetage automatique réalisé par Cordial est loin d'être suffisant pour répondre à cette prétention : l'étiquetage opéré reste un étiquetage « en langue », aux insuffisances duquel s'ajoutent les limites du lexique interne de Cordial. On regrettera par ailleurs la pertinence discutable des catégories statiques de la grammaire traditionnelle convoquée par ce logiciel.En raison de ces insuffisances et en attendant de mener une contre-expérimentation basée sur un étiquetage fin et contrôlé de nos données, il nous semble ainsi devoir prendre quelques précautions avec les résultats obtenus de notre analyse, fort stimulants au demeurant. En effet, notre analyse des variables morphosyntaxiques dans les rubriques du Petit Comtois met au jour des facteurs très discriminants, parmi lesquels, d'une part, des variables assez inattendues (à l'instar des déterminants définis) et d'autre part, des facteurs faisant écho aux critères génériques journalistiques. On peut interpréter la configuration typologique des rubriques obtenue comme étant notamment fortement structurée par l'opposition entre les productions discursives à énonciation impliquée et les productions caractérisées par un effacement énonciatif, configuration affinée par le degré de complexité des phrases et leur longueur. Le genre semble donc un « facteur » structurant de cette typologie, ce qui nous semble devoir être mis en lien avec la taille colossale du corpus étudié et la méthodologie statistique utilisé, puisque l'AFC donne une représentation synthétique des tendances lourdes voire structurelles d'un ensemble de données. En l'occurrence, le genre est cette tendance, qui, dans la lignée des postulats de l'analyse du discours, s'avère déterminant dans la typologisation des productions discursives journalistique du Petit Comtois.
This thesis deals about jūdō, with jūdō as the transcription of the Japanese word 柔道 and the abbreviation of Kōdōkan jūdō講道館柔道 the method founded in 1882 by Kanō Jigorō嘉納治五郎(1860-1938). More specifically, it comes to exploring and analyzing how he defined judo, without involving other contemporary or later interpretations. We explored the intimate connection between the creation and the creator, trying to understand what was the motivation of this man, how he structured his method, why he did it this way. We also analyzed its speech – should we say speeches – about judo. In other words, we focused on judo as the work of a man driven by his ideas, ideals and. character!In three parts, the first devoted to the process, the second on method and the third on the Discourse on Method, as well as the evolution during about sixty years, we attempted to clarify the process of creation, to distinguish between the legacy and contributions, the discourse and practice, to enable the historian, the sociologist, the educator, the philosopher, to better observe how the experience of a young idealist man (Kano Jigoro was 21 years old when he created Judo) became a global discipline. ; Cette thèse traite du jūdō, où jūdō est la transcription du mot japonais 柔道 et l'abréviation de Kōdōkan jūdō 講道館柔道, la méthode fondée en mai 1882 par Kanō Jigorō 嘉納治五郎 (1860-1938). Plus précisément, il est question d'explorer et d'analyser comment ce dernier définit le jūdō, sans y mêler les interprétations autres, contemporaines à cette création ou postérieures. Il s'agit de creuser le lien intime entre la création et le créateur, d'essayer de comprendre quelle a été la motivation de cet homme, la façon dont il a structuré sa méthode, les raisons pour lesquelles il l'a fait de cette manière, ainsi que d'analyser le – ou plutôt les – discours dont il l'a entourée ; en d'autres termes, il s'agit de se concentrer sur le jūdō comme l'œuvre d'un homme poussé par ses idées, ses idéaux et… son caractère !Il ne s'agit pas, en revanche, d'aborder cette étude sous l'angle du jūdō comme fruit d'un contexte social, historique et culturel particulier, dans un Japon dont la situation intérieure comme internationale connaît sur cette période de profonds changements, ou dans un contexte qui voit la mise en place, en Occident, de l'éducation physique, du sport, des Jeux Olympiques ou d'initiatives de méthodes de formation globale pour la jeunesse. Le judo est aujourd'hui mondialement connu et pratiqué. Au travers de sa diffusion, c'est un peu de la culture japonaise, réelle ou fantasmée, qui s'est répandue.Mais qu'est-ce que le judo ? Quelle est – était ?– son ambition réelle ? Ce sont là des questions sur lesquelles personne ne semble s'être encore réellement penché et à laquelle nous avons essayé de répondre.Apprécié des savants de renommée internationale – c'est ainsi qu'en France il s'impose au travers de la fascination qu'il exerce dans les années 1930 sur des gens comme Frédéric Joliot –, qui y voient une science de l'exploitation des principes physiques et mécaniques, tout autant que des forces de police (qui y trouvent un facteur de leur sécurité), des éducateurs et pédagogues (qui y voient pour leurs élèves un bon moyen d'apprendre à se confronter sans grand danger, ainsi qu'à gagner en maîtrise de soi et en confiance), des passionnés d'arts martiaux (qui y recherchent un message ésotérique ou simplement une attitude « traditionnelle »), des sportifs (qui s'intéressent à l'activité physique et aux compétitions sportives), des férus de self-défense ou de combat dit « réel » (qui y recherchent les clés de l'efficacité), le judo apparaît multi-facettes. Il jouit, auprès du grand public, d'une image positive et nombre de parents souhaitent y inscrire, au moins un temps, leurs enfants, pour toutes les raisons évoquées et pour cette aura globalement « éducative » qui l'entoure.Ainsi, ceux qui se rendent dans un dōjō de judo, et y revêtent un « kimono » font bien en apparence la même chose, y mettent parfois la même énergie, souvent la même passion, mais leurs mots pour décrire le judo/jūdō et leur recherche diffèrent tant qu'il semble parfois impossible de concilier leurs discours. Le judo apparaît alors sans unité, sans identité.Répertorier et croiser ces différentes conceptions d'une même activité constituerait un passionnant ouvrage sociologique, mais pour comprendre ce qui les unit au-delà des divergences apparentes, il est une question non encore résolue : qu'était le jūdō à l'origine ? Comment a-t-il été conçu ? Pour répondre à cette question, il faut remonter dans le temps, plus précisément d'un peu plus de 120 ans.120 ans, c'est peu. Pourtant la recherche, le voyage aux sources du judo n'est pas sans difficulté. Ainsi le judo appartient-il, d'une certaine manière, à la sphère dite des « arts martiaux », un domaine qu'il s'agit d'aborder avec beaucoup de précautions, avec objectivité (et donc distance) mais sans en laisser échapper les éléments essentiels (ce pour quoi l'intimité peut être un atout).La formation universitaire m'a ouvert les clés de la langue japonaise, de la compréhension des textes, et surtout de la méthode et de l'attitude du chercheur. La fréquentation assidue des dōjō (depuis 25 ans), un 4e dan [au moment de la soutenance de la thèse] et des responsabilités dans la vie du judo au niveau local (secrétaire général de la ligue de Paris) m'ont offert de porter un regard particulier et prolongé sur la discipline.En trois parties, la première consacrée à la démarche, la deuxième à la méthode et la troisième, au discours de la méthode, ainsi qu'à l'évolution de celui-ci sur presque soixante ans, il s'agira de clarifier le processus de formation, de faire la part entre l'héritage et les apports, le discours et la méthode, afin de permettre à l'historien, au sociologue, au pédagogue, au philosophe, de mieux observer comment l'expérience d'un jeune homme (Kanō Jigorō a 21 ans lorsqu'il crée le jūdō) idéaliste est devenu une discipline planétaire.EXPLICATION DES RECHERCHES PREALABLES A LA REDACTION Il était essentiel, devant la multitude des discours qui entourent le judo, d'aller chercher au plus près des sources, dans le temps comme dans l'espace, les indices laissés par Kanō Jigorō, le but étant d'offrir la vision la plus claire possible de l'ambition première du jūdō au travers d'une démarche universitaire fondée sur l'étude des écrits des générations précédentes. En 1999, lorsque j'ai débuté cette étude, je ne savais pas si Kanō Jigorō avait écrit ou non. Non seulement aucun texte de sa main ne circule en Occident – il y a bien, en annexe de Le jūdō, école de vie 4 , un texte, présenté comme étant la transcription d'un discours prononcé par Kanō Jigorō mais il est absolument inexploitable d'un point de vue scientifique puisqu'on ne sait ni dans quelle langue, ni à quelle date, ni dans quelles circonstances, il aurait été prononcé – mais, au Japon même, tous les professeurs interrogés semblaient l'ignorer ou, du moins, ne pas savoir comment y avoir accès. Il m'est ainsi vite apparu que le problème des sources représenterait la plus grosse difficulté technique de ce travail. J'ai donc commencé par essayer de me constituer un corpus réunissant témoignages et études sur l'histoire du jūdō. En langues occidentales, du moins dans celles qui me sont accessibles – français et anglais – je n'ai rien trouvé. Il y a bien sûr quantité de livres techniques, mais aucune étude sur la démarche de Kanō Jigorō. Une première bonne surprise toutefois : la découverte à la Bibliothèque nationale de France de deux écrits de Kanō Jigorō rédigés en anglais : le premier, Jiujutsu (柔術), the old samurai art of fighting without weapons , et le second Judo (Jūjutsu). Restaient les documents en langue japonaise. Laisser de côté toutes les publications techniques pour se concentrer sur les études historiques est un travail décevant : la plupart des livres historiques sur le jūdō sont des biographies de Kanō Jigorō et non des études de sa démarche, de son discours ou de la méthode. Néanmoins désireux d'approfondir cependant ma connaissance de l'homme, je passai de longs mois à étudier la vie de Kanō. J'hésitai même alors – faute de trouver les sources qui m'étaient nécessaires – à concentrer et réorienter mon travail sur l'homme plutôt que sur sa création. Leur lecture consciencieuse m'a cependant permis une découverte inattendue : l'unité des discours, jusque dans la formulation, laissant deviner qu'ils avaient puisé à la même source, qu'il devait exister un texte original, probablement écrit de la main de Kanō Jigorō. J'ai d'abord découvert un premier recueil de textes, organisé par thèmes et composé de trois tomes pour environ 1500 pages. Récent, mais au tirage confidentiel, il est difficile à trouver. Il est l'une des sources essentielles de mon travail de DEA consacré aux combats pour l'éducation menés par Kanō Jigorō dans les années 1882-1898. Par la suite, la bibliothèque de la Diète et surtout les librairies d'occasion du quartier Jinbochō à Tōkyō m'ont livré leurs trésors, et j'ai pu constituer un corpus de 575 textes de la main de Kanō Jigorō pour un total de 5000 pages. La découverte, dans un carton non déballé en provenance directe de l'éditeur, sous les étagères poussiéreuses d'une de ces fameuses librairies, d'un recueil en quinze tomes, dont je connaissais l'existence mais que je n'avais jamais pu consulter, a été déterminante !La plupart sont des articles, d'autres des transcriptions de discours ou encore des préfaces, certains font une page, d'autres plus de 200. La période couverte va de 1888 à 1938 et les thèmes abordés sont très larges : le jūdō, bien sûr, mais aussi sa vie, l'éducation, la politique, les relations internationales, des impressions de voyage… PRESENTATION DES PRINCIPES METHODOLOGIQUES A partir du corpus finalement constitué, j'ai pu me concentrer sur les textes en rapport avec le jūdō, et proposer une analyse de la façon dont Kanō le conçoit, de manière non à en explorer tous les aspects, mais en m'efforçant de constituer un socle sur lequel appuyer les recherches futures dans le domaine. De prime abord, la lecture de ces différents textes est source de confusion. En effet, les définitions du jūdō se succèdent, les explications concernant son rôle, ses buts et objectifs ne cessent d'être modifiées. Ainsi, si dégager des thèmes fut ma première tentation, ce ne fut pas la plus fructueuse. C'est pourtant l'exercice auquel se prêtent tous les auteurs et éditeurs. Or, j'avais pu noter que tous ne retiennent qu'une part de ces définitions et toujours la même. Mon hypothèse a donc été qu'il devait s'agir là d'une sorte d'état final de la pensée du fondateur. Pour m'en assurer, j'ai comparé trois textes : le plus ancien texte de présentation complète du jūdō par Kanō Jigorō – une conférence de 1889 9 – et le plus récent, une autre conférence datant de 1938 10 , soit quelques semaines avant sa mort. J'en ai ajouté un troisième, d'une part parce qu'il était à peu près à égale distance dans le temps des deux autres (publié en série entre 1915 et 1916), d'autre part parce qu'il se veut une présentation complète du jūdō. La comparaison de ces textes, tant dans le fond que dans la forme s'est révélée éclairante, l'évolution de la pensée apparaissant nettement. Classer les textes dans leur ordre chronologique permet de démontrer que le jūdō n'a pas, pour Kanō Jigorō, plusieurs définitions à la fois, mais bien une en fonction des périodes et qu'il ne revient (pratiquement) jamais sur l'une d'elles une fois passé à une nouvelle formulation, pas plus qu'il n'explique comment et pourquoi il est passé de l'une à l'autre. Ainsi l'organisation chronologique de ces textes, de 1888 à 1938, à laquelle je me suis attelé, donne soudain la vision d'une pensée en marche qui évolue d'un texte à l'autre de manière perceptible, et à la compréhension de laquelle tous les écrits peuvent enfin contribuer. Mon travail a alors consisté à constater et répertorier ces différentes étapes puis à essayer de comprendre comment et pourquoi Kanō Jigorō a pu passer de l'une à l'autre en prenant pour indices les faits, les anecdotes, évoqués dans ses différents textes. Il m'a semblé pertinent de présenter les conclusions auxquelles j'ai abouti selon une logique personnelle, reconstruite à partir de cette étude, et selon le découpage suivant : une première partie consacrée à la démarche de Kanō Jigorō, une deuxième à la méthode, sa structuration, ses éléments, leur construction et rôles, et une troisième aux discours, et évolution de ceux-ci, sur la méthode et démarche. Ainsi, la première partie consacrée à la démarche resitue-t-elle d'abord le jūdō dans l'histoire du combat – armé ou non, duel ou sur le champ de bataille, réel ou rituel – au Japon avant de s'intéresser au caractère de Kanō. Puis je retrace le parcours conceptuel de celui-ci, qui le mène de jū, « l'adaptation », à seiryoku zen.yō, « bonne utilisation de l'énergie », au travers de phases conceptuelles et formulations intermédiaires.La deuxième partie, qui concerne la méthode, décrit et explore le jūdō tel qu'il doit se pratiquer dans les dōjō pour Kanō : kata, randori, mondō, kōgi. Je les définis comme étant quatre piliers de la pratique qui concernent trois domaines : celui du combat, celui du corps, et celui de l'intelligence et de la morale, domaines auxquels sera ajouté à partir de 1915 et plus précisément encore à partir de 1922, un quatrième, celui de l'application dans la vie quotidienne des principes du jūdō. Quatre piliers, trois domaines et enfin trois éducations : l'éducation physique, l'éducation intellectuelle, et l'éducation morale.La troisième partie concerne le discours. Discours qui connaît trois grandes périodes : la première est marquée par son absence, où plutôt la seule promesse d'un idéal social, jusque 1915 ; la deuxième consiste en une période normative, jusque 1922 ; la dernière, enfin, est caractérisée par un certain apaisement, s'agissant d'inviter simplement à la réflexion d'abord de manière fortement incitative, puis plus discrètement et légèrement. Ce discours, foisonnant et souvent indissocié, je l'analyse enfin selon trois cercles contextuels : celui du combat, celui de l'attitude quotidienne, et celui de l'idéal. CONCLUSION DU TRAVAIL DE RECHERCHESi l'étude des textes m'avait permis de recenser des faits, des intentions, des colères, des étonnements, des explications, des discours, il restait à les organiser. C'est cette méthode de travail qui justifie le titre définitif : « Kanō Jigorō et l'élaboration du jūdō » car je propose de découvrir comment, petit à petit, pierre après pierre, choix après choix, Kanō construit le jūdō. Organiser les éléments est déjà source de découvertes mais c'est leur analyse qui s'est révélée la plus fructueuse. Et c'est dans ce cadre que l'idée qui est devenue le sous-titre, le « choix de la faiblesse », s'est imposée, d'abord timidement, puis de façon de plus en plus obsédante jusqu'à devenir une sorte d'évidence en comparant les faits, anecdotes et récits de Kanō. Le « choix de la faiblesse » est la thèse que je propose, c'est ma lecture du jūdō et du système de pensée de Kanō.Le jūdō est conçu pour que le faible, s'il utilise habilement ses ressources et le contexte, ait une chance de se trouver en position de force, et aussi que le fort agisse avec prudence, conscient que toute situation est relative et temporaire, préparant le temps – qui souhaitonsle lui, ne viendra pas – où il se retrouvera en position de faiblesse. Cette pensée ne conditionne pas seulement la conception et la méthode de combat mais jusqu'à la vision du comportement attendu de l'individu comme acteur social. L'étude des textes montre que Kanō Jigorō portait trois projets distincts tout autant qu'entrelacés, unis globalement dans le mot jūdō. Le premier, c'est l'étude et l'enseignement du principe qui permet l'efficacité. Le second, c'est la mise en application par chacun de ce principe dans la société. Le troisième, c'est la formation de chacun selon son idéal de l'homme et de la société.Le jūdō devait changer l'homme et la société. Cela l'a-t-il fait ? Cela le peut-il encore alors que le jūdō apparaît aujourd'hui tronqué tant dans le discours du fondateur que dans sa méthode ? C'est un autre débat. ; 起草前の研究について柔道に対しての言説は様々である。