The orphans of politics and their curious machines. Aesthetic, technical and political experiments in the age of networks ; Nous partons de l'hypothèse que, pour toute une série d'activistes ayant fait défection des formes et des espaces traditionnels du militantisme - les "orphelins de politique" -, Internet apparaît comme un espace d'expérimentation permettant d'inventer des formes d'agir ensemble et de faire émerger de causes renouvelées. En élaborant des "machines", des dispositifs socio-techniques, ces activistes ne font pas "qu'outiller" la démocratie, ils sont eux-mêmes parties prenantes de processus d'innovations techniques, politiques et médiatiques. Par sa plasticité, son caractère inachevé – on pourrait même dire "prématuré" – Internet est en effet un lieu où se croisent des expérimentations politiques, culturelles, techniques et expressives. Ainsi, nous montrons que ces espaces d'expérimentations visent à renouveler non seulement les structures organisationnelles ou les répertoires d'actions, mais aussi les causes politiques et leur régime de vérité. Les machines qui s'inventent aujourd'hui ne servent peut-être à ces activistes qu'à reformuler des problématiques concernant la manière de produire des projets politiques, qui touchent au bien commun sans aliéner sa propre subjectivité.C'est la raison pour laquelle, ce travail se construit autour du triptyque "défection", "expérimentation", "expressivisme", qui constitue notre cadre d'intelligibilité de ces pratiques. Ce cadre se fonde conceptuellement et méthodologiquement d'une part sur l'apport de la sociologie politique et de la technique (travaux d'Erwin Goffman et de David Snow sur la Frame Analysis, approche de l'enquête sociologique de John Dewey, réflexions sur la technique et l'usage de Michel de Certeau, Gilbert Simondon et Andrew Feenberg). Il se fonde d'autre part que sur les acquis de l'analyse pragmatique de l'audiovisuel, des nouveaux médias et technologies de communication (sémio-pragmatique, problématique de l'intermédialité, et travaux sur l'expressivisme de Laurence Allard, etc.). Une attention toute particulière est portée aux théories endogènes du réseau qu'élaborent les acteurs, qui se réfèrent à un corpus bibliographique dominé par les écrits de Gilles Deleuze, Félix Guattari, Arjun Appadurai, Toni Negri, Lawrence Lessig et Eric S.Raymond, dont nous nous discutons l'usage tout au long de ce travail. À l'issue d'une longue recherche de terrain aux côtés de ces orphelins de la politique et de leurs "curieuses machines", il nous apparaît que le militantisme politique sur Internet, tant en France que dans le monde, marque un tournant majeur depuis le début des années 2000. Alors qu'Internet est encore aujourd'hui souvent considéré comme un simple outil au service des mobilisations politiques ou comme un "contre-média" (ou un média alternatif), nous assistons à une modification en profondeur du rapport que les activistes vont entretenir vis-à-vis d'Internet. Nous sortons en effet de ce moment où beaucoup considéraient à tort que les mouvements sociaux s'organisaient par l'intermédiaire d'outils technologique sans que ces outils n'aient d'incidence sur la forme et le contenu des mobilisations (mythe de neutralité de la technique). À l'évidence, les mouvements sociaux ne sortent pas indemnes de leur confrontation à ce nouveau média.La première partie de ce travail est consacrée à ce que nous appelons le "tournant culturel" de l'Internet militant. Alors que, jusqu'au début des années 2000, cet activisme s'inscrivait dans une continuité relative avec des formes plus traditionnelles d'activisme politique (diffusion d'information, organisation des différentes initiatives, etc.), nous assistons à l'apparition, à la fois de nouvelles pratiques et de nouveaux acteurs.Pour expliciter ce tournant culturel, nous prenons l'exemple de la vidéo en montrant, notamment grâce à une analyse d'un large corpus de films, ce que cet activisme vidéo doit, non pas au média télévisuel, mais surtout au cinéma et en particulier aux expérimentations cinématographiques des avant-gardes des années 1920 et des années 1950. Nous définissons la "politique esthétique" de ces vidéos, fondée moins sur des références liées au cinéma militant que sur des références inattendues : culture du remixage, réagencement et resignification, concepts déjà à l'œuvre dans l'histoire du cinéma et la musique, que les cultures digitales se sont elles-mêmes réappropriées.Ce corpus d'images nous conduit à constater qu'il existe une dimension nouvelle de cet activisme : à savoir les passerelles, de plus en plus nombreuses, qui se tissent avec les milieux de l'art contemporain et de la "critique artiste". Ces relations ont eu pour précurseurs les travaux de quelques groupes d'activistes du monde de l'art, du théâtre ou de la musique tels que le Critical Art Ensemble, Negativeland, etc. Nous pouvons constater l'existence de ces liens entre les activistes du Net avec les artistes se réclamant des Tactical Medias. Le terreau de cette rencontre a été ce que l'on qualifie traditionnellement de "contre-culture", des médias communautaires ou associatifs (chaînes d'accès publics, radios pirates, etc…), mais aussi l'héritage de l'histoire de l'art et de ses rapports complexes à la politique. Cette rencontre a conduit à la diffusion de productions traditionnelles (films relatant des actions ou des performances), et à l'implication concrète d'artistes dans des développements plus internes au réseau. Certains n'hésitent pas en effet à investir les domaines de la programmation informatique, de la téléphonie mobile ou du détournement de jeu vidéo, etc. Ce tournant culturel marque un tournant médiatique d'importance que l'on peut analyser au croisement des travaux de Guattari sur la notion de "post-médias" et de sa problématique de la "resignification", mais encore dans l'héritage de la culture du hack et du Do It Yourself, issue de l'informatique libre. Ce tournant souligne à quel point ce médiactivisme en réseau ne peut se résumer à la critique des médias ou à celle de la création de "médias alternatifs". Cette première partie se conclut sur la notion de "médiascape", empruntée à l'anthropologue Arjun Appadurai. Cette notion permet de rendre compte de cette accumulation d'images, de sons, de représentations qui circulent sur Internet créant ainsi une véritable communauté militante que l'on pourrait décrire d'une manière plus appropriée comme une diaspora de "publics interconnectés".La seconde partie de ce travail, intitulée "Syndiquez vous ! Agrégation et devenir-commun du réseau militant" est consacrée à la manière dont les activistes sur Internet construisent des formes originales d'agrégation politique hors des formes traditionnelles de la représentation et de la délégation. On croyait que les internautes "s'enfonçaient" dans les "plis du réseau" et dans une réalité de plus en plus virtuelle. Dans un mouvement que l'on peut qualifier de "stratégie cartographique", ils ont paradoxalement tendance à se positionner sur des cartes représentant le monde physique et même à réinvestir la rue en devenant des "externautes". Le développement des technologies radios, de mobilité et de géolocalisation (WEB 2.0, WIFI et téléphonie mobile, etc.) associé à un mouvement de projection vidéo dans l'espace public conduit à ainsi "augmenter" les territoires de l'agir. Ce passage à l'échelle du territoire montre combien la question de l'entropie et de la dispersion des données sur le réseau et in fine de l'activité politique est le risque le plus important en même temps que l'obsession de ces activistes. En poursuivant cette réflexion, nous montrons que le dispositif socio-technique de la "syndication", qui s'est d'abord développé à travers les blogs, permettant une agrégation des contenus et commentaires, apparaît comme une véritable procédure visant à construire cet "être-agir en-commun". Le premier moment de cette réflexion est consacré à retracer les différentes étapes dans la construction de cette représentation des territoires d'action - de la "Noosphère" de Teilhard de Chardin à la problématique du "Rhizome" et des "Plateaux" de Deleuze et Guattari. Cette approche critique conduit à s'intéresser plus spécifiquement à la question de la cartographie des mouvements par eux-mêmes. On voit en effet apparaître depuis quelques années de nombreuses cartes visant, d'une part à identifier des groupes d'acteurs, des pratiques mais aussi, d'autre part, à établir les relations qui existent tant entre les acteurs qu'entre les pratiques. Dès lors qu'il n'existe pas de dessein collectif, telle la prise de pouvoir, cette activité de cartographie permet de créer stratégiquement des territoires visant à héberger un "agir-commun". Le "devenir-commun" qui tente de dépasser la problématique du "devenir-mineur", avancée par Deleuze et Guattari, vise à poser les bases permettant non seulement aux minorités de se donner un projet politique, mais en allant plus loin, à toutes les subjectivités d'y participer. On a fréquemment recours au concept de coopération pour expliciter, notamment dans le domaine du logiciel libre, de l'Art Libre et du P2P, les formes d'association endogènes du réseau. La coopération a pour beaucoup marqué une évolution significative permettant d'entrevoir de nouvelles formes de production. Un travail de déconstruction des pratiques et des discours sur la coopération nécessite cependant d'imaginer et d'expérimenter de nouvelles structurations organisationnelles. De ce point de vue, la syndication apparaît peut-être plus pertinente pour définir les formes politiques d'agrégations volontaires qui se développent aujourd'hui à travers Internet. Analysée à la fois comme un procédé technologique et comme une procédure sociale et politique d'agrégation, la syndication architecture des subjectivités politiques pluralisées sur le mode de la conjonction plutôt que sous l'impératif de la communauté. Pour se débarrasser une fois encore d'une conception d'Internet réifiant sa dimension instrumentale, ce travail se conclut sur un retour critique sur les travaux de Bruno Latour qui avance la notion de "démocratie orientée objet" pour "ré-enchanter la politique". Si la défection apparaît comme une manière de contourner les questions de légitimité et de pouvoir que l'on pose aux mouvements sociaux, l'expérimentation de ces "objets" doit être conçue comme un effort incessant, visant à inventer des formes d'organisation sans cesse renouvelées. Il ne s'agit donc pas de dessiner un projet de société ou de réformer la démocratie en raffinant ces procédures : l'enjeu est plutôt d'élaborer avec et par la technique des manières et des formes d'agir ensemble et de produire du commun, en tenant compte de la singularité de chacun à l'âge de la défection et de l'expressivisme.
« L'EVALUATION DE L'EDUCATION ET L'ENJEU DES SAVOIRS » La note de synthèse qui accompagne mon dossier de candidature à l'habilitation à diriger des recherches retrace, comme il se doit, une trajectoire de recherche. Celle-ci, pour le dire brièvement, connaît un renversement lorsque, au début des années 1990, je passe d'une posture d'enseignante du second degré conduisant des recherches sur l'enseignement de sa discipline, les sciences économiques et sociales, à un positionnement de chercheuse en économie qui fait porter ses recherches sur l'évaluation de l'éducation. Cependant, dans ces deux sortes de recherches, j'adopte une même conception de l'éducation, l'entendant comme développement culturel de la personne, à portée émancipatrice. L'intentionnalité démocratique de l'éducation est présente dans cette finalité, ce qui conduit à interroger les contenus donnés à l'enseignement et les façons d'opérer la transmission. L'enjeu des savoirs est donc central dans ma conception de l'évaluation en éducation. Il est présent dans la conception qualitative de l'évaluation que je défends. La note de synthèse comporte quatre chapitres. Le premier et le deuxième retracent mes recherches empiriques en distinguant celles qui concernent l'enseignement en classe de celles qui portent sur l'évaluation. Le troisième expose les options théoriques et méthodologiques de mes travaux et le quatrième mes projets. La chapitre 1 porte sur l'enseignement scolaire et l'activité qu'y mène l'enseignant pour faire apprendre aux élèves des savoirs valides ; j'ai exclusivement travaillé sur le second degré et presque uniquement au niveau lycée. Comme bien d'autres chercheurs, j'attribue à ce qui se passe en classe un rôle majeur dans les effets de l'éducation scolaire. Inspirée des travaux en didactiques des disciplines et de ceux de pédagogie générale, je vois à l'activité enseignante une double dimension : gérer la relation aux élèves et gérer la relation des élèves aux contenus de savoir qu'il leur faut apprendre. La spécificité de mon travail a consisté à allier ces deux dimensions dans l'observation de l'enseignement effectif, notamment en SES. L'enjeu de ces recherches consistait à caractériser les significations effectivement enseignées aux élèves puis celles qu'ils ont acquises. Je soutiens et démontre que les significations effectivement enseignées ne sont pas réductibles à la lecture des programmes, ni, tout-à-fait, à celle des manuels. Je soutiens et démontre également que la façon dont le cours se passe, donc les significations qui y sont effectivement exprimées, dépend en partie de la réception par les élèves. J'essaye de caractériser une diversité de modes de déroulement de ces actions, qui, initiées par les professeurs, ont pour enjeu d'associer les élèves, je dis donc que l'action éducative est « relayée ». J'ai participé et mené plusieurs recherches qui se donnaient pour objectif de caractériser ces divers déroulements. J'y pointe leur incertitude, qui est constitutive de la rencontre enseignant-élèves et de la confrontation de ceux–ci aux savoirs qu'on veut leur faire comprendre et assimiler. Ces recherches ont supposé le recueil de matériaux d'un volume toujours considérable : enregistrement de cours, recueil de cahiers et copies d'élèves, entretiens avec les professeurs et les élèves, analyse de manuels etc. J'ai donc élaboré une méthode pour rendre compte de cette diversité des modes d'action éducative. En accord avec bien des travaux contemporains dans les sciences sociales qui tendent de rendre compte de la complexité des figures de l'action et la pluralité des « grandeurs » ou des « raisons » impliquées dans l'action, je modélise l'action des professeurs comme empruntant divers scénarii possibles selon les circonstances et les situations. Ces scénarii sont nommés « mondes d'éducation », ils se distinguent les uns des autres par la conception du savoir et de celui qui apprend qui y dominent ; il en résulte diverses façons de traiter l'incertitude de l'action éducative ; or ces divers modes de canalisation de l'incertitude n'ont pas les mêmes effets en matière d'accès des élèves aux significations attendues, ils ne produisent pas la même chose. Ils n'ont peut-être pas la même valeur en terme d'émancipation de la personne. Le chapitre 2 prend appui sur cette caractérisation de l'action éducative pour engager une critique du mode d'évaluation de l'économie standard et proposer une méthode alternative d'évaluation, qui n'exige pas la mesurabilité du « produit éducatif ». L'économie de l'éducation, comme l'économie en général, se fondant sur une conception instrumentale de l'action voit le problème de l'efficacité comme celui d'un choix entre des moyens alternatifs pour atteindre un but prédéfini. A cela s'oppose l'idée que l'action éducative n'est pas de l'ordre d'un choix, comme la description ci-dessus le laisse voir, et que le produit éducatif n'est pas un bien homogène. Les caractéristiques qualitatives des résultats de l'éducation varient, il paraît difficile d'en rendre compte par la métaphore d'un bien, ou d'une « valeur ajoutée » éducative qui serait mesurable. Le chapitre 2 se propose trois objectifs. D'abord il critique l'approche standard en économie de l'éducation qui postule l'homogénéité et la mesurabilité d'un produit éducatif. Cette critique est conduite sur le double plan logique et empirique. Je montre, notamment par mon travail sur les notes au baccalauréat, qu'il est assez aisé d'ordonner les travaux des élèves selon la valeur de leur performance, mais rarement possible de les mesurer. Les notes sont des chiffres qui ne traduisent pas une mesure mais opèrent plutôt un classement ordinal. Ensuite je réfléchis sur les effets transformateurs induits par la volonté politique de développer dans l'école en France une évaluation fondée sur la mesure quantitative des résultats scolaires des élèves. Je pointe ses effets possibles et, pour certains, déjà effectifs, sur les contenus d'enseignement prévus. La mesure généralisée des connaissances des élèves conduit à modifier les formes d'épreuves en usage dans les écoles et, par voie de conséquence, les prescriptions relatives aux contenus à enseigner de façon à les mettre en cohérence avec ces évaluations. Enfin, je propose une autre approche de l'évaluation. Je la dis « compréhensive », entendant par là que je considère comme impératif de respecter les caractéristiques spécifiques des cours d'action à évaluer si on espère que l'évaluation éclaire leur conduite. Cela impose de comprendre les « raisons » de ceux qui les mènent. Une évaluation au service des enseignants profiterait par exemple du résultat suivant. Dans de nombreux travaux, les miens et d'autres, sont mises en évidence quelques caractéristiques robustes des résultats scolaires des élèves. On remarque ainsi, grâce à des analyses en composantes principales de résultats en classe et au baccalauréat ou même des scores aux épreuves internationales de PISA, qu'un groupe, malheureusement minoritaire, d'élèves sont dans la réussite de façon très stable, quelles que soient les matières, les épreuves, les circonstances ; à ce groupe s'oppose deux autres, un groupe, lui aussi assez stable, d'élèves installés dans l'échec et un groupe important d'élèves aux résultats plus instables. La réussite ressemble à un basculement beaucoup plus qu'à une progression linéaire. Je rends compte aussi, dans ce chapitre, d'une recherche dans laquelle j'utilise cette méthode « compréhensive » pour procéder à une évaluation externe de l'éducation. Il s'agit de l'évaluation de baccalauréats technologiques et professionnels tertiaires, jugés du point de vue de la réussite de leurs détenteurs dans l'exercice de l'activité professionnelle. La différence de résultat entre ces deux sortes de bacheliers invite, entre autres facteurs susceptibles de l'expliquer, à s'intéresser aux orientations curriculaires de ces deux filières. Le chapitre 3 expose les soubassements théoriques de la démarche d'évaluation présente dans mes travaux empiriques. Il fallait en effet tirer, pour l'économie de l'éducation, les conséquences de la rupture avec une conception instrumentale de l'action. Celle-ci renouvelle la façon de penser l'incertitude. La réflexion sur l'incertitude, menée notamment dans l'économie des conventions, oppose au « risque » probabilisable, l'incertitude qui ne l'est pas. J'explique dans ce chapitre comment les travaux de ce courant m'ont aidé à construire une alternative hétérodoxe en économie de l'éducation. Il a été néanmoins nécessaire d'introduire dans la théorie les spécificités de l'acte éducatif, dans sa dimension éducative, le développement de la personne, et culturelle. Cela m'a conduit à préciser d'une part le genre d'action « relayée » dont il s'agit et, de l'autre, la conception sociologique de l'institution que j'adopte. Elle n'est pas strictement identique à celle qui est en usage dans les écrits conventionnalistes. Ainsi je me dis économiste de l'éducation, tout en revendiquant de substituer à la notion d'efficacité, qui suppose un produit éducatif bien délimité et une idée de causalité (éventuellement probabiliste), qui dicte des choix ex ante, celle d'évaluation, nécessairement ex post. La méthode d'évaluation que je préconise est directement inspirée de l'enquête sociale décrite par le philosophe pragmatiste John Dewey dans sa Logique. Cette approche reconnaît le caractère non causal des dispositifs institutionnels, ce qui oblige à prendre en considération l'incertitude de l'action et de ses conséquences. L'évaluation se veut un élément de la conduite démocratique de l'action publique, action publique signifiant une action au service du public invité à connaître et discuter les évaluations du chercheur. Le chapitre 4 enfin, expose mes projets. Je souhaite d'une part poursuivre des travaux anciens sur l'évolution des curricula, d'autre part poursuivre des travaux engagés sur l'évaluation externe de formations professionnelles. Dans mes travaux j'ai eu continûment la préoccupation des contenus transmis par l'enseignement. Ces savoirs sont délimités, mis en mot, catégorisés dans les dispositifs prévoyant l'enseignement et la certification de l'éducation et de la formation. Or cette mise en forme n'est pas arbitraire, il faut que ces catégories soient socialement jugées pertinentes et qu'elles permettent ces activités. Elle n'est pas non plus indifférente puisque ces mises en forme influencent les contenus culturels transmis. Dans ce domaine le champ ouvert à l'évaluation est vaste. Concernant la formation à visée professionnelle la question de la dynamique de l'apprentissage et du rôle de l'expérience dans l'accès à la connaissance m'intéressent tout particulièrement. Elles sont a relier à de nouveaux réquisits de gestion de la main d'œuvre et « d'employabilité » ; elles se traduisent par de nouveaux dispositifs organisationnels comme l'alternance et institutionnels comme la certification des acquis de l'expérience. Je me propose d'étudier spécialement les options sur la mise en forme des savoirs qui découlent de l'écriture de ces dispositifs de l'enseignement et la formation professionnels et leurs répercussions culturelles.
