Les disparus de la dictature dans la mémoire collective chilienne : répressions, exhumations et patrimonialisation autour du Patio 29
In: Problèmes d'Amérique Latine, Volume 104, Issue 1, p. 69-84
ISSN: 0765-1333
Par une approche sociologique et ethnographique, cet article propose d'interroger le processus de mémorialisation basé sur l'expérience de la disparition forcée subie durant la dictature de Pinochet. L'analyse se focalise sur le cas du Patio 29 , au sein du cimetière général de Santiago, lieu utilisé par le régime militaire chilien pour occulter les corps et effacer l'identité de ses victimes. Il s'agit d'aborder, dans une perspective diachronique, la manière dont la gestion des disparus, et ensuite celle de leurs cadavres retrouvés, a durablement affecté la société chilienne jusqu'à nos jours, sur le plan politique et symbolique. Ainsi, cette étude s'intéresse d'abord aux motifs et aux modalités d'inhumation clandestine des corps réalisée par les militaires, afin d'examiner son impact sur la population et plus particulièrement sur l'entourage des victimes qui espère les revoir en vie tant que les corps ne sont pas réapparus. Il s'agit aussi de montrer comment, une fois le décès de leurs proches accepté, les familles se mobiliseront pour réclamer la vérité sur leur destinée posthume afin de localiser leurs restes. Enfin, l'article rend compte des importantes controverses relatives au processus d'exhumation et d'identification des disparus du Patio 29 dans le contexte démocratique des années 1990 et s'attache à une lecture critique du phénomène de patrimonialisation du Patio 29 au Chili.