だから出来るだけ柔道の原点の理想をはっきり理解するように前の世代の文献の研究の基となる学術的方法を通して嘉納治五郎の残した手がかりを得ろうとすることは不可欠である。研究の始まった1999 年私は嘉納が文書を残していたかどうか知らなかった。西欧には何も出版されていなかった。フランス語で書かれた柔道についての本Le jūdō,école de vie1 (『人生の学校としての柔道』)の付録には嘉納の演説を基にした文献があるが、その演説が日本語であったか、他の言語であったか、いつどこでどのような状況で話されたか、全くわからず、学術的には利用出来ない。日本でも多くの柔道の指導者に彼の著作が実際にあるかどこで探したらいいかと聞いても答えを得ることはできなかった。この研究の最も難しい学術的問題はまずは文献を探すことであるということはすぐに分かった。したがって柔道の歴史についての記録や研究の本を集めるべく努力した。自分が読める言語、仏語と英語では何もないことが分かった。柔道の技についての本はたくさんあるが、嘉納治五郎が柔道をどのように構想したかについては何もなかった。ただ、パリの国立図書館でJiujutsu (柔術), the old samurai art of fighting without weapons2 とJudo (Jūjutsu)3 と題された嘉納治五郎の英語の著作を見つけ驚いた。残るは日本語の文献のみとなった。技術に関する出版物は避けて歴史のみを扱う文献を研究しても結果は期待に沿うものではなかった。柔道の歴史の本の大部分は嘉納の伝記であり、彼の仕事、書物、またその方法の研究ではなかった。嘉納治五郎の人生を出来るだけ詳しく知るべく伝記の研究に数カ月を費やした。何冊も真面目に読んでいくうち予期せぬ発見をした。どの著者でも同じことを説明しており、言葉の選び方まで近いので皆同じ原典から本を書いたということが分かった。その原典は嘉納治五郎自身の著作ではないかと考えた。そこで手に入れるのは容易ではなかったが、最近出版された、三巻からなり1500 頁に及ぶテーマ別の嘉納治五郎著作集4 を見つけることができた。1882 年から1898 年に嘉納治五郎が教育のために戦かった過程を追ったこの文献が私の専門研究課程修了論文の基となった。その後国会図書館からも、東京の神保町の古本を扱う書店からも嘉納の文献を手に入れることができ、合計約5000 頁の575 件の文献を集めて研究することができた。埃かぶって開けた形跡のない出版社のダンボール箱の中に15 巻からなる嘉納治五郎体系5 という著作集をある古本屋で発見、これが研究の中核となった。嘉納治五郎の著作の大部分は記事で、その他は演説や序文などである。1 頁だけのものもあり、200 頁以上のものもある。時期としては1888 年から1938 年までで、柔道は当然のこと、彼の生涯や教育や政治や国際関係や旅の印象なども含まれておりテーマは広い。研究方法について揃った資料文献から柔道に関するものに重点をおき、嘉納の柔道構想について分析ができたと考える。すべての側面を研究できたわけではないが少なくとも将来この分野においての調査の基となるものを築こうと力を尽くした。はじめに、これらの様々な文献はそれ自体混乱の源である。実際、柔道の定義は何度も出てくるし、柔道の役割の説明、目的などは次々と修正されていく。なのでテーマを分類したい誘惑にかられたが、それは実りの多いものではなかったし、すでに多くの著者、編集者がしてきたことだった。さて、私はすべての定義において、いつも同じある一部分のみが使われていることに気づいた。というわけで私は、この部分が創立者の完成された思想であるのではないかと仮定した。そのため、三件の文献を比較することとした。まず柔道に関して最も古い講演である1889 年のものより『柔道一班並ニ其教育上ノ價値』1 と、最も新しく、1938 年彼の亡くなる数週間前に行われた講演より、『柔道の根本精神』2。三件目には、この二つの講演のちょうど中間、1915〜1916 年に出版された、柔道の解説として完全な『講道館柔道概説』3 を選んだ。これらの文献を綿密に比較するうちだんだんと思想の進化が見えてきた。そして年代順に整理してみてわかったことは、嘉納にとって一時に複数の柔道の定義はなく、ただ時代に沿ってその定義が変わっていくということ、しかも一度過ぎると過去の定義には戻らず新しい定式に移り、どうして変化したかを説明することもなかったということである。1888 年から1938 年まで年代順の分析から、文献から文献へと進化していく発展中の思想をかいま見ることができ、その進化を理解するために、一見柔道に関係のないほかのすべての文書も助けとなった。そこで私はこれら様々な進化の過程を確認、整理し、その後、これらの文書から事実やエピソードを手がかりに、なぜ嘉納治五郎が次から次へと思想を変えていったのか、理解しようと試みた。この研究から私なりの論理で達した結論は、以下の区分に分けて提示するのが最善であろう。まずはじめに嘉納治五郎という人物の人生、背景、次に柔道の指導方法、その構造化と要素、さらにそれら要素の構成と役割、三番目にこれらについての嘉納の説明とその変化についてである。第一部では嘉納の人柄について語る前に、まず武装あるいは武器なし、決闘か戦場での戦闘、儀式的あるいは実践的など、日本における戦いの歴史上での柔道の歩みについて述べる。柔すなわち「順応」から「精力を有効に使う」という意味の精力善用まで、構想における段階を追って、60 年に及ぶ嘉納の思考の進化をたどる。第二部は指導方法に関してだが、嘉納にとって柔道がどのようにして道場で実践されるべきかを詳しく述べる。形、乱取り、問答、講義が含まれる。これらを実践の四本の柱と定義し、この四点は戦い、身体、そして知性と倫理の三分野にあてはめられる。その後、四分野目として、1915 年とさらに詳しく1922 年に柔道の原理の日常生活への応用が加えられる。このほか、体育、知育、徳育の三つの教育がある。第三部では言説を扱う。談話、論述は三つの重要な時期に分けられる。まずは1915 年までの論述の欠落の時期、あるいは社会理想主義的希望が見えるだけの時期、次に1922 年までの規範を確立した時期、その後は一種の鎮静化があり、ただ熟考を促すようなやり方へと変化する。これらの言説は豊富な上、秩序立っていないが、理想の枠の中に日常の態度、さらにその中に戦闘、というような枠組みに分けて捉え、分析することとする。結論へまだ体系化する必要があるが、この研究で、嘉納の逸話、意図、怒り、驚き、解説や談話などを抜き出すことができた。少しずつ、石をひとつずつ築き上げていくように選り抜きに選り抜きを重ねて嘉納が柔道を構築していった様を見出せる内容にふさわしく、この論文を「嘉納治五郎と柔道の構想」と名づけた。要素を整理することはそれだけで発見の多い作業だったが、それらの分析は最も実り多きものだった。そして論文の副題となった「弱さの選択」は、はじめは遠慮がちではあったが、徐々について離れないような姿で現れ、逸話や談話を通して嘉納の言説を比べると、ついには自明の理となる。「弱さの選択」は私の提案する命題であるが、それは私の柔道と嘉納の思想体系に対する解釈である。柔道は、状況に応じて巧みにその潜在的能力を活用できれば、弱い者でも、強い立場に立つことができるように構想されている。また強い者にとっては、すべての状況は相対的、一時的であることを意識し、弱い立場に立たされる時がくるとすればそれに備えるべく慎重さを持って行動できるように考案されている。この思想は戦闘法だけでなく、社会の一員として求められる個々の振る舞い方にも影響を与えている。この研究より柔道というものの中に、嘉納治五郎は絡み合う三つの異なる計画を組み込んだ。一つには効率さを活かす原理の研究と教育、二つ目には各個人によるこの原理の社会への応用、三つ目には嘉納の人と社会の理想に基づく個人の養成である。嘉納は人と社会を変えるために柔道を創った。それは果たして成功したのだろうか。創立者の目から見て、現在の柔道にはまだ欠けている部分があるのではないか。だがそれはまた別の議論である。
La mise en place du nouveauplan d'accompagnement et de suivi des chômeursen juillet 2004 fut l'objet de controverse. Ce plan a été abondamment débattu lors de son introduction par le ministre Vandenbroucke. Les syndicats considèrent qu'il introduit une "chasse aux chômeurs" dans un contexte où les emplois vacants sont trop peu nombreux. L'opposition au programme a surtout été vigoureuse en Wallonie et à Bruxelles, des régions où le taux de chômage est le double de celui de la Flandre. A l'opposé, les organisations patronales considèrent que ce plan est un ingrédient essentiel de toute politique de réduction du chômage. Ils observent que leurs postes vacants ne sont pas pourvus en dépit de taux de chômage importants. Ils affirment dès lors que certains chômeurs ne désirent pas occuper un emploi et que donc une forme de contrainte est nécessaire. Nous avons voulu examiner cette problématique de manière objective afin que le débat puisse s'appuyer sur un argumentaire solide. Dans ce numéro deRegards économiques, nous présentons les résultats d'une recherche que nous avons menée afin d'évaluer l'impact du nouveau plan d'accompagnement et de suivi des chômeurs, dans sa phase de lancement, sur l'insertion en emploi de chômeurs indemnisés âgés de 25 à 29 ans. Quels sont les ingrédients principaux du plan d'accompagnement et de suivi des chômeurs? Le plan d'accompagnement et de suivi des chômeurs a introduit des changements simultanés majeurs dans le cadre du système d'assurance-chômage et de l'accompagnement des chômeurs en Belgique. Ils sont de trois types: Avant la réforme de 2004, l'article 80 de la réglementation de l'assurance-chômage imposait, sous certaines conditions, une fin de droit à l'indemnité aux chômeurs cohabitants de longue durée. Le gouvernement fédéral a choisi de remplacer cet article par un nouveau système plus équitable qui puisse en même temps assurer la viabilité d'un système d'assurance-chômage à durée illimitée. L'ONEM est autorisé non seulement à contrôler la disponibilité des chômeurs indemnisés à l'égard du marché du travail, mais aussi à contrôler lui-même l'intensité de l'effort de recherche d'emploi. Il s'agit dela procédure d'Activation du Comportement de Recherche d'emploi(ACR) qui consiste en des entretiens individuels périodiques durant lesquels un facilitateur évalue les activités de recherche d'emploi des chômeurs indemnisés. Un élément essentiel de cette procédure est l'envoi d'une lettre d'avertissement environ 8 mois avant le 1erentretien en vue d'informer le chômeur indemnisé de ses obligations et de la procédure d'ACR. Le contrôle de la disponibilité des chômeurs indemnisés à l'égard du marché du travail a été accentué à travers un échange de données (relatives aux refus d'emploi, de participation à des politiques régionales, etc.) beaucoup plus systématique entre les services publics de l'emploi (VDAB, FOREM, ORBEM) et l'ONEM. Les services publics de l'emploi ont renforcé l'accompagnement de tous les chômeurs (de courte et de longue durée) par une série de politiques actives : entretiens individuels de diagnostic, parcours d'insertion, aides à la recherche d'emploi, formations, etc. Quel est l'objet de notre étude? Puisqu'un certain recul est indispensable à l'évaluation, nous avons évalué les effets du plan d'accompagnement et de suivi des chômeurs dans sa phase de lancement et, dès lors, pour le public qui le premier est entré la procédure d'activation du comportement de recherche d'emploi : les Chômeurs Complets Indemnisés inscrits obligatoirement comme Demandeurs d'Emploi (CCI-DE), qui sont âgés de 25 à 29 ans et qui ont reçu la lettre d'avertissement de l'ONEM entre juillet et octobre 2004 car ils viennent d'atteindre leur 13èmemois de chômage (qui est la durée seuil de chômage à laquelle l'ONEM avertit les chômeurs indemnisés de la procédure d'ACR). Nous avons évalué les effets du plan d'accompagnement et de suivi des chômeurs sur la reprise d'emploi de ces chômeurs. Pour cela, nous comparons le taux de sortie du chômage vers l'emploi de CCI-DE âgés entre 25 et 29 ans (notre «groupe cible» décrit ci-dessus) et de chômeurssemblablesmais qui n'ont pas été avertis en raison d'un âge légèrement supérieur à 30 ans (notre «groupe de contrôle»). La méthode d'évaluation que nous exploitons dans cette étude ne permet pas d'évaluer les effets du plan au-delà de 10 mois après l'avertissement. En effet, les chômeurs d'un âge légèrement supérieur à 30 ans sont concernés par la procédure d'ACR dès le 1erjuillet 2005 et sont donc susceptibles de recevoir eux aussi un avertissement de l'ONEM à partir de cette date. Hormis en fin de période d'analyse, les jeunes de moins de 30 ans n'ont pasencoreparticipé au premier entretien à l'ONEM.La lettre d'avertissement est donc la seule composante de la procédure d'ACR dont nous pouvons évaluer les effets. Seul le FOREM a choisi d'offrir un accompagnement spécifique aux chômeurs avertis par l'ONEM. Pour la Région wallonne, nous évaluons alors l'effet combiné de la lettre d'avertissement et d'actions d'accompagnement. Le fait qu'on ne puisse pas évaluer l'effet de mesures d'accompagnement à l'ORBEM ou au VDAB ne signifie pas que ces deux services de l'emploi n'offrent aucun accompagnement pour les jeunes chômeurs. Cette impossibilité découle simplement du fait qu'une offre d'accompagnementspécifiquen'apasété mise en place pour les chômeurs de moins de 30 ansavertis par l'ONEM. La littérature internationale montre que l'envoi d'une lettre d'avertissement fait partie intégrante des politiques d'accompagnement et de suivi des chômeurs, et que des changements, parfois importants, de comportement en matière de recherche d'emploi peuvent découler de l'annonce d'un programme obligatoire du type de l'ACR belge. Ce programme pourrait donc accélérer l'insertion en emploi dès le moment où le chômeur est averti de la nouvelle procédure de suivi.Le faible nombre de chômeurs ayant participé à un entretien durant notre période d'analyse ne signifie donc pas que notre évaluation porte sur une partie secondaire du nouveau dispositif instauré en Belgique. Quels sont les résultats principaux qui se dégagent de notre étude? 1.En Flandre et en Wallonie, le plan d'accompagnement et de suivi des chômeurs a un effet positif clair sur la sortie du chômage vers l'emploi pour certains groupes seulement. Il s'agit: des chômeurs très éduqués. Ainsi un CCI-DE de moins de 30 ans qui estdiplômé de l'enseignement supérieuret qui réside en Wallonie (resp. Flandre) avait-il 40 % (resp. 43 %) de chances d'avoir trouvé un emploi cinq mois après l'avertissement de l'ONEM; en l'absence du plan cette probabilité n'aurait été que de 29 % (resp. 32 %). L'augmentation relative de la probabilité d'emploi est donc substantielle : au bout de cinq mois, le plan d'accompagnement et de suivi a permis de relever la probabilité d'emploi de 38 % (resp. 35 %). et en Wallonie seulement, des chômeurs qui ont connu une expérience récente d'emploi des chômeurs qui résident dans une sous-région où le chômage est plus faible des femmes Pour les autres groupes de chômeurs (peu diplômés, n'ayant pas connu d'expérience de travail récente, résidant dans des sous-régions où le chômage est élevé, hommes), les effets du PAS sontfaibles et souvent proches de zéro. 2. Par le supplément de démarches de recherche d'emploi, le risque de sanction, etc. associés à l'ARC,les entretiens d'évaluation annoncés dans la lettre d'avertissement sont donc perçus comme contraignants par le chômeur indemnisé et l'incitent à intensifier sa recherche d'emploi ou à modifier son attitude face aux offres d'emploi avant la survenance du 1erentretien. Toutefois, l'accentuation de l'effort de recherche induite par la lettre ne s'avère clairement efficace que pour certains groupes, en particulier ceux dont le profil est plus favorable à l'embauche. 3.En Wallonie, l'effet mesuré combine celui de la lettre et d'actions spécifiques d'accompagnement du FOREM. Alors qu'il est généralement plus difficile de trouver un emploi en Région wallonne, la similitude de l'effet du plan d'accompagnement et de suivi des chômeurs en Wallonie et en Flandre s'explique sans doute par ce soutien spécifique du FOREM. 4.Le PAS a notamment pour effet de stimuler la sortie du chômage vers des emplois à temps partiel faiblement rémunérés en Flandre, où il n'y a pas eu d'accompagnement individualisé spécifique à la réception de l'avertissement. Un tel phénomène n'est pas observé pour les chômeurs wallons qui ont bénéficié d'un tel accompagnement. La menace de contrôle et de sanctions,sans accompagnement spécifique du service public de l'emploi, pourraitainsi inciter des chômeurs à abaisser leurs exigences à l'embauche. 5. Contrairement aux deux autres Régions,le PAS n'a pas pour effet de stimuler la reprise d'emploi des jeunes chômeurs indemnisés résidant à Bruxelles. Quelles sont nos recommandations d'actions à prendre pour rendre plus efficace le suivi et l'accompagnement des chômeurs en Belgique? Soulignons d'abord que, pour nous, un contrôle du comportement des chômeurs indemnisés n'est pas une mesure à préconiser pour elle-même mais pour rendre le système d'assurance-chômage plus juste et efficace (cf. ci-dessous). Par ailleurs, un système de contrôle ne peut favoriser l'insertion en emploi que s'il s'accompagne d'autres actions régionales (aides à la recherche d'emploi, formations, etc.) ou fédérales (stimulation de l'offre d'emplois via des réductions ciblées du coût de travail, etc.). 1. Un système de contrôle du comportement des chômeurs indemniséspermet de rendre le système d'assurance-chômage plus juste et efficace La durée d'indemnisation dépend de nombreux facteurs sur lesquels un chômeur particulier n'a guère d'emprise. Mais,cette durée dépend aussi de ses choix en matière d'effort de recherche d'emploi et d'acceptation d'offres d'emploi. En effectuant ces choix, le chômeur n'a pas de raison de prendre en compte le coût des indemnités pour la collectivité. Aussi son effort de recherche est-il spontanément inférieur au niveau désirable du point de vue collectif. De même, ses exigences face aux offres sont-elles spontanément trop élevées. Il est donc souhaitable d'exercer un contrôle du comportement des chômeurs. En agissant de la sorte, on incite les chômeurs, qui sont capables de trouver un emploi par leurs propres moyens, à quitter le chômage plus rapidement. Ainsi, on libère des ressources financières pour renforcer la protection sociale de ceux qui n'ont pas cette capacité. Autrement dit,le contrôle des chômeurs ne trouve son sens qu'au service d'une meilleure protection sociale du chômeur. Nous énonçons ci-dessous des conditions nécessaires pour qu'il en soit ainsi. 2. Le contrôle doit porter sur des actions vérifiables, comme les refus d'emploi convenable Selon nous, il fautsupprimer la vérification de preuves écrites de démarches de recherche d'emploi dans la procédure d'ACR de l'ONEM. L'évaluation de dispositifs similaires dans d'autres pays nous enseigne que des entretiens brefs et axés de facto sur le contrôle administratif d'indicateurs de démarchesvérifiablesde recherche d'emploi se révèlent généralement peu efficaces à réinsérer les chômeurs dans l'emploi. Ces indicateurs (candidatures écrites à des offres d'emplois, etc.) n'informent en effet qu'incomplètement de l'activité de recherche. Le risque d'erreur de jugement par le facilitateur est en outre notable. L'incitation à collationner des preuves de démarches formelles peut enfin détourner les demandeurs d'emploi de canaux de recherche informels (recours à des relations, etc.), le cas échéant plus efficaces en termes de remise à l'emploi. Le contrôle effectué par les facilitateurs de l'ONEM devrait donc plutôt se concentrer sur des actions vérifiables, comme le refus d'une offre d'emploiconvenable. 3. Pour que le contrôle du refus d'offres d'emploi convenable soit un instrument efficace d'activation du comportement de recherche, plusieurs conditions doivent être remplies: une définitionprécisede la notion d'emploi convenable, c'est-à-dire l'emploi que le chômeur ne peut pas refuser. Le sens de la notion d'emploi convenable est explicité dans la législation du chômage. Il n'est pas possible de la codifier en prenant en compte tous les cas de figure possibles. Il n'empêche qu'une définition aussi précise que possible s'impose sous peine d'arbitraire et/ou de procédures juridiques longues et coûteuses; une transmissionrégulièreetindividualiséed'offres d'emploi par les services publics de l'emploi régionaux(dès l'inscription comme demandeur d'emploi); une transmissionefficacedes données relatives aux comportements d'acceptation et de refus d'emploi par les services publics de l'emploi régionaux à destination de l'ONEM; informerle chômeur, dès le début de sa période d'indemnisation, des règles. Comme le montre cette étude, un avertissement peut en effet avoir un impact positif sur les sorties du chômage vers l'emploi si le système de contrôle est crédible. 4. Un système de contrôle ne peut se concevoir qu'après une certaine durée d'indemnisation et que pour les chômeurs jugés autonomes dans leur recherche d'emploi Le contrôle du refus d'offres d'emploi convenable ne devrait intervenir qu'aprèsun entretien individuel d'orientationavec un conseiller du service public de l'emploi régional.Il faut toutefois éviter d'intervenir trop tôt dans l'épisode de chômage – avant 6 mois de chômage - car on risque alors de gaspiller des ressources collectives en ne laissant pas le temps à ceux qui le peuvent de sortir seuls du chômage. Selon le profil et les besoins du chômeur, l'entretien individuel pourrait déboucher soit sur une recommandation de recherche d'emploi autonome, soit sur la participation à programme d'accompagnement spécifique. La procédure de contrôle ne s'appliquerait qu'aux chômeurs indemnisés jugés autonomes dans leur recherche d'emploi. Les autres deviendraient concernés par la procédure de contrôle au terme de leur programme d'accompagnement.