« L'EVALUATION DE L'EDUCATION ET L'ENJEU DES SAVOIRS » La note de synthèse qui accompagne mon dossier de candidature à l'habilitation à diriger des recherches retrace, comme il se doit, une trajectoire de recherche. Celle-ci, pour le dire brièvement, connaît un renversement lorsque, au début des années 1990, je passe d'une posture d'enseignante du second degré conduisant des recherches sur l'enseignement de sa discipline, les sciences économiques et sociales, à un positionnement de chercheuse en économie qui fait porter ses recherches sur l'évaluation de l'éducation. Cependant, dans ces deux sortes de recherches, j'adopte une même conception de l'éducation, l'entendant comme développement culturel de la personne, à portée émancipatrice. L'intentionnalité démocratique de l'éducation est présente dans cette finalité, ce qui conduit à interroger les contenus donnés à l'enseignement et les façons d'opérer la transmission. L'enjeu des savoirs est donc central dans ma conception de l'évaluation en éducation. Il est présent dans la conception qualitative de l'évaluation que je défends. La note de synthèse comporte quatre chapitres. Le premier et le deuxième retracent mes recherches empiriques en distinguant celles qui concernent l'enseignement en classe de celles qui portent sur l'évaluation. Le troisième expose les options théoriques et méthodologiques de mes travaux et le quatrième mes projets. La chapitre 1 porte sur l'enseignement scolaire et l'activité qu'y mène l'enseignant pour faire apprendre aux élèves des savoirs valides ; j'ai exclusivement travaillé sur le second degré et presque uniquement au niveau lycée. Comme bien d'autres chercheurs, j'attribue à ce qui se passe en classe un rôle majeur dans les effets de l'éducation scolaire. Inspirée des travaux en didactiques des disciplines et de ceux de pédagogie générale, je vois à l'activité enseignante une double dimension : gérer la relation aux élèves et gérer la relation des élèves aux contenus de savoir qu'il leur faut apprendre. La spécificité de mon travail a consisté à allier ces deux dimensions dans l'observation de l'enseignement effectif, notamment en SES. L'enjeu de ces recherches consistait à caractériser les significations effectivement enseignées aux élèves puis celles qu'ils ont acquises. Je soutiens et démontre que les significations effectivement enseignées ne sont pas réductibles à la lecture des programmes, ni, tout-à-fait, à celle des manuels. Je soutiens et démontre également que la façon dont le cours se passe, donc les significations qui y sont effectivement exprimées, dépend en partie de la réception par les élèves. J'essaye de caractériser une diversité de modes de déroulement de ces actions, qui, initiées par les professeurs, ont pour enjeu d'associer les élèves, je dis donc que l'action éducative est « relayée ». J'ai participé et mené plusieurs recherches qui se donnaient pour objectif de caractériser ces divers déroulements. J'y pointe leur incertitude, qui est constitutive de la rencontre enseignant-élèves et de la confrontation de ceux–ci aux savoirs qu'on veut leur faire comprendre et assimiler. Ces recherches ont supposé le recueil de matériaux d'un volume toujours considérable : enregistrement de cours, recueil de cahiers et copies d'élèves, entretiens avec les professeurs et les élèves, analyse de manuels etc. J'ai donc élaboré une méthode pour rendre compte de cette diversité des modes d'action éducative. En accord avec bien des travaux contemporains dans les sciences sociales qui tendent de rendre compte de la complexité des figures de l'action et la pluralité des « grandeurs » ou des « raisons » impliquées dans l'action, je modélise l'action des professeurs comme empruntant divers scénarii possibles selon les circonstances et les situations. Ces scénarii sont nommés « mondes d'éducation », ils se distinguent les uns des autres par la conception du savoir et de celui qui apprend qui y dominent ; il en résulte diverses façons de traiter l'incertitude de l'action éducative ; or ces divers modes de canalisation de l'incertitude n'ont pas les mêmes effets en matière d'accès des élèves aux significations attendues, ils ne produisent pas la même chose. Ils n'ont peut-être pas la même valeur en terme d'émancipation de la personne. Le chapitre 2 prend appui sur cette caractérisation de l'action éducative pour engager une critique du mode d'évaluation de l'économie standard et proposer une méthode alternative d'évaluation, qui n'exige pas la mesurabilité du « produit éducatif ». L'économie de l'éducation, comme l'économie en général, se fondant sur une conception instrumentale de l'action voit le problème de l'efficacité comme celui d'un choix entre des moyens alternatifs pour atteindre un but prédéfini. A cela s'oppose l'idée que l'action éducative n'est pas de l'ordre d'un choix, comme la description ci-dessus le laisse voir, et que le produit éducatif n'est pas un bien homogène. Les caractéristiques qualitatives des résultats de l'éducation varient, il paraît difficile d'en rendre compte par la métaphore d'un bien, ou d'une « valeur ajoutée » éducative qui serait mesurable. Le chapitre 2 se propose trois objectifs. D'abord il critique l'approche standard en économie de l'éducation qui postule l'homogénéité et la mesurabilité d'un produit éducatif. Cette critique est conduite sur le double plan logique et empirique. Je montre, notamment par mon travail sur les notes au baccalauréat, qu'il est assez aisé d'ordonner les travaux des élèves selon la valeur de leur performance, mais rarement possible de les mesurer. Les notes sont des chiffres qui ne traduisent pas une mesure mais opèrent plutôt un classement ordinal. Ensuite je réfléchis sur les effets transformateurs induits par la volonté politique de développer dans l'école en France une évaluation fondée sur la mesure quantitative des résultats scolaires des élèves. Je pointe ses effets possibles et, pour certains, déjà effectifs, sur les contenus d'enseignement prévus. La mesure généralisée des connaissances des élèves conduit à modifier les formes d'épreuves en usage dans les écoles et, par voie de conséquence, les prescriptions relatives aux contenus à enseigner de façon à les mettre en cohérence avec ces évaluations. Enfin, je propose une autre approche de l'évaluation. Je la dis « compréhensive », entendant par là que je considère comme impératif de respecter les caractéristiques spécifiques des cours d'action à évaluer si on espère que l'évaluation éclaire leur conduite. Cela impose de comprendre les « raisons » de ceux qui les mènent. Une évaluation au service des enseignants profiterait par exemple du résultat suivant. Dans de nombreux travaux, les miens et d'autres, sont mises en évidence quelques caractéristiques robustes des résultats scolaires des élèves. On remarque ainsi, grâce à des analyses en composantes principales de résultats en classe et au baccalauréat ou même des scores aux épreuves internationales de PISA, qu'un groupe, malheureusement minoritaire, d'élèves sont dans la réussite de façon très stable, quelles que soient les matières, les épreuves, les circonstances ; à ce groupe s'oppose deux autres, un groupe, lui aussi assez stable, d'élèves installés dans l'échec et un groupe important d'élèves aux résultats plus instables. La réussite ressemble à un basculement beaucoup plus qu'à une progression linéaire. Je rends compte aussi, dans ce chapitre, d'une recherche dans laquelle j'utilise cette méthode « compréhensive » pour procéder à une évaluation externe de l'éducation. Il s'agit de l'évaluation de baccalauréats technologiques et professionnels tertiaires, jugés du point de vue de la réussite de leurs détenteurs dans l'exercice de l'activité professionnelle. La différence de résultat entre ces deux sortes de bacheliers invite, entre autres facteurs susceptibles de l'expliquer, à s'intéresser aux orientations curriculaires de ces deux filières. Le chapitre 3 expose les soubassements théoriques de la démarche d'évaluation présente dans mes travaux empiriques. Il fallait en effet tirer, pour l'économie de l'éducation, les conséquences de la rupture avec une conception instrumentale de l'action. Celle-ci renouvelle la façon de penser l'incertitude. La réflexion sur l'incertitude, menée notamment dans l'économie des conventions, oppose au « risque » probabilisable, l'incertitude qui ne l'est pas. J'explique dans ce chapitre comment les travaux de ce courant m'ont aidé à construire une alternative hétérodoxe en économie de l'éducation. Il a été néanmoins nécessaire d'introduire dans la théorie les spécificités de l'acte éducatif, dans sa dimension éducative, le développement de la personne, et culturelle. Cela m'a conduit à préciser d'une part le genre d'action « relayée » dont il s'agit et, de l'autre, la conception sociologique de l'institution que j'adopte. Elle n'est pas strictement identique à celle qui est en usage dans les écrits conventionnalistes. Ainsi je me dis économiste de l'éducation, tout en revendiquant de substituer à la notion d'efficacité, qui suppose un produit éducatif bien délimité et une idée de causalité (éventuellement probabiliste), qui dicte des choix ex ante, celle d'évaluation, nécessairement ex post. La méthode d'évaluation que je préconise est directement inspirée de l'enquête sociale décrite par le philosophe pragmatiste John Dewey dans sa Logique. Cette approche reconnaît le caractère non causal des dispositifs institutionnels, ce qui oblige à prendre en considération l'incertitude de l'action et de ses conséquences. L'évaluation se veut un élément de la conduite démocratique de l'action publique, action publique signifiant une action au service du public invité à connaître et discuter les évaluations du chercheur. Le chapitre 4 enfin, expose mes projets. Je souhaite d'une part poursuivre des travaux anciens sur l'évolution des curricula, d'autre part poursuivre des travaux engagés sur l'évaluation externe de formations professionnelles. Dans mes travaux j'ai eu continûment la préoccupation des contenus transmis par l'enseignement. Ces savoirs sont délimités, mis en mot, catégorisés dans les dispositifs prévoyant l'enseignement et la certification de l'éducation et de la formation. Or cette mise en forme n'est pas arbitraire, il faut que ces catégories soient socialement jugées pertinentes et qu'elles permettent ces activités. Elle n'est pas non plus indifférente puisque ces mises en forme influencent les contenus culturels transmis. Dans ce domaine le champ ouvert à l'évaluation est vaste. Concernant la formation à visée professionnelle la question de la dynamique de l'apprentissage et du rôle de l'expérience dans l'accès à la connaissance m'intéressent tout particulièrement. Elles sont a relier à de nouveaux réquisits de gestion de la main d'œuvre et « d'employabilité » ; elles se traduisent par de nouveaux dispositifs organisationnels comme l'alternance et institutionnels comme la certification des acquis de l'expérience. Je me propose d'étudier spécialement les options sur la mise en forme des savoirs qui découlent de l'écriture de ces dispositifs de l'enseignement et la formation professionnels et leurs répercussions culturelles.
