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Le socialisme définit un rapport au temps vécu (celui du travail, celui du loisir) et de ses usages individuels et collectifs. Devenu enjeu et symbole de mobilisation contre l'exploitation capitaliste, la conquête d'un « temps libre » s'associait depuis le XIX e siècle à un projet d'émancipation. Cette histoire linéaire devait s'articuler, non sans tensions, aux exigences et aux transformations de sociétés industrielles à l'ère de l'abondance. Ces ambiguïtés éclatent aujourd'hui et le socialisme doit réinventer une réflexion qui en fasse des temps sociaux un pouvoir d'agir sur les conditions de vie.

Les questions de santé et de risque au travail ont fait l'objet d'un intérêt précoce de la part d'une partie du mouvement socialiste et ouvrier. La politisation de ces questions s'est cependant durablement heurtée au dilemme entre le niveau de vie, le salaire d'une part, la santé, l'espérance d'une vie de l'autre. Elle est rarement parvenue par ailleurs à faire prévaloir une logique de prévention, plus que de simple réparation financière des préjudices. Sur la base de ce bilan, l'article s'interroge donc sur la manière dont pourrait se construire, aujourd'hui, une politique effective et durable des enjeux de santé au travail.

Cet article présente le contenu des « Lectures » 2020 des Cahiers Jaurès .

Les effets de la nationalisation des Charbonnages en France, entre 1944 et 1946, ne concernant pas uniquement la propriété du capital et l'organisation de la production ; ils se manifestent également dans le domaine des institutions et des prestations sociales. La frontière, entre ce qui relève d'une part du « privé », du rôle social de l'entreprise, de l'autre du « public », de l'intervention de l'État, est mise alors à l'épreuve, aussi bien du point de vue des formes organisationnelles que de l'expérience des acteurs. Cependant cette frontière s'abolit moins qu'elle se déplace et se recompose. L'enjeu de cet article est d'étudier ce processus, sur le temps court de la nationalisation, mais aussi dans les années qui suivent. Derrière la volonté de rupture affichée par une grande majorité des acteurs, à la fois à l'échelle sectorielle et régionale, et à l'échelle nationale, dans le cadre de la création de la Sécurité Sociale et de la consécration de l'État-providence, il s'agira de traquer les formes de continuité, l'emprise maintenue de l'entreprise, même devenue publique, et la difficulté d'en renouveler les pratiques.

Cet article présente le contenu des « Lectures » 2020 des Cahiers Jaurès .

L'intérêt et l'engagement des historiens dans les expériences d'écriture documentaire n'ont cessé de s'accroître ces dernières années. Cet article entend revenir sur l'une de ces expériences, à laquelle j'ai participé de manière étroite, et qui a abouti au documentaire intitulé Sous l'œil des Houillères (2017), dont je suis l'auteure avec le réalisateur Richard Berthollet. Il s'agit de traiter cette expérience comme un cas bon à penser, à la fois pour lui-même et pour les enjeux plus généraux qu'il soulève. On s'interroge en particulier sur les relations entre historiens d'une part et professionnels du documentaire (réalisateurs notamment) d'autre part, sur les différents paramètres du dialogue qui peut s'établir entre eux, comme sur les ressemblances qui se manifestent et les différences qui demeurent dans leur rapport au savoir et à l'objet historiques.

Le Maitron, Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier, mouvement social, dont l'élaboration s'initie au cours des années 1960, et se prolonge jusqu'à aujourd'hui, présente une triple nature : il est à la fois pour les historiens une œuvre collective à laquelle ont participé des générations successives de chercheurs, un outil qui peut être employé d'une manière ou d'une autre, sans préjuger en la matière des transformations d'usage et de formes du travail intellectuel que charrie le numérique ; il est enfin un lieu de mémoire du mouvement social et presque désormais en lui-même un objet d'histoire, sur une partie spécifique des intellectuels et historiens français du second XX e siècle, sur leurs réseaux ou encore sur les relations entre militantisme et travail intellectuel. Si l'entreprise conte ainsi une histoire de près de deux siècles, elle donne aussi des clefs pour comprendre les quelques soixante années qui viennent de s'écouler, années cruciales puisqu'elles voient l'apogée d'un monde et d'un mouvement ouvrier, puis leur déstructuration, au moins leur profonde mutation au fil des transformations affectant les sociétés industrielles. En se penchant sur un certain nombre d'acteurs issus du monde minier français, l'enjeu est ici de réfléchir à ces différentes dimensions, pour penser la nature profondément historique, c'est-à-dire changeante du Maitron.

Léon de Seilhac n'est pas uniquement connu et reconnu pour son travail d'enquêteur sur les grèves et les mouvements sociaux, mais aussi pour son œuvre de documentaliste, de chroniqueur et d'observateur du mouvement socialiste et ouvrier, en particulier pour la période qui va de la renaissance de ce dernier après la Commune à sa structuration sous une double forme partisane et syndicale. Étranger au mouvement socialiste, Léon de Seilhac n'en apparaît pas moins comme l'un de ses premiers historiographes. Il n'est pas sans intérêt dans ces conditions de s'attarder sur la manière dont il aborde ce mouvement, sur les méthodes qu'il met en œuvre, comme sur les conclusions auxquelles il aboutit. Il s'agit aussi de s'intéresser aux évaluations et à la réception de l'œuvre de Seilhac, en particulier par le mouvement socialiste lui-même. Elles amènent en effet à réfléchir aux catégories à l'œuvre dans ces évaluations (ainsi autour de la réforme, des réformateurs, et des réformistes) et à questionner ainsi sous un autre angle un milieu socialiste en gestation.