XXIe Congrès de la SFSIC. MSH Paris Nord, 13, 14, & 15 juin 2018Créez ! Soyez (tous) créatifs ! Et, bien sûr, soyez innovants ! Les appels à la création et la créativité sont devenus comminatoires tels des « impératifs catégoriques », quel que soit le secteur d'activités : les problématiques de l'innovation hantent tous les discours, sinon toutes les pratiques, y compris info-communicationnels, au travail et dans la culture, dans les territoires et les laboratoires de recherches, dans les entreprises - celles du CAC40 comme les startups. Ces injonctions ne sont-elles qu'un discours de ré-enchantement de la vie des individus, de la vie au travail, du marché, de la relation-client ?Entre une création qui agit sur le symbolique et l'imaginaire social et une créativité qui implique une dynamique et agite les pratiques, quelles approches les recherches en Sciences de l'Information et de la Communication développent-elles sur les médiations instituées et organisées dans toutes les activités de la société pour inciter à des actions de création et de créativité ?Ces questions ne sont pas nouvelles. Elles sont au cœur de la réflexion sur l'aptitude de l'humanité à faire émerger des formes nouvelles, qu'il s'agisse de la création artistique, des objets et des machines, des formes organisationnelles, des supports et des modalités d'écriture et de création d'images, de sons. Tous ces processus apparaissent également récents parce que les technologies numériques et les logiques qu'elles véhiculent les ont incontestablement réactivés, renforcés et modifient notre perception du monde. L'augmentation du nombre de productions, la réactivité des consommateurs pour des produits éphémères conduisent à créer en permanence, la multiplicité des conditions qui mobilisent la création et la créativité. Le renversement des logiques d'innovation par la prise en considération des usagers et des citoyens, les possibilités de coordination et de coopération déterritorialisées rendent nécessaires une investigation scientifique par notre discipline mais aussi une approche opérationnelle et une réflexion éthique. Comment les Sciences de l'Information et de la Communication éclairent-elles les processus qui se mettent ou sont mis en place, et s'impliquent-elles dans les actions toujours plus nombreuses et scientifiquement exigeantes ?Ce XXIe Congrès organisé en partenariat avec le LabSIC propose d'étudier, d'analyser et de mettre en débat les thématiques de la création, de la créativité, de l'innovation et des médiations. Il invite à donner un ou des sens info-communicationnels à des idées de plus en plus mobilisées socialement, dans tout le spectre de notre approche disciplinaire mais aussi du point de vue de disciplines adjacentes dont les Sic doivent se distinguer : créativité (management, psychologie), création (esthétique et sciences de l'art, économie libérale de la culture), médiations (sociologie de la culture ou de l'action sociale, sciences politiques).Les propositions s'articuleront autour de 3 axes :Philippe BOUQUILLION (LabSIC) [sommaire] Au sein de l'axe 1, l'objectif est d'interroger les processus de création et de créativité du point de vue de leur dimension idéologique, des enjeux sociaux qu'ils soulèvent et des politiques publiques dont ils bénéficient. Les processus de construction sociale et idéologique de la création et de la créativité sont aujourd'hui omniprésents. Ces processus ont une longue histoire. L'importance se note,à partir du Quattrocento, de la construction du rôle du créateur comme artiste au savoir-faire et aux réalisations singulières, tandis que les fondateurs des théories des industries culturelles ont eux aussi insisté sur l'importance de la construction de la personnalité artistique du créateur central d'une production culturelle pour fonder la valeur de celle-ci. Depuis le début des années 2000, les promoteurs de l'économie créative développent d'importants discours idéologiques sur le rôle supposé de la création et de la créativité pour la redynamisation des économies, des territoires et la transformation des rapports sociaux sous toutes les latitudes. Le design, pris au sens le plus large, est alors envisagé comme une courroie de transmission de la créativité vers l'économie et la société. Ce faisant, le design est aussi un outil d'incorporation de représentations sociales diverses (vision des rapports sociaux, des appartenances de genre, du travail, etc.) au sein des productions économiques mais aussi des politiques publiques (design de politiques publiques). Ainsi, fondant de plus en plus leurs stratégies de construction de la valeur de leurs productions sur ces représentations sociales, nombre d'acteurs économiques font commerce de celles-ci, à l'instar d'Apple qui offre un exemple emblématique du recours au modèle de l'industrie des biens symboliques.L'emprise de l'idéologie de la créativité portée par les discours dans la sphère politique et l'espace public est ainsi au cœur des interrogations développées dans cet axe. Que ces derniers soient le fait d'acteurs institutionnels, industriels, issus de l'innovation ou de l'art, ils marquent la prégnance du terme créativité, qu'il conviendra d'interroger quant à ses contextes de référence et mobilisation, et comme marque ou le témoin de changements sociaux et politiques majeurs. En effet, la valorisation économique et symbolique des métiers, produits ou structures créatifs s'accroît et s'institutionnalise selon des voies et des logiques qu'il conviendra d'analyser et de prendre en compte, et pourquoi pas jusque dans l'Université qui s'ouvre au design ? De même, les politiques culturelles, les soutiens au développement des territoires, l'accompagnement de « l'économie numérique » témoignent de choix de transition dans les modèles économiques et de valorisation du potentiel créatif de certains acteurs, ou équipes-projets.Les tensions entre idéologies et actions, entre discours et acteurs témoignent de contradictions structurantes (ou dé-structurantes) formulées par un lexique omniprésent : innovation, pro-am, innovation ascendante, participation, etc. qui consacre à la fois une idéologie spontanée de l'innovation et de la créativité, comme si elle était sui generis du milieu numérique et des programmes d'actions extrêmement répandus.Sont donc attendues dans l'axe 1, des propositions relatives aux thématiques évoquées ci-dessus et en particulier : aux processus de création et de créativité, aux médiations et constructions sociales dont ils font l'objet, dans la culture, les industries culturelles et créatives, le numérique ou le design ; aux politiques publiques dans la création, en particulier celles en faveur des processus de créativité et de leur déploiement dans divers champs sociaux ; aux enjeux pour l'espace public soulevés par la création et la créativité et, en retour, aux enjeux pour la création et la créativité de sa présence dans l'espace public, des médiatisations et médiations qu'ils suscitent ; aux questions sociétales et aux idéologies sociales liées à la création et la créativité et les concours ainsi apportés aux constructions des genres, du travail, du politique et des sociétés.Interrogeant leur articulation aux Sciences de l'information et de la communication, les propositions pourront relever des diverses approches courantes dans la discipline (étude des discours, approches socio-politique, socio-historiques ou socio-économiques, etc.). Les propositions de communication apportant un décloisonnement et un renouvellement des perspectives, mais aussi une approche critique, et intégrant les dimensions liées à la mondialisation sont encouragées. Axe II. Modèles et stratégies d'acteursCoordonné par Laurence CORROY et Dominique BESSIÈRES(SFSIC),Bertrand LEGENDRE (LabSIC)[sommaire] Cet axe se propose d'interroger la créativité et la création et leurs médiations par le prisme des acteurs et des stratégies qu'ils mettent en œuvre. Souvent, la créativité peut être reliée à des réalisations innovantes, en fonction des environnements dont elles doivent tenir compte et qui peuvent les conditionner en partie. L'adaptation suggère que la créativité est à considérer à l'aune du contexte dans lequel elle s'exprime. Elle peut par son pouvoir d'innovation bouleverser la société ou, plus modestement, apparaître lorsqu'un sujet trouve une nouvelle idée, une formulation originale d'une thématique déjà connue, en somme une variation. Elle peut aussi correspondre à un travail d'acteurs spécifiques dans les activités de création communicationnelles et symboliques (concepteur-rédacteur, créatifs d'agences de communication…). Les conditions de la créativité sont souvent reliées à des dispositions individuelles. En psychosociologie, on parle des « marginaux séquents », c'est-à-dire des personnes qui font partie d'un sous-système social dont ils maîtrisent les codes, mais suffisamment déviantes par rapport aux règles et aux normes pour pouvoir aborder sous un angle différent les objets, les organisations, c'est-à-dire innover.Création et créativité s'apparentent ainsi à des passages de « frontières ». Mais s'il faut pouvoir être crédible pour être entendu par des pairs, cette nécessité est soumise aux conditions par lesquelles la médiation peut faire partager des innovations scientifiques et/ou technologiques. C'est ce qu'illustre l'exemple archétypal, souvent évoqué, de Semmelweis qui, avant la découverte des microbes, affirmait sans succès que les médecins, en passant de l'examen des cadavres à l'auscultation des femmes enceintes sans se laver les mains, provoquaient une surmortalité au sein des populations défavorisées - les populations aisées choisissant d'accoucher à la maison pour des raisons de sécurité.Aujourd'hui, création et créativité sont souvent au cœur des discours et des stratégies portés par des organisations de toutes natures (milieux économiques, politiques, syndicaux, académiques, médiatiques…). Elles sont aux prises avec des difficultés où se mêlent des effets de résistance, les excès - sur fond de success stories - d'une croyance inconsidérée dans les vertus de la créativité, les travers et faces cachées du « management créatif »…Par exemple pour les Tice, d'un côté, l'État a porté des discours favorables aux innovations pédagogiques instrumentées, mais, de l'autre, l'État a toujours de grandes difficultés à reconnaître financièrement les investissements de certains acteurs sociaux précurseurs d'innovations pédagogiques dans le domaine des Tice. C'est la condition des soutiens matériels et financiers aux innovations qui est à questionner ainsi que la mesure de leurs effets chez les apprenants et les enseignants (Tice, éducation aux médias et à l'information…).Par ailleurs, nombre d'organisations privées et publiques se convertissent plus ou moins fortement au management de projet, cherchant justement à définir et prodiguer des règles, des normes, des dispositifs pour favoriser la création et la créativité par le développement de la communication dans les organisations. Faire communiquer des personnels de statuts, de niveaux hiérarchiques, de compétences diverses est censé permettre une plus grande faculté d'innovation par un enrichissement croisé des points de vue (intelligence collective). Une double promesse est ainsi escomptée : celle d'une organisation plus fructueuse que les anciens systèmes de gestion pyramidaux et bureaucratiques (modèle taylorien), et celle d'une « agilité » accrue de ces organisations dans un contexte de concurrence exacerbée. Enfin, les Tic sont censées favoriser l'innovation par la réduction des coûts (disruption) dans la société capitaliste contemporaine en transformation.Comment susciter la création et la créativité ? Quels acteurs et quelles stratégies sont à l'œuvre ? Quels rôles pour l'information et la communication dans cette perspective ? Quels regards critiques peut-on porter sur les stratégies des acteurs qui mobilisent ces notions ? Telles sont les questions principales à aborder par les propositions dans l'axe 2. Axe III. Objets techniques, dispositifs et contenus Coordonné par Philippe BONFILS et Bruno CHAUDET (SFSIC),Dominique CARRÉ (LabSIC)[sommaire] Cet axe se propose de questionner la place des objets techniques, des dispositifs (en règle générale et au sens foucaldien en particulier) et des contenus dans les processus d'innovation, de création et de créativité. Machines de Turing, machines à communiquer, machines numériques, machines learning… Les objets techniques, plus particulièrement numériques mais pas uniquement, ont colonisé notre quotidien au point de nous accompagner, de nous prolonger ou encore de se substituer à nous dans un ensemble de tâches de plus en plus complexes. La reconnaissance des formes, par exemple, que nous pensions être une compétence strictement humaine est désormais assurée par l'intelligence artificielle qui équipe la Google Car. Qu'est-ce que la créativité et comment être créatif dans un univers machinique contraint par les mécanismes, les procédures, les rouages, les instructions, les modes d'emploi, les prescriptions d'usages ? Et est-ce que les machines dites organisantes et désirantes sont sources de création ? Quelles situations communicationnelles sont-elles alors installées ? Il s'agit donc d'observer si l'actualisation des couplages hommes/machines fait émerger de nouvelles formes organisationnelles, de nouvelles relations, de nouveaux usages ou encore de nouveaux contenus. Cet axe porte ainsi une double interrogation. Dans quelle mesure avons-nous recours ou intégrons-nous des dispositifs de création et de créativité dans la conception même des machines à communiquer (objets, applicatifs, algorithmes, usages) et, en retour, de quelle manière ces machines dans leur propre mode de fonctionnement favorisent-elles au quotidien la mise en œuvre de la création et la créativité ? Dit autrement, que font les machines à la créativité et en retour que font création et créativité aux machines ?Les propositions de communication dans l'axe 3 auront pour vocation à s'inscrire dans cette orientation en travaillant les objets médiateurs mais aussi les dispositifs dans lesquels ils s'insèrent et les contenus qu'ils portent.Les contributions pourront analyser la place du tournant que l'on désigne comme créatif dans le processus d'informatisation sociale en cours, la manière dont s'inscrit le numérique dans le tournant créatif, ou encore les dispositifs sociotechniques qui s'appuient notamment sur les réseaux socio-numériques, les plateformes, les algorithmes, et qui organisent la mise en relation, favorisent l'accès aux contenus tout en structurant peu à peu les pratiques relationnelles, expressives, communicationnelles, créatives. Il s'agit également d'analyser les pratiques créatives qui ont recourt à des agencements techniques supposés favoriser l'engagement, la mobilisation et les nouveaux modes de coopération et de valorisation des savoirs et de la connaissance. En somme, comment analyser les nouvelles médiations qui ont faitirruption pour modifier les échanges entre univers artistique et industriel ?Cet ensemble de contributions permettra d'interroger la manière dont la technè, c'est-à-dire la relation sujet-objet, en se transformant, favorise (ou non !), une interface renouvelée, plus créative et moins instrumentale dans les domaines les plus variés : organisationnel, culturel, ludique, artistique, scientifique, technologique ou industriel. À travers ces trois axes, le Congrès 2018 sollicite les chercheur-e-s afin de discuter les concepts, les stratégies, les méthodes ou les terrains permettant d'élucider les usages multiples de la création et de la créativité dans leurs relations aux médiations dans nos sociétés qui en font désormais un usage récurrent.Les propositions de communication peuvent relever aussi bien de l'information et de la documentation que de la communication et s'insérer dans des champs de recherche déjà identifiés ou émergents de recherche. Elles pourront être :- d'ordre épistémologique et porter sur une analyse théorique croisant d'autres disciplines, et, dans ce cas, les auteur-e-s devront dégager l'éventuelle spécificité des Sic ;- d'ordre empirique et porter sur des objets précis mais, dans ce cas, les auteur-e-s devront dégager, dans une dynamique inductive, ce qui vaut pour de plus vastes ensembles ;- d'ordre stratégique et porter sur des actions mobilisatrices de la création, de la créativité et de l'innovation mais, dans ce cas, les auteur-e-s devront en dégager les enjeux communicationnels tant sur le plan opérationnel que sur le plan de la démarche de recherche. ; International audience ; After studying about fifteen public support funds for creation, in various artistic fields (visual arts, music, digital creation, audiovisual, theater, heritage and historical monuments, reading), this communication identifies some common endogenous characteristics from the communication sciences point ov view. We consider the funds as socio-technical systems generating discourse and we propose some methodological milestones allowing to observe the social transformation of a double mediation: the recognition and the assessment of creativity. ; Après avoir étudié une quinzaine de fonds de soutien à la création, dans des domaines artistiques divers (arts plastiques, musique, création numérique, audiovisuel, théâtre, patrimoine et monuments historiques, lecture), cette communication en identifie quelques caractéristiques endogènes se prêtant à l'analyse info-communicationnelle. Nous envisageons les fonds de soutien, instruments de gouvernance publique, comme des dispositifs sociotechniques générateurs d'un discours d'escorte et proposons quelques jalons méthodologiques permettant d'observer la transformation sociale d'une double médiation : la reconnaissance et l'évaluation de la créativité.
Minority and community are concepts that have dominated the analysis of Christians in the Arab world, leading to a perception of Middle-Eastern societies as confessional or sectarian mosaics. This paradigm posits that religious and political identities and dynamics are closely intertwined in countries where the dominant culture is Islam, and that religious and ethnic groups live side by side, maintaining limited interactions while their immutable identities offer a strong potential for conflict. This work questions the paradigm of the mosaic by focusing on identity formation and interaction across religious boundaries over a period that extends from the later decades of Ottoman rule in Transjordan (1870) to present Jordan (1997). It asks whether confessionnal identities are by nature conflictual and if the 'minority' concept is the only relevant one to evaluate the degree of social, political and economic participation of non-Moslems in countries where Islam is the dominant culture. The approach is inductive and historical but mobilises concepts from the disciplines of social and political anthropology and political sociology. The dissertation comprises of 10 chapters set chronologically and covering the period 1870 to 1997. Taking a historical approach, it focuses on the modalities of exchanges, transactions, cooperation and communication (looking at kinship, mariage patterns, the role of women, economic cooperation, and various aspects of local and national politics) between Christians and Moslems and between several Christian denominations in Jordan (Orthodox and Roman Catholic, or Latin, in particular), more particularly in the town of Madaba however set within a broader national and international context. These broader contexts (that encompass the politics of states and of transnational Church actors over time) allow to bridge between the local and other levels to document how institutions regulate identity formation and cross-communal interactions. Over a century, Madaba provides the background, widely open to the rest of the country and the world, of a social, religious and political history of Arab Christian families. The work combines historical and anthropological approches and sources (in particular so far unexploited parish and Vatican archives, together with other archival sources). It questions the nature and the maintenance of the social and political link between Christians and Moslems in Madaba and in Jordan, and the changes that have affected identity boundaries between groups: both as Christians and Moslems, but equally as members of different Christian denominations, particularly in the context of missionary activities. The thesis defended here is that it is time to 'break the mosaic' so as to cast light from the inside on the societies and polities within which Christians in the Arab world are inserted. The title of the dissertation refers both to this paradigm and to the Byzantine mosaics that have made Madaba famous as an archaeological site. In place of the static image of the mosaic, the dissertation offers successive episodes of a moving picture where political powers, Churches (missionary or not), those local families that transfer their assets to Amman, the Jordanian capital, and the national arena, negotiate the organisation of local social interactions. One important contribution of the dissertation is to document how the tribe, over more than a century, remains a central social form to express identities, regulate economic and political interactions, and manage conflict both between Christians and between Christians and Moslems. Communal identities, however central they have become since the inception of the modern state, do not appear to threaten the cohesion of the society and the polity, either at the local or national levels. The maintenance of tribal identities is dealt with throughout the dissertation as a dynamic process in which both successive states, regimes, social actors at the national and local levels play a part, in particular in the historical context of the arrival of the Palestinians in Jordan and in the town of Madaba. At another level, the dissertation deals extensively with the institutional relations between the Greek Orthodox and the Roman Catholic Churches and the Jordanian state, bringing a new insight into a previously under-studied domain. Finally, this work offers an argument about the relationships between state and society in contemporary Jordan by interrogating the changing nature of the social pact between the Hashemite regime and local constituencies, more specifically with non-Moslems but also with Transjordanians as opposed to Palestinians. This work is therefore not a mere monograph about Christians in the town of Madaba: looking at a 'marginal' and local phenomenon, it enlightens broader social, political and historical dynamics. ; En partant d'un phénomène observé 'à la marge' afin de mieux illustrer ce qui se passe au centre, ce travail aborde des questions fondamentales pour la compréhension des sociétés du Moyen-Orient en déconstruisant notamment la catégorie de 'minorité', en s'interrogeant sur la nature du lien social entre chrétiens et musulmans dans l'agglomération de Madaba et au-delà dans la Jordanie contemporaine et en analysant la construction des identités collectives sur plus d'un siècle (1870-1997). Sont proposés d'autres paradigmes que ceux des traditions orientaliste et développementaliste pour l'analyse des minorités en pays musulmans. Ces traditions postulent la primauté du facteur religieux dans la formation et l'expression des identités sociales et envisagent les sociétés arabes comme des 'mosaïques' formées de groupes ethnoconfessionnels homogènes, relativement hermétiques les uns aux autres et inscrits dans une hiérarchie de statuts. On s'est plutôt inspiré ici de l'approche sur les frontières et les interactions entre groupes ethniques proposée par F. Barth en lui adjoignant une certaine profondeur historique et en intégrant une analyse des rapports entre le pouvoir politique et les groupes sociaux. Il s'agit de poser les affiliation religieuses et confessionnelles comme des constructions sociales et historiques dont on peut étudier le développement, les méandres et les interactions avec d'autres types d'affiliation. S'inspirant de tous les travaux récents portant sur la construction des identités collectives, qu'il s'agisse de nations ou d'ethnies, l'approche choisie défend une conception plurielle et mouvante des identités décrites en termes de processus dynamiques et interactionnels en s'interrogeant sur les temporalités et les facteurs de continuité/changement et en montrant des continuité beaucoup plus longues que celles qui posent la période coloniale comme période charnière de fixation des identités collectives. En plus d'une méthodologie d'observation anthropologique du terrain et des acteurs, quatre types principaux de sources ont été exploités : la littérature des voyageurs occidentaux, les archives paroissiales et missionnaires (en particulier celles de la Propaganda Fide à Rome), les témoignages oraux, la littérature d'histoire locale produite à Madaba. On a adopté un plan chronologique découpé en trois périodes principales. A l'intérieur de chaque partie, l'analyse thématique a été privilégiée en suivant, dans l'agglomération de Madaba depuis sa fondation en 1880, les alliances matrimoniales, politiques et économiques entre chrétiens et musulmans et entre groupes de différents rites chrétiens (essentiellement orthodoxes et latins) afin de déterminer où passent les frontières de l'identité et comment elles changent. Une variété d'acteurs institutionnels et individuels, dont certains apparaissent à un moment historique donné, influent sur la forme de ces frontières : les administrations des États qui se succèdent et leur personnel, les hiérarchies ecclésiastiques, les prêtres, les Grandes Puissances occidentales et leurs représentants locaux, les intellectuels de formation moderne, les partis politiques, les notables traditionnels et modernes, les organisations de la société civile, les émigrés et les immigrés, les tribus et leurs membres. Centré sur l'agglomération de Kérak, dont sont issus les chrétiens qui fondent Madaba en 1880, le prologue fait apparaître que, dans la Syrie du Sud (Transjordanie) du milieu du XIXe siècle, les institutions ecclésiastiques (grecques orthodoxes) et impériales (ottomanes) n'ont que très peu d'influence sur ce territoire situé à l'extrême périphérie de l'empire. Minoritaires sur le plan démographique et dispersés sur le territoire, les chrétiens ne sont pas marginalisés du fait de leur appartenance religieuse car l'ordre tribal des relations sociales assure différents niveaux d'intégration sociale et de coopération politique et économique entre lignages chrétiens et musulmans en fonction d'autres critères que ceux de l'appartenance religieuse. Les chrétiens sont fragmentés en plusieurs clans et tribus sans que l'on puisse repérer de cohésion confessionnelle. Sur le plan de la pratique religieuse, c'est une forme de syncrétisme qui prévaut. L'impossibilité des échanges matrimoniaux entre chrétiens et musulmans n'est pas nécessairement perçue comme témoignant d'un frontière religieuse infranchissable mais s'inscrit dans le contexte plus vaste des règles qui régissent les alliances matrimoniales entre tribus. L'appartenance religieuse est avant tout un marqueur d'identité tribale. La première partie analyse comment l'ordre communautaire religieux apparaît dans les dernières décennies du XIXe siècle, sous l'action conjuguée des organisations missionnaires (protestantes et catholiques) et de l'administration alors que les Ottomans entreprennent de rétablir leur autorité sur la Syrie du Sud. Autour de la fondation du village de Madaba par des lignages chrétiens immigrés de Kérak sous l'impulsion des missionnaires latins, on montre comment de nouveaux acteurs religieux et civils entreprennent d'imposer un ordre communautaire des relations sociales à travers l'éducation missionnaire, le marquage d'espaces chrétiens, le contrôle des alliances matrimoniales, de nouvelles pratiques cultuelles, l'accès aux instances de représentation administratives et juridiques ottomanes. Les modalités d'insertion des tribus chrétiennes qui fondent Madaba dans leur environnement permettent de mettre en lumière les résistances à l'ordre communautaire par l'établissement de partenariats économiques et d'alliances politiques avec les tribus musulmanes du lieu selon des logiques lignagères persistantes où les acteurs instrumentalisent à leur profit les nouvelles ressources communautaires fournies par les Églises ou les consulats européens. Au cours du XXe siècle, la Transjordanie, d'abord sous mandat britannique, accède à l'indépendance. Malgré ce changement politique, le régime monarchique se perpétue sans que les modalités d'insertion sociale des chrétiens ne soient bouleversées au niveau du pays dans son ensemble ou au sein de l'agglomération de Madaba. La deuxième partie se penche alors sur la manière dont l'État hachémite et les Églises majoritaires (grecque orthodoxe et romaine catholique) négocient les frontières des espaces communautaires à travers la législation sur les communautés confessionnelles et leurs prérogatives religieuses, éducatives et caritatives. Le traitement différencié accordé par l'État aux différentes Église en présence ainsi que des relations diverses entre les hiérarchies ecclésiastiques et les laïcs des communautés sont deux dimensions qui contribuent à empêcher la cohésion des chrétiens pris comme un ensemble. Le statut politique des chrétiens est ensuite étudié non en isolation mais en parallèle avec celui d'autres groupes sociaux, Circassiens, bédouins, réfugiés palestiniens, familles musulmanes transjordaniennes du nord et du sud, etc. afin de poser question quant à la réalité d'un statut minoritaire et à l'existence d'une majorité politique dans le royaume hachémite. Il ressort que le régime octroie aux communautés chrétiennes et aux familles chrétiennes de notables (anciens ou modernes) un espace privilégié d'expression et de représentation qui leur permet d'occuper une place centrale, et non marginale, dans la société. Dans le même temps, il est difficile d'identifier une norme identitaire autre qu'hachémite et il apparaît qu'une des modalités d'exercice du pouvoir monarchique repose sur la cooptation d'individus et de familles appartenant à tous les groupes de la société. Dans un second temps, recentrer l'analyse sur l'agglomération de Madaba permet d'observer comment les acteurs locaux relaient les efforts de l'État qui visent à maintenir une fragmentation sociale selon des clivages communautaires et lignagers afin de résister à la formation d'identités politiques transversales qui mettraient en danger sa stabilité. La modernité politique et économique n'en engendre pas moins un système de relations multiples entre chrétiens et musulmans que l'on peut repérer à travers les alliances politiques lors d'épisodes électoraux, dans les mouvements associatifs, dans les partenariats économiques, dans les partis politiques ou lors d'épisodes de conflit aigus tels celui de Septembre noir. En parallèle, les logiques tribales continuent à ordonner conflit et coopération entre groupes de religions différentes qui se définissent d'abord selon leur affiliation lignagère. C'est le cas, en particulier, dans les domaines de l'économie agricole et pastorale traditionnelle, dans les épisodes de règlement de conflits de sang ou d'honneur où prévaut encore le droit coutumier, parfois à l'encontre des prescription du droit musulman. La fragmentation des chrétiens en groupes lignagers est ainsi préservée sans que ne s'effectue une communautarisation incluant une dimension politique. De même, les valeurs qui permettent aux chrétiens de participer pleinement à l'échange social, telles l'honneur individuel ou collectif, le prestige familial, la limitation de l'autonomie des femmes, ne sont pas menacées par l'imposition de normes islamiques. A partir des années 1970, la polarisation de la population du royaume hachémite entre Jordaniens 'de souche' et Jordaniens 'd'origine palestinienne' amène un processus de différenciation identitaire dans lequel l'organisation tribale en vient à symboliser l'identité jordanienne. Dans le même temps, les islamistes deviennent la principale force d'opposition que le régime tente d'endiguer en réaffirmant son propre caractère musulman et en islamisant de nouveaux espaces de la vie publique. Ces changements de paradigmes de la société politique jordanienne touchent Madaba, ville mixte où cohabitent Jordaniens des tribus et Palestiniens réfugiés, chrétiens et musulmans. De plus, les équilibres démographiques et politiques de la ville penchent de plus en plus en faveur des musulmans. Les chrétiens, autrefois majoritaires, entreprennent alors de défendre leur position de prééminence dans la ville. Les stratégies qu'ils mettent en place pour combattre une double logique de minorisation (en tant que chrétiens et Jordaniens 'de souche') font l'objet de la dernière partie de ce travail. On montre tout d'abord comment les chrétiens résistent sur le terrain à un recul de la neutralité religieuse de l'espace public et à leur mise en minorité démographique et politique (conseil municipal) dans l'agglomération et comment ils se redéploient dans l'espace urbain, créent des réseaux de soutien financier avec les immigrés, amorcent un rapprochement entre Églises, compensent dans le champ politique national la perte de leur hégémonie locale. Dans un second temps, on se penche sur la littérature d'histoire locale que produisent les chrétiens de Madaba afin d'analyser comment ces derniers, en reformulant leur histoire ancienne et récente, se construisent à la fois des identités confessionnelles, ethniques et lignagères et comment elles sont rendues compatibles afin de lutter contre une marginalisation symbolique. Le dernier chapitre se penche sur les élections législatives de 1997 afin d'illustrer la manière dont les chrétiens utilisent leurs imaginaires identitaires comme vecteurs de mobilisation politique à l'occasion des élections législatives, nouvelle arène de compétition depuis la libéralisation de la vie politique intervenue en 1989. Malgré l'existence d'un siège chrétien réservé pour la circonscription de Madaba, ce n'est pas la mobilisation communautaire qui apparaît comme efficace mais bien plutôt le discours des solidarités tribales, éventuellement (mais non nécessairement) en conjonction avec l'appartenance partisane ou confessionnelle. On peut alors avancer que les chrétiens participent pleinement aux dynamiques de la société dans son ensemble. Tout au long de la période étudiée, la parenté joue un rôle central comme vecteur essentiel de l'identification des groupes, que ceux ci soient dans un espace rural ou urbain. Les chrétiens de Madaba mobilisent les mêmes ressources symboliques que les autres groupes avec lesquels ils sont en contact. Comme l'ensemble de la société, les chrétiens participent à une multitude d'échanges et d'interactions et se positionnent en fonction de ces interactions. Au-delà de l'étude de cas qui s'ancre dans une ville moyenne de la Jordanie centrale, ce travail s'interroge en conclusion sur le système politique jordanien et sur les modes de légitimation de sa monarchie. Les analyses en termes de construction nationale sont critiquées, le terme de 'minorité' est mis en question tout comme le présupposé classique d'une imbrication nécessairement étroite du religieux et du politique dans les pays dits, ou qui se disent, musulmans.