« L'EVALUATION DE L'EDUCATION ET L'ENJEU DES SAVOIRS » La note de synthèse qui accompagne mon dossier de candidature à l'habilitation à diriger des recherches retrace, comme il se doit, une trajectoire de recherche. Celle-ci, pour le dire brièvement, connaît un renversement lorsque, au début des années 1990, je passe d'une posture d'enseignante du second degré conduisant des recherches sur l'enseignement de sa discipline, les sciences économiques et sociales, à un positionnement de chercheuse en économie qui fait porter ses recherches sur l'évaluation de l'éducation. Cependant, dans ces deux sortes de recherches, j'adopte une même conception de l'éducation, l'entendant comme développement culturel de la personne, à portée émancipatrice. L'intentionnalité démocratique de l'éducation est présente dans cette finalité, ce qui conduit à interroger les contenus donnés à l'enseignement et les façons d'opérer la transmission. L'enjeu des savoirs est donc central dans ma conception de l'évaluation en éducation. Il est présent dans la conception qualitative de l'évaluation que je défends. La note de synthèse comporte quatre chapitres. Le premier et le deuxième retracent mes recherches empiriques en distinguant celles qui concernent l'enseignement en classe de celles qui portent sur l'évaluation. Le troisième expose les options théoriques et méthodologiques de mes travaux et le quatrième mes projets. La chapitre 1 porte sur l'enseignement scolaire et l'activité qu'y mène l'enseignant pour faire apprendre aux élèves des savoirs valides ; j'ai exclusivement travaillé sur le second degré et presque uniquement au niveau lycée. Comme bien d'autres chercheurs, j'attribue à ce qui se passe en classe un rôle majeur dans les effets de l'éducation scolaire. Inspirée des travaux en didactiques des disciplines et de ceux de pédagogie générale, je vois à l'activité enseignante une double dimension : gérer la relation aux élèves et gérer la relation des élèves aux contenus de savoir qu'il leur faut apprendre. La spécificité de mon travail a consisté à allier ces deux dimensions dans l'observation de l'enseignement effectif, notamment en SES. L'enjeu de ces recherches consistait à caractériser les significations effectivement enseignées aux élèves puis celles qu'ils ont acquises. Je soutiens et démontre que les significations effectivement enseignées ne sont pas réductibles à la lecture des programmes, ni, tout-à-fait, à celle des manuels. Je soutiens et démontre également que la façon dont le cours se passe, donc les significations qui y sont effectivement exprimées, dépend en partie de la réception par les élèves. J'essaye de caractériser une diversité de modes de déroulement de ces actions, qui, initiées par les professeurs, ont pour enjeu d'associer les élèves, je dis donc que l'action éducative est « relayée ». J'ai participé et mené plusieurs recherches qui se donnaient pour objectif de caractériser ces divers déroulements. J'y pointe leur incertitude, qui est constitutive de la rencontre enseignant-élèves et de la confrontation de ceux–ci aux savoirs qu'on veut leur faire comprendre et assimiler. Ces recherches ont supposé le recueil de matériaux d'un volume toujours considérable : enregistrement de cours, recueil de cahiers et copies d'élèves, entretiens avec les professeurs et les élèves, analyse de manuels etc. J'ai donc élaboré une méthode pour rendre compte de cette diversité des modes d'action éducative. En accord avec bien des travaux contemporains dans les sciences sociales qui tendent de rendre compte de la complexité des figures de l'action et la pluralité des « grandeurs » ou des « raisons » impliquées dans l'action, je modélise l'action des professeurs comme empruntant divers scénarii possibles selon les circonstances et les situations. Ces scénarii sont nommés « mondes d'éducation », ils se distinguent les uns des autres par la conception du savoir et de celui qui apprend qui y dominent ; il en résulte diverses façons de traiter l'incertitude de l'action éducative ; or ces divers modes de canalisation de l'incertitude n'ont pas les mêmes effets en matière d'accès des élèves aux significations attendues, ils ne produisent pas la même chose. Ils n'ont peut-être pas la même valeur en terme d'émancipation de la personne. Le chapitre 2 prend appui sur cette caractérisation de l'action éducative pour engager une critique du mode d'évaluation de l'économie standard et proposer une méthode alternative d'évaluation, qui n'exige pas la mesurabilité du « produit éducatif ». L'économie de l'éducation, comme l'économie en général, se fondant sur une conception instrumentale de l'action voit le problème de l'efficacité comme celui d'un choix entre des moyens alternatifs pour atteindre un but prédéfini. A cela s'oppose l'idée que l'action éducative n'est pas de l'ordre d'un choix, comme la description ci-dessus le laisse voir, et que le produit éducatif n'est pas un bien homogène. Les caractéristiques qualitatives des résultats de l'éducation varient, il paraît difficile d'en rendre compte par la métaphore d'un bien, ou d'une « valeur ajoutée » éducative qui serait mesurable. Le chapitre 2 se propose trois objectifs. D'abord il critique l'approche standard en économie de l'éducation qui postule l'homogénéité et la mesurabilité d'un produit éducatif. Cette critique est conduite sur le double plan logique et empirique. Je montre, notamment par mon travail sur les notes au baccalauréat, qu'il est assez aisé d'ordonner les travaux des élèves selon la valeur de leur performance, mais rarement possible de les mesurer. Les notes sont des chiffres qui ne traduisent pas une mesure mais opèrent plutôt un classement ordinal. Ensuite je réfléchis sur les effets transformateurs induits par la volonté politique de développer dans l'école en France une évaluation fondée sur la mesure quantitative des résultats scolaires des élèves. Je pointe ses effets possibles et, pour certains, déjà effectifs, sur les contenus d'enseignement prévus. La mesure généralisée des connaissances des élèves conduit à modifier les formes d'épreuves en usage dans les écoles et, par voie de conséquence, les prescriptions relatives aux contenus à enseigner de façon à les mettre en cohérence avec ces évaluations. Enfin, je propose une autre approche de l'évaluation. Je la dis « compréhensive », entendant par là que je considère comme impératif de respecter les caractéristiques spécifiques des cours d'action à évaluer si on espère que l'évaluation éclaire leur conduite. Cela impose de comprendre les « raisons » de ceux qui les mènent. Une évaluation au service des enseignants profiterait par exemple du résultat suivant. Dans de nombreux travaux, les miens et d'autres, sont mises en évidence quelques caractéristiques robustes des résultats scolaires des élèves. On remarque ainsi, grâce à des analyses en composantes principales de résultats en classe et au baccalauréat ou même des scores aux épreuves internationales de PISA, qu'un groupe, malheureusement minoritaire, d'élèves sont dans la réussite de façon très stable, quelles que soient les matières, les épreuves, les circonstances ; à ce groupe s'oppose deux autres, un groupe, lui aussi assez stable, d'élèves installés dans l'échec et un groupe important d'élèves aux résultats plus instables. La réussite ressemble à un basculement beaucoup plus qu'à une progression linéaire. Je rends compte aussi, dans ce chapitre, d'une recherche dans laquelle j'utilise cette méthode « compréhensive » pour procéder à une évaluation externe de l'éducation. Il s'agit de l'évaluation de baccalauréats technologiques et professionnels tertiaires, jugés du point de vue de la réussite de leurs détenteurs dans l'exercice de l'activité professionnelle. La différence de résultat entre ces deux sortes de bacheliers invite, entre autres facteurs susceptibles de l'expliquer, à s'intéresser aux orientations curriculaires de ces deux filières. Le chapitre 3 expose les soubassements théoriques de la démarche d'évaluation présente dans mes travaux empiriques. Il fallait en effet tirer, pour l'économie de l'éducation, les conséquences de la rupture avec une conception instrumentale de l'action. Celle-ci renouvelle la façon de penser l'incertitude. La réflexion sur l'incertitude, menée notamment dans l'économie des conventions, oppose au « risque » probabilisable, l'incertitude qui ne l'est pas. J'explique dans ce chapitre comment les travaux de ce courant m'ont aidé à construire une alternative hétérodoxe en économie de l'éducation. Il a été néanmoins nécessaire d'introduire dans la théorie les spécificités de l'acte éducatif, dans sa dimension éducative, le développement de la personne, et culturelle. Cela m'a conduit à préciser d'une part le genre d'action « relayée » dont il s'agit et, de l'autre, la conception sociologique de l'institution que j'adopte. Elle n'est pas strictement identique à celle qui est en usage dans les écrits conventionnalistes. Ainsi je me dis économiste de l'éducation, tout en revendiquant de substituer à la notion d'efficacité, qui suppose un produit éducatif bien délimité et une idée de causalité (éventuellement probabiliste), qui dicte des choix ex ante, celle d'évaluation, nécessairement ex post. La méthode d'évaluation que je préconise est directement inspirée de l'enquête sociale décrite par le philosophe pragmatiste John Dewey dans sa Logique. Cette approche reconnaît le caractère non causal des dispositifs institutionnels, ce qui oblige à prendre en considération l'incertitude de l'action et de ses conséquences. L'évaluation se veut un élément de la conduite démocratique de l'action publique, action publique signifiant une action au service du public invité à connaître et discuter les évaluations du chercheur. Le chapitre 4 enfin, expose mes projets. Je souhaite d'une part poursuivre des travaux anciens sur l'évolution des curricula, d'autre part poursuivre des travaux engagés sur l'évaluation externe de formations professionnelles. Dans mes travaux j'ai eu continûment la préoccupation des contenus transmis par l'enseignement. Ces savoirs sont délimités, mis en mot, catégorisés dans les dispositifs prévoyant l'enseignement et la certification de l'éducation et de la formation. Or cette mise en forme n'est pas arbitraire, il faut que ces catégories soient socialement jugées pertinentes et qu'elles permettent ces activités. Elle n'est pas non plus indifférente puisque ces mises en forme influencent les contenus culturels transmis. Dans ce domaine le champ ouvert à l'évaluation est vaste. Concernant la formation à visée professionnelle la question de la dynamique de l'apprentissage et du rôle de l'expérience dans l'accès à la connaissance m'intéressent tout particulièrement. Elles sont a relier à de nouveaux réquisits de gestion de la main d'œuvre et « d'employabilité » ; elles se traduisent par de nouveaux dispositifs organisationnels comme l'alternance et institutionnels comme la certification des acquis de l'expérience. Je me propose d'étudier spécialement les options sur la mise en forme des savoirs qui découlent de l'écriture de ces dispositifs de l'enseignement et la formation professionnels et leurs répercussions culturelles.
Our motivation for writing this synthesis is the personal and collective trauma caused by a new wave of attacks in France in 2015 and their aftershocks in Belgium, Germany and Great Britain. These dramatic events have rekindled important professional and existential questions worth consideration. They encouraged thinking anew about the aims and functioning of the educational institutions in which we are involved.Our research question therefore starts from an appreciation of a contemporary humanity and state of the world that seem distant from what would have been hoped for amid immense modern technological advances, for instance massive access to information and to primary education . The working hypothesis is that the ontological dimension would certainly already be present in the educational curricula and the common core, but that it would be exercised unconsciously, even repressed, which would have the effect of slowing down the emergence of responsible individuals able to act positively toward themselves, others and the planet. The objective is therefore to try to better understand and support, in view of realizing this goal, the multi-referential process of our humanization, as long as, as the Renaissance humanist Erasmus once said: "We are not born human, but rather become human". The main theoretical frameworks and concepts that we mobilize to build this work and our proposals in Education and Training Sciences are based on three fields. First, Transdisciplinarity (complex thinking , systems of systems and consciousness ). Then, transpersonal psychology (on issues of freedom, responsibility and ethics). Finally, Digital Humanities, from technological artifacts and educational technologies , to technontology .In the form of insets, we will regularly report moments from our "life story", thus inserting us into the current of biographisation , as evidence of the evolution of our own journey.In the first part, we work on the construction of a hypothetico-deductive ontological model of Being, taking into account the human condition in its spatiotemporal context – Being as it unfolds in time and space – to understand how this model functions in terms of rooting, need, capacity, desire, surpassing etc. We represent man by a metaphorical schema, called "structure-temple", comprising seven parts. The pedestal of the building symbolizes its affiliation with the "anthropological / cultural" context of birth, currently the Anthropocene (which begins with the transformative action of sustainable human action on the planet, mainly because of its technical actions) (Wallenhorst, 2019). The first column expresses the "physical / biological / energy" dimension; the second, the "emotional / sensitive" part; the third, the "mental / cognitive"; the fourth, the "groupal / social"; and the fifth, the "axiological / existential / (post) metaphysical". The pediment is the "aperture / ontological" headdress of the ensemble, which invites an optimistic conclusion according to the maxim of the Greek temple of Delphi attributed to Socrates: "Know thyself and you will know the universe and the gods".We then analyse this approach through two temporal dimensions: the big history or long cosmic history from the big bang to the creation of our planet and the development of the biosphere, as well as the ephemeral human life during which each of us will try to accomplish an "involved project" . A third timeless dimension completes them: the life of the spirit. We observe the evolutionary dynamics of the temple-structure thanks to the complementarity that it achieves with the logic of the included third and the "Hidden Third", as well as its non-reductionist character. This model is fractal because it tends toward intra-infinity, and holographic because it is multilayered. It builds a system of "cosmodern" equilibrium, testifying to the historical epistemological separation between the world of subjects and that of the objects it brings together through the theory of "Transreality" . Ultimately, it proposes to surpass an apparent dichotomy by adopting a non-dual approach intended to be effective through the "project approach" .We thus develop a model that could be useful for an ontoformation . The action links updated in the temple-structure by the exercise of the thirds (included and hidden) can be mobilized in the "essence" of the teacher's practice. The teacher must be able to evaluate his or her professional "situated action", which we would evaluate in the context of time (Pedestal and Columns) and in the "vertical" dimension of the whole structure (From Pedestal to Pediment). This approach would shift the quasi-unidirectional binary master-student relationship in the exclusive application of the programs to a dynamic sensitive process of a ternary relationship through the mobilization of the structure-temple tool, for evaluative and then truly educational purposes, as much for the position of the master as for that of the pupil. This holistic approach integrates educational proposals that can be grouped under the terms self-training and self-co-training: "Training here refers to the vital and permanent process of shaping by interaction between oneself (self), others (socio, hetero, co) and the world (eco). Self-training is then defined as the awareness, understanding and transformation by the subject of this interaction. It is the transformation of the relationship with oneself, with others and with the world" .We therefore seek to examine, through the model of the temple-structure in an educational situation, whether the poles and various elements are invested in a correctness (the right ingredient, at the right time, in an adequate quantity) that avoids imbalances, for example disturbances of other moments of life dedicated to transmission and learning and, more broadly, life outside educational spaces. To deepen this question, we will explore the model in other contexts of learning and other educational situations, such as knowledge and disciplines, practices and pedagogies, educational technologies etc.The second part of the work contextualizes the temple-structure metaphor in the field of education and training. From a harmonious reciprocal approach of a triple development, operated on personal, professional and collective levels, emerges a proposal of "Integrative and Implicative Pedagogy" (P2i). It is anchored in the long history of New Education born in the early twentieth century. Through the technicalized updating of the socioconstructivist project approach, the P2i cultivates the efficient consideration of learners, teachers and third parts (staff, parents and other partners) in all their dimensions. This reflection requires discussing the evolution of the role of the teacher in the acquisition of the fundamental learning of primary school, from "read, write, count" to "respect others", thus passing from quantitative performance to qualitative subtlety. It is a question of anticipating the passage from an "integrative" character of educational objects in all their varieties, to the "integral" dimension of the subjects in formation. The temple-structure metaphor is then presented as a multidimensional project. The research therefore applies to the field of disciplines, peri-, para- and extra-curricular activities as well as cross-cutting issues such as eco-citizenship, empowerment, happiness and well-being, emotion management, positive education etc.The P2i studies the places, the means, the methods and the tools made available to institutions and teachers (philosophical debate, yoga or laical meditation ) to allow a secular approach allowed of spirituality , which is interested in the "life of the mind". As a method of analysis and foresight, it can be mobilized to study any question related to the Sciences of Education and Training, from secularism or evaluation to open access or big data. The temple-structure and the P2i jointly propose a theoretical and practical framework favoring the application of educational "strategies of success" by the establishment of "virtuous circles" while developing our "part of humanity". For example: "class management" x "adapted learning" x "support for personalities" x "learners' skills" x "existential dimension" and so on, situating ourselves in the current of slow education and alternatives approaches to / from education. Then a question emerges: should we be guided, by need or necessity, towards a paradigm shift in education? And if so, what should we strive for?The most important aspect would ultimately be an ability to lead multi-referential lives that are connected with each other, with educational partners, with institutions, in relation to knowledge. Examples abound, especially in the field of active pedagogies. In the manner of design thinking, which manages innovation by synthesising analytical thought and intuitive thought as it mobilizes processes of co-creativity that will involve end-users, or like the operating rules stemming from sociocracy and holacracy (as decision with zero objection, election without self-declared candidates, revocability of mandates). Such