cf thèse ; L'objet de cette étude est d'analyser le fonctionnement des marchés internationaux et les répercussions de ce fonctionnement sur la gestion de l'entreprise. Dans un chapitre introductif, l'actualité du sujet est soulignée: depuis 1973, avec l'abandon du système des parités fixes, le fonctionnement des marchés financiers internationaux a été particulièrement chaotique. L'adoption d'un système de cours de changes flottants qui devait favoriser une allocation rationnelle des ressources au niveau international, a eu comme résultat le plus visible, l'apparition de variations de grande ampleur des cours de change à intervalles très rapprochés. Une telle modification de l'environnement international n'a pas été sans conséquences sur la gestion des entreprises; dans certaines conditions, en effet, il est apparu que les variations des cours de change ont pu modifier les résultats engendrés par l'activité des entreprises. Ces variations étant de plus en plus fréquentes, une sensibilité nouvelle s'est développée au sein des entreprises face à leurs répercussions possibles, et à la façon de les contrôler; ces variations n'étant plus le résultat de décisions politiques, mais le fruit du fonctionnement des marchés, il est apparu progressivement qu'une bonne compréhension de ce fonctionnement était nécessaire avant qu'il soit possible de définir une stratégie de l'entreprise à l'égard du cheminement des cours de change. L'idée que la compréhension du fonctionnement des marchés est nécessaire, non seulement à la connaissance économique, mais également à l'élaboration d'une stratégie d'entreprise peut sembler presque évidente dans un monde où les mécanismes de marché deviennent prépondérants. En ce qui concerne l'élaboration d'une stratégie à l'égard des variations des cours de change, il semble qu'une telle idée est valide dans la mesure où au moins l'une des deux conditions suivantes est réalisée: d'une part, si les prévisions effectuées par le gestionnaire sont dépendantes de la compréhension qu'il a du fonctionnement des marchés; d'autre part, si cette compréhension lui permet de mieux évaluer l'impact sur la valeur de l'entreprise d'une variation des cours de change. A priori, l'élaboration de prévisions des cours de change peut se fonder ou non sur une compréhension des fonctionnements des marchés. Au niveau de chaque agent économique, une prévision peut être effectuée, fondée sur une appréciation subjective (même si elle utilise des méthodes scientifiques) de la distribution de probabilité des cours futurs. Dans certains cas, cette appréciation est réduite à sa plus simple expression: la formulation d'un cours anticipé. Parfois s'ajoute à cette anticipation la prise en compte du risque associé à la forme de la distribution. En aucun cas, bien entendu, la prévision ne peut être assurée de coïncider avec la réalité: d'une part, parce qu'il existe objectivement, en raison de l'incertitude sur le futur, un risque de se tromper; d'autre part, parce que le caractère subjectif des prévisions effectuées augmente ce risque en proportion des capacités prédictives individuelles. Sans qu'il soit possible d'éliminer ce risque subjectif, il peut néanmoins paraître utile de l' "objectiviser", en fondant les prévisions sur une base plus large que l'appréciation individuelle d'un agent économique: une telle base peut être constituée par les anticipations de l'ensemble des agents économiques, telles qu'elles sont susceptibles d'être reflétées par les prix du marché. Une telle démarche nous ramène à l'étude du fonctionnement des marchés internationaux, et en particulier à celle des liens qui peuvent exister entre le mode de fixation des prix et les anticipations des agents économiques. De même, l'appréciation de l'impact des variations de cours de change sur la valeur de l'entreprise peut apparaître, au premier abord, comme étant dissociée de l'étude du fonctionnement des marchés internationaux. Une telle conception semble d'ailleurs justifiée par l'existence de règles permettant de déterminer cet impact, règles dont les fondements reposent sur les principes généraux de la comptabilité. Il apparaît cependant que les principes comptables ne permettent pas de définir une règle unique et incontestée permettant de mesurer l'exposition de l'entreprise à une variation du cours de change. D'autre part, quand bien même une telle règle existerait, elle ne permettrait d'apprécier l'impact des variations de change que sur la valeur comptable de l'entreprise, non sur sa valeur économique. Pour évaluer l'impact sur cette dernière, il convient de prendre en compte les liens existant entre les cours de changes et les prix des biens et services produits et utilisés par l'entreprise. Une telle reformulation du problème nous ramène une fois de plus à l'étude des marchés internationaux, et en particulier à l'examen des rapports entre les marchés financiers et les marchés de biens et de facteurs. Il apparaît, par conséquent, que l'étude du fonctionnement des marchés internationaux est le point de passage obligé de toute réflexion s'efforçant de définir les conditions d'une adaptation de la gestion de l'entreprise au cheminement du cours de change. C'est à cette étude que s'attache cette thèse, dans une première partie à un niveau global, en analysant l'impact du fonctionnement des marchés internationaux sur la valeur de la firme à la lumière de la littérature existante, puis en s'efforçant, dans une deuxième partie, d'étendre l'analyse au problème particulier du choix d'un horizon de gestion, à la lumière d'une étude théorique et empirique originale de la structure des primes de change à terme. Le premier chapitre aborde l'analyse de l'impact d'une variation de change sur la valeur de la firme en partant des pratiques actuelles de calcul de "l'exposition comptable" de l'entreprise, avant de passer en revue diverses méthodes proposées pour appréhender une "exposition économique" de l'entreprise. L'exposition de l'entreprise est définie comme l'élasticité de la valeur de l'entreprise par rapport à une variation du cours de change. Selon l'approche comptable traditionnelle, une entreprise est exposée à la variation du cours de change, dans la mesure où certains postes en devises du bilan sont exposés. Lorsque le cours de change, par rapport à la devise de référence, varie d'un certain pourcentage, la valeur en devise de référence de ces postes varie d'un pourcentage identique, provoquant par là même une variation de la situation nette du bilan. Un problème surgit cependant du fait qu'aucun principe comptable ne permet de définir quels postes en devises sont exposés. Aussi plusieurs méthodes coexistent-elles: la première, considérant que tous les postes en devises du bilan sont exposés, - la deuxième, que seuls les postes à court terme le sont, - enfin, la troisième, attribuant cette qualité aux seuls postes monétaires du bilan. Si le choix entre les diverses méthodes ne peut être fondé sur des principes comptables, on s'aperçoit en revanche, qu'il est possible de discriminer entre les diverses méthodes en fonction d'une analyse économique. En particulier, la deuxième méthode semble n'être pas sans rapport avec une analyse "keynesionne" du comportement du cours de change, ce dernier étant considéré comme imprévisible à court terme, mais devant se rapprocher d'un cours "normal" à long terme. De même, la troisième méthode, adoptée par l'ordre des experts-comptables américains, semble reposer à la fois sur le caractère imprévisible du cheminement du cours de change, et sur la conviction que ce caractère ne saurait modifier la valeur en monnaie de référence des éléments réels du bilan, dans la mesure où ceux-ci se réévaluent en proportion de la variation du cours de change. Ainsi, des arrières-pensées économiques ne sont pas absentes des définitions de l'exposition comptable de l'entreprise. Certains auteurs ont voulu aller plus loin en donnant des définitions économiques à l'exposition de l'entreprise. Le premier, LIETAER (1971) se borne à apporter certaines retouches à l'approche comptable, en introduisant entre les postes exposés et non exposés du bilan, des postes dont la valeur a, par rapport à une variation de change, une élasticité différente de un. D'autres, (DUFEY 1972, SHAPIRO 1975), étendent cette idée d'élasticités différenciées à l'ensemble des flux de liquidité engendrées par l'entreprise. HECKERMAN (1972) formalise cette dernière conception en élaborant un "bilan économique" à partir des flux de liquidités futurs actualisés de l'entreprise, et en étudiant les répercussions d'une variation de change sur ce bilan. Cependant, le modèle d'HECKERMAN est peu clair, en ce qu'il fait dépendre l'impact de cette variation de change de la variation de valeur d'un actif intangible dont l'existence apparait justifiée par la nécessité de maintenir en permanence un levier financier déterminé. Si l'on admet cette contrainte contestable, on peut néanmoins montrer que lorsque la variation du cours de change a un caractère purement monétaire, la valeur de l'entreprise ne change pas. Cette conclusion, inaperçue par HECKERMAN, n'est pas sans rapport avec certaines conclusions ultérieures de cette thèse. Néanmoins, elle ne peut ici être obtenue qu'en raison d'hypothèses très fortes et contestables du modèle, que les chapitres suivants s'efforcent de lever. Dans les chapitres II et III, une approche semblable à celle de HECKERMAN est développée, mais le cadre conceptuel est différent. Comme dans le modèle d'HECKERMAN, un effort est fait pour distinguer les conséquences sur la valeur des flux de liquidité futurs d'une variation du cours de change, en distinguant les activités réelles et financières de l'entreprise. Une entreprise dont les flux de liquidité sont en devises, sera considérée comme exposée, non pas si la variation du cours de change modifie sa valeur au cours du temps, mais si cette modification est différente de celle d'une entreprise identique ayant uniquement des flux de liquidité en monnaie domestique. Il s'agit en effet d'appréhender l'influence spécifique de la dénomination en devise des flux concernés, et non un autre phénomène économique qui modifierait simultanément la valeur de toutes les entreprises. De même, afin de vérifier qu'une variation de change est susceptible en soi d'avoir un impact sur la valeur de ces flux, l'analyse est menée dans le cadre de marchés internationaux parfaits. Ne sont donc pas abordés les effets pouvant résulter des opportunités d'arbitrage qu'offrent éventuellement les imperfections des marchés. Enfin, une distinction est faite entre les effets susceptibles d'être produits par la variabilité du cours du change, et par l'incertitude sur cette variabilité. Pour cela, une hypothèse un peu artificielle est utilisée dans le chapitre II : celle de la connaissance parfaite du futur. Cette hypothèse est relâchée dans le chapitre III. En univers de certitude, un raisonnement d'arbitrage intuitif permet d'établir, à la suite de nombreux auteurs, la validité d'un certain nombre de relations d'équilibre. Ces relations peuvent être classées en deux catégories : celles qui résultent d'un arbitrage en termes nominaux, - et celles qui résultent d'un arbitrage en termes réels. Les premières sont la loi du prix unique, la relation de parité des taux d'intérêt, la relation de "FISHER Open" entre la variation du cours de change et le différentiel d'intérêt, et la relation des anticipations sur les rapports entre cours à terme et cours futur. Les secondes sont la relation d'unicité du taux réel sur un bien, la relation entre ce taux réel et le taux d'inflation sur ce bien, enfin la relation de Fisher en économie fermée entre taux réel et taux d'inflation sur un panier de biens. Dans la mesure où ces relations sont valides, en particulier en ce qui concerne la loi du prix unique et la relation de "FISHER Open", il est facile de montrer qu'une variation (certaine) du cours du change ne modifie pas la valeur des flux réels ou financiers en devises, par rapport à des flux libellés en monnaie domestique. Il convient de remarquer que cette absence d'exposition à la variation du cours de change n'est nullement la conséquence de la parité des pouvoirs d'achats (CASSEL 1923), laquelle, même en univers de certitude, ne saurait résulter d'un simple phénomène d'arbitrage, mais constitue une théorie de propagation de l'inflation. Une telle remarque nous amène à critiquer les conceptions d'ALIBER (1976) quant aux relations d'équilibre sur les marchés internationaux. En univers d'incertitude, des quatre relations monétaires mentionnées précédemment, seules la loi du prix unique et la relation de parité des taux d'intérêt restent valides. Des homologues de la relation des anticipations sur les rapports entre cours à terme et cours futur, et de la relation de "FISHER Open", peuvent être proposés, mais ce sont des relations d'arbitrage spéculatif faisant apparaître une prime de risque. De même, des trois relations réelles, seule reste valide la relation d'unicité du taux réel sur un bien. De cette modification de ces relations d'équilibre résulte un certain nombre de conséquences quant à l'exposition de l'entreprise. Tout d'abord il est montré que les flux réels ont un impact identique sur la valeur de l'entreprise lorsqu'ils sont libellés en devises ou en monnaie domestique, que la variation du cours du change soit égale à celle anticipée ou non. En revanche, toute tentative pour couvrir les flux réels en devises par un contrat de change à terme serait susceptible de modifier la valeur anticipée de ces flux, dans la mesure où la prime de risque incluse dans le cours à terme existe. Même si une telle prime de risque n'existait pas, la valeur de ces flux réels pourrait être modifiée à posteriori si la variation de change effective est différente de la variation anticipée. Au contraire, du fait de la non validité en présence d'incertitude de la relation de "FISHER Closed" (contra ALIBER 1976) la valeur anticipée des flux financiers en devises non couverts est susceptible d'être différente de la valeur des flux financiers en monnaie domestique s'il existe une prime de risque incluse dans le cours à terme. Il en va de même pour la valeur à posteriori des flux financiers en devises lorsque la variation de change effective est différente de la variation anticipée. La couverture des flux financiers en devises futurs permet d'égaliser la valeur de ces flux avec celle de flux en monnaie domestiques. Ainsi, c'est bien l'incertitude, et non pas la seule variabilité des cours de change, qui est à l'origine de l'exposition de l'entreprise. Encore faut-il souligner que cette exposition est la conséquence des seuls flux financiers en devises, à l'exclusion des flux réels. Enfin, cette exposition est susceptible de se matérialiser par une variation de la valeur de l'entreprise, non seulement dans le cas où la variation de change effective est différente de la variation anticipée, mais également lorsque cette dernière se réalise, s'il existe une prime de risque incluse dans le cours de change à terme. Ce résultat est confirmé et étendu aux primes de risques incluses dans les cours de change à terme futurs lorsque l'on introduit les délais de paiements liés aux ventes à tempérament, et que l'on prend en considération la possibilité de différer le rapatriement des bénéfices réalisés à l'étranger. Ces conclusions reposent sur un raisonnement intuitif quant au comportement d'agents confrontés à des opportunités d'arbitrage et de spéculation sur des marchés des biens et sur des marchés financiers supposés être parfaits. Elles permettent de préciser la notion d' "exposition à la variation de change" dans un sens étonnamment proche de la conception des experts comptables américains. Elles doivent cependant, pour être retenues, être soumises à une double vérification, tant théorique que pratique. Sur le plan théorique, le chapitre IV a fourni l'occasion de confronter les résultats du raisonnement intuitif d'arbitrage avec ceux qui découlent des modèles théoriques d'équilibre général ou partiel des marchés internationaux. Ces modèles permettent de déterminer la forme des relations d'équilibre en fonction d'hypothèses spécifiques sur les préférences des consommateurs, et sur les ensembles d'opportunités auxquels ceux-ci sont confrontés. Les deux principaux modèles théoriques existant sont ceux de SOLNIK (1973, 1974) et de GRAUER, LITZENBERGER et STEHLE (G.L.S., 1976). Tous deux définissent les conditions de l'équilibre sur les marchés internationaux dans les mêmes termes : celui-ci est le produit du comportement de consommateurs qui répartissent leur richesse entre consommation présente et investissement, en maximisant l'espérance d'utilité de leur consommation présente et future. En revanche, les ensembles d'opportunités auxquels sont confrontés les individus, sont légèrement différents. L'investissement peut, dans les deux modèles être réparti entre l'actif sans risque domestique, les actifs sans risque étrangers, et les actifs risqués domestiques et étrangers, mais la consommation des individus varie selon leur nationalité pour SOLNIK, alors que pour G.L.S. les individus consomment un panier réel identique: seul le taux d'inflation (aléatoire) associé à ce panier est différent selon les pays. Il apparaît rapidement que la qualité de l'équilibre est affectée par cette hypothèse au niveau du panier de consommation. L'hypothèse de SOLNIK introduit un risque de change réel, lié à l'incertitude sur les prix relatifs des paniers nationaux, qui modifie les conclusions habituelles du Modèle d'équilibre des actifs financiers (MEDAF) (SHARPE 1964), et amène à reformuler ce dernier sous une forme originale. En revanche, chez G.L.S., le risque de change est une variable purement monétaire, lié à l'incertitude sur les différentiels d'inflation nationale, et ne modifie nullement la formulation traditionnelle du MEDAF tant que les individus ne sont pas victimes de l'illusion monétaire. Ces différences quant à la qualité de l'équilibre obtenu, ne sont pas sans influence sur la formulation des relations d'équilibre proposées dans les chapitres II et III. Sur le plan formel, les deux modèles montrent que le cours à terme reflète bien les anticipations sur le cours futur, mais de façon biaisée, du fait de l'existence d'une prime de risque qui rémunère les spéculateurs pour la position ouverte qu'ils acceptent de supporter. C'est la confirmation du résultat intuitif déjà obtenu, dont l'importance pour l'exposition de l'entreprise est cruciale. Cependant, la structure de cette prime de risque diffère selon les modèles. SOLNIK montre que la prime dépend de la covariance entre le cours de change considéré et les cours de toutes les autres devises. Le résultat de G.L.S. a une formulation beaucoup plus complexe, dont les auteurs ne précisent pas la signification économique. Il est possible de montrer que cette prime dépend essentiellement des effets réels des politiques monétaires nationales sur la richesse mondiale. En l'absence d'illusion monétaire, une prime de risque marginale subsiste, liée à l'incertitude sur le différentiel d'inflation. Cette prime est cependant virtuelle, car si les individus raisonnent en termes réels, ils ne souscriront aucun contrat de change à terme. En effet, dès lors que la parité des pouvoirs d'achat est vérifiée, le rendement réel d'un actif financier est indépendant de la devise dans laquelle il est libellé. En ce qui concerne les autres relations d'équilibre abordées dans les premiers chapitres, SOLNIK (1977) en donne une formulation complète et différenciée selon qu'il existe ou non des marchés à terme de marchandises. Les résultats valident et précisent ceux qui avaient été obtenus à l'aide d'un raisonnement intuitif d'arbitrage. En particulier, la relation de parité des taux d'intérêt apparaît chez lui comme chez G.L.S. découler automatiquement des modèles théoriques. Cette conclusion est contestée par ADLER et DUMAS (1975), qui montrent que cette relation n'est pas vérifiée lorsqu'existe un risque politique. Ceux-ci utilisent pour leur démonstration une fonction d'utilité quadratique. Leur démonstration est ici reprise et élargie; leurs résultats concernant la parité des taux d'intérêt restent valides quelle que soit la fonction d'utilité. Néanmoins ces résultats supposent des hypothèses très fortes, généralement incohérentes avec les conditions habituelles du fonctionnement des marchés. De même, un modèle de BARON (1976) valide la relation de parité des taux d'intérêt. Le modèle est intéressant en ce qu'il s'efforce d'intégrer les conditions macroéconomiques de l'équilibre et leur répercussion sur l'exposition de l'entreprise. Cependant, l'excessive simplicité des hypothèses de départ retire au modèle une grande partie de son intérêt. Ainsi l'étude des modèles théoriques d'équilibre permet de préciser et de nuancer certaines conclusions développées dans les chapitres II et III. Les principales relations d'équilibre sur lesquelles repose le calcul de l'exposition de l'entreprise, ont bien la forme qui avait été prédite. En particulier, la parité des taux d'intérêt reste valide en présence de l'incertitude, tandis que le cours à terme est bien égal à l'espérance du cours futur majoré d'une prime de risque. Cependant la portée pratique de cette prime de risque dépend de la validité d'une troisième relation : celle de parité des pouvoirs d'achats. Dans la mesure où celle-ci serait vérifiée, le risque de change relèverait de la pure illusion monétaire. Dans le cas contraire, cette prime rémunèrerait un risque réel, susceptible de modifier la valeur des flux financiers en devises. Ces conclusions des modèles théoriques doivent maintenant être confrontées avec les enseignements tirés du monde réel. L'objectif du chapitre V est double: vérifier, à la lumière de la littérature existante, la robustesse des deux principales relations d'équilibre sur lesquelles repose l'analyse théorique de l'exposition de l'entreprise; discriminer, en fonction des vérifications empiriques de la parité des pouvoirs d'achat, entre les deux modèles théoriques d'équilibre sur les marchés internationaux. La relation de parité des taux d'intérêts a été testée empiriquement par un certain nombre d'auteurs. Les résultats peuvent être résumés par deux propositions. Tout d'abord, si l'on adopte comme prédicteur de la prime de change à terme le différentiel d'intérêt calculé sur les dépôts en eurodevises, l'erreur prédictive moyenne n'est pas significativement différente de zéro; le résultat est sensiblement moins satisfaisant lorsque le prédicteur utilisé est le différentiel d'intérêt sur Bons du Trésor domestiques (ALIBER 1973). D'autre part, si l'on considère les coûts de transactions qu'engendrerait une opération d'arbitrage visant à profiter d'un différentiel d'intérêt couvert non nul, il apparaît que ce différentiel d'intérêt est inférieur aux coûts de transactions dans 100 % des cas, lorsqu'on le calcule par rapport aux euro dépôts, et seulement dans 33 à 100 % des cas selon les périodes lorsqu'on le calcule par rapport aux bons du Trésor (FRANFEL et LEVICH 1975). Si l'on tient compte des inévitables erreurs sur les variables liées à la difficulté d'obtenir des données parfaitement concomitantes, on peut donc considérer que sur les devises et pour les périodes ayant fait l'objet du test, la parité des taux d'intérêts a été largement vérifiée. Les tests de la relation des anticipations sur les liens entre cours à terme et cours futur répondent à la volonté de répondre à une double question : le cours à terme est-il un bon prédicteur du cours futur? La prédiction fournie par le cours à terme comporte-t-elle un biais, représentatif d'une éventuelle prime de risque. Sans entrer dans le détail des tests pratiqués, la réponse à la première question s'articule autour de trois idées. Le niveau du cours à terme apparait généralement comme un bon prédicteur du niveau du cours futur : cela tient essentiellement au fait que sur courte période, l'ampleur des fluctuations est relativement modérée par rapport au niveau des cours de change. En revanche la prime de change à terme est un prédicteur médiocre du niveau de la variation de change, même si elle semble prévoir avec une efficacité relative le sens de cette variation. Enfin, bien que la prime de change soit un médiocre prédicteur, ses performances ne sont pas plus mauvaises que d'autres prédicteurs, en particulier ceux fondés sur des modèles autorégressifs. Ce dernier résultat souligne cependant la difficulté de la prévision plus que l'efficacité de l'un quelconque des prédicteurs. La réponse à la deuxième question semble devoir comporter deux éléments. Sur longue période, la plupart des auteurs montrent que le cours de change futur n'est pas significativement différent du cours de change à terme: il n'existerait donc pas de biais moyen, représentatif d'une prime de risque stable quant à son ampleur et à son signe. En revanche une étude approfondie par ROLL et SOLNIK (1975), confortée par une lecture fine des tests pratiqués par d'autres auteurs (KOLHAGEN 1974) semble confirmer l'existence d'un biais instable, représentatif d'une prime de risque dont le signe et l'ampleur peuvent varier d'une période à l'autre. Enfin, l'analyse de la littérature consacrée à la parité des pouvoirs d'achat permet de discriminer entre les deux modèles théoriques. En effet, la parité des pouvoirs d'achat semble assez largement vérifiée dans deux cas: Si l'on compare le différentiel d'inflation à la variation de change sur une très longue période, ou si les indices de prix utilisés sont ceux des prix de gros. En revanche, à court terme, si les indices de prix utilisés sont ceux des prix de détail, la parité des pouvoirs d'achats n'est pas vérifiée; bien plus, l'erreur prédictive constatée ne permet pas d'inférer les variations ultérieures du cours de change. Par conséquent, au moins à court terme, il semble bien que ce soit le modèle de SOLNIK (1973, 1974) qui soit validé empiriquement, dans la mesure où les bons résultats obtenus avec les indices de prix de gros reflètent plus la validité de la loi du prix unique que celle de la parité des pouvoirs d'achat au sens classique du terme. Ainsi l'analyse critique développée dans cette première partie, à la fois sur le plan théorique et sur le plan empirique, de la littérature sur les marchés internationaux permet de formuler deux conclusions importantes. D'une part, en ce qui concerne la mesure de l'exposition de l'entreprise, celle-ci dépend uniquement de l'existence de flux financiers en devises; elle est proportionnelle, pour chaque maturité, à la prime de risque incluse dans le cours à terme, en ce qui concerne l'exposition anticipée, et à l'écart entre ce cours et le cours au comptant réalisé, en ce qui concerne l'exposition au risque de change. D'autre part, au niveau des stratégies envisageables, l'analyse des marchés internationaux ne fournit pas, ainsi qu'il est observé au chapitre VI, les bases théoriques d'un choix entre ces stratégies. Un tel choix ne peut résulter que d'une théorie de l'entreprise, en tant qu'intermédiaire entre les individus et les marchés. Elle fournit en revanche des indications sur les conséquences de certaines stratégies. Il apparait notamment que la couverture systématique des flux financiers permet d'éliminer totalement l'exposition de l'entreprise, tandis que l'acceptation d'un certain degré de risque s'accompagne, du fait des effets positifs de l'exposition anticipée, d'une amélioration de la rentabilité anticipée. La richesse de l'analyse des marchés internationaux n'est cependant pas épuisée par les résultats obtenus dans la première partie. Cette analyse peut en effet être poursuivie et approfondie, de façon à examiner les conséquences du fonctionnement des marchés sur les stratégies que l'entreprise peut adopter dans le choix d'un horizon de gestion. Dans les chapitres précédents, le raisonnement théorique et les vérifications empiriques ont été menés comme si le temps pouvait être divisé en deux périodes : le présent et le futur. Un effort est mené dans les chapitres VII et VIII pour élargir ce cadre d'analyse et réexaminer les résultats obtenus lorsque le futur comporte lui-même plusieurs horizons. Dans le chapitre VII, un modèle théorique est développé, qui reprend la plupart des hypothèses de celui de SOLNIK (1977), mais qui considère que les agents économiques maximisent l'espérance d'utilité de leur consommation présente et future sur trois périodes. Les principales relations d'équilibre établies aux chapitres III et V sont réexaminées à la lumière de ce modèle. Les résultats sont formellement identiques à ceux déjà obtenus, si l'on considère les relations entre la période présente et l'une ou l'autre des deux périodes futures. En particulier, la relation de FISHER en économie fermée, la relation de "FISHER Open", la relation de parité des pouvoirs d'achat et la relation entre cours à terme et cours futur ont une formulation différente en univers incertain de celle qui prévaut en univers certain. En revanche, si l'on considère les rapports entre les deux périodes futures, les relations précédentes ont une formulation identique à celle qui prévaut en univers certain. En particulier le cours de change à terme futur ne commande à priori aucune prime par rapport au cours au comptant pour la maturité considérée. Un tel résultat, surprenant au premier abord, est cependant logique: pour un investisseur à l'instant t, il n'est pas moins risqué de spéculer sur la valeur du cours à terme au t + 1 que sur celle du cours au comptant en t + 2. Enfin le modèle théorique permet de spécifier une nouvelle relation d'équilibre: celle, traditionnelle, de la structure des taux d'intérêt. Il apparaît que les taux longs comportent une prime par rapport aux taux courts anticipés, si l'utilité marginale de la dépense en deuxième période n'est pas indépendante du rapport des utilités marginales de la dépense en deuxième et troisième période. A contrario, si l'achat d'un panier de consommation supplémentaire donne la même satisfaction en périodes deux et trois, la structure des taux d'intérêt sur cet horizon sera sans biais. En revanche le modèle théorique ne permet pas de définir une structure maturité des primes de change à terme. En effet, un effort pour préciser la structure de la prime de risque selon la maturité a été tenté, en utilisant une fonction d'utilité particulière. Le résultat ne permet pas d'établir un lien entre les primes de risque selon les maturités. En revanche, il permet pour chaque maturité de montrer que la prime de risque sur une devise particulière est égale au produit de la prime de risque du marché par un coefficient de volatilité. Ainsi retrouve-t-on au niveau de chaque maturité un résultat traditionnel de la théorie financière moderne. Un tel résultat permet d'apprécier pour chaque devise et chaque maturité, la façon selon laquelle une position spéculative est rémunérée par rapport à une position bien diversifiée. Il ne permet pas, en revanche, de comparer l'intérêt de positions dans une même devise pour deux maturités différentes. L'étude empirique entreprise dans le chapitre VIII s'efforce à la fois de vérifier la validité du modèle théorique, et de suppléer à ses silences en ce qui concerne les rapports entre les diverses maturités. Un test du modèle théorique de marché est effectué par la régression des primes de risque individuelles pour diverses maturités sur un indice de marché naïf égal à la somme pondérée des primes de risque sur quatre devises. Le test fait apparaitre des coefficients de détermination relativement élevés, entre 50 et 30 %. Les coefficients de volatilité ne sont pas très différenciés entre les devises, et restent relativement stables pour des maturités différentes. L'étude fait cependant apparaître un rôle particulier du Franc suisse, qui commande une prime constante par rapport à toutes les autres devises. Lorsque le Franc suisse est pris comme base, on obtient une différenciation importante entre les devises, le dollar apparaissant très volatile, le deutsche mark très peu volatile, surtout pour les plus courtes maturités. Quant à la prime de risque moyenne du marché, elle semble augmenter proportionnellement à l'horizon choisi. L'étude empirique s'efforce ensuite de différencier entre les maturités, en ce qui concerne .la capacité prédictive des individus d'abord, puis en ce qui concerne les relations entre cours au comptant et à terme. En ce qui concerne la capacité prédictive des individus une étude ponctuelle a été réalisée auprès de treize cambistes parisiens sur leurs prévisions des cours du dollar et du mark pour diverses maturités. Cette enquête révèle une très grande homogénéité des prévisions, un très faible écart entre les cours à terme et les prévisions, et un très fort écart entre prévisions et réalisations. Cependant, l'écart est relativement moindre pour les maturités moyennes (2 ou 3 mois) que pour les courtes ou longues maturités. Enfin, les relations entre cours à terme et au comptant sont examinées. La capacité prédictive du cours à terme à l'égard du cours au comptant futur apparaît comme très faible et peu différenciée selon la maturité. Le dollar occupe une place particulière dans la mesure où ses variations semblent avoir fait l'objet d'erreurs systématiques de prévision. D'autre part, un effort est fait pour appréhender les relations entre cours à terme de maturités différentes. Les résultats de cet effort sont mitigés. En effet, la structure des cours à terme apparaît comme un mauvais prédicteur de la variation future du cours de change. En revanche, la capacité prédictive de la structure des cours à terme à l'égard de la prime de change future apparaît assez importante. De plus, cette capacité est assez différenciée selon les devises et l'horizon considéré. Dans le cas du Franc français cette différence est suffisamment sensible pour suggérer la possibilité d'une stratégie de spéculation dans un sens déterminé. Ainsi l'analyse théorique et pratique de la structure des primes de change à terme permet de compléter les résultats obtenus dans la première partie. Le fait que la structure horizontale des primes de risque obéit à la logique d'un modèle de marché pour chaque maturité semble une conclusion importante. Il implique qu'une entreprise souhaitant conserver une position ouverte en maximisant la rémunération de son risque doit conserver une position diversifiée en devises, maturité par maturité. Les résultats empiriques indiquent d'autre part que le risque encouru est proportionnel à l'éloignement de l'horizon. Ils suggèrent en revanche, sur la base d'une étude ponctuelle, qu'il pourrait exister un horizon de prévision privilégié. Enfin, ils semblent ne pas exclure la possibilité de définir des stratégies naïves de spéculation, en fonction d'une certaine rigidité de fait de la structure des primes de change à terme. Néanmoins certains résultats empiriques restent peu satisfaisants. Ils indiquent que des progrès restent à faire dans la compréhension du comportement des agents sur le marché des changes. En particulier une analyse plus fine des séries statistiques paraît souhaitable, en même temps qu'il conviendrait de préciser l'impact vraisemblable des imperfections des marchés.
Le rapport de soutenance rend tout d'abord hommage à la qualité du dossier présenté à l'appui de la demande de l'habilitation à diriger des recherches: un mémoire substantiel, deux livres (en français et en anglais), une quarantaine d'articles publiés dans des revues reconnues, des contributions originales à des ouvrages collectifs, ainsi que de nombreuses communications à des réunions scientifiques internationales. Les ouvrages d'Albert Doja sont très variés même s'ils sont essentiellement consacrés à l'Albanie et à la région balkanique. Il y a beaucoup de thèmes importants abordés et une quantité significative de propositions. C'est un corpus très riche, plein d'idées intéressantes qui poussent à repenser les concepts de base. Les rapporteurs notent qu'il y a deux thématiques organisent le dossier, celui de la construction culturelle de la personne (morphologie sociale, parenté et relations de genre) et celui des relations interethniques élargies aux champs de la religion, de la nation et de la folklorisation des traditions culturelles et notamment des conflits qu'enclenchent tous ces éléments. Sa thèse de Doctorat qui était en grande partie basée sur les données folkloriques et ethnographiques cherchait à comprendre la constitution de la personne en Albanie en utilisant des bases d'interprétation anthropologique où les influences les plus explicites sont les œuvres de Lévi-Strauss. De la construction de la personne le regard s'est très naturellement porté vers les valeurs et les traits structurels qui façonnent la société albanaise (un système lignager, l'idéologie du sang, l'hypertrophie du sentiment fraternel, le sens de l'honneur, la codification de l'amitié, etc.). Ces approfondissements et ces élargissements de la problématique de départ ont abouti, par touches successives, à un riche tableau où l'étude de la socialisation, de la formation de personne, la nature de la culture régionale, la structure sociale, la construction de l'honneur, les pratiques religieuses par rapport à la distribution linguistiques contribuent à un effort orienté vers une compréhension de la spécificité des sociétés et des cultures albanaises et sud-est européennes. De là il se met à analyser les formes et la dynamique de l'identité ethnique, nationale et le conflit. Son anthropologie représente une excellente combinaison qui devrait être utile dans la recherche régionale. Il s'agit d'une anthropologie sociale et historique des 'traditions' mais dans la mesure où elle se situe dans un balancement entre ethnie et nation on peut considérer qu'il s'agit d'une anthropologie du juste milieu qui d'ailleurs ne sacrifie nullement l'actualité comme en témoignent les analyses consacrées au phénomène des viols ou encore à l'exercice démocratique. Enfin il discute les questions plus contemporaines qui relèvent des transformations politiques et sociales dans la région, l'introduction de la démocratie, la migration et l'intégration. Le mémoire distingue d'ailleurs très bien les champs de recherche et les champs d'implication. Dans ce parcours Albert Doja démontre sa maîtrise de la région du point de vue historique, linguistique et culturelle en même temps qu'il intègre en grande partie ces connaissances dans les discussions théoriques contemporaines dans la discipline. Catherine Quiminal (Professeur, Paris VII) note que ce dossier met en évidence de manière convaincante l'intérêt, pour l'anthropologie, d'aborder des terrains concernant des sociétés du sud-est européen, puisque l'auteur revendique également une démarche comparative peu développée par l'anthropologie de l'Europe. De tels terrains permettent de "passer de l'Autre primitif ou archaïque, conventionnel ou populaire, en situation néo-coloniale ou dans une communauté locale, vers l'étude des processus dynamiques et transactionnels de transformation sociale, de modernisation et de globalisation". Albert Doja y fait état des connaissances historiques, géographiques, ethnologiques concernant la région. Il en restitue de manière critique les conditions de production et de reproduction et les limites. L'histoire des cultures du Sud-Est européen nécessite, selon l'auteur, une nouvelle formulation, un regard orienté sur la construction des identités, les transformations familiales et sociales. Le mode d'analyse proposé pour aborder des sociétés que l'auteur préfère qualifier de "conventionnelles" plutôt que de traditionnelles, s'éloigne volontairement de la monographie d'un groupe artificiellement isolé à la recherche de survivances, pour se focaliser sur les institutions centrales et les valeurs dominantes. Anthropologue né en Albanie, formé en France, ayant un engagement maintenu pendant plusieurs années dans des relations personnelles étroites en Europe du sud-est aussi bien qu'en Europe de l'Ouest, vivant et travaillant depuis de longues années en France, en Grande Bretagne et en Irlande, il se trouve dans une position propice à un type de recherche de terrain diachronique et comparative. Jonathan Friedman (Directeur d'études, EHESS) note également que dans sa tentative de caractériser la région balkanique comme située entre deux complexes de civilisation en réponse aux discussions classiques basées sur la notion de région croisée entre l'orient et l'occident et le réductionnisme que cela peut entraîner, Albert Doja propose de redéfinir la région en termes de frontières plus fluides et de co-existence entre peuples différents. Ici il prend en compte à la fois la culture ou la société dans le sens objectiviste de l'observateur et l'identité culturelle ou ethnique qui est pratiquée dans les interactions entre membres de différentes populations. Sa discussion de la méthode est fort intéressante et reflète le parcours de sa formation. Il insiste sur la nécessité de combiner des méthodes différentes, historiques et comparatives, ethnographie, analyses de textes et recherches sur les documents archivés. Jean Copans (Professeur, Paris V) note que Albert Doja passe d'une folkloristique classique de recueil des traditions à une anthropologie politique ou politologie géostratégique plurinationale. La question est d'importance car on doit se demander quelles sont les méthodologies de terrain les plus adéquates à l'étude des relations interethniques et des valeurs culturelles. Peut-on enquêter directement sur le processus de construction de l'ethnicité, peut-on observer en direct sa genèse interactive ou faut-il attendre un degré de fusion, de formalisation et de verbalisation pour la saisir et puis la déconstruire? Si les africanistes sont obsédés par cette question, pour Albert Doja il s'agit d'une nouvelle théorie, assez subtile et complexe. L'ethnicité est une question de point de vue, de position que redouble ici le problème de l'observation de la violence. L'anthropologie du génocide, de la souffrance et de l'affliction est à la mode mais c'est la mémoire qui joue le rôle central, de même que c'est le processus d'observation qui fournit des réponses empiriques aux nouvelles questions décisives qui mettent en cause les méthodes de la discipline. Michael Herzfeld (Professeur, Harvard University), note également qu'on ne peut qu'être profondément frappé par la grande envergure des observations d'Albert Doja sur l'ethnographie albanaise et par l'érudition qui les soutient. On constate, bien sûr, que les données dont Albert Doja traite sont riches d'informations et d'aperçus. Il est allé bien loin au-delà de la prospective limitée des chercheurs antérieurs à lui. Il a mené de sérieuses enquêtes empiriques et fait preuve qu'il possède suffisamment la capacité de fournir des descriptions nuancées des faits sociaux. Souvent il révèle une sensibilité ethnographique presque éclatante, là où on est peut-être le moins préparé à le rencontrer, comme c'est le cas notamment dans son article sur les problèmes de stabilité au Kosovo, là où une petite scène de tension et de méprise dans un café Internet révèle l'univers du "transnational" dans toute sa complexité. Mais ce qui sauve les analyses des études folkloriques traditionnelles (isolation intellectuelle et stigmatisation par l'association avec des nationalismes exceptionnellement durs et revanchistes) consiste avant tout en deux points forts: sa connaissance, évidemment bien profonde et circonstanciée, de l'histoire des théories les plus importantes en anthropologie sociale d'un côté, et sa méfiance soit du nationalisme soit des critiques souvent trop simplistes avancées par des savants qui n'avaient peut-être pas considéré que le modèle d'une identité construite peut devenir abusive dans le cas où elle sert à soutenir des idéologies identitaires opposées selon la rhétorique de l'opposition entre le faux et le réel. En ce qui concerne le champ des ethnicités comparées de l'Europe, Jean Copans note que des nationalités de l'empire austro-hongrois on glisse à l'ethnicisme avec des intellectuels organiques (et parfois des ethnologues) tout aussi responsables (et coupables!). Michael Herzfeld aussi mentionne les observations d'Albert Doja sur les points de parallélisme entre la politique ethnique et le comportement des savants, pour noter que celle-ci est une comparaison qui a pu achever un très haut niveau d'importance analytique. Le rapporteur est bien d'accord avec les observations d'Albert Doja, car ce qui est d'une importance capitale est le fait qu'il réussit à nous rappeler que les savants font déjà partie de ce qu'ils étudient, qu'ils le veuillent ou non. Il faut souligner que bien que d'autres ethnologues aient déjà établi des rapports, soit historiques, soit formels, entre le nationalisme et l'anthropologie, Albert Doja achève sur ce point une formulation suffisamment généralisable et heuristiquement suggestive pour qu'on puisse en dériver des projets "de terrain" à l'avenir. À ce propos Christian Bromberger (Professeur, Université de Provence) et Jonathan Friedman (Directeur d'études, EHESS) notent tous les deux que les interprétations des violences et des atrocités sexuelles dans les conditions de conflit interethnique pendant les guerres de Bosnie et du Kosovo sont fort intéressantes. Jean Copans (Professeur, Paris-V) estime aussi que l'hypothèse d'Albert Doja sur l'équivalence culturelle des modèles de lecture du viol par la victime et par celui qui l'a perpétré est pertinente. Albert Doja montre comment la pollution du sang dans des sociétés qui en ont érigé la pureté en valeur dominante vise et "amène nécessairement le désordre et l'éclatement du système social et du groupe tout entier". La substitution d'une ligne paternelle externe à la ligne établie par le mariage par l'agression désorganise profondément l'ordre parental de la société locale. Jean-Pierre Warnier (Professeur, Paris V) note à ce propos que les cadres d'analyse proposés par Albert Doja relèvent du structuralisme (Hage, Héritier, Testart, Douglas) en termes de catégories disjonctives et de rituels par rapport aux représentations des humeurs corporelles et à la réalité physique de l'agression–intrusion. Le cadre théorique structuraliste est traditionnellement considéré rebelle à l'analyse politique, mais le mérite d'Albert Doja est de montrer que la "culture" des protagonistes permet de comprendre l'impact ravageur du viol sur la subjectivité des acteurs, situant le viol dans un rapport de force et de pouvoir - pouvoir qui, comme le répétait Michel Foucault, s'adresse toujours au corps dans sa matérialité. Dans ses analyses des causes des viols, Albert Doja est convaincu que l'explication doit être cherchée dans le fait que les valeurs d'honneur sont mises en avant par une sorte d'agencéité (agency) politique et instrumentale. Par ailleurs, les rapports de pouvoir ne sont pas impliqués dans la re-traditionalisation des valeurs. C'est le changement des structures macrosociologiques qui alimente cette re-traditionalisation et c'est l'usage instrumental des valeurs identitaires et des valeurs morales et sociales de l'honneur ou de la religion qui fait que le viol soit aussi efficace comme une arme de purification ethnique. Ainsi on peut suggérer que le viol a une fonction politique immédiate. Jonathan Friedman note qu'un point bien fort dans les recherches d'Albert Doja consiste à démontrer l'importance de l'anthropologie dans la compréhension des conflits contemporains dans la région balkanique. Il démontre que la logique des rapports familiaux, basé sur un modèle fortement patriarcal où l'honneur est central et génératif des feuds (vendetta) qui bloque la résolution des conflits sans la violence. Cette logique lie la production des sujets masculins à la politique ethnique. C'est une contribution importante à une discussion de la guerre qui est souvent limitée à des concepts généraux comme le nationalisme ou les régimes corrompues qui utilisent leurs propres populations pour atteindre des buts privés. Dans sa discussion des rapports complexes entre l'État, les discours nationalistes et la façon dont ils sont assimilés en bas de l'ordre politique, Albert Doja suggère le rôle important de la mondialisation dans le déclenchement de la fragmentation à l'intérieur de l'État-nation. Il discute la façon dont se développent les débats entre Albanais et Serbes à propos du statut historique de Kosovo, où les intellectuels ont joué un rôle important. Certes Albert Doja construit son champ de manière historique, anthropologique et comparative. Même si cette comparaison s'arrête essentiellement aux frontières des Balkans, Jean Copans ajoute toutefois que par ailleurs il nous propose une théorie générale de 1'ethnicité. Il faut donc discriminer entre généralisation et comparaison. Or les sociétés des Balkans sont des sociétés de l'histoire écrite ce qui modifie les perceptions anthropologiques habituelles. Nous ne sommes pas dans le contexte post-colonial habituel mais le choix de propositions cognitivistes ne débouche heureusement pas sur des propositions essentialistes ou instrumentalistes, ni sur des réactions de mode qui mondialiseraient abusivement l'expérience récente des Balkans. Christian Bromberger note à ce propos que l'auteur, traitant du thème des identités, renvoie dos à dos les "primordialistes" et les "instrumentalistes" en notant justement que même si "les attributs culturels tenus pour être la marque distinctive d'un groupe peuvent faire l'objet de transformations, de substitutions, de réinterprétations, cela ne conduit pas à poser que l'identification ethnique peut s'exercer à partir de n'importe quoi". Jonathan Friedman ajoute aussi que la discussion d'Albert Doja sur les rapports entre l'ethnicité instrumentale et primordialiste est importante, même si elle reprend partiellement des discussions connues ailleurs aussi. Le fait que la manipulation de l'identité reste toujours dans des limites encadrées par une espace identitaire qui a ses propres limites implique que l'instrumentalisme est toujours limité et que "on ne peut s'identifier à partir de n'importe quoi". Mais Albert Doja marque un point important quand il soutient que ces deux concepts sont mieux compris si on les considère comme des aspects d'un même phénomène. Jean-Pierre Warnier remarque que la question du pouvoir et des rapports politiques apparaît souvent dans les travaux d'Albert Doja, mais là où il se rapproche le plus d'une analyse politique, c'est dans l'article «The politics of religion». D'un point de vue théorique, il ne semble pas suffisant de renvoyer dos à dos primordialistes et constructivistes, comme le fait pourtant le candidat. C'est l'analyse du pouvoir qui permet de trancher entre les deux, ainsi que l'a suggéré Jean-François Bayart dans son livre L'Illusion identitaire. A cette question concernant le pouvoir, Albert Doja répond que c'est précisément parce la question du pouvoir et des rapports politiques est centrale à l'ensemble de ses travaux qu'on devrait considérer plutôt réducteur de la traiter séparément. Le candidat dit faire une distinction entre pouvoir et politique et qu'il s'intéresse à l'usage instrumental des valeurs morales et sociales de l'identité. Catherine Quiminal note