examples are an extension of work that emphasizes the spiritual dimension – the opposite of routine. It is therefore essential in teacher training not to develop only professional skills, but rather to promote the development of full-fledged human beings. As if reconciling a posture of legitimacy of the teacher with that of a permission of the student. Without force or manipulation. By focusing on the "educational flow" to better enter in the learning of "content stocks". By putting more freedom in learning while maintaining ethics. With freedom of conscience in the face of ideological approaches between normality and (relative) deviance, between independence and the need for connection. By passing from the class group to the subject group. The learner becomes an actor with the acquisition of autonomy. And when the learner realizes this, it is the beginning of emancipation, which can cause shocks. Because this dynamic in progress can also create resistance, as much for the actors concerned as for the institutions. Because we must first accept the discomfort of these new situations. Accompaniment, integration and inventiveness are practices that facilitate these processes of creation, which must each time be new, in order to prevent falling back into reproducing pre-established models.The third part presents an assessment of our journey as a researcher-practitioner in the form of a reflexive return, with its strong points and its gray areas: the examination of the slow professional and spiritual "drying up" as the technicization of our research after our appointment at the Paris IUFM in 1998; our "revivification" thanks to the action involved in non-institutional teams, the first fruits of the adventure described by the present overview; the misunderstandings of our peers and the difficulties in sharing and pursuing administratively and scientifically our work orientations.This report is completed by a presentation of the research perspectives with our laboratory on the question of the uses of digital education; international collaborations with the National Institute of Informatics (NII) in Japan and the Centro de Tecnologia da Informação (CTI) in Brazil on stress at work; by the continuity of our work in the context of current teaching (integration in the axes of GIS Rreefor-Espe); the continued testing of P2i in teacher training or the deepening of the Culture of Peace. The extent of the engagement in our research community and our actions for the promotion of the discipline of the Sciences of Education and Training are particularly notable in relation to cooperation initiatives with foreign universities for teacher training in Romania (Cluj-Napoca), Spain (Valencia), Russia (Moscow), Ecuador (Chuquipata) and China (Chengdu), through the endorsement of editorial responsibilities as a reviewer, through the organization of scientific meetings, by answering requests for expert opinions…In conclusion, in the era of the Anthropocene, which is characterized by societal and lethal environmental risks for the human species, questioning what constitutes society is now absolutely necessary. Starting from our specialty, education, this problem is tackled by the study of conditions and modalities, a strategy that allows surpassing a mere "doing together" to a true "living together". At the heart of the areas to explore further are secularism and the relationship with religion . As the pedagogue Philippe Meirieu has noted: "'Believing' divides while 'knowing' brings together" . Experience facilitates passing from the first verb to the second. Massification and longer study times seem to go hand in hand with the standardization of training courses. The latter would then risk rejecting the otherness of those who follow them and tend to format them, which would be the opposite of the search for creative solutions that society needs. Finding interest and constructing the "common points" that respect diversity, based on real benevolence, with co-constructed rules, would be a pragmatic solution to consider. Fundamental principles may include but are not limited to: citizenship, partnership, democracy, team and collaborative learning, acceptance of different ideas, small group work, and extended teacher roles beyond traditional disciplines.The apparently intuitive point of convergence between these principles can be seen by taking into account our "common point of humanity" in all its various expressions. And this common point could in turn be guided by a call for a transcendence of each individual "little person", in a transcendence that is necessarily collective. If it were a matter of something informal and unspoken, all would benefit from having it brought to consciousness. Should it not then become a subject of discussion between the stakeholders, in order to encourage more and more the expression of this common point of humanity, so that everyone finds nourishment as needed, while maintaining the broadest possible respect for others and the world? In the tradition of Metagogy Theorem , we would approach a meta-science of education: a scientific and transversal model supported by an integral pedagogical paradigm that would provide a necessary and sufficient space for the ontological and spiritual dimensions.The objective of this research is to participate in the understanding of the question of consciousness and its deployment in human activities (subject / object / project), particularly in educational situations, with intention as the first criterion of analysis. ; Notre motivation à entrer dans l'écriture de cette note de synthèse trouve sa source à la suite du séisme traumatisant personnel et collectif provoqué par une nouvelle vague d'attentats en France en 2015 et par leurs répliques en Belgique, en Allemagne et en Grande-Bretagne. Ces événements dramatiques ont ravivé chez nous des questionnements professionnels et existentiels jusque-là mis de côté faute de lieu et de moment institutionnel dédié pour réfléchir aux finalités et aux fonctionnements des instances éducatives dont nous sommes partie prenante.Notre question de recherche part donc de l'appréciation d'une humanité et d'un état du monde contemporains qui semblent loin d'être à la hauteur qu'auraient laissé espérer les immenses avancées technologiques modernes, parmi lesquelles l'accès à l'information, conjuguées à une éducation primaire dispensée à très grande échelle sur la planète .Une hypothèse est que si la dimension ontologique est d'une certaine façon déjà présente dans les programmes scolaires et dans le socle commun de connaissances, de compétences et de culture de l'école et du collège notamment au travers des humanités et des compétences relationnelles et psycho-sociales, elle s'y exercerait toutefois de façon non ou insuffisamment conscientisée, ce qui amoindrirait ses effets positifs. Cet état de fait, attaché à une sorte de refoulement, aurait pour effet de ralentir la capacité de formation et d'émergence d'une personne qui soit responsable et qui agisse de manière positive envers elle-même, envers les autres et envers la planète. L'objectif poursuivi est donc de chercher à mieux comprendre et à accompagner vers ce but le processus multi-référentiel de notre humanisation au travers de l'éducation, pour autant que, comme l'affirmait déjà Érasme à la Renaissance : « On ne naît pas homme, on le devient ». Les principaux cadres théoriques et les concepts que nous mobilisons pour construire ce travail et nos propositions en Sciences de l'Éducation et de la Formation s'appuient sur trois domaines. D'abord la Transdisciplinarité , avec la pensée complexe , la théorie des systèmes et la question de la conscience . Ensuite la Psychologie Transpersonnelle , sur les questions de liberté, de responsabilité et d'éthique. Enfin les Humanités Numériques, depuis les artefacts technologiques et les technologies éducatives jusqu'à la technontologie (technique plus ontologie).Sous forme d'encarts, nous relaterons régulièrement des moments issus de notre « histoire de vie », nous insérant ainsi dans le courant de la biographisation , en tant que témoignages de l'évolution de notre propre parcours.Dans une première partie, nous travaillons à la construction d'un modèle ontologique hypothético-déductif, « l'être en tant qu'être », en tenant compte de la condition humaine dans son contexte spatio-temporel - « l'être dans le temps de l'être »- pour en comprendre le fonctionnement en termes d'enracinement, de besoin, de capacité, de désir, de dépassement… Nous représentons l'Être humain par un schéma métaphorique, appelé « structure-temple », comprenant sept éléments. Le socle de l'édifice symbolise sa filiation dans le contexte « anthropologique / culturel » de la naissance, actuellement l'anthropocène (qui débute avec l'action transformative durable de l'action humaine sur la planète, essentiellement du fait des agissements techniques et industriels, Wallenhorst, 2019). La première colonne exprime la dimension « physique / biologique / énergétique » ; la deuxième, la part « émotionnelle / sensible » ; la troisième, le « mental / cognitif » ; la quatrième, le « groupal / social » et la cinquième, l' « axiologique / existentiel / (post-)métaphysique ». Enfin, le fronton est la coiffe « ouverture / ontologique » de l'ensemble, qui invite à une conclusion optimiste selon la maxime du temple grec de Delphes attribuée à Socrate : « Connais-toi toi-même et tu connaîtras l'univers et les dieux ».Nous procédons ensuite à une analyse de cette approche au travers de deux dimensions temporelles : la big history ou longue histoire cosmique depuis le big bang jusqu'à la création de notre planète et le développement de la biosphère ainsi que l'éphémère vie humaine durant laquelle chacun tentera d'accomplir son projet « implié » . Une troisième dimension intemporelle les complète : la vie de l'esprit . Nous observons la dynamique évolutive de la structure-temple grâce à la complémentarité qu'elle opère avec les logiques du tiers inclus et du « Tiers Caché », ainsi que son caractère non-réductionniste. Ce modèle est fractal par son caractère intra-reproductible et holographique car multicouche. Il construit un système d'équilibre « cosmoderne » témoignant de la séparation épistémologique historique entre le monde des sujets et celui des objets qu'il réunit par la théorie de la « Transréalité » . Il propose in fine de dépasser cette dichotomie apparente en adoptant une approche non-duelle destinée à être opérante au moyen de la « démarche de projet » .La deuxième partie du travail contextualise la métaphore de la structure-temple dans le domaine de l'éducation et de la formation. À partir d'une démarche en réciprocité harmonieuse d'un triple développement, opéré sur les plans personnel, professionnel et collectif, émerge une proposition de « Pédagogie Intégrative et Implicative » (P2i). Elle procède d'un cadre théorique intégratif et aboutit à un dispositif implicatif ancré dans la longue histoire de l'Éducation Nouvelle dont Philippe Meirieu décèle « les prémices dès le XVIIIème siècle » . Par l'actualisation technicisée de la démarche de projet socioconstructiviste, la P2i cultive la considération efficiente des apprenants, des enseignants et des tiers (personnels, parents et autres partenaires), et ce, dans toutes leurs dimensions. Cette réflexion nécessite de discuter de l'évolution du rôle de l'enseignant dans l'acquisition des apprentissages fondamentaux de l'école primaire, depuis le « lire, écrire, compter » jusqu'au « respecter autrui », passant ainsi de la performance quantitative à la sensibilité qualitative. Il s'agit d'anticiper le passage d'un caractère « intégratif » des objets pédagogiques dans toutes leurs variétés à la dimension « intégrale » des sujets en formation. La métaphore de la structure-temple est alors déclinée comme un projet multidimensionnel. La recherche s'applique donc aussi bien au domaine des disciplines, des activités péri-, para- et extra-scolaires qu'aux questions transversales comme l'éco-citoyenneté, le pouvoir d'agir, le bonheur et le bien-être, la gestion des émotions, l'éducation positive…La P2i étudie les lieux, les moyens, les méthodes et les outils mis à disposition des institutions et des enseignants (débat philosophique, yoga ou encore méditation ) pour permettre une approche laïque autorisée de la spiritualité , qui s'intéresse à la vie de l'esprit. Tenant lieu de méthode d'analyse et de prospective, elle peut être mobilisée pour étudier toute question touchant aux Sciences de l'Éducation et de la Formation, depuis la laïcité ou l'évaluation jusqu'à l'open access ou le big data. La structure-temple et la P2i proposent conjointement un cadre théorique et pratique favorisant l'application de « stratégies de réussite éducatives » par l'instauration de cercles vertueux tout en développant notre part d'humanité. Par exemple des notions pédagogiques ou didactiques comme « la gestion de classe », « les apprentissages adaptés », « l'appui sur les personnalités », « les compétences des apprenants », « la dimension existentielle » etc. tous envisagés et pris en compte simultanément ou à tour de rôle multiplient les effets positifs de chacune de ces dimensions. Nous situant dans le courant de la slow education et des approches alternatives de/à l'éducation, une question, qui pourrait devenir « vive », se fait jour : faudrait-il nous orienter, par besoin ou par nécessité, vers un changement de paradigme éducatif ? Et si oui, vers lequel nous diriger ?La troisième partie présente un bilan de notre trajet de chercheur-praticien sous forme de retour réflexif, avec ses points forts et ses zones d'ombre : l'examen du lent « assèchement » professionnel et spirituel au fur et à mesure de la technicisation de nos recherches après notre nomination à l'Iufm de Paris en 1998 ; notre « revivifiance » grâce à l'action impliquée dans des équipes para-institutionnelles, prémices de l'aventure de cette note de synthèse ; les incompréhensions de nos pairs et les difficultés à partager et poursuivre administrativement et scientifiquement nos orientations de travail…Ce bilan est complété par un exposé des perspectives de recherche au sein de notre laboratoire sur la question des usages du numérique en éducation ; par des collaborations internationales avec le National Institute of Informatics (Tokyo, Japon) et le Centro de Tecnologia da Informação (Campinas, Sao Paolo, Brésil) sur le stress au travail ; par la continuité de nos travaux dans le contexte d'enseignement actuel (intégration dans les axes du GIS Rreefor-Espe) ; la poursuite de la mise à l'épreuve de la P2i dans la formation des enseignants ou encore l'approfondissement de la Culture de Paix. L'ampleur de l'engagement dans notre communauté de recherche et nos actions pour le rayonnement de la discipline des Sciences de l'Éducation et de la Formation s'apprécient notamment par des initiatives de coopération avec des instituts et des universités étrangères de formation des enseignants comme le National Pedagogical College (Cluj-Napoca, Roumanie), le Florida Grup Educatiu (Valencia, Espagne), la Moscow City University (Russie), l'Universidad Nacional de Educación (Chuquipata, Équateur) et l'École Normale de Chengdu (Chine) ; par la prise de responsabilités éditoriales dans des revues relevant de la section ; par l'organisation de rencontres scientifiques ; par la réponse à des demandes d'expertises nationales et internationales…En conclusion, il ressort que l'objectif de cette recherche est de participer à la compréhension de la question de la conscience et de son déploiement dans les activités humaines (sujet/objet/projet), et particulièrement en situation éducative, avec l'intention pour premier critère d'analyse.
Our motivation for writing this synthesis is the personal and collective trauma caused by a new wave of attacks in France in 2015 and their aftershocks in Belgium, Germany and Great Britain. These dramatic events have rekindled important professional and existential questions worth consideration. They encouraged thinking anew about the aims and functioning of the educational institutions in which we are involved.Our research question therefore starts from an appreciation of a contemporary humanity and state of the world that seem distant from what would have been hoped for amid immense modern technological advances, for instance massive access to information and to primary education . The working hypothesis is that the ontological dimension would certainly already be present in the educational curricula and the common core, but that it would be exercised unconsciously, even repressed, which would have the effect of slowing down the emergence of responsible individuals able to act positively toward themselves, others and the planet. The objective is therefore to try to better understand and support, in view of realizing this goal, the multi-referential process of our humanization, as long as, as the Renaissance humanist Erasmus once said: "We are not born human, but rather become human". The main theoretical frameworks and concepts that we mobilize to build this work and our proposals in Education and Training Sciences are based on three fields. First, Transdisciplinarity (complex thinking , systems of systems and consciousness ). Then, transpersonal psychology (on issues of freedom, responsibility and ethics). Finally, Digital Humanities, from technological artifacts and educational technologies , to technontology .In the form of insets, we will regularly report moments from our "life story", thus inserting us into the current of biographisation , as evidence of the evolution of our own journey.In the first part, we work on the construction of a hypothetico-deductive ontological model of Being, taking into account the human condition in its spatiotemporal context – Being as it unfolds in time and space – to understand how this model functions in terms of rooting, need, capacity, desire, surpassing etc. We represent man by a metaphorical schema, called "structure-temple", comprising seven parts. The pedestal of the building symbolizes its affiliation with the "anthropological / cultural" context of birth, currently the Anthropocene (which begins with the transformative action of sustainable human action on the planet, mainly because of its technical actions) (Wallenhorst, 2019). The first column expresses the "physical / biological / energy" dimension; the second, the "emotional / sensitive" part; the third, the "mental / cognitive"; the fourth, the "groupal / social"; and the fifth, the "axiological / existential / (post) metaphysical". The pediment is the "aperture / ontological" headdress of the ensemble, which invites an optimistic conclusion according to the maxim of the Greek temple of Delphi attributed to Socrates: "Know thyself and you will know the universe and the gods".We then analyse this approach through two temporal dimensions: the big history or long cosmic history from the big bang to the creation of our planet and the development of the biosphere, as well as the ephemeral human life during which each of us will try to accomplish an "involved project" . A third timeless dimension completes them: the life of the spirit. We observe the evolutionary dynamics of the temple-structure thanks to the complementarity that it achieves with the logic of the included third and the "Hidden Third", as well as its non-reductionist character. This model is fractal because it tends toward intra-infinity, and holographic because it is multilayered. It builds a system of "cosmodern" equilibrium, testifying to the historical epistemological separation between the world of subjects and that of the objects it brings together through the theory of "Transreality" . Ultimately, it proposes to surpass an apparent dichotomy by adopting a non-dual approach intended to be effective through the "project approach" .We thus develop a model that could be useful for an ontoformation . The action links updated in the temple-structure by the exercise of the thirds (included and hidden) can be mobilized in the "essence" of the teacher's practice. The teacher must be able to evaluate his or her professional "situated action", which we would evaluate in the context of time (Pedestal and Columns) and in the "vertical" dimension of the whole structure (From Pedestal to Pediment). This approach would shift the quasi-unidirectional binary master-student relationship in the exclusive application of the programs to a dynamic sensitive process of a ternary relationship through the mobilization of the structure-temple tool, for evaluative and then truly educational purposes, as much for the position of the master as for that of the pupil. This holistic approach integrates educational proposals that can be grouped under the terms self-training and self-co-training: "Training here refers to the vital and permanent process of shaping by interaction between oneself (self), others (socio, hetero, co) and the world (eco). Self-training is then defined as the awareness, understanding and transformation by the subject of this interaction. It is the transformation of the relationship with oneself, with others and with the world" .We therefore seek to examine, through the model of the temple-structure in an educational situation, whether the poles and various elements are invested in a correctness (the right ingredient, at the right time, in an adequate quantity) that avoids imbalances, for example disturbances of other moments of life dedicated to transmission and learning and, more broadly, life outside educational spaces. To deepen this question, we will explore the model in other contexts of learning and other educational situations, such as knowledge and disciplines, practices and pedagogies, educational technologies etc.The second part of the work contextualizes the temple-structure metaphor in the field of education and training. From a harmonious reciprocal approach of a triple development, operated on personal, professional and collective levels, emerges a proposal of "Integrative and Implicative Pedagogy" (P2i). It is anchored in the long history of New Education born in the early twentieth century. Through the technicalized updating of the socioconstructivist project approach, the P2i cultivates the efficient consideration of learners, teachers and third parts (staff, parents and other partners) in all their dimensions. This reflection requires discussing the evolution of the role of the teacher in the acquisition of the fundamental learning of primary school, from "read, write, count" to "respect others", thus passing from quantitative performance to qualitative subtlety. It is a question of anticipating the passage from an "integrative" character of educational objects in all their varieties, to the "integral" dimension of the subjects in formation. The temple-structure metaphor is then presented as a multidimensional project. The research therefore applies to the field of disciplines, peri-, para- and extra-curricular activities as well as cross-cutting issues such as eco-citizenship, empowerment, happiness and well-being, emotion management, positive education etc.The P2i studies the places, the means, the methods and the tools made available to institutions and teachers (philosophical debate, yoga or laical meditation ) to allow a secular approach allowed of spirituality , which is interested in the "life of the mind". As a method of analysis and foresight, it can be mobilized to study any question related to the Sciences of Education and Training, from secularism or evaluation to open access or big data. The temple-structure and the P2i jointly propose a theoretical and practical framework favoring the application of educational "strategies of success" by the establishment of "virtuous circles" while developing our "part of humanity". For example: "class management" x "adapted learning" x "support for personalities" x "learners' skills" x "existential dimension" and so on, situating ourselves in the current of slow education and alternatives approaches to / from education. Then a question emerges: should we be guided, by need or necessity, towards a paradigm shift in education? And if so, what should we strive for?The most important aspect would ultimately be an ability to lead multi-referential lives that are connected with each other, with educational partners, with institutions, in relation to knowledge. Examples abound, especially in the field of active pedagogies. In the manner of design thinking, which manages innovation by synthesising analytical thought and intuitive thought as it mobilizes processes of co-creativity that will involve end-users, or like the operating rules stemming from sociocracy and holacracy (as decision with zero objection, election without self-declared candidates, revocability of mandates). Such examples are an extension of work that emphasizes the spiritual dimension – the opposite of routine. It is therefore essential in teacher training not to develop only professional skills, but rather to promote the development of full-fledged human beings. As if reconciling a posture of legitimacy of the teacher with that of a permission of the student. Without force or manipulation. By focusing on the "educational flow" to better enter in the learning of "content stocks". By putting more freedom in learning while maintaining ethics. With freedom of conscience in the face of ideological approaches between normality and (relative) deviance, between independence and the need for connection. By passing from the class group to the subject group. The learner becomes an actor with the acquisition of autonomy. And when the learner realizes this, it is the beginning of emancipation, which can cause shocks. Because this dynamic in progress can also create resistance, as much for the actors concerned as for the institutions. Because we must first accept the discomfort of these new situations. Accompaniment, integration and inventiveness are practices that facilitate these processes of creation, which must each time be new, in order to prevent falling back into reproducing pre-established models.The third part presents an assessment of our journey as a researcher-practitioner in the form of a reflexive return, with its strong points and its gray areas: the examination of the slow professional and spiritual "drying up" as the technicization of our research after our appointment at the Paris IUFM in 1998; our "revivification" thanks to the action involved in non-institutional teams, the first fruits of the adventure described by the present overview; the misunderstandings of our peers and the difficulties in sharing and pursuing administratively and scientifically our work orientations.This report is completed by a presentation of the research perspectives with our laboratory on the question of the uses of digital education; international collaborations with the National Institute of Informatics (NII) in Japan and the Centro de Tecnologia da Informação (CTI) in Brazil on stress at work; by the continuity of our work in the context of current teaching (integration in the axes of GIS Rreefor-Espe); the continued testing of P2i in teacher training or the deepening of the Culture of Peace. The extent of the engagement in our research community and our actions for the promotion of the discipline of the Sciences of Education and Training are particularly notable in relation to cooperation initiatives with foreign universities for teacher training in Romania (Cluj-Napoca), Spain (Valencia), Russia (Moscow), Ecuador (Chuquipata) and China (Chengdu), through the endorsement of editorial responsibilities as a reviewer, through the organization of scientific meetings, by answering requests for expert opinions…In conclusion, in the era of the Anthropocene, which is characterized by societal and lethal environmental risks for the human species, questioning what constitutes society is now absolutely necessary. Starting from our specialty, education, this problem is tackled by the study of conditions and modalities, a strategy that allows surpassing a mere "doing together" to a true "living together". At the heart of the areas to explore further are secularism and the relationship with religion . As the pedagogue Philippe Meirieu has noted: "'Believing' divides while 'knowing' brings together" . Experience facilitates passing from the first verb to the second. Massification and longer study times seem to go hand in hand with the standardization of training courses. The latter would then risk rejecting the otherness of those who follow them and tend to format them, which would be the opposite of the search for creative solutions that society needs. Finding interest and constructing the "common points" that respect diversity, based on real benevolence, with co-constructed rules, would be a pragmatic solution to consider. Fundamental principles may include but are not limited to: citizenship, partnership, democracy, team and collaborative learning, acceptance of different ideas, small group work, and extended teacher roles beyond traditional disciplines.The apparently intuitive point of convergence between these principles can be seen by taking into account our "common point of humanity" in all its various expressions. And this common point could in turn be guided by a call for a transcendence of each individual "little person", in a transcendence that is necessarily collective. If it were a matter of something informal and unspoken, all would benefit from having it brought to consciousness. Should it not then become a subject of discussion between the stakeholders, in order to encourage more and more the expression of this common point of humanity, so that everyone finds nourishment as needed, while maintaining the broadest possible respect for others and the world? In the tradition of Metagogy Theorem , we would approach a meta-science of education: a scientific and transversal model supported by an integral pedagogical paradigm that would provide a necessary and sufficient space for the ontological and spiritual dimensions.The objective of this research is to participate in the understanding of the question of consciousness and its deployment in human activities (subject / object / project), particularly in educational situations, with intention as the first criterion of analysis. ; Notre motivation à entrer dans l'écriture de cette note de synthèse trouve sa source à la suite du séisme traumatisant personnel et collectif provoqué par une nouvelle vague d'attentats en France en 2015 et par leurs répliques en Belgique, en Allemagne et en Grande-Bretagne. Ces événements dramatiques ont ravivé chez nous des questionnements professionnels et existentiels jusque-là mis de côté faute de lieu et de moment institutionnel dédié pour réfléchir aux finalités et aux fonctionnements des instances éducatives dont nous sommes partie prenante.Notre question de recherche part donc de l'appréciation d'une humanité et d'un état du monde contemporains qui semblent loin d'être à la hauteur qu'auraient laissé espérer les immenses avancées technologiques modernes, parmi lesquelles l'accès à l'information, conjuguées à une éducation primaire dispensée à très grande échelle sur la planète .Une hypothèse est que si la dimension ontologique est d'une certaine façon déjà présente dans les programmes scolaires et dans le socle commun de connaissances, de compétences et de culture de l'école et du collège notamment au travers des humanités et des compétences relationnelles et psycho-sociales, elle s'y exercerait toutefois de façon non ou insuffisamment conscientisée, ce qui amoindrirait ses effets positifs. Cet état de fait, attaché à une sorte de refoulement, aurait pour effet de ralentir la capacité de formation et d'émergence d'une personne qui soit responsable et qui agisse de manière positive envers elle-même, envers les autres et envers la planète. L'objectif poursuivi est donc de chercher à mieux comprendre et à accompagner vers ce but le processus multi-référentiel de notre humanisation au travers de l'éducation, pour autant que, comme l'affirmait déjà Érasme à la Renaissance : « On ne naît pas homme, on le devient ». Les principaux cadres théoriques et les concepts que nous mobilisons pour construire ce travail et nos propositions en Sciences de l'Éducation et de la Formation s'appuient sur trois domaines. D'abord la Transdisciplinarité , avec la pensée complexe , la théorie des systèmes et la question de la conscience . Ensuite la Psychologie Transpersonnelle , sur les questions de liberté, de responsabilité et d'éthique. Enfin les Humanités Numériques, depuis les artefacts technologiques et les technologies éducatives jusqu'à la technontologie (technique plus ontologie).Sous forme d'encarts, nous relaterons régulièrement des moments issus de notre « histoire de vie », nous insérant ainsi dans le courant de la biographisation , en tant que témoignages de l'évolution de notre propre parcours.Dans une première partie, nous travaillons à la construction d'un modèle ontologique hypothético-déductif, « l'être en tant qu'être », en tenant compte de la condition humaine dans son contexte spatio-temporel - « l'être dans le temps de l'être »- pour en comprendre le fonctionnement en termes d'enracinement, de besoin, de capacité, de désir, de dépassement… Nous représentons l'Être humain par un schéma métaphorique, appelé « structure-temple », comprenant sept éléments. Le socle de l'édifice symbolise sa filiation dans le contexte « anthropologique / culturel » de la naissance, actuellement l'anthropocène (qui débute avec l'action transformative durable de l'action humaine sur la planète, essentiellement du fait des agissements techniques et industriels, Wallenhorst, 2019). La première colonne exprime la dimension « physique / biologique / énergétique » ; la deuxième, la part « émotionnelle / sensible » ; la troisième, le « mental / cognitif » ; la quatrième, le « groupal / social » et la cinquième, l' « axiologique / existentiel / (post-)métaphysique ». Enfin, le fronton est la coiffe « ouverture / ontologique » de l'ensemble, qui invite à une conclusion optimiste selon la maxime du temple grec de Delphes attribuée à Socrate : « Connais-toi toi-même et tu connaîtras l'univers et les dieux ».Nous procédons ensuite à une analyse de cette approche au travers de deux dimensions temporelles : la big history ou longue histoire cosmique depuis le big bang jusqu'à la création de notre planète et le développement de la biosphère ainsi que l'éphémère vie humaine durant laquelle chacun tentera d'accomplir son projet « implié » . Une troisième dimension intemporelle les complète : la vie de l'esprit . Nous observons la dynamique évolutive de la structure-temple grâce à la complémentarité qu'elle opère avec les logiques du tiers inclus et du « Tiers Caché », ainsi que son caractère non-réductionniste. Ce modèle est fractal par son caractère intra-reproductible et holographique car multicouche. Il construit un système d'équilibre « cosmoderne » témoignant de la séparation épistémologique historique entre le monde des sujets et celui des objets qu'il réunit par la théorie de la « Transréalité » . Il propose in fine de dépasser cette dichotomie apparente en adoptant une approche non-duelle destinée à être opérante au moyen de la « démarche de projet » .La deuxième partie du travail contextualise la métaphore de la structure-temple dans le domaine de l'éducation et de la formation. À partir d'une démarche en réciprocité harmonieuse d'un triple développement, opéré sur les plans personnel, professionnel et collectif, émerge une proposition de « Pédagogie Intégrative et Implicative » (P2i). Elle procède d'un cadre théorique intégratif et aboutit à un dispositif implicatif ancré dans la longue histoire de l'Éducation Nouvelle dont Philippe Meirieu décèle « les prémices dès le XVIIIème siècle » . Par l'actualisation technicisée de la démarche de projet socioconstructiviste, la P2i cultive la considération efficiente des apprenants, des enseignants et des tiers (personnels, parents et autres partenaires), et ce, dans toutes leurs dimensions. Cette réflexion nécessite de discuter de l'évolution du rôle de l'enseignant dans l'acquisition des apprentissages fondamentaux de l'école primaire, depuis le « lire, écrire, compter » jusqu'au « respecter autrui », passant ainsi de la performance quantitative à la sensibilité qualitative. Il s'agit d'anticiper le passage d'un caractère « intégratif » des objets pédagogiques dans toutes leurs variétés à la dimension « intégrale » des sujets en formation. La métaphore de la structure-temple est alors déclinée comme un projet multidimensionnel. La recherche s'applique donc aussi bien au domaine des disciplines, des activités péri-, para- et extra-scolaires qu'aux questions transversales comme l'éco-citoyenneté, le pouvoir d'agir, le bonheur et le bien-être, la gestion des émotions, l'éducation positive…La P2i étudie les lieux, les moyens, les méthodes et les outils mis à disposition des institutions et des enseignants (débat philosophique, yoga ou encore méditation ) pour permettre une approche laïque autorisée de la spiritualité , qui s'intéresse à la vie de l'esprit. Tenant lieu de méthode d'analyse et de prospective, elle peut être mobilisée pour étudier toute question touchant aux Sciences de l'Éducation et de la Formation, depuis la laïcité ou l'évaluation jusqu'à l'open access ou le big data. La structure-temple et la P2i proposent conjointement un cadre théorique et pratique favorisant l'application de « stratégies de réussite éducatives » par l'instauration de cercles vertueux tout en développant notre part d'humanité. Par exemple des notions pédagogiques ou didactiques comme « la gestion de classe », « les apprentissages adaptés », « l'appui sur les personnalités », « les compétences des apprenants », « la dimension existentielle » etc. tous envisagés et pris en compte simultanément ou à tour de rôle multiplient les effets positifs de chacune de ces dimensions. Nous situant dans le courant de la slow education et des approches alternatives de/à l'éducation, une question, qui pourrait devenir « vive », se fait jour : faudrait-il nous orienter, par besoin ou par nécessité, vers un changement de paradigme éducatif ? Et si oui, vers lequel nous diriger ?La troisième partie présente un bilan de notre trajet de chercheur-praticien sous forme de retour réflexif, avec ses points forts et ses zones d'ombre : l'examen du lent « assèchement » professionnel et spirituel au fur et à mesure de la technicisation de nos recherches après notre nomination à l'Iufm de Paris en 1998 ; notre « revivifiance » grâce à l'action impliquée dans des équipes para-institutionnelles, prémices de l'aventure de cette note de synthèse ; les incompréhensions de nos pairs et les difficultés à partager et poursuivre administrativement et scientifiquement nos orientations de travail…Ce bilan est complété par un exposé des perspectives de recherche au sein de notre laboratoire sur la question des usages du numérique en éducation ; par des collaborations internationales avec le National Institute of Informatics (Tokyo, Japon) et le Centro de Tecnologia da Informação (Campinas, Sao Paolo, Brésil) sur le stress au travail ; par la continuité de nos travaux dans le contexte d'enseignement actuel (intégration dans les axes du GIS Rreefor-Espe) ; la poursuite de la mise à l'épreuve de la P2i dans la formation des enseignants ou encore l'approfondissement de la Culture de Paix. L'ampleur de l'engagement dans notre communauté de recherche et nos actions pour le rayonnement de la discipline des Sciences de l'Éducation et de la Formation s'apprécient notamment par des initiatives de coopération avec des instituts et des universités étrangères de formation des enseignants comme le National Pedagogical College (Cluj-Napoca, Roumanie), le Florida Grup Educatiu (Valencia, Espagne), la Moscow City University (Russie), l'Universidad Nacional de Educación (Chuquipata, Équateur) et l'École Normale de Chengdu (Chine) ; par la prise de responsabilités éditoriales dans des revues relevant de la section ; par l'organisation de rencontres scientifiques ; par la réponse à des demandes d'expertises nationales et internationales…En conclusion, il ressort que l'objectif de cette recherche est de participer à la compréhension de la question de la conscience et de son déploiement dans les activités humaines (sujet/objet/projet), et particulièrement en situation éducative, avec l'intention pour premier critère d'analyse.