à ce propos que les processus que Albert Doja qualifie de construction identitaire se développent en fonction d'enjeux sociaux et politiques circonstanciés parce que définis par des rapports de force internes aux sociétés considérées et par les relations plaçant ces dernières sous la dépendance d'autres sociétés, rapports et relations qui sont générateurs de domination, de discriminations et de résistances. Ces relations ont sûrement des incidences sur la compréhension de ce que Albert Doja appelle indifféremment dynamique des valeurs culturelles ou dynamique culturelle des valeurs sociales. Christian Bromberger note également l'importance des processus de construction et d'affirmation des identités collectives, ainsi abordées par Albert Doja, dans une région marquée par une forte fragmentation des appartenances confessionnelles. L'auteur souligne le rôle des affiliations religieuses (le bektachisme par exemple) dans la construction des nationalismes et dans les phénomènes de résistance qui ont ponctué l'histoire complexe de l'Albanie et du sud-est de l'Europe. Il analyse, de façon éclairante et à diverses échelles chronologiques, les phénomènes de conversion et de reconversion religieuses dont l'Albanie a été le théâtre. Également fructueuse est pour Michael Herzfeld l'explication que Albert Doja suggère de l'islamisation compréhensive d'une grande partie de la population albanaise. Il étend son modèle aux cas des bosniaques, et on ne peut que regretter qu'il n'est pas encore arrivé à comparer d'autres cas, tel celui de la Crète (où la cruauté des autorités vénitiennes assurèrent leur défaite par les Turcs et donc fournit un cas extrêmement clair de ce que Albert Doja indique pour l'Albanie). Quelle ironie historique que ce soit l'Église catholique qui, par l'oppression des populations orthodoxes, ait déclenché la réaction par lequel l'Islam gagna son importance actuelle en Albanie, même si c'est dans ses aperçus historiques plutôt qu'ethnographiques où Albert Doja semble achever son plus haut niveau de perspicacité! Catherine Quiminal souligne aussi l'hypothèse suivante proposée par l'auteur: "Le développement des pratiques religieuses et des mouvements successifs de conversion et reconversion parmi les Albanais. . . se laisse interpréter comme des expressions de conflit et de protestation, conduisant aux mouvements nationaux et au nationalisme". L'étude de la dynamique de ces mouvements a permis à l'auteur de "comprendre la relativité des conflits politico-religieux et ethnico-nationaux. . . et de mettre la signification des changements d'appartenance religieuse dans la perspective de négociation et de redéfinition des identités sociales". La religion s'ethnicise à des fins de rassemblement. Nation, nationalisme et citoyenneté sont des notions également appréhendées par l'auteur comme constructions identitaires et idéologiques. L'ethnicité est considérée finalement comme "une forme et une métaphore de l'activité et de l'organisation sociale". Jonathan Friedman note aussi que la discussion par Albert Doja de la démocratisation possible de l'Albanie est assez prometteuse, même si elle est encore à ses débuts. Il est d'accord avec l'auteur qui se demande dans quels sens peut se produire une démocratisation dans une société où un affaiblissement de l'État débouche sur un renforcement des rapports parentaux et claniques, où les hiérarchies clientélistes sont à l'ordre du jour ainsi que l'identité du type clanique dominante. Mais on peut aussi suggérer que c'est au contraire les soi-disant institutions démocratiques qui sont adaptées à des stratégies "conventionnelles", semblable à la démocratie africaine (ou du moins congolaise). En fin de compte, les ouvrages d'Albert Doja représentent un corpus marqué d'une vaste érudition qui suscite de nouveaux points de départ pour une ethnologie comparative de la région balkanique. Avant tout, il a trouvé les moyens théoriques pour ériger un pont analytique entre les expériences sociales des gens ordinaires et les structures politiques des entités nationales construites en leur nom et, selon les discours officiels, en accord avec leur vie sociale et culturelle. Pour conclure, le rapport de soutenance revient sur l'originalité du dossier "en rendant hommage au travail accompli par Albert Doja", et souligne "l'intérêt d'une discussion entre anthropologues européanistes et anthropologues des aires culturelles plus traditionnelles de la discipline", aussi bien que "l'impression positive qui se dégage de cette œuvre riche et d'un parcours où chaque étape inaugure un renouvellement des perspectives et des thématiques".
International audience ; The southern regions of France with a Mediterranean climate are known for their summer droughts, which led to the construction of large hydraulic works (Canal de Provence, Canal du Bas-Rhône Languedoc.) shortly after the Second World War. The function of these works is to extend the perimeter of the zones where water shortages can be avoided because of massive local resources such as the Rhône. This is the case, for example, of the Gard rhodanien irrigated by the CNABRL. Beyond these perimeters, on the karstic foothills of the south-eastern edge of the Massif Central, on the garrigue plateaus for example, aquifers, such as that of the Lez spring in Montpellier, can be used. Further upstream from the tributaries of the Rhone, such as the Ardèche, the Cèze, the Gardon, the Hérault. and therefore in the Cévennes (l. s.), which are largely devoid of aquifers, the question of water resources during the dry summer phase is central. It is obviously old, but had been "solved", in part, by the installation of a micro-hydraulic (béal.) during the past centuries. Some of these equipments have become patrimonial, but they do not correspond (when they are still operational) to the local water needs, even taking into account the deep transformation of agriculture (reduction of the activity, labelled productions: onion, apple.). By turning to tourism (a major consumer of water and water landscapes), this region is affected by increasing difficulties due to the increase in demand, regulations that pay greater attention to the good ecological status of rivers (volume of water that can be drawn) and climate change. The latter, at least in terms of factors such as temperature, plays an obvious role, especially since these mountains have experienced a rural exodus (production of wastelands and wastelands), then the transition to all oil (abandonment of wood heating) and finally the closure of coal mines (end of afforestation wood .) which have led to a decrease in withdrawals and therefore a biological recovery, reforestation or, at least, a very significant overgrowth of the slopes. All this leads to an increase of the real evapotranspiration (ETR) which reduces the available water supply, even without clear variations linked to climate change, of the precipitated volumes which remain however very variable from one year to another. With this in mind, the local EPTBs (and the Rhone-Mediterranean-Corsica Water Agency) wanted to know with precision (which the national network does not provide) the flows of the Cevennes rivers during these summer phases. This has led to the installation of about fifteen hydrometric low-water stations since 2015 in the Cévennes upstream basins (of the base) of the Cèze and the Gardon. This approach was carried out within the paradigmatic framework of an involved science that associates, managers, politicians, the population and researchers. This background was developed in the so-called HydroPop program (2017 - 2020) which will be mentioned here only as a reminder. This being said, the production of high resolution data from about fifteen stations generates a significant and constantly growing mass of information. This led to the creation of a relational database called HydroSec. The first objective of this database is to keep all the information from the measurements made by the probes (pressure, temperature.) to the data that can be used in the study of different issues (flows.). This tool being globally available, the next step consisted in defining the drought no longer as a strict hydrological phenomenon (low water), but as a societal problem (tension between the anthropic water supply and demand on a territory - a municipality, a canton, etc. - in a given time: week, month). Some elements of this research posture will be analyzed in the proposed paper, in particular the fact that this epistemological choice allows to consider the level and the evolution of the tension on the water resource from probabilities determined on the variables of the supply and on those of the anthropic demand. It is therefore no longer a question of making the classic mass balances, but of combining probability distributions, of working on conditional probabilities (knowing the probability of A, what is the probability of B? Knowing the level of precipitation, of such and such a variable, what is the probability that the pressure on the water resource in such and such a canton, at such and such a time, will be high?) This approach naturally leads to a Bayesian framework. We will therefore present a Bayesian conceptual model that is currently being developed. This implies the selection of natural (rain, temperature, flow.) and anthropic (irrigation, AEP, recreational water.) variables to be probabilized. However, these variables must be, can be, transformed before being injected into the Bayesian model, in the Bayesian networks which are the structural tools (acyclic graph.) for calculating the concatenations of the probability distributions. In other words, it seems useful, upstream of Bayesian calculations on conditional probabilities, to develop particular models or calculations in order to have, in the probability distributions, information as specific and operational as possible. In this state of mind, we have modeled the periods without rainfall under a certain threshold (0 mm, 1 mm, 3 mm.), but also worked on the phase of low flows and proposed what we call GraviSec scales (of severity of the drought) which give a local account (for a river section), by a system of color code and notes, of the level of the flow of a river according to the paraetian statistical analysis which can be made of the available data and relating to the previous years. The text will develop this new methodology tested in the HydroPop program. In the end, the objective is therefore to make available to the managers of Mediterranean mountain basins, initially, a tool -1- for the conservation of all the field information collected, and -2- for the processing of this information, for example, to evaluate the tension on the water resource, but it could be many other facets of these mountain territories through specific modules. We can think for example of the possibilities of water storage, etc.With this in mind, the local EPTBs (and the Rhone-Mediterranean-Corsica Water Agency) wanted to know precisely (what the national network does not provide) the flows of the Cevennes rivers during these summer phases. This led to the installation of about fifteen hydrometric stations of low water since 2015 in the Cévennes upstream basins (of base) of the Cèze and the Gardon. This approach was carried out within the paradigmatic framework of an involved science that associates, managers, politicians, the population and researchers. This background was developed in the so-called HydroPop program (2017 - 2020) which will be mentioned here only as a reminder. This being the case, the production of high resolution data from about fifteen stations generates a large and constantly growing mass of information. This has led to the creation of a relational database called HydroSec. The first objective of this database is to keep all the information from the measurements made by the probes (pressure, temperature.) to the data that can be used in the study of different issues (flows.). This tool being globally available, the next step consisted in defining the drought no longer as a strict hydrological phenomenon (low water), but as a societal problem (tension between the anthropic water supply and demand on a territory - a municipality, a canton, etc. - in a given time: week, month). Some elements of this research posture will be analyzed in the proposed paper, in particular the fact that this epistemological choice allows to consider the level and the evolution of the tension on the water resource from probabilities determined on the variables of the supply and on those of the anthropic demand. It is therefore no longer a question of making the classic mass balances, but of combining probability distributions, of working on conditional probabilities (knowing the probability of A, what is the probability of B? Knowing the level of precipitation, of such and such a variable, what is the probability that the pressure on the water resource in such and such a canton, at such and such a time, will be high?) This approach naturally leads to a Bayesian framework. We will therefore present a Bayesian conceptual model that is currently being developed. This implies the selection of natural (rain, temperature, flow.) and anthropic (irrigation, AEP, recreational water.) variables to be probabilized. However, these variables must be, can be, transformed before being injected into the Bayesian model, in the Bayesian networks which are the structural tools (acyclic graph.) for calculating the concatenations of the probability distributions. In other words, it seems useful, upstream of Bayesian calculations on conditional probabilities, to develop particular models or calculations in order to have, in the probability distributions, information as specific and operational as possible. In this state of mind, we have modeled the periods without rainfall under a certain threshold (0 mm, 1 mm, 3 mm.), but also worked on the phase of low flows and proposed what we call GraviSec scales (of severity of the drought) which give a local account (for a river section), by a system of color code and notes, of the level of the flow of a river according to the paraetian statistical analysis which can be made of the available data and relating to the previous years. The text will develop this new methodology tested in the HydroPop program. In the end, the objective is therefore to make available to the managers of Mediterranean mountain basins, initially, a tool -1- for the conservation of all the field information collected, and -2- for the processing of this information, for example, to evaluate the tension on the water resource, but it could be many other facets of these mountain territories through specific modules. We can think for example of the possibilities of water storage, etc. ; Les régions méridionales de la France sous climat méditerranéen sont connues pour leurs sécheresses estivales qui ont conduit à la réalisation d'imposants aménagements hydrauliques (Canal de Provence, Canal du Bas-Rhône Languedoc…) peu après la Seconde Guerre mondiale. Ces ouvrages ont pour fonction d'étendre le périmètre des zones où les pénuries d'eau peuvent être évitées en raison de ressources massives de proximité comme le Rhône. C'est le cas, par exemple, du Gard rhodanien irrigué par la CNABRL. Au-delà de ces périmètres, sur le piémont karstique du rebord sud-est du Massif central, sur des plateaux de garrigues par exemple, des aquifères, comme celui de la source du Lez à Montpellier, peuvent être sollicités. Plus en amont des affluents du Rhône que sont l'Ardèche, la Cèze, le Gardon, l'Hérault… et donc en Cévennes (l. s.), très largement dépourvues de formations aquifères, la question de la ressource en eau, lors de la phase sèche d'été, est centrale. Elle est évidemment ancienne, mais avait été « résolue », en partie, par l'installation d'une micro hydraulique (béal…) lors des siècles passés. Certains de ces équipements sont devenus patrimoniaux, mais ne correspondent (quand ils sont encore opérationnels) en rien aux besoins en eaux locaux, même en prenant en compte la transformation profonde de l'agriculture (réduction del'activité, productions labellisées : oignon, pomme…). En se tournant entre autres choses vers le tourisme (fort consommateur d'eau et de paysages hydriques) cette région se voit affectée par des difficultés croissantes en raison de l'augmentation de la demande, de réglementations qui portent une attention plus forte au bon état écologique des rivières (volumes prélevables…) et en fonction du changement climatique. Celui-ci, au moins au niveau de facteurs comme la température, joue un rôle évident d'autant plus que ces montagnes ont connu un exode rural (production de déprises etde friches), puis le passage au tout pétrole (abandon du chauffageau bois) et enfin la fermeture des mines de charbon (fin des bois de boisement…) qui ont induit une baisse des prélèvements et donc une remontée biologique, une reforestation ou, au moins, un embroussaillement très important des versants. Tout ceci conduit donc à un accroissement de l'évapotranspiration réelle (ETR) qui réduit d'autant l'offre disponible en eau, même sans variations claires liées au changement climatique, des volumes précipités qui restent toutefois très variables d'une année sur l'autre. Fort de ce constat les EPTB locaux (et l'Agence de l'eau Rhône Méditerranée – Corse) ont souhaité connaitre avecprécision (ce que ne fournit par le réseau national) les débits des rivières cévenoles lors de ces phases estivales. Ceci a conduit à l'installation d'une quinzaine de stations hydrométriques d'étiage depuis 2015 dans les bassins amont cévenols (de socle) de la Cèze et du Gardon. Cette démarche a été réalisée dans le cadre paradigmatique d'une science impliquée qui associe, les gestionnaires, les politiques, la population et les chercheurs. Cet arrière-plan a été développé dans le programme dit HydroPop (2017 – 2020) qui ne sera ici évoqué que pour mémoire. Cela étant, la production de données à haute résolution d'unequinzaine de stations génère une masse d'informationsimportante et en accroissement constant. Ceci a conduit à imaginer une base de données relationnelle dite HydroSec. Celleci a pour objectif premier de conserver l'intégralité de l'information depuis les mesures faites par les sondes (Pression, température…) jusqu'aux données exploitables dans l'étude de différentes questions (débits…). Cet outil étant globalement disponible, l'étape suivante a consisté à définir la sécheresse non plus comme un strict phénomène hydrologique (basses eaux), mais comme un problème sociétal (tension entre l'offre et la demande anthropique en eau sur un territoire — une commune, un canton, etc. — en un temps donné : semaine, mois). Certains éléments de cette posture de recherche seront analysés dans la communication proposée, en particulier le fait que ce choix épistémologique permet d'envisager le niveau et l'évolution de la tension sur la ressource en eau à partir de probabilités déterminées sur les variables de l'offre et sur celles de la demande anthropique. Il n'est donc plus question de faire les classiques bilans de masse, mais de conjoindre des distributions de probabilité, de travailler sur des probabilités conditionnelles (sachant la probabilité de A, quelle est la probabilité de B ? Connaissant le niveau des précipitations, de telle ou telle variable, quelle est la probabilité que la tension sur la ressource en eau dans tel canton, à tel moment, soit forte ?). Cette approche conduit tout naturellement à se placer dans un cadre bayésien. On fera donc la présentation d'une modélisation conceptuelle bayésienne en cours de développement informatique. Ceci implique de sélectionner des variables naturelles (pluie, température, débit…) et anthropiques (irrigation, AEP, eau ludique…) à probabiliser. Toutefois ces variables doivent être, peuvent être, transformées avant d'être injectées dans le modèle bayésien, dans les réseaux bayésiens qui sont les outils structurels (graphe acyclique…) de calcul des concaténations des distributions de probabilité. En d'autres termes, il apparait utile, en amont des calculs bayésiens sur les probabilités conditionnelles, de développer des modélisations ou des calculs particuliers afin de disposer, dans les distributions de probabilité, d'informations aussi spécifiques et opérationnelles que possible. Dans cet état d'esprit nous avons modélisé les périodes sans pluies sous un certain seuil (0 mm, 1 mm, 3 mm…), mais aussi avons travaillé sur la phase de bas débits et proposé ce que nous appelons des échelles GraviSec (de gravité de la sécheresse) qui rendent compte localement (pour un tronçon de rivière), par un système de code couleurs et de notes, du niveau du débit d'une rivière en fonction de l'analyse statistique parétienne qui peut être faite des données disponibles et relatives aux années précédentes. Le texte développera cette nouvelle méthodologie testée dans le programme HydroPop. Au final l'objectif est donc de mettre à disposition des gestionnaires de bassins de montagnes méditerranéennes, dans un premier temps, un outil -1-de conservation de l'intégralité de l'information de terrain collectée, et -2- de traitement de cette information, pour, par exemple, évaluer la tension sur la ressource en eau, mais ce pourrait être bien d'autres facettes de ces territoires de montagne au travers de modules spécifiques. On peut penser par exemple aux possibilités de stockage d'eau, etc.Fort de ce constat les EPTB locaux (et l'Agence de l'eau Rhône Méditerranée – Corse) ont souhaité connaitre avec précision (ce que ne fournit par le réseau national) les débits des rivières cévenoles lors de ces phases estivales. Ceci a conduit à l'installation d'une quinzaine de stations hydrométriques d'étiage depuis 2015 dans les bassins amont cévenols (de socle) de la Cèze et du Gardon. Cette démarche a été réalisée dans le cadre paradigmatique d'une science impliquée qui associe, les gestionnaires, les politiques, la population et les chercheurs. Cet arrière-plan a été développé dans le programme dit HydroPop (2017 – 2020) qui ne sera ici évoqué que pour mémoire. Cela étant, la production de données à haute résolution d'une quinzaine de stations génère une masse d'informations importante et en accroissement constant. Ceci a conduit à imaginer une base de données relationnelle dite HydroSec. Celle ci a pour objectif premier de conserver l'intégralité de l'information depuis les mesures faites par les sondes (Pression, température…) jusqu'aux données exploitables dans l'étude de différentes questions (débits…). Cet outil étant globalement disponible, l'étape suivante a consisté à définir la sécheresse non plus comme un strict phénomène hydrologique (basses eaux), mais comme un problème sociétal (tension entre l'offre et la demande anthropique en eau sur un territoire — une commune, un canton, etc. — en un temps donné : semaine, mois). Certains éléments de cette posture de recherche seront analysés dans la communication proposée, en particulier le fait que ce choix épistémologique permet d'envisager le niveau et l'évolution de la tension sur la ressource en eau à partir de probabilités déterminées sur les variables de l'offre et sur celles de la demande anthropique. Il n'est donc plus question de faire les classiques bilans de masse, mais de conjoindre des distributions de probabilité, de travailler sur des probabilités conditionnelles (sachant la probabilité de A, quelle est la probabilité de B ? Connaissant le niveau des précipitations, de telle ou telle variable, quelle est la probabilité que la tension sur la ressource en eau dans tel canton, à tel moment, soit forte ?). Cette approche conduit tout naturellement à se placer dans un cadre bayésien. On fera donc la présentation d'une modélisation conceptuelle bayésienne en cours de développement informatique. Ceci implique de sélectionner des variables naturelles (pluie, température, débit…) et anthropiques (irrigation, AEP, eau ludique…) à probabiliser. Toutefois ces variables doivent être, peuvent être, transformées avant d'être injectées dans le modèle bayésien, dans les réseaux bayésiens qui sont les outils structurels (graphe acyclique…) de calcul des concaténations des distributions de probabilité. En d'autres termes, il apparait utile, en amont des calculs bayésiens sur les probabilités conditionnelles, de développer des modélisations ou des calculs particuliers afin de disposer, dans les distributions de probabilité, d'informations aussi spécifiques et opérationnelles que possible. Dans cet état d'esprit nous avons modélisé les périodes sans pluies sous un certain seuil (0 mm, 1 mm, 3 mm…), mais aussi avons travaillé sur la phase de bas débits et proposé ce que nous appelons des échelles GraviSec (de gravité de la sécheresse) qui rendent compte localement (pour un tronçon de rivière), par un système de code couleurs et de notes, du niveau du débit d'une rivière en fonction de l'analyse statistique parétienne qui peut être faite des données disponibles et relatives aux années précédentes. Le texte développera cette nouvelle méthodologie testée dans le programme HydroPop. Au final l'objectif est donc de mettre à disposition des gestionnaires de bassins de montagnes méditerranéennes, dans un premier temps, un outil -1- de conservation de l'intégralité de l'information de terrain collectée, et -2- de traitement de cette information, pour, par exemple, évaluer la tension sur la ressource en eau, mais ce pourrait être bien d'autres facettes de ces territoires de montagne au travers de modules spécifiques. On peut penser par exemple aux possibilités de stockage d'eau, etc.