[fr] L'objectif de ce travail de thèse propose une analyse de la relation qu'entretient Charles Maurras au fait poétique ainsi que l'étude exhaustive de son œuvre poétique, selon ses grandes lignes thématiques et esthétiques. Il tente de souligner l'importance du fait poétique au sein d'une discursivité maurrassienne multiple et hétéroclite, au sein de laquelle la poésie, si elle semble tenir, quantitativement, un rôle mineur au vu d'une immense production littéraire et intellectuelle, n'en demeure pas moins l'une des armes privilégiées de la lutte politique. Définie par Maurras comme la « plus haute expression du politique » , la poésie apparaît comme un constituant fondamental de la compréhension de sa pensée, de sa formation à son aboutissement. Or, malgré l'abondance des travaux concernant Maurras en France et à l'étranger, sa poésie n'avait, à ce jour, été étudiée que de façon fragmentaire, et assez peu objectivement pour peu qu'elle l'ait été. L'importance du discours poétique au sein de l'œuvre de Charles Maurras a ainsi été bien souvent écartée par la littérature savante qui, par tradition, se concentre plus fréquemment sur des problématiques politiques, journalistiques et historiques. A mi-chemin entre l'étude historique et littéraire, ce travail se propose de resituer le discours poétique au sein de la vaste discursivité polémique et politique de l'expression maurrassienne, selon un axe chronologique permettant d'insérer l'étude poétique dans la contingence de son écriture, de la fin du dix-neuvième siècle à l'incarcération finale de Riom. Ainsi nous ne prétendons pas donner un essai de critique littéraire, qui se conclurait par la validation ou l'invalidation de Maurras en tant que poète, mais une mise à plat exhaustive de cette œuvre poétique, qui tentera d'examiner les relations qu'entretiennent politique et esthétique dans la partie sinon la plus aboutie du moins la plus littéraire de l'œuvre de Maurras, la plus constitutive également, en tant que matière littéraire, sur le plan doctrinal, aux divers moments de son histoire intellectuelle. Cette étude ne présente donc pas un intérêt restreint aux seules études littéraires. Elle tente d'apporter de nouvelles pistes de réflexion à des problématiques historiographiques plus vastes et toujours actuelles comme de mieux comprendre les constructions de la pensée maurrassienne, ses logiques, ses paradoxes et ses limites, tant en politique qu'en littérature. Divisé en trois parties afin de retracer le parcours politique et intellectuel de Charles Maurras, ce travail se voit introduit par un avant-propos qui ouvre une réflexion sur la pluralité complexe des raisons qui ont conduit à l'éclatement de la figure littéraire de Maurras ainsi qu'à son exclusion du monde des lettres. Ce préambule envisage toutes les questions soulevées par le poète Charles Maurras de nos jours et en son temps, questions qui se cristallisèrent lors du Procès Maurras, en 1945. Nous cherchons à remonter à la genèse historiographique des violentes querelles qui divisent, aujourd'hui encore les milieux savants, nées de la caution, accordée ou non, à la sentence de son procès. Nous retraçons ensuite le cheminement de la discursivité maurrassienne, de sa mort à nos jours, et présentons les diverses positions polémiques et scientifiques qui provoquèrent l'éclatement de l'image, largement controversée, de l'écrivain, dans tous les champs où son ambition prétendait conquérir une audience de premier ordre. Le premier chapitre de notre travail s'intéresse aux années de formation intellectuelle et politique du jeune Maurras, de son arrivée à Paris à ses débuts de journaliste, en passant par la formation de l'Action Française, jusqu'à l'immédiat après-guerre, moment avant lequel on ne peut véritablement parler d'image de Maurras. Cette partie de notre travail, fondamentale malgré les faibles productions poétiques clairement datables qui la composent, cherche à remonter à la genèse de cette vie intellectuelle pour toucher le noyau des contradictions qui se développeront par la suite et conduiront à son éviction de la littérature. En effet, ce sont les orientations de ses ambitions débutantes qui vont être à l'origine des polémiques invalidant ses postures littéraires. La façon dont Charles Maurras gravite autour des cénacles littéraires parisiens durant ses premières années de formation intellectuelle, les stratégies qu'il emploie pour se faire un nom parmi ces cénacles privilégiés, indiquent l'importance de ce moment dans la formation de sa pensée, de son acculturation politique et de la constitution de son système rhétorique, par le biais de diverses allégeances, ruptures et retours, qui peuvent apparaître comme le limon discursif de ses stratégies futures. Cette partie montre également, dans la lignée des travaux d'Ivan P. Barko, un nouveau Maurras, inédit, décadentiste, post-symboliste et verlainien, que l'étude de ses premiers textes et poèmes, préservés par certains admirateurs et compilateurs, permet de mettre à jour. Cette partie de son existence paraît ainsi d'autant plus fondamentale à la compréhension de son œuvre poétique ultérieure que c'est dans cet intervalle de gestation intellectuelle que vont se construire les premières contradictions théoriques, esthétiques et biographiques que Maurras n'aura de cesse de tenter de résoudre une fois sa réputation forgée. Malgré la nature discrète et intime de cette première production poétique, nous pouvons d'ores et déjà observer diverses structures, stratégiques et discursives, qui composeront les clefs de l'œuvre poétique ultérieure, notamment à travers le petit poème Pour Psyché, publié une première fois en 1892 puis remanié en 1911. Nous pouvons montrer, dans cet exercice de littérature comparée, la tendance naissante à la recomposition par l'intégration de poèmes plus anciens dans de nouvelles compilations qui en transposent naturellement le sens. Il s'ensuit un remaniement de l'image personnelle, par divers effets de mise en scène poétique, pour offrir un reflet toujours plus conforme aux nécessités récentes. L'on découvre enfin une œuvre qui se laisse progressivement dévorer par des constructions théoriques et doctrinales antérieures, le poème venant clore la démonstration rhétorique. Cette démarche systématique deviendra le fil conducteur du long poème épique qui révélera, en 1918, le versificateur patriote au public parisien, L'Ode historique à Bataille de la Marne. Le second chapitre de notre étude se centre sur la période de l'immédiat Après-guerre (1919) à la mise à l'index vaticane (1926), instant de gloire de Maurras, de courte durée et en forme de chant du cygne. Cette partie s'attache à mettre en lumière la totalité des formes et des enjeux de l'écriture poétique maurrassienne. Elle cherche à montrer le rôle fondamental, qu'il s'agisse de critique littéraire ou d'écriture poétique, de la tradition intellectuelle et esthétisante maurrassienne, ainsi que son rôle stratégique dans les diverses représentations iconographiques que Charles Maurras propose au public alors qu'il se trouve au sommet de sa gloire. Elle souligne également l'extraordinaire capacité de Maurras à construire une structure de pensée imposante et cohérente, en redéfinissant le rôle discursif de cette poétique méconnue et les rapports de compénétration que cette écriture entretient avec la doctrine politique, montrant comment sa dimension prophétique implique une élévation transcendante de la doctrine politique, par delà les polémiques triviales de la vie journalistique quotidienne. Elle s'appuie sur une analyse littéraire exhaustive des différents recueils publiés par Maurras entre 1919 et 1925, en étudie les stratégies de publication et de diffusion tout en proposant une sociologie des adhérents du mouvement, de manière à approcher la complexion écartelée du public (entre membres de l'Académie française et militants ordinaires d'Action française) auquel cette œuvre se destine. En dernier lieu, et hors de toute approche partisane, ce chapitre de notre travail tente de redéfinir l'esthétisme maurrassien et de délimiter les contours ambigus de sa relation, sur le strict plan de l'esthétique littéraire, avec le mouvement fasciste européen, alors aussi présent que contingent. Cette partie s'interroge sur l'une des problématiques principales que pose le maurrassisme aux historiens contemporains : la possibilité d'une tentation fasciste au sein d'une poétique de l'action et de la force, voire de la violence nécessaire, que renforce l'esthétique païenne et martiale d'une autorité latine retrouvée. Nous tentons de montrer comment une métaphysique du dépassement des épreuves et des douleurs terrestres, formellement stoïcienne, semble principalement obéir à une vision hégélienne de la projection de la volonté. Le dernier chapitre de notre travail aborde la longue période qui va de 1926 à 1952. Tout d'abord dévorée par la politique, cette seconde moitié de la vie de Charles Maurras ne sera dédiée que tardivement à la publication poétique. Le premier ensemble de cette partie est ainsi axé sur la période de 1926-1940 : nous voyons la mise à l'index de Maurras et les luttes internes qui ont suivi, jusqu'à l'émeute du 6 février 1934, le chemin de la reconquête de l'opinion, de la lutte contre Le Front Populaire des années 1935-1936 au moment de gloire de 1939, date de l'élection tant attendue à l'Académie française. En second lieu, le tenant pour intrinsèquement lié à une mutation profonde et au retour de Maurras à la poésie, nous étudierons le choc considérable de la défaite et de la débâcle sur Charles Maurras. De 1940 à 1944, nous suivrons son parcours, de Vichy aux heures noires de l'Occupation, avant d'en venir à l'étude poétique proprement dite des derniers recueils fortement marqués d'une dimension carcérale de l'écriture. Etudiant enfin cet ultime recueil, presque posthume, que représente La Balance intérieure, nous montrerons, en dernière partie de notre travail, les conditions d'écriture de ces divers opus poétiques, en analysons les stratégies d'auteur, à la fois plaidoyer pro domo de Maurras et dénonciation de ses juges, véritables responsables de la défaite, selon la filiation discursive de sa défense lors de son procès. Nous présenterons également non plus l'unité mais la pluralité des messages poétiques entre le retour à la foi chrétienne et la permanence d'une esthétique fasciste dont nous noterons les modulations en fonction des stratégies de publication des ouvrages et du public auquel ces ouvrages se destinent. Cette dernière partie cherchera également à offrir une perception globale de l'œuvre, en s'intéressant aux permanences et aux changements qui la composent. Elle tentera de creuser les problématiques de fond que pose au monde intellectuel la poésie maurrassienne, la teneur et l'unicité de son néo-classicisme, la possibilité d'une esthétique fasciste ou préfasciste et la question de sa permanence, de son délitement ou de sa disparition dans l'œuvre finale. Cette question, aussi difficile que fondamentale, ouvre enfin le débat de la valeur de l'ultime conversion mystique de Maurras comme celui, plus dérangeant, d'une mystique de la violence, aux visages éclatés mais à l'imprégnation sourde, et dont la poésie, reflet d'images de psychologie intime, dénonce la présence, en deçà de causes purement historiques, humiliation d'une défaite, 1870 en France, 1918 en Allemagne, comme la résurgence affective exacerbée d'une quête de l'absence. ; [eng]Based on a literary study, this essay is an attempt to understand Charles Maurras' poetical discourse within the framework of the extensive, polemical, critical and philosophical narrative of his author, from the end of the nineteenth century until his final custody in Riom. Our work tries to shed light on all the shapes and goals of Charles Maurras' poetry at all the moments of the author's intellectual history and through all his poetical writings. Thanks to this comprehensive approach, this study shows the fundamental role of intellectual and esthetical tradition in maurrassism and its strategic issues in the maurrassian's iconographic depictions. It also highlights Maurras' extraordinary capacity to fashioned an intellectually coherent and imposing structure of ideas, presenting the linkages between his poetical writings and his political doctrine. In particular, the prophetical dimension of his poetry suggests rising the political doctrine to the level of transcendence, above the mundane polemics of daily journalistic life. Finally, and excluding any partisan approach, this work tries to define what the Maurrassian aesthetics is, from the narrow perspective of literary aesthetics. This manuscript therefore endeavours to look deeper into the key questions that have remained unsolved about Maurras' poetry: the content and unity of his neo-classicism, the ambivalences of its aesthetics, the value of the last mystical conversion. It attempts to offer a better understanding of Charles Maurras' intellectual structures, their logics and paradoxes, relying primarily on its literary work.
Romantisme : pro et contra Qu'est-ce que le romantisme ? Le titre de l'ouvrage d'Henri Peyre pose en 1971 une question qui n'a cessé d'agiter les critiques tout au long du XXe siècle et à laquelle aucune réponse n'a jamais fait consensus. Plutôt que d'ajouter aux essais de définition et aux tentatives de description exhaustive, nous souhaiterions ici proposer un autre regard sur ces interrogations et nous demander, au miroir de la critique française et étrangère du siècle passé, non pas ce qu'est le romantisme, mais, dans la lignée du renversement proposé par Raymond Immerwahr, ce qui se passe quand on appelle un objet « romantique » ou quand l'on donne une définition à « romantisme » . Ce volume invite donc à une réflexion historique sur la manière dont les différents courants de critique et de théorie littéraire ont lu et appréhendé le romantisme dans le courant du XXe siècle. Pourquoi se pencher sur la réception critique du romantisme en particulier ? D'abord parce que, parmi les différents courants littéraires, le romantisme s'est régulièrement trouvé au cœur des débats théoriques tout au long du XXe siècle, et que les principaux paradigmes critiques l'ont érigé tour à tour en modèle et en contre-modèle. On trouve aux deux extrémités du siècle des moments de valorisation du romantisme : au début du XXe siècle, il constitue le corpus par excellence des premières approches comparatistes formalisées, destinées chez un Fernand Baldensperger ou un Paul Van Tieghem à dégager des traits littéraires transversaux communs à l'ensemble des littératures européennes . Vers la fin du siècle, le romantisme est également remis à l'honneur : dans le contexte français actuel, le paradigme critique qui invite à relire les textes littéraires à la lumière de l'histoire culturelle s'est développé à partir de l'étude du Zeitgeist romantique, et considère le corpus romantique comme un lieu privilégié pour penser les processus littéraires et esthétiques. Mais entre les deux, c'est une vaste zone troublée qui se déploie à une époque considérée comme l'âge d'or de la critique française : dans les courants théoriques des années 1960 et 1970, le rapport au romantisme se fait plus ambivalent et les différents paradigmes critiques sont amenés à se définir par rapport à lui – souvent par rejet radical. Le structuralisme, par exemple, avec son approche formelle et sa conception du texte autotélique, qui se réclame ouvertement de la double tradition flaubertienne et mallarméenne, discrédite l'aspiration des « mages romantiques » à faire de l'art la relève de la philosophie et de l'écrivain le dépositaire d'un sacerdoce moral. Et ce n'est que lorsque son emprise commence à se relâcher un peu qu'un Barthes revient à Balzac pour mesurer jusqu'à quel point il ouvre déjà partiellement vers le pluriel du « Texte », ou qu'un Todorov s'intéresse aux « théories du symbole » des premiers romantiques allemands, rompant ainsi avec l'arbitraire du signe saussurien cher à Lévi-Strauss et à l'ensemble du structuralisme . En revanche, le poststructuralisme tel que défini entre autres par une Julia Kristeva affiche d'abord une méconnaissance offensée du romantisme, et ne fait commencer les « révolutions du langage poétique » que passé le temps de son hégémonie . Enfin, si elle se place en théorie dans la lignée de la polysémie romantique, tout un pan de la théorie de la « déconstruction » française continue de manifester une certaine méfiance pour le courant : ainsi, la « déconstruction » tend parfois à condamner la littérature romantique, héritière des théories du langage de Rousseau et Herder, en la soupçonnant d'une foi naïve en la « métaphysique de la présence » qui la confinerait dans une posture nostalgique et aveuglée. Jacques Derrida reconnaît par exemple de sa part un rapport « un peu raide » à certains romantiques allemands et français, pour qui le sacre de l'écrivain ne semble pouvoir se faire que dans une fétichisation de la voix charismatique de l'auteur, ce qui pour le penseur français est l'aveu d'une croyance erronée dans le caractère secondaire de l'écrit par rapport à la parole vive. Un objet critique sensible : archaïsme ou modernité ? Ce statut ambivalent met en lumière l'enjeu particulier que constitue l'interprétation du romantisme pour la théorie littéraire du XXe siècle. En effet, beaucoup de critiques s'accordent pour le considérer comme une ligne de partage entre archaïsme et modernité en littérature, mais sans pour autant trancher si l'avènement d'une littérature dans laquelle les contemporains se reconnaissent se fait avec le romantisme, ou au contraire après lui. Le romantisme fait-il partie de cette modernité dont il serait l'avant-poste, ou constitue-t-il au contraire la dernière étape avant les « révolutions du langage poétique » ? La question reste plus ouverte qu'on ne le soupçonnerait. Dès la fin des années 1940, un Jean-Paul Sartre garde le romantisme en point de mire quand il récrit sous le nom d'« engagement » une nouvelle partition de la « fonction du poète » ; et il l'a toujours en vue lorsque, plus tard, il remonte aux « frères aînés » de « l'idiot de la famille » pour mieux comprendre la radicale rupture que signifie la tentation flaubertienne de l'impersonnalité. De même, à l'époque même où le structuralisme paraît dénier aux romantiques un rôle dans la production de la littérature moderne en faisant de Flaubert et Mallarmé les fondateurs d'une littérature de l'intransivité, d'autres penseurs tout aussi importants estiment que c'est au romantisme que l'on doit cette révolution. Lorsque Foucault traque dans Les Mots et les choses la métaphore de la transparence qui dévoile la grande utopie d'un « langage […] où les choses elles-mêmes seraient nommées sans brouillage », il valorise par contre-coup une littérature qui « s'enferme dans une intransivité radicale » et « devient pure et simple affirmation d'un langage qui n'a plus pour loi que d'affirmer […] son existence escarpée » : or, pour Foucault, « le mode d'être moderne du langage », amené à lutter tout au long du XIXe siècle avec une forme de réalisme cratylien, s'inaugure bien avec « la révolte romantique contre un discours immobilisé dans sa cérémonie ». Chez Maurice Blanchot, toute la littérature moderne trouve sa source dans le romantisme, moment où le rêve d'une adéquation parfaite du langage cède la place à la recherche d'une intransivité radicale : pour ce critique, l'art de l'époque romantique est marqué par une perte externe de souveraineté, mais se trouve compensée par la conquête d'une nouvelle fonction interne, celle de « l'art comme recherche ». De Hölderlin à Kafka, c'est un autre modèle littéraire qui s'impose alors, celui d'une œuvre toujours à la recherche de sa propre origine. Avant même le retour de l'auteur dans les « biographèmes » du Barthes tardif ou la préférence accordée au « figural » par Jean-François Lyotard au détriment des signes discursifs , le romantisme est loin d'être le mouton noir de la critique des années 1960 et 1970 : il apparaît comme un objet profondément pluriel, dont l'appréciation varie en fonction des romantiques et des romantismes que l'on sélectionne. On constate ainsi que l'influence méthodologique et certains modes concrets d'appropriation du romantisme diffèrent parfois du discours critique global porté sur lui : dans la critique du XXe siècle, le romantisme est souvent là où on ne l'attend pas. Pourrait-on même voir, à la suite de Jean-Marie Schaeffer ou Denis Thouard, des généalogies