International audience ; The southern regions of France with a Mediterranean climate are known for their summer droughts, which led to the construction of large hydraulic works (Canal de Provence, Canal du Bas-Rhône Languedoc.) shortly after the Second World War. The function of these works is to extend the perimeter of the zones where water shortages can be avoided because of massive local resources such as the Rhône. This is the case, for example, of the Gard rhodanien irrigated by the CNABRL. Beyond these perimeters, on the karstic foothills of the south-eastern edge of the Massif Central, on the garrigue plateaus for example, aquifers, such as that of the Lez spring in Montpellier, can be used. Further upstream from the tributaries of the Rhone, such as the Ardèche, the Cèze, the Gardon, the Hérault. and therefore in the Cévennes (l. s.), which are largely devoid of aquifers, the question of water resources during the dry summer phase is central. It is obviously old, but had been "solved", in part, by the installation of a micro-hydraulic (béal.) during the past centuries. Some of these equipments have become patrimonial, but they do not correspond (when they are still operational) to the local water needs, even taking into account the deep transformation of agriculture (reduction of the activity, labelled productions: onion, apple.). By turning to tourism (a major consumer of water and water landscapes), this region is affected by increasing difficulties due to the increase in demand, regulations that pay greater attention to the good ecological status of rivers (volume of water that can be drawn) and climate change. The latter, at least in terms of factors such as temperature, plays an obvious role, especially since these mountains have experienced a rural exodus (production of wastelands and wastelands), then the transition to all oil (abandonment of wood heating) and finally the closure of coal mines (end of afforestation wood .) which have led to a decrease in withdrawals and therefore a biological recovery, reforestation or, at least, a very significant overgrowth of the slopes. All this leads to an increase of the real evapotranspiration (ETR) which reduces the available water supply, even without clear variations linked to climate change, of the precipitated volumes which remain however very variable from one year to another. With this in mind, the local EPTBs (and the Rhone-Mediterranean-Corsica Water Agency) wanted to know with precision (which the national network does not provide) the flows of the Cevennes rivers during these summer phases. This has led to the installation of about fifteen hydrometric low-water stations since 2015 in the Cévennes upstream basins (of the base) of the Cèze and the Gardon. This approach was carried out within the paradigmatic framework of an involved science that associates, managers, politicians, the population and researchers. This background was developed in the so-called HydroPop program (2017 - 2020) which will be mentioned here only as a reminder. This being said, the production of high resolution data from about fifteen stations generates a significant and constantly growing mass of information. This led to the creation of a relational database called HydroSec. The first objective of this database is to keep all the information from the measurements made by the probes (pressure, temperature.) to the data that can be used in the study of different issues (flows.). This tool being globally available, the next step consisted in defining the drought no longer as a strict hydrological phenomenon (low water), but as a societal problem (tension between the anthropic water supply and demand on a territory - a municipality, a canton, etc. - in a given time: week, month). Some elements of this research posture will be analyzed in the proposed paper, in particular the fact that this epistemological choice allows to consider the level and the evolution of the tension on the water resource from probabilities determined on the variables of the supply and on those of the anthropic demand. It is therefore no longer a question of making the classic mass balances, but of combining probability distributions, of working on conditional probabilities (knowing the probability of A, what is the probability of B? Knowing the level of precipitation, of such and such a variable, what is the probability that the pressure on the water resource in such and such a canton, at such and such a time, will be high?) This approach naturally leads to a Bayesian framework. We will therefore present a Bayesian conceptual model that is currently being developed. This implies the selection of natural (rain, temperature, flow.) and anthropic (irrigation, AEP, recreational water.) variables to be probabilized. However, these variables must be, can be, transformed before being injected into the Bayesian model, in the Bayesian networks which are the structural tools (acyclic graph.) for calculating the concatenations of the probability distributions. In other words, it seems useful, upstream of Bayesian calculations on conditional probabilities, to develop particular models or calculations in order to have, in the probability distributions, information as specific and operational as possible. In this state of mind, we have modeled the periods without rainfall under a certain threshold (0 mm, 1 mm, 3 mm.), but also worked on the phase of low flows and proposed what we call GraviSec scales (of severity of the drought) which give a local account (for a river section), by a system of color code and notes, of the level of the flow of a river according to the paraetian statistical analysis which can be made of the available data and relating to the previous years. The text will develop this new methodology tested in the HydroPop program. In the end, the objective is therefore to make available to the managers of Mediterranean mountain basins, initially, a tool -1- for the conservation of all the field information collected, and -2- for the processing of this information, for example, to evaluate the tension on the water resource, but it could be many other facets of these mountain territories through specific modules. We can think for example of the possibilities of water storage, etc.With this in mind, the local EPTBs (and the Rhone-Mediterranean-Corsica Water Agency) wanted to know precisely (what the national network does not provide) the flows of the Cevennes rivers during these summer phases. This led to the installation of about fifteen hydrometric stations of low water since 2015 in the Cévennes upstream basins (of base) of the Cèze and the Gardon. This approach was carried out within the paradigmatic framework of an involved science that associates, managers, politicians, the population and researchers. This background was developed in the so-called HydroPop program (2017 - 2020) which will be mentioned here only as a reminder. This being the case, the production of high resolution data from about fifteen stations generates a large and constantly growing mass of information. This has led to the creation of a relational database called HydroSec. The first objective of this database is to keep all the information from the measurements made by the probes (pressure, temperature.) to the data that can be used in the study of different issues (flows.). This tool being globally available, the next step consisted in defining the drought no longer as a strict hydrological phenomenon (low water), but as a societal problem (tension between the anthropic water supply and demand on a territory - a municipality, a canton, etc. - in a given time: week, month). Some elements of this research posture will be analyzed in the proposed paper, in particular the fact that this epistemological choice allows to consider the level and the evolution of the tension on the water resource from probabilities determined on the variables of the supply and on those of the anthropic demand. It is therefore no longer a question of making the classic mass balances, but of combining probability distributions, of working on conditional probabilities (knowing the probability of A, what is the probability of B? Knowing the level of precipitation, of such and such a variable, what is the probability that the pressure on the water resource in such and such a canton, at such and such a time, will be high?) This approach naturally leads to a Bayesian framework. We will therefore present a Bayesian conceptual model that is currently being developed. This implies the selection of natural (rain, temperature, flow.) and anthropic (irrigation, AEP, recreational water.) variables to be probabilized. However, these variables must be, can be, transformed before being injected into the Bayesian model, in the Bayesian networks which are the structural tools (acyclic graph.) for calculating the concatenations of the probability distributions. In other words, it seems useful, upstream of Bayesian calculations on conditional probabilities, to develop particular models or calculations in order to have, in the probability distributions, information as specific and operational as possible. In this state of mind, we have modeled the periods without rainfall under a certain threshold (0 mm, 1 mm, 3 mm.), but also worked on the phase of low flows and proposed what we call GraviSec scales (of severity of the drought) which give a local account (for a river section), by a system of color code and notes, of the level of the flow of a river according to the paraetian statistical analysis which can be made of the available data and relating to the previous years. The text will develop this new methodology tested in the HydroPop program. In the end, the objective is therefore to make available to the managers of Mediterranean mountain basins, initially, a tool -1- for the conservation of all the field information collected, and -2- for the processing of this information, for example, to evaluate the tension on the water resource, but it could be many other facets of these mountain territories through specific modules. We can think for example of the possibilities of water storage, etc. ; Les régions méridionales de la France sous climat méditerranéen sont connues pour leurs sécheresses estivales qui ont conduit à la réalisation d'imposants aménagements hydrauliques (Canal de Provence, Canal du Bas-Rhône Languedoc…) peu après la Seconde Guerre mondiale. Ces ouvrages ont pour fonction d'étendre le périmètre des zones où les pénuries d'eau peuvent être évitées en raison de ressources massives de proximité comme le Rhône. C'est le cas, par exemple, du Gard rhodanien irrigué par la CNABRL. Au-delà de ces périmètres, sur le piémont karstique du rebord sud-est du Massif central, sur des plateaux de garrigues par exemple, des aquifères, comme celui de la source du Lez à Montpellier, peuvent être sollicités. Plus en amont des affluents du Rhône que sont l'Ardèche, la Cèze, le Gardon, l'Hérault… et donc en Cévennes (l. s.), très largement dépourvues de formations aquifères, la question de la ressource en eau, lors de la phase sèche d'été, est centrale. Elle est évidemment ancienne, mais avait été « résolue », en partie, par l'installation d'une micro hydraulique (béal…) lors des siècles passés. Certains de ces équipements sont devenus patrimoniaux, mais ne correspondent (quand ils sont encore opérationnels) en rien aux besoins en eaux locaux, même en prenant en compte la transformation profonde de l'agriculture (réduction del'activité, productions labellisées : oignon, pomme…). En se tournant entre autres choses vers le tourisme (fort consommateur d'eau et de paysages hydriques) cette région se voit affectée par des difficultés croissantes en raison de l'augmentation de la demande, de réglementations qui portent une attention plus forte au bon état écologique des rivières (volumes prélevables…) et en fonction du changement climatique. Celui-ci, au moins au niveau de facteurs comme la température, joue un rôle évident d'autant plus que ces montagnes ont connu un exode rural (production de déprises etde friches), puis le passage au tout pétrole (abandon du chauffageau bois) et enfin la fermeture des mines de charbon (fin des bois de boisement…) qui ont induit une baisse des prélèvements et donc une remontée biologique, une reforestation ou, au moins, un embroussaillement très important des versants. Tout ceci conduit donc à un accroissement de l'évapotranspiration réelle (ETR) qui réduit d'autant l'offre disponible en eau, même sans variations claires liées au changement climatique, des volumes précipités qui restent toutefois très variables d'une année sur l'autre. Fort de ce constat les EPTB locaux (et l'Agence de l'eau Rhône Méditerranée – Corse) ont souhaité connaitre avecprécision (ce que ne fournit par le réseau national) les débits des rivières cévenoles lors de ces phases estivales. Ceci a conduit à l'installation d'une quinzaine de stations hydrométriques d'étiage depuis 2015 dans les bassins amont cévenols (de socle) de la Cèze et du Gardon. Cette démarche a été réalisée dans le cadre paradigmatique d'une science impliquée qui associe, les gestionnaires, les politiques, la population et les chercheurs. Cet arrière-plan a été développé dans le programme dit HydroPop (2017 – 2020) qui ne sera ici évoqué que pour mémoire. Cela étant, la production de données à haute résolution d'unequinzaine de stations génère une masse d'informationsimportante et en accroissement constant. Ceci a conduit à imaginer une base de données relationnelle dite HydroSec. Celleci a pour objectif premier de conserver l'intégralité de l'information depuis les mesures faites par les sondes (Pression, température…) jusqu'aux données exploitables dans l'étude de différentes questions (débits…). Cet outil étant globalement disponible, l'étape suivante a consisté à définir la sécheresse non plus comme un strict phénomène hydrologique (basses eaux), mais comme un problème sociétal (tension entre l'offre et la demande anthropique en eau sur un territoire — une commune, un canton, etc. — en un temps donné : semaine, mois). Certains éléments de cette posture de recherche seront analysés dans la communication proposée, en particulier le fait que ce choix épistémologique permet d'envisager le niveau et l'évolution de la tension sur la ressource en eau à partir de probabilités déterminées sur les variables de l'offre et sur celles de la demande anthropique. Il n'est donc plus question de faire les classiques bilans de masse, mais de conjoindre des distributions de probabilité, de travailler sur des probabilités conditionnelles (sachant la probabilité de A, quelle est la probabilité de B ? Connaissant le niveau des précipitations, de telle ou telle variable, quelle est la probabilité que la tension sur la ressource en eau dans tel canton, à tel moment, soit forte ?). Cette approche conduit tout naturellement à se placer dans un cadre bayésien. On fera donc la présentation d'une modélisation conceptuelle bayésienne en cours de développement informatique. Ceci implique de sélectionner des variables naturelles (pluie, température, débit…) et anthropiques (irrigation, AEP, eau ludique…) à probabiliser. Toutefois ces variables doivent être, peuvent être, transformées avant d'être injectées dans le modèle bayésien, dans les réseaux bayésiens qui sont les outils structurels (graphe acyclique…) de calcul des concaténations des distributions de probabilité. En d'autres termes, il apparait utile, en amont des calculs bayésiens sur les probabilités conditionnelles, de développer des modélisations ou des calculs particuliers afin de disposer, dans les distributions de probabilité, d'informations aussi spécifiques et opérationnelles que possible. Dans cet état d'esprit nous avons modélisé les périodes sans pluies sous un certain seuil (0 mm, 1 mm, 3 mm…), mais aussi avons travaillé sur la phase de bas débits et proposé ce que nous appelons des échelles GraviSec (de gravité de la sécheresse) qui rendent compte localement (pour un tronçon de rivière), par un système de code couleurs et de notes, du niveau du débit d'une rivière en fonction de l'analyse statistique parétienne qui peut être faite des données disponibles et relatives aux années précédentes. Le texte développera cette nouvelle méthodologie testée dans le programme HydroPop. Au final l'objectif est donc de mettre à disposition des gestionnaires de bassins de montagnes méditerranéennes, dans un premier temps, un outil -1-de conservation de l'intégralité de l'information de terrain collectée, et -2- de traitement de cette information, pour, par exemple, évaluer la tension sur la ressource en eau, mais ce pourrait être bien d'autres facettes de ces territoires de montagne au travers de modules spécifiques. On peut penser par exemple aux possibilités de stockage d'eau, etc.Fort de ce constat les EPTB locaux (et l'Agence de l'eau Rhône Méditerranée – Corse) ont souhaité connaitre avec précision (ce que ne fournit par le réseau national) les débits des rivières cévenoles lors de ces phases estivales. Ceci a conduit à l'installation d'une quinzaine de stations hydrométriques d'étiage depuis 2015 dans les bassins amont cévenols (de socle) de la Cèze et du Gardon. Cette démarche a été réalisée dans le cadre paradigmatique d'une science impliquée qui associe, les gestionnaires, les politiques, la population et les chercheurs. Cet arrière-plan a été développé dans le programme dit HydroPop (2017 – 2020) qui ne sera ici évoqué que pour mémoire. Cela étant, la production de données à haute résolution d'une quinzaine de stations génère une masse d'informations importante et en accroissement constant. Ceci a conduit à imaginer une base de données relationnelle dite HydroSec. Celle ci a pour objectif premier de conserver l'intégralité de l'information depuis les mesures faites par les sondes (Pression, température…) jusqu'aux données exploitables dans l'étude de différentes questions (débits…). Cet outil étant globalement disponible, l'étape suivante a consisté à définir la sécheresse non plus comme un strict phénomène hydrologique (basses eaux), mais comme un problème sociétal (tension entre l'offre et la demande anthropique en eau sur un territoire — une commune, un canton, etc. — en un temps donné : semaine, mois). Certains éléments de cette posture de recherche seront analysés dans la communication proposée, en particulier le fait que ce choix épistémologique permet d'envisager le niveau et l'évolution de la tension sur la ressource en eau à partir de probabilités déterminées sur les variables de l'offre et sur celles de la demande anthropique. Il n'est donc plus question de faire les classiques bilans de masse, mais de conjoindre des distributions de probabilité, de travailler sur des probabilités conditionnelles (sachant la probabilité de A, quelle est la probabilité de B ? Connaissant le niveau des précipitations, de telle ou telle variable, quelle est la probabilité que la tension sur la ressource en eau dans tel canton, à tel moment, soit forte ?). Cette approche conduit tout naturellement à se placer dans un cadre bayésien. On fera donc la présentation d'une modélisation conceptuelle bayésienne en cours de développement informatique. Ceci implique de sélectionner des variables naturelles (pluie, température, débit…) et anthropiques (irrigation, AEP, eau ludique…) à probabiliser. Toutefois ces variables doivent être, peuvent être, transformées avant d'être injectées dans le modèle bayésien, dans les réseaux bayésiens qui sont les outils structurels (graphe acyclique…) de calcul des concaténations des distributions de probabilité. En d'autres termes, il apparait utile, en amont des calculs bayésiens sur les probabilités conditionnelles, de développer des modélisations ou des calculs particuliers afin de disposer, dans les distributions de probabilité, d'informations aussi spécifiques et opérationnelles que possible. Dans cet état d'esprit nous avons modélisé les périodes sans pluies sous un certain seuil (0 mm, 1 mm, 3 mm…), mais aussi avons travaillé sur la phase de bas débits et proposé ce que nous appelons des échelles GraviSec (de gravité de la sécheresse) qui rendent compte localement (pour un tronçon de rivière), par un système de code couleurs et de notes, du niveau du débit d'une rivière en fonction de l'analyse statistique parétienne qui peut être faite des données disponibles et relatives aux années précédentes. Le texte développera cette nouvelle méthodologie testée dans le programme HydroPop. Au final l'objectif est donc de mettre à disposition des gestionnaires de bassins de montagnes méditerranéennes, dans un premier temps, un outil -1- de conservation de l'intégralité de l'information de terrain collectée, et -2- de traitement de cette information, pour, par exemple, évaluer la tension sur la ressource en eau, mais ce pourrait être bien d'autres facettes de ces territoires de montagne au travers de modules spécifiques. On peut penser par exemple aux possibilités de stockage d'eau, etc.