secrètes qui iraient des romantiques allemands à Bakhtine et au structuralisme ou des héritages cachés du romantisme dans les pensées contemporaines ? « Situations » des lectures du romantisme : moments et espaces de la réception critique Au-delà de l'interprétation du romantisme en lui-même, c'est donc une lecture de ses lectures qui devient possible. En replaçant les réceptions critiques dans leur cadre conceptuel, on fait en effet apparaître des effets de perspective, qui permettent de situer dans le temps et dans l'espace les différentes lectures du romantisme, mais aussi de mettre en relief les éventuelles lacunes ou mésinterprétations qu'ont pu engager des analyses pourtant devenues canoniques. Ainsi, plusieurs ouvrages récents soulignent que l'appropriation du romantisme par toute une tradition critique au nom du principe d'intransivité repose en réalité sur une lecture biaisée par des préoccupations propres au contexte dans lesquelles elle se fait jour : ainsi des tenants d'une littérature close sur elle-même, qui revendiquent la tradition de « l'art pour l'art », mais sans reprendre la conception romantique qui lie autonomie et efficacité et veut que l'œuvre sublime conquière de fait un pouvoir renforcé sur le monde . Le même type d'appropriation subjective paraît à l'œuvre dans la théorie de « l'Absolu littéraire », qui s'inspire des premiers romantiques allemands et de leur art clos sur lui-même comme un hérisson, mais laisse de côté le programme politique et social présent dans la philosophie de Fichte ou la « nouvelle mythologie » des frères Schlegel . Dans les deux cas, le romantisme se trouverait promu autour d'un malentendu, ou au moins d'une vision partielle, qui évacuerait une ambition messianique jugée surannée à l'époque du Nouveau Roman ou un programme politique qui investit les notions de Nation et de race devenues profondément suspectes. L'idée que les moments de la lecture romantique sont profondément informés par leur contexte historique se prolonge avec les nuances en termes d'espace que la réception critique du romantisme fait apparaître. Si, pour les déconstructionnistes français, le romantisme apparaît comme une littérature périmée, l'école de Yale d'un Paul de Man et aujourd'hui d'un Harold Bloom a totalement renouvelé l'étude des romantiques britanniques, à laquelle elle se consacre presque exclusivement. De même, dans le monde anglo-saxon, la littérature romantique, loin d'être exclue de la modernité, s'est trouvée au cœur de la constitution des principaux paradigmes critiques contemporains, des postcolonial studies qui prennent naissance dans les analyses d'Edward Said sur l'image de l'Orient chez les romantiques , à la notion de world literature qui revendique l'héritage de la Weltliteratur de Goethe et des romantiques allemands , en passant par la critique féministe dont la figure tutélaire, la « folle du grenier », est empruntée à un roman de Charlotte Brontë . Pour revenir à notre point de départ, on notera également que la promotion initiale du romantisme par les premiers spécialistes de littérature comparée est l'œuvre d'universitaires issus de la tradition allemande de la romanistique : le Belge Paul Van Tieghem, le Français Fernand Baldensperger, créateur en 1928 du Cours Universitaire de Davos (Davoser Hochschulkurse), et plus tard le Suisse Albert Béguin voient dans le romantisme un signe de l'unité de la culture européenne, à une époque où déjà, en France, l'accent mis sur l'aspect poétique d'une littérature qui, selon Paul Valéry, « est et ne peut être autre chose qu'une sorte d'extension et d'application de certaines propriétés du langage », lance une tradition critique de soupçon envers le romantisme. La réception souvent heurtée du romantisme dans la critique du XXe siècle nous incite donc à proposer une historicisation du regard critique. Cet ouvrage, issu d'une journée de réflexion menée en février 2015 dans le cadre hospitalier du Musée de la Vie romantique, que nous remercions pour son généreux accueil, ne vise pas à dégager une vision synthétique du romantisme – on s'est souvenu que le titre du premier numéro de la revue Romantisme, « L'Impossible unité » – et il ne prétend pas non plus à l'exhaustivité : il propose une série de perspectives dans cette histoire complexe et gigantesque, que d'autres livres auront soin de venir compléter . Le chemin qu'il propose s'articule en plusieurs temps : d'abord, on reviendra aux commencements du problème romantique dans la critique européenne – les articles de Matthieu Vernet et de Victoire Feuillebois montrent ainsi que, de manière très différente et avec des visées critiques diverses, les années 1900 voient l'entrée en scène du romantisme comme problème critique fondamental, que l'on cherche à en donner une vision historicisée ou qu'il fonctionne comme un miroir des problématiques de l'esprit du temps. On soulignera ensuite le caractère fatalement kaléidoscopique des réceptions du romantisme à travers l'exemple du romantisme allemand : Patrick Marot, Philippe Forget et Éric Lecler soulignent à la fois le caractère productif de ces appropriations, leur éloignement relatif par rapport à l'original et les résultats très différents auxquels amène la lecture d'un même texte. Mais au-delà des lectures individuelles, ce sont bien des tentatives d'interprétation générales du romantisme qui caractérisent le siècle – soit, comme le montre José-Luis Diaz pour la génération 1970 et Mark Sandy dans son riche panorama des études romantiques ango-saxonnes, qu'elles tentent de dégager une image structurée et conceptualisée du romantisme, soit, ainsi que le souligne Yvon Le Scanff, qu'elles tendent à isoler des concepts pour penser le romantisme, comme celui de sublime qui apparaît paradoxalement opératoire. On se proposera enfin de clôre cette réflexion en mettant en valeur la place du romantisme dans les questionnements à la frontière entre le littéraire et le culturel : Serge Zenkine, Michael Löwy et Robert Sayre rendent sensibles le caractère singulier de la notion, qui excède de loin la dimension purement poétique, tout en continuant de porter une interrogation théorique forte, ce qui explique à la fois la variété de ses échos et la pérennité de la sensibilité dans d'autres espaces et d'autres temps. Nous espérons que ce panorama puisse contribuer à préciser le statut et la place des études sur le romantisme dans le champ intellectuel contemporain et à réfléchir aux outils épistémologiques légués par ces différentes approches pour penser le romantisme au début du XXIe siècle. José-Luis DIAZ et Victoire FEUILLEBOIS
La mise en place du nouveauplan d'accompagnement et de suivi des chômeursen juillet 2004 fut l'objet de controverse. Ce plan a été abondamment débattu lors de son introduction par le ministre Vandenbroucke. Les syndicats considèrent qu'il introduit une "chasse aux chômeurs" dans un contexte où les emplois vacants sont trop peu nombreux. L'opposition au programme a surtout été vigoureuse en Wallonie et à Bruxelles, des régions où le taux de chômage est le double de celui de la Flandre. A l'opposé, les organisations patronales considèrent que ce plan est un ingrédient essentiel de toute politique de réduction du chômage. Ils observent que leurs postes vacants ne sont pas pourvus en dépit de taux de chômage importants. Ils affirment dès lors que certains chômeurs ne désirent pas occuper un emploi et que donc une forme de contrainte est nécessaire. Nous avons voulu examiner cette problématique de manière objective afin que le débat puisse s'appuyer sur un argumentaire solide. Dans ce numéro deRegards économiques, nous présentons les résultats d'une recherche que nous avons menée afin d'évaluer l'impact du nouveau plan d'accompagnement et de suivi des chômeurs, dans sa phase de lancement, sur l'insertion en emploi de chômeurs indemnisés âgés de 25 à 29 ans. Quels sont les ingrédients principaux du plan d'accompagnement et de suivi des chômeurs? Le plan d'accompagnement et de suivi des chômeurs a introduit des changements simultanés majeurs dans le cadre du système d'assurance-chômage et de l'accompagnement des chômeurs en Belgique. Ils sont de trois types: Avant la réforme de 2004, l'article 80 de la réglementation de l'assurance-chômage imposait, sous certaines conditions, une fin de droit à l'indemnité aux chômeurs cohabitants de longue durée. Le gouvernement fédéral a choisi de remplacer cet article par un nouveau système plus équitable qui puisse en même temps assurer la viabilité d'un système d'assurance-chômage à durée illimitée. L'ONEM est autorisé non seulement à contrôler la disponibilité des chômeurs indemnisés à l'égard du marché du travail, mais aussi à contrôler lui-même l'intensité de l'effort de recherche d'emploi. Il s'agit dela procédure d'Activation du Comportement de Recherche d'emploi(ACR) qui consiste en des entretiens individuels périodiques durant lesquels un facilitateur évalue les activités de recherche d'emploi des chômeurs indemnisés. Un élément essentiel de cette procédure est l'envoi d'une lettre d'avertissement environ 8 mois avant le 1erentretien en vue d'informer le chômeur indemnisé de ses obligations et de la procédure d'ACR. Le contrôle de la disponibilité des chômeurs indemnisés à l'égard du marché du travail a été accentué à travers un échange de données (relatives aux refus d'emploi, de participation à des politiques régionales, etc.) beaucoup plus systématique entre les services publics de l'emploi (VDAB, FOREM, ORBEM) et l'ONEM. Les services publics de l'emploi ont renforcé l'accompagnement de tous les chômeurs (de courte et de longue durée) par une série de politiques actives : entretiens individuels de diagnostic, parcours d'insertion, aides à la recherche d'emploi, formations, etc. Quel est l'objet de notre étude? Puisqu'un certain recul est indispensable à l'évaluation, nous avons évalué les effets du plan d'accompagnement et de suivi des chômeurs dans sa phase de lancement et, dès lors, pour le public qui le premier est entré la procédure d'activation du comportement de recherche d'emploi : les Chômeurs Complets Indemnisés inscrits obligatoirement comme Demandeurs d'Emploi (CCI-DE), qui sont âgés de 25 à 29 ans et qui ont reçu la lettre d'avertissement de l'ONEM entre juillet et octobre 2004 car ils viennent d'atteindre leur 13èmemois de chômage (qui est la durée seuil de chômage à laquelle l'ONEM avertit les chômeurs indemnisés de la procédure d'ACR). Nous avons évalué les effets du plan d'accompagnement et de suivi des chômeurs sur la reprise d'emploi de ces chômeurs. Pour cela, nous comparons le taux de sortie du chômage vers l'emploi de CCI-DE âgés entre 25 et 29 ans (notre «groupe cible» décrit ci-dessus) et de chômeurssemblablesmais qui n'ont pas été avertis en raison d'un âge légèrement supérieur à 30 ans (notre «groupe de contrôle»). La méthode d'évaluation que nous exploitons dans cette étude ne permet pas d'évaluer les effets du plan au-delà de 10 mois après l'avertissement. En effet, les chômeurs d'un âge légèrement supérieur à 30 ans sont concernés par la procédure d'ACR dès le 1erjuillet 2005 et sont donc susceptibles de recevoir eux aussi un avertissement de l'ONEM à partir de cette date. Hormis en fin de période d'analyse, les jeunes de moins de 30 ans n'ont pasencoreparticipé au premier entretien à l'ONEM.La lettre d'avertissement est donc la seule composante de la procédure d'ACR dont nous pouvons évaluer les effets. Seul le FOREM a choisi d'offrir un accompagnement spécifique aux chômeurs avertis par l'ONEM. Pour la Région wallonne, nous évaluons alors l'effet combiné de la lettre d'avertissement et d'actions d'accompagnement. Le fait qu'on ne puisse pas évaluer l'effet de mesures d'accompagnement à l'ORBEM ou au VDAB ne signifie pas que ces deux services de l'emploi n'offrent aucun accompagnement pour les jeunes chômeurs. Cette impossibilité découle simplement du fait qu'une offre d'accompagnementspécifiquen'apasété mise en place pour les chômeurs de moins de 30 ansavertis par l'ONEM. La littérature internationale montre que l'envoi d'une lettre d'avertissement fait partie intégrante des politiques d'accompagnement et de suivi des chômeurs, et que des changements, parfois importants, de comportement en matière de recherche d'emploi peuvent découler de l'annonce d'un programme obligatoire du type de l'ACR belge. Ce programme pourrait donc accélérer l'insertion en emploi dès le moment où le chômeur est averti de la nouvelle procédure de suivi.Le faible nombre de chômeurs ayant participé à un entretien durant notre période d'analyse ne signifie donc pas que notre évaluation porte sur une partie secondaire du nouveau dispositif instauré en Belgique. Quels sont les résultats principaux qui se dégagent de notre étude? 1.En Flandre et en Wallonie, le plan d'accompagnement et de suivi des chômeurs a un effet positif clair sur la sortie du chômage vers l'emploi pour certains groupes seulement. Il s'agit: des chômeurs très éduqués. Ainsi un CCI-DE de moins de 30 ans qui estdiplômé de l'enseignement supérieuret qui réside en Wallonie (resp. Flandre) avait-il 40 % (resp. 43 %) de chances d'avoir trouvé un emploi cinq mois après l'avertissement de l'ONEM; en l'absence du plan cette probabilité n'aurait été que de 29 % (resp. 32 %). L'augmentation relative de la probabilité d'emploi est donc substantielle : au bout de cinq mois, le plan d'accompagnement et de suivi a permis de relever la probabilité d'emploi de 38 % (resp. 35 %). et en Wallonie seulement, des chômeurs qui ont connu une expérience récente d'emploi des chômeurs qui résident dans une sous-région où le chômage est plus faible des femmes Pour les autres groupes de chômeurs (peu diplômés, n'ayant pas connu d'expérience de travail récente, résidant dans des sous-régions où le chômage est élevé, hommes), les effets du PAS sontfaibles et souvent proches de zéro. 2. Par le supplément de démarches de recherche d'emploi, le risque de sanction, etc. associés à l'ARC,les entretiens d'évaluation annoncés dans la lettre d'avertissement sont donc perçus comme contraignants par le chômeur indemnisé et l'incitent à intensifier sa recherche d'emploi ou à modifier son attitude face aux offres d'emploi avant la survenance du 1erentretien. Toutefois, l'accentuation de l'effort de recherche induite par la lettre ne s'avère clairement efficace que pour certains groupes, en particulier ceux dont le profil est plus favorable à l'embauche. 3.En Wallonie, l'effet mesuré combine celui de la lettre et d'actions spécifiques d'accompagnement du FOREM. Alors qu'il est généralement plus difficile de trouver un emploi en Région wallonne, la similitude de l'effet du plan d'accompagnement et de suivi des chômeurs en Wallonie et en Flandre s'explique sans doute par ce soutien spécifique du FOREM. 4.Le PAS a notamment pour effet de stimuler la sortie du chômage vers des emplois à temps partiel faiblement rémunérés en Flandre, où il n'y a pas eu d'accompagnement individualisé spécifique à la réception de l'avertissement. Un tel phénomène n'est pas observé pour les chômeurs wallons qui ont bénéficié d'un tel accompagnement. La menace de contrôle et de sanctions,sans accompagnement spécifique du service public de l'emploi, pourraitainsi inciter des chômeurs à abaisser leurs exigences à l'embauche. 5. Contrairement aux deux autres Régions,le PAS n'a pas pour effet de stimuler la reprise d'emploi des jeunes chômeurs indemnisés résidant à Bruxelles. Quelles sont nos recommandations d'actions à prendre pour rendre plus efficace le suivi et l'accompagnement des chômeurs en Belgique? Soulignons d'abord que, pour nous, un contrôle du comportement des chômeurs indemnisés n'est pas une mesure à préconiser pour elle-même mais pour rendre le système d'assurance-chômage plus juste et efficace (cf. ci-dessous). Par ailleurs, un système de contrôle ne peut favoriser l'insertion en emploi que s'il s'accompagne d'autres actions régionales (aides à la recherche d'emploi, formations, etc.) ou fédérales (stimulation de l'offre d'emplois via des réductions ciblées du coût de travail, etc.). 1. Un système de contrôle du comportement des chômeurs indemniséspermet de rendre le système d'assurance-chômage plus juste et efficace La durée d'indemnisation dépend de nombreux facteurs sur lesquels un chômeur particulier n'a guère d'emprise. Mais,cette durée dépend aussi de ses choix en matière d'effort de recherche d'emploi et d'acceptation d'offres d'emploi. En effectuant ces choix, le chômeur n'a pas de raison de prendre en compte le coût des indemnités pour la collectivité. Aussi son effort de recherche est-il spontanément inférieur au niveau désirable du point de vue collectif. De même, ses exigences face aux offres sont-elles spontanément trop élevées. Il est donc souhaitable d'exercer un contrôle du comportement des chômeurs. En agissant de la sorte, on incite les chômeurs, qui sont capables de trouver un emploi par leurs propres moyens, à quitter le chômage plus rapidement. Ainsi, on libère des ressources financières pour renforcer la protection sociale de ceux qui n'ont pas cette capacité. Autrement dit,le contrôle des chômeurs ne trouve son sens qu'au service d'une meilleure protection sociale du chômeur. Nous énonçons ci-dessous des conditions nécessaires pour qu'il en soit ainsi. 2. Le contrôle doit porter sur des actions vérifiables, comme les refus d'emploi convenable Selon nous, il fautsupprimer la vérification de preuves écrites de démarches de recherche d'emploi dans la procédure d'ACR de l'ONEM. L'évaluation de dispositifs similaires dans d'autres pays nous enseigne que des entretiens brefs et axés de facto sur le contrôle administratif d'indicateurs de démarchesvérifiablesde recherche d'emploi se révèlent généralement peu efficaces à réinsérer les chômeurs dans l'emploi. Ces indicateurs (candidatures écrites à des offres d'emplois, etc.) n'informent en effet qu'incomplètement de l'activité de recherche. Le risque d'erreur de jugement par le facilitateur est en outre notable. L'incitation à collationner des preuves de démarches formelles peut enfin détourner les demandeurs d'emploi de canaux de recherche informels (recours à des relations, etc.), le cas échéant plus efficaces en termes de remise à l'emploi. Le contrôle effectué par les facilitateurs de l'ONEM devrait donc plutôt se concentrer sur des actions vérifiables, comme le refus d'une offre d'emploiconvenable. 3. Pour que le contrôle du refus d'offres d'emploi convenable soit un instrument efficace d'activation du comportement de recherche, plusieurs conditions doivent être remplies: une définitionprécisede la notion d'emploi convenable, c'est-à-dire l'emploi que le chômeur ne peut pas refuser. Le sens de la notion d'emploi convenable est explicité dans la législation du chômage. Il n'est pas possible de la codifier en prenant en compte tous les cas de figure possibles. Il n'empêche qu'une définition aussi précise que possible s'impose sous peine d'arbitraire et/ou de procédures juridiques longues et coûteuses; une transmissionrégulièreetindividualiséed'offres d'emploi par les services publics de l'emploi régionaux(dès l'inscription comme demandeur d'emploi); une transmissionefficacedes données relatives aux comportements d'acceptation et de refus d'emploi par les services publics de l'emploi régionaux à destination de l'ONEM; informerle chômeur, dès le début de sa période d'indemnisation, des règles. Comme le montre cette étude, un avertissement peut en effet avoir un impact positif sur les sorties du chômage vers l'emploi si le système de contrôle est crédible. 4. Un système de contrôle ne peut se concevoir qu'après une certaine durée d'indemnisation et que pour les chômeurs jugés autonomes dans leur recherche d'emploi Le contrôle du refus d'offres d'emploi convenable ne devrait intervenir qu'aprèsun entretien individuel d'orientationavec un conseiller du service public de l'emploi régional.Il faut toutefois éviter d'intervenir trop tôt dans l'épisode de chômage – avant 6 mois de chômage - car on risque alors de gaspiller des ressources collectives en ne laissant pas le temps à ceux qui le peuvent de sortir seuls du chômage. Selon le profil et les besoins du chômeur, l'entretien individuel pourrait déboucher soit sur une recommandation de recherche d'emploi autonome, soit sur la participation à programme d'accompagnement spécifique. La procédure de contrôle ne s'appliquerait qu'aux chômeurs indemnisés jugés autonomes dans leur recherche d'emploi. Les autres deviendraient concernés par la procédure de contrôle au terme de leur programme d'accompagnement.