Les questions de développement des sociétés du Sud appellent aujourd'hui à la production de données et d'indicateurs dans des domaines grandissants. Les acteurs de développement ont en effet besoin de mesurer les progrès réalisés et de comprendre les mécanismes de frein ou d'accélération du développement dans les domaines de la santé, de l'environnement ou du changement social. Les données disponibles en Afrique ne cessent de s'améliorer et de se multiplier. Parmi elle, on trouve les Observatoires de Population qui ont la particularité de produire des données longitudinales prospectives et offrent des perspectives innovantes d'analyse de données et de production d'indicateurs suivis. C'est cette question particulière de l'apport spécifique des Observatoires de Population à la connaissance de l'évolution des sociétés au Sud que vise à traiter mon mémoire d'HDR, en s'appuyant sur l'exemple du champ des études sur l'enfance.Mon parcours de recherche m'a conduit en très grande partie vers le Sénégal où j'ai travaillé sur et avec les Observatoires de Population. Ma carrière s'est largement déroulée à l'étranger, dont 11 années au Sénégal à l'IRD, 4 à Madagascar à l'Université Catholique, et 2 à l'Université de Harvard, Cambridge, USA. Mon laboratoire de rattachement est le Laboratoire Population Environnement Développement (LPED) à Marseille , avec lequel j'entretiens des collaborations étroites sur les questions d'enfance, mais aussi de famille et d'environnement. J'y ai pris des responsabilités en dirigeant une équipe (Population et Santé) pendant 4 années. Depuis longtemps je participe à des activités de formation à la recherche par la recherche (encadrement de mémoires de master, de thèses) et depuis quelques années, je participe à l'enseignement de la démographie et de la méthodologie de recherche dans un master de Mathématiques et Sciences Sociales Appliquées à l'Université d'Aix-Marseille (AMU). J'ai publié régulièrement les résultats de mes recherches dans des revues scientifiques et des ouvrages. J'ai participé à de nombreux projets de recherche dans lesquelles j'ai assuré la responsabilité de tâches. Enfin, j'ai porté et défendu la mise en œuvre et la valorisation des Observatoires de Population à plusieurs périodes de ma carrière et auprès de plusieurs instances (institutionnelles : IRD, INED ; scientifiques : colloques, séminaires, cours ; collectives : réseau Indepth). Ce dernier point constitue une contribution majeure que j'ai pu apporter à la recherche et qui marque ma reconnaissance dans le milieu des démographes africanistes. L'opportunité de cette HDR me permet de discuter de l'apport des Observatoires de Population à la connaissance de l'évolution des sociétés du Sud, en s'appuyant sur l'exemple de mes travaux en démographie de l'enfance. En effet, la question de la pertinence de ces systèmes d'observation particuliers, qui s'inscrivent dans le long terme et dont la mise en œuvre est particulièrement lourde et couteuse tant en moyens financiers qu'en ressources humaines, est plus que jamais une question d'actualité pour les différents acteurs qui y participent. Le regain d'intérêt pour les systèmes d'observation est aujourd'hui visible dans différents domaines de recherche et répond à une préoccupation de suivre l'impact des actions politiques et de disposer de scenario quant aux évolutions futures probables. Les questions qui guident cette analyse sont les suivantes :-Comment les Observatoires de Population qui se sont constitués au départ comme des enquêtes répétées deviennent-ils de véritables systèmes d'observations pluridisciplinaires ? -Sont-ils des outils pertinents et adaptés aux paradigmes contemporains de la démographie qui se généralisent par des approches micro, biographiques et comparatives ? -Quelle spécificité apporte l'approche longitudinale aux analyses de causalité entre les phénomènes ? -En quoi l'accumulation des résultats de recherche de différentes disciplines permet-il une contextualisation de l'évolution des phénomènes du type monographique, voire une perspective historique ? -Comment les avancées technologiques offrent-elles de nouvelles perspectives aux Observatoires ? -Comment cet outil peut-il renseigner les nouveaux champs de recherches sur l'enfance ?Les objectifs de cette HDR sont de deux ordres. Il s'agit d'une part de montrer en quoi les Observatoires de Population sont des outils méthodologiques d'une grande richesse et qu'ils apportent une contribution importante à la recherche pour le développement, en dépit de certaines questions méthodologiques qui les accompagnent (partie 1). Il s'agit d'autre part de montrer par des exemples issus de ma recherche les apports des Observatoires pour la recherche sur l'enfance en Afrique (partie 2). Les données d'Observatoires du Sénégal (Niakhar) ont pu être mobilisées pour produire des résultats sur la santé des enfants, les circonstances de la naissance, l'éducation, l'adolescence, la mobilité. De cette expérience, on peut tirer un cadre d'une amélioration des systèmes de collecte de données longitudinales diversifiées qui permettraient de mieux répondre aux questions actuelles du champ de l'enfance (partie 3), notamment sur les questions de la mobilité des enfants (amélioration des outils de mesure au niveau national), du travail et de l'éducation des enfants (développer l'approche longitudinale pour mieux comprendre la concurrence entre travail et école/apprentissage) et entourage et bien-être de l'enfant (amélioration de la mesure de l'entourage, notion de trajectoires de l'entourage, mesure subjective du bien-être).La première partie permet d'analyser les Observatoires de Population dans une perspective historique. Les Observatoires de Population développés depuis les années 1960 ont eu pour vocation initiale de produire des données sur la population et la santé et ont été largement utilisés comme terrain d'essais cliniques et de recherches en santé. Ils ont aussi permis de grandes avancées dans la compréhension des phénomènes démographiques, économiques et sociaux, tout comme dans celles des relations entre l'Homme et l'environnement. Les Observatoires de Population et santé sont aujourd'hui de plus en plus nombreux dans le monde et de mieux en mieux connus. Leur organisation en réseau depuis la création du Indepth-Network en 1998 a permis d'accroître leur visibilité, d'améliorer et de standardiser les procédures et de renforcer les capacités des équipes. Le réseau Indepth a mis en évidence le rôle important que peuvent jouer les Observatoires dans la recherche en santé et mis en place une politique de partage de données avec un accès libre aux données documentées sur un portail . L'Observatoire de Niakhar est l'un des plus anciens au monde. Sa méthodologie particulière est basée sur l'approche longitudinale. Les enjeux actuels des Observatoires sont discutés selon trois entrées. L'entrée éthique renvoie à des enjeux spécifiques liés au caractère permanent du terrain, avec des enquêtes sans cesse renouvelées auprès d'une même population. Les recherches nécessitent la participation de la population, or celle-ci retire souvent peu de bénéfices d'une recherche orientée vers un développement plus large, et dont l'implémentation des actions n'est pas du ressort du chercheur. Les enjeux institutionnels en termes de gouvernance et d'implication dans les structures nationales sont discutés à partir d'exemples contemporains observés dans d'autres pays (Ethiopie et Afrique du Sud). Les enjeux méthodologiques sont évoqués en lien avec les nouvelles technologies qui deviennent incontournables. Ces technologies offrent des potentialités nouvelles aux Observatoires en améliorant les méthodes de collecte et de traitement des données, en permettant de multiplier les échelles, les domaines de suivi et les niveaux d'analyse. Elles ouvrent ainsi des perspectives pluridisciplinaires fortes. Les nouvelles technologies permettent aussi la standardisation des données et de leur documentation qui autorise le partage de données (open data), les offrant ainsi à un plus grand nombre d'acteurs.La deuxième partie analyse les apports des Observatoires à la recherche dans le champ de l'enfance. La démographie de l'enfance reste balbutiante et mal définie. Pourtant, l'enfant est bien au cœur des problématiques de la discipline. Fécondité, mortalité, migration, famille, éducation, autant d'enjeux démographiques qui concernent tout autant l'enfant que l'adulte. Mais, si l'enfant fait partie des préoccupations de la démographie, il est rarement considéré comme un acteur des phénomènes démographiques. Les comportements démographiques renvoient aux comportements des adultes. L'intérêt pour une démographie de l'enfance est formulé à travers le besoin d'indicateurs exprimé par les agences internationales. Indicateurs dont la rareté, l'imprécision ou la faible qualité ne permet pas un suivi efficace des recommandations exprimées par les textes internationaux (Objectifs du Millénaire pour le Développement, Objectifs du Développement Durable, Convention des droits de l'Enfant). La santé et la scolarisation sont les domaines les plus étudiés. Le travail des enfants est appréhendé par le biais d'enquêtes spécifiques. La prise en charge de l'enfant et son entourage sont des thématiques de recherche plus récentes. D'un point de vue théorique, le « Child Indicators Movement » développé dans les années 1990 conduit à repenser le « bien-devenir » de l'enfant et à recentrer les préoccupations sur le « bien-être » de l'enfant. Ce repositionnement conduit à un changement méthodologique fort dont la démographie ne s'est pas encore pleinement saisie. La synthèse de mes travaux de recherche permet ici de voir comment la méthodologie d'Observatoire a permis de contribuer au champ de la démographie de l'enfance dans le domaine de la santé, la sexualité et fécondité des adolescents, la scolarisation, la migration et le travail dans l'enfance.Les apports du suivi démographique à l'analyse de la mortalité des enfantsC'est la précision de l'enregistrement des décès et leur complétude qui donne tout l'intérêt des données d'Observatoire pour l'analyse de la mortalité des enfants. La datation des décès est d'autant plus précise qu'ils sont généralement enregistrés dans un délai proche du décès. Plus les passages sont rapprochés, et plus ce délai est court. Ainsi on observe sur les différentes périodes de collecte que le délai entre le décès et la date de l'enregistrement varie entre 200 jours entre 1984 et 1986 alors que les passages sont annuels et moins de 10 jours entre 1991 et 1997 lorsque les passages sont hebdomadaires. La proximité entre l'événement et son enregistrement permet une précision de la date au jour près, ce qui améliore la précision des indicateurs et surtout permet de mener des analyses fines sur la structure par âge de la mortalité des enfants (selon le trimestre) et sur la saisonnalité des décès. Les autres types de sources de données (Etat Civil, registres sanitaires, enquêtes nationales, enquêtes ad hoc) ne peuvent apporter ce niveau de détail.La complétude des décès est assurée par le fait que ce système de collecte minimise les omissions. La connaissance préalable de la composition du ménage par l'enquêteur, qui dispose d'une liste des membres résidents, permet de déceler rapidement l'omission d'un décès. Les individus relevés lors des passages précédents, y compris les nouvelles naissances, font l'objet d'un appel systématique. Même les décès de jeunes enfants, qui sont particulièrement sujets aux omissions, sont ici repérés. La faiblesse du système porte sur les naissances suivies de décès très rapide entre 2 passages du suivi démographique et qui pourraient échapper à l'enquêteur. C'est pour minimiser ce risque que les grossesses sont enregistrées dans les passages de routine. Même si elles ne sont pas déclarées en début de grossesse, une bonne part d'entre elles est enregistré avant l'accouchement. A chaque passage, les grossesses dont l'issue n'a pas été enregistrée font l'objet d'une attention particulière de la part de l'enquêteur.Ainsi, le maximum est fait pour assurer l'enregistrement de tous les décès ainsi que la précision de la datation du décès au jour près. Ce qui en fait un système unique, puisque, en l'absence d'un système d'Etat Civil performant, aucune donnée démographique d'une telle qualité n'est disponible en Afrique.Le potentiel des Observatoires va au-delà de l'analyse de la mortalité. Le suivi de la morbidité est une voie qui se développe rapidement dans les Observatoires, avec le soutien du réseau INDEPTH (Sankoh, 2015). Les appariements avec les données sanitaires des structures de soins présentes dans les villages suivis sont très prometteurs pour une meilleure compréhension des dynamiques des maladies et de leurs prises en charge.Les apports du suivi démographique à l'analyse de la sexualité, mariage et fécondité chez les jeunesLe suivi démographique sur le long terme permet de décrire les tendances de la fécondité précoce et de dater le début de sa baisse dans les années 1960. Le suivi longitudinal de routine fournit les éléments de base à la mesure de la fécondité et à l'identification des naissances prémaritales. C'est grâce à la précision des dates que l'on peut, de manière remarquablement précise, analyser la question des conceptions avant le mariage. La plupart des études se contentent de l'analyse des naissances avant le mariage, et une partie du processus échappe à l'analyse. L'apport du suivi démographique à cette question est donc de pouvoir décrire les niveaux et tendances très précis de la fécondité prémaritale. L'apport de ces données réside aussi dans l'enregistrement de la succession des évènements démographiques : naissances, mariages, migration et, depuis 1998, les migrations saisonnières. Ceci permet de mettre en évidence le rôle de l'expérience urbaine sur l'arrivée d'une naissance hors mariage, mais aussi de pouvoir décrire les adaptations sociales par la célébration d'union pendant la grossesse ou le jour du baptême.Le suivi démographique permet aussi de mesurer à quel moment le mariage intervient après une naissance prémaritale et l'on a pu voir que les conséquences les plus sensibles pour l'enfant du célibat sont lorsque l'union avec le père de l'enfant ne se produit pas et ceci, le plus souvent lorsque le père de l'enfant n'appartient pas au groupe des conjoints socialement acceptables. Des analyses sur les conséquences sur le plus long terme de la fécondité prémaritale sont possibles grâce à l'observation continue des populations. Ainsi une analyse est en cours sur les conséquences de la fécondité prémaritale sur la santé des enfants.L'analyse du mariage et de l'entrée en union est rendue possible par le suivi démographique. Les données permettent de documenter le recul de l'âge au mariage. Une analyse fine a pu être menée sur les liens entre le mariage et la crise agricole (pluviosité et cours de l'arachide). Ceci relève d'un autre aspect de l'apport des Observatoires : celui du cumul des connaissances pluridisciplinaires. La présence de recherches en agronomie est un atout d'importance pour l'analyse des faits sociaux dans une société paysanne. Certains sujets sensibles ne sont pas abordés en routine dans le suivi démographique. L'apport de l'Observatoire est alors de fournir une base de sondage pour des enquêtes sur échantillons, représentatifs ou raisonnés selon les besoins. C'est ainsi qu'ont pu facilement se dérouler plusieurs enquêtes sur échantillon qui ont permis de produire certains indicateurs. Ainsi, la question de la sexualité a été abordée au début des années 1990 dans le cadre d'un projet de recherche sur le VIH/sida. Quelques années plus tard, une autre enquête a permis de mesurer les évolutions des comportements sexuels et fournir des informations sur les attitudes et perception à l'égard du VIH/sida. L'enquête ICOFEC a permis à la fin des années 1990 de mesurer la prévalence contraceptive. L'existence de ces données renforce l'intérêt à réitérer ces enquêtes, afin de mesurer les progrès réalisés en lien avec les politiques de santé sexuelle et reproductive qui se sont déroulés dans l'intervalle.Les apports du suivi démographique à l'analyse de la scolarisationL'apport des Observatoires à l'analyse de la scolarisation est de deux ordres. D'une part le niveau de scolarisation peut être mesuré et suivi dans le temps. La profondeur historique de l'observatoire de Niakhar permet de produire certains indicateurs des années 1950. La présence continue sur le terrain a aussi permis de décrire l'évolution de l'offre scolaire. D'autre part, la mise en place d'un suivi scolaire sur une période de 4 années a permis de traiter de la question de l'absentéisme et du décrochage scolaire. L'absentéisme et la réussite scolaire sont des concepts très mal mesurés et analysés par les données quantitatives existantes. Seules les données ministérielles enregistrent des indicateurs, mais aucune donnée explicative ne peut y être associée. L'expérience de Niakhar a montré qu'il était possible de suivre dans le temps les absences des élèves et d'en documenter les raisons. La réussite scolaire pourrait tout aussi bien être documentée en finesse et mise en relation avec des variables familiales afin de mieux comprendre le rôle que joue la famille dans la réussite scolaire. L'analyse de durée sur une plus longue période permettrait une analyse plus fouillée des facteurs de décrochage. Plus largement, l'analyse longitudinale de la scolarisation dans toutes ces dimensions, en lien avec l'entrée en union, la fécondité et la migration, peut donc permettre une meilleure compréhension de la manière dont interagissent les différentes composantes de l'entrée dans la vie adulte. Les apports du suivi démographique à l'analyse de la migration et du travail dans l'enfanceL'exemple de la migration et du travail dans l'enfance est très illustratif des apports du suivi démographique à la connaissance de l'évolution des sociétés du Sud. Le cumul des connaissances sur un même terrain offre une profondeur historique précieuse pour décrire le développement des premiers mouvements de migration. De plus, la méthodologie du suivi démographique permet de mesurer l'intensité de la migration et son évolution. L'enregistrement précis des dates de départ et de retours de chaque individu permet d'identifier avec exactitude les types de migration (courtes/circulaires, versus longues/définitives). En matière de qualité des données, l'observation prospective et en temps réel de la migration garantit une précision des dates qu'il est impossible à égaler quand la collecte des biographies migratoires se base sur le discours des individus sur leur mobilité.L'enregistrement du motif de la migration permet d'analyser plus précisément les migrations de travail. Celle-ci concernant plus particulièrement des jeunes, voire très jeunes, les résultats contribuent à informer le champ de connaissances sur la mobilité des enfants. Cette typologie permet de replacer la migration circulaire/saisonnière de travail dans le contexte de migration plus longue. La question des enfants domestiques est particulièrement difficile à mesurer dans les enquêtes ménages qui présentent de nombreuses limites pour distinguer des enfants domestiques des enfants confiés (Delaunay, 2011) et on sait qu'il existe un continuum de situations. L'identification des enfants et adolescents engagés dans des migrations de travail produit des données précieuses qui mériteraient des analyses plus profondes.Cet exemple illustre aussi le potentiel des observatoires à identifier un objet central pour la compréhension des phénomènes sociaux (ici la migration circulaire de travail, mais cela pourrait aussi s'appliquer aux phénomènes écologiques ou sanitaires) et à s'en emparer par l'introduction d'une nouvelle modalité dans le suivi de routine. Ainsi, l'introduction du suivi des migrations circulaires de travail a permis de mieux comprendre le rôle que joue cette migration dans l'adaptation de cette société paysanne aux contraintes environnementales et démographiques. Les autres applications sont nombreuses et doivent être développées pour rendre compte de modifications importantes que ces migrations impliquent sur l'organisation familiale et économique et dans quelles mesures elles sont porteuses de changement dans le monde rural. Ces types de mobilités sont observées dans d'autres pays et régions. Elles sont le pont entre le monde rural et le monde urbain et sont par-là porteuses d'un potentiel fort pour les actions de développement et l'enjeu de leur mesure est d'importance.Il est clair que les questions du champ de l'enfance sont beaucoup plus vastes, et je m'interroge ici sur les améliorations à apporter en termes d'analyses et de nouvelles collectes de données, appuyées à la méthodologie des Observatoires il serait possible de mettre en œuvre. Il s'agit ainsi de s'interroger, dans la troisième partie, sur le rôle des Observatoires dans les recherches sur l'enfance en Afrique de demain.Les perspectives aujourd'hui dans le domaine de la santé de l'enfant (et de l'adulte) se tournent vers le suivi des maladies, et non plus des seuls décès, avec une mise en relation avec les données sanitaires et d'Etat Civil. Les concepts de bien-être et de vulnérabilité sont aujourd'hui très utilisés sans que de progrès notables ne soient réalisés dans la manière de les mesurer. Le degré de « bien-être » des enfants, caractérisé par certains indicateurs relatifs aux besoins de développement cognitif, moteur et affectif de l'enfant. L'éducation et l'état nutritionnel restent les marqueurs privilégiés. Ces indicateurs, ainsi que d'autres qui restent encore à imaginer, pourraient être suivis dans le temps dans le cadre d'Observatoires et mis en relation avec le parcours de l'enfant et de son entourage. Cette vision dynamique permettrait de mieux comprendre les éléments de vie qui affectent le bien-être de l'enfant, en positif comme en négatif. Le concept de vulnérabilité quant à lui renvoie plutôt à des situations de vulnérabilité qu'à des individus vulnérables. L'identification des situations de vulnérabilité des enfants et des parcours qui y conduisent pourrait éclairer les interventions de prévention et de prise en charge. Ici aussi l'approche longitudinale des Observatoires pourrait être mise à contribution pour analyser les parcours antérieurs aux situations de vulnérabilité.Au travers de ces concepts de bien-être et de vulnérabilité, les questions du confiage des enfants et de la mobilité des enfants peuvent y être abordées d'une manière originale. Ce sont les ruptures de prises en charge d'un enfant, visibles au travers d'une modification de l'entourage de l'enfant, qui conduisent à des situations de confiage. Ces jalons de vie sont en forte relation et doivent être approchés ensemble et c'est l'approche biographique qui seule permet de rendre compte des causalités.De même les questions de scolarisation, de mobilité et de travail des enfants sont souvent imbriquées, et l'approche longitudinale permet une lecture des événements à l'échelle de la vie des individus et d'approcher des causalités.La mise en œuvre d'indicateurs suivis sur l'enfance nécessite donc certaines adaptations des Observatoires pour produire des données plus fines et plus complètes sur les enfants. Qu'il s'agisse de la santé, du bien-être, de la prise en charge, de l'éducation, du travail, ou de la mobilité des enfants, une réflexion doit être faite sur les concepts à mesurer, puis sur les moyens pour les mesurer. Les efforts doivent être soutenus pour apporter les améliorations nécessaires aux Observatoires afin de pouvoir rapidement proposer une gamme d'indicateurs suivis sur l'enfance de plus en plus large. Ceci peut se faire à travers différents programmes de recherche qui permettront de développer des méthodologies innovantes à l'échelle d'un ou de plusieurs Observatoires. Le réseau Indepth sera très certainement un atout pour concevoir des projets à plus grande échelle. De plus, les avancées méthodologiques, qui permettent la production d'indicateurs, développées dans les Observatoires trouveront des applications dans l'amélioration des outils de collecte nationauxLa contribution que j'ai pu apporter aux Observatoires au cours de ma carrière est large et variée. J'ai fortement participé à la mise en valeur des données démographiques de l'Observatoire de Niakhar. L'expérience acquise par la contribution à différents projets de recherche de disciplines variées, m'a permis à plusieurs occasions de défendre l'intérêt de cette plateforme de recherche auprès des partenaires Sénégalais, de la communauté scientifique et de ma propre institution. J'ai œuvré à la modernisation des procédures d'analyses des Observatoires du Sénégal, grâce aux ateliers de travail du réseau Indepth et je contribue aujourd'hui à cette dynamique collective qui vise à appuyer l'ensemble des membres du réseau. J'ai participé et appuyé les efforts vers l'ouverture des données aux utilisateurs (open data). J'ai contribué à attirer des projets de recherche innovants en sociologie et en démographie (RESO, MADAS, DEMOSTAF) et des projets de recherche en environnement (ESCAPE, CERAO, ACASIS). J'ai aussi participé à la formation de jeunes statisticiens, démographes, économistes ou sociologues en ouvrant le terrain aux étudiants et doctorants (j'ai participé à l'encadrement de 4 thèses et près de 20 ingénieurs et masters).Les perspectives que j'envisage aujourd'hui visent à resserrer mes efforts autour du champ de l'enfance. Il s'agira de procéder à des améliorations de la collecte pour une meilleure adéquation aux problématiques de l'enfance. Il s'agira aussi de développer et de tester des méthodes de collecte qui auront une application directe sur les systèmes de collecte nationaux (enquêtes nationales, recensement), pour répondre aux besoins de données quantitatives sur l'enfance. Enfin, il s'agira de diffuser ces orientations dans le réseau Indepth et de dynamiser le champ de l'enfance dans les Observatoires au-delà du Sénégal.La question traitée par cette HDR était de savoir si les Observatoires de Population avaient un apport spécifique à la connaissance des sociétés au Sud. Il est clair que la réponse est oui, et cela à deux titres : d'une part par les apports directs de la production d'indicateurs suivis dans les différents domaines (même si cela est encore largement perfectible) ; d'autre part, par des apports indirects : développement de méthodes qui permettent l'amélioration des outils de production de données et d'indicateurs à l'échelle nationale ; développement de projets de recherche qui produisent des connaissances et des résultats applicables pour le développement.