Romantisme : pro et contra Qu'est-ce que le romantisme ? Le titre de l'ouvrage d'Henri Peyre pose en 1971 une question qui n'a cessé d'agiter les critiques tout au long du XXe siècle et à laquelle aucune réponse n'a jamais fait consensus. Plutôt que d'ajouter aux essais de définition et aux tentatives de description exhaustive, nous souhaiterions ici proposer un autre regard sur ces interrogations et nous demander, au miroir de la critique française et étrangère du siècle passé, non pas ce qu'est le romantisme, mais, dans la lignée du renversement proposé par Raymond Immerwahr, ce qui se passe quand on appelle un objet « romantique » ou quand l'on donne une définition à « romantisme » . Ce volume invite donc à une réflexion historique sur la manière dont les différents courants de critique et de théorie littéraire ont lu et appréhendé le romantisme dans le courant du XXe siècle. Pourquoi se pencher sur la réception critique du romantisme en particulier ? D'abord parce que, parmi les différents courants littéraires, le romantisme s'est régulièrement trouvé au cœur des débats théoriques tout au long du XXe siècle, et que les principaux paradigmes critiques l'ont érigé tour à tour en modèle et en contre-modèle. On trouve aux deux extrémités du siècle des moments de valorisation du romantisme : au début du XXe siècle, il constitue le corpus par excellence des premières approches comparatistes formalisées, destinées chez un Fernand Baldensperger ou un Paul Van Tieghem à dégager des traits littéraires transversaux communs à l'ensemble des littératures européennes . Vers la fin du siècle, le romantisme est également remis à l'honneur : dans le contexte français actuel, le paradigme critique qui invite à relire les textes littéraires à la lumière de l'histoire culturelle s'est développé à partir de l'étude du Zeitgeist romantique, et considère le corpus romantique comme un lieu privilégié pour penser les processus littéraires et esthétiques. Mais entre les deux, c'est une vaste zone troublée qui se déploie à une époque considérée comme l'âge d'or de la critique française : dans les courants théoriques des années 1960 et 1970, le rapport au romantisme se fait plus ambivalent et les différents paradigmes critiques sont amenés à se définir par rapport à lui – souvent par rejet radical. Le structuralisme, par exemple, avec son approche formelle et sa conception du texte autotélique, qui se réclame ouvertement de la double tradition flaubertienne et mallarméenne, discrédite l'aspiration des « mages romantiques » à faire de l'art la relève de la philosophie et de l'écrivain le dépositaire d'un sacerdoce moral. Et ce n'est que lorsque son emprise commence à se relâcher un peu qu'un Barthes revient à Balzac pour mesurer jusqu'à quel point il ouvre déjà partiellement vers le pluriel du « Texte », ou qu'un Todorov s'intéresse aux « théories du symbole » des premiers romantiques allemands, rompant ainsi avec l'arbitraire du signe saussurien cher à Lévi-Strauss et à l'ensemble du structuralisme . En revanche, le poststructuralisme tel que défini entre autres par une Julia Kristeva affiche d'abord une méconnaissance offensée du romantisme, et ne fait commencer les « révolutions du langage poétique » que passé le temps de son hégémonie . Enfin, si elle se place en théorie dans la lignée de la polysémie romantique, tout un pan de la théorie de la « déconstruction » française continue de manifester une certaine méfiance pour le courant : ainsi, la « déconstruction » tend parfois à condamner la littérature romantique, héritière des théories du langage de Rousseau et Herder, en la soupçonnant d'une foi naïve en la « métaphysique de la présence » qui la confinerait dans une posture nostalgique et aveuglée. Jacques Derrida reconnaît par exemple de sa part un rapport « un peu raide » à certains romantiques allemands et français, pour qui le sacre de l'écrivain ne semble pouvoir se faire que dans une fétichisation de la voix charismatique de l'auteur, ce qui pour le penseur français est l'aveu d'une croyance erronée dans le caractère secondaire de l'écrit par rapport à la parole vive. Un objet critique sensible : archaïsme ou modernité ? Ce statut ambivalent met en lumière l'enjeu particulier que constitue l'interprétation du romantisme pour la théorie littéraire du XXe siècle. En effet, beaucoup de critiques s'accordent pour le considérer comme une ligne de partage entre archaïsme et modernité en littérature, mais sans pour autant trancher si l'avènement d'une littérature dans laquelle les contemporains se reconnaissent se fait avec le romantisme, ou au contraire après lui. Le romantisme fait-il partie de cette modernité dont il serait l'avant-poste, ou constitue-t-il au contraire la dernière étape avant les « révolutions du langage poétique » ? La question reste plus ouverte qu'on ne le soupçonnerait. Dès la fin des années 1940, un Jean-Paul Sartre garde le romantisme en point de mire quand il récrit sous le nom d'« engagement » une nouvelle partition de la « fonction du poète » ; et il l'a toujours en vue lorsque, plus tard, il remonte aux « frères aînés » de « l'idiot de la famille » pour mieux comprendre la radicale rupture que signifie la tentation flaubertienne de l'impersonnalité. De même, à l'époque même où le structuralisme paraît dénier aux romantiques un rôle dans la production de la littérature moderne en faisant de Flaubert et Mallarmé les fondateurs d'une littérature de l'intransivité, d'autres penseurs tout aussi importants estiment que c'est au romantisme que l'on doit cette révolution. Lorsque Foucault traque dans Les Mots et les choses la métaphore de la transparence qui dévoile la grande utopie d'un « langage […] où les choses elles-mêmes seraient nommées sans brouillage », il valorise par contre-coup une littérature qui « s'enferme dans une intransivité radicale » et « devient pure et simple affirmation d'un langage qui n'a plus pour loi que d'affirmer […] son existence escarpée » : or, pour Foucault, « le mode d'être moderne du langage », amené à lutter tout au long du XIXe siècle avec une forme de réalisme cratylien, s'inaugure bien avec « la révolte romantique contre un discours immobilisé dans sa cérémonie ». Chez Maurice Blanchot, toute la littérature moderne trouve sa source dans le romantisme, moment où le rêve d'une adéquation parfaite du langage cède la place à la recherche d'une intransivité radicale : pour ce critique, l'art de l'époque romantique est marqué par une perte externe de souveraineté, mais se trouve compensée par la conquête d'une nouvelle fonction interne, celle de « l'art comme recherche ». De Hölderlin à Kafka, c'est un autre modèle littéraire qui s'impose alors, celui d'une œuvre toujours à la recherche de sa propre origine. Avant même le retour de l'auteur dans les « biographèmes » du Barthes tardif ou la préférence accordée au « figural » par Jean-François Lyotard au détriment des signes discursifs , le romantisme est loin d'être le mouton noir de la critique des années 1960 et 1970 : il apparaît comme un objet profondément pluriel, dont l'appréciation varie en fonction des romantiques et des romantismes que l'on sélectionne. On constate ainsi que l'influence méthodologique et certains modes concrets d'appropriation du romantisme diffèrent parfois du discours critique global porté sur lui : dans la critique du XXe siècle, le romantisme est souvent là où on ne l'attend pas. Pourrait-on même voir, à la suite de Jean-Marie Schaeffer ou Denis Thouard, des généalogies secrètes qui iraient des romantiques allemands à Bakhtine et au structuralisme ou des héritages cachés du romantisme dans les pensées contemporaines ? « Situations » des lectures du romantisme : moments et espaces de la réception critique Au-delà de l'interprétation du romantisme en lui-même, c'est donc une lecture de ses lectures qui devient possible. En replaçant les réceptions critiques dans leur cadre conceptuel, on fait en effet apparaître des effets de perspective, qui permettent de situer dans le temps et dans l'espace les différentes lectures du romantisme, mais aussi de mettre en relief les éventuelles lacunes ou mésinterprétations qu'ont pu engager des analyses pourtant devenues canoniques. Ainsi, plusieurs ouvrages récents soulignent que l'appropriation du romantisme par toute une tradition critique au nom du principe d'intransivité repose en réalité sur une lecture biaisée par des préoccupations propres au contexte dans lesquelles elle se fait jour : ainsi des tenants d'une littérature close sur elle-même, qui revendiquent la tradition de « l'art pour l'art », mais sans reprendre la conception romantique qui lie autonomie et efficacité et veut que l'œuvre sublime conquière de fait un pouvoir renforcé sur le monde . Le même type d'appropriation subjective paraît à l'œuvre dans la théorie de « l'Absolu littéraire », qui s'inspire des premiers romantiques allemands et de leur art clos sur lui-même comme un hérisson, mais laisse de côté le programme politique et social présent dans la philosophie de Fichte ou la « nouvelle mythologie » des frères Schlegel . Dans les deux cas, le romantisme se trouverait promu autour d'un malentendu, ou au moins d'une vision partielle, qui évacuerait une ambition messianique jugée surannée à l'époque du Nouveau Roman ou un programme politique qui investit les notions de Nation et de race devenues profondément suspectes. L'idée que les moments de la lecture romantique sont profondément informés par leur contexte historique se prolonge avec les nuances en termes d'espace que la réception critique du romantisme fait apparaître. Si, pour les déconstructionnistes français, le romantisme apparaît comme une littérature périmée, l'école de Yale d'un Paul de Man et aujourd'hui d'un Harold Bloom a totalement renouvelé l'étude des romantiques britanniques, à laquelle elle se consacre presque exclusivement. De même, dans le monde anglo-saxon, la littérature romantique, loin d'être exclue de la modernité, s'est trouvée au cœur de la constitution des principaux paradigmes critiques contemporains, des postcolonial studies qui prennent naissance dans les analyses d'Edward Said sur l'image de l'Orient chez les romantiques , à la notion de world literature qui revendique l'héritage de la Weltliteratur de Goethe et des romantiques allemands , en passant par la critique féministe dont la figure tutélaire, la « folle du grenier », est empruntée à un roman de Charlotte Brontë . Pour revenir à notre point de départ, on notera également que la promotion initiale du romantisme par les premiers spécialistes de littérature comparée est l'œuvre d'universitaires issus de la tradition allemande de la romanistique : le Belge Paul Van Tieghem, le Français Fernand Baldensperger, créateur en 1928 du Cours Universitaire de Davos (Davoser Hochschulkurse), et plus tard le Suisse Albert Béguin voient dans le romantisme un signe de l'unité de la culture européenne, à une époque où déjà, en France, l'accent mis sur l'aspect poétique d'une littérature qui, selon Paul Valéry, « est et ne peut être autre chose qu'une sorte d'extension et d'application de certaines propriétés du langage », lance une tradition critique de soupçon envers le romantisme. La réception souvent heurtée du romantisme dans la critique du XXe siècle nous incite donc à proposer une historicisation du regard critique. Cet ouvrage, issu d'une journée de réflexion menée en février 2015 dans le cadre hospitalier du Musée de la Vie romantique, que nous remercions pour son généreux accueil, ne vise pas à dégager une vision synthétique du romantisme – on s'est souvenu que le titre du premier numéro de la revue Romantisme, « L'Impossible unité » – et il ne prétend pas non plus à l'exhaustivité : il propose une série de perspectives dans cette histoire complexe et gigantesque, que d'autres livres auront soin de venir compléter . Le chemin qu'il propose s'articule en plusieurs temps : d'abord, on reviendra aux commencements du problème romantique dans la critique européenne – les articles de Matthieu Vernet et de Victoire Feuillebois montrent ainsi que, de manière très différente et avec des visées critiques diverses, les années 1900 voient l'entrée en scène du romantisme comme problème critique fondamental, que l'on cherche à en donner une vision historicisée ou qu'il fonctionne comme un miroir des problématiques de l'esprit du temps. On soulignera ensuite le caractère fatalement kaléidoscopique des réceptions du romantisme à travers l'exemple du romantisme allemand : Patrick Marot, Philippe Forget et Éric Lecler soulignent à la fois le caractère productif de ces appropriations, leur éloignement relatif par rapport à l'original et les résultats très différents auxquels amène la lecture d'un même texte. Mais au-delà des lectures individuelles, ce sont bien des tentatives d'interprétation générales du romantisme qui caractérisent le siècle – soit, comme le montre José-Luis Diaz pour la génération 1970 et Mark Sandy dans son riche panorama des études romantiques ango-saxonnes, qu'elles tentent de dégager une image structurée et conceptualisée du romantisme, soit, ainsi que le souligne Yvon Le Scanff, qu'elles tendent à isoler des concepts pour penser le romantisme, comme celui de sublime qui apparaît paradoxalement opératoire. On se proposera enfin de clôre cette réflexion en mettant en valeur la place du romantisme dans les questionnements à la frontière entre le littéraire et le culturel : Serge Zenkine, Michael Löwy et Robert Sayre rendent sensibles le caractère singulier de la notion, qui excède de loin la dimension purement poétique, tout en continuant de porter une interrogation théorique forte, ce qui explique à la fois la variété de ses échos et la pérennité de la sensibilité dans d'autres espaces et d'autres temps. Nous espérons que ce panorama puisse contribuer à préciser le statut et la place des études sur le romantisme dans le champ intellectuel contemporain et à réfléchir aux outils épistémologiques légués par ces différentes approches pour penser le romantisme au début du XXIe siècle. José-Luis DIAZ et Victoire FEUILLEBOIS
In this thesis, we study the relationship between not-for-profit organisations and public authorities through the lense of the local support measure (DLA, dispositif local d'accompagnement).In the first part of the thesis, we focus on the genesis and shape of the DLA. We observe that the DLA is a policy of public employment, implementation of which is delegated to supporting structures, and that its action is intended to help employing organizations to maintain the jobs they provide and consolidate their economic model. Study of the origin of this public policy shows the state's growing interest in non-govornmental organisations from an economic point of view, specifically their importance in the job market. In the second part, we focus on the people who implement the DLA, the agents of this public policy. Although we observe that the policy has structure, the job description of professionals who implement the DLA remains "open"; they have large margins in the realization of their work. Despite this flexibility, they share the concern for employment and job creation. This analysis leads us to suggest that the subject device to a form of government by the accompaniment. Finally, in the third part, we describe the impact of the DLA on its 'modern professional' beneficiaries. The 'associative enterprises' are pushed to structure their work organization and diversify their resources, but also to mobilize for their jobs. The DLA is also involved in implementing management systems in the job-providing organisations: these are both strategically appropriated by non-for-profit directors by the authorities. Finally, the study of relationships between associations and public authorities shows that they are fragmented, producing an uncertain and competitive environment for these organisations.The dynamics observed provide lessons that exceed the effects of DLA; indeed, the policy simply accelerates an ongoing process. The changes observed at work in the employing organisations appear to be the result of changes in the environment of such organisations, which is, in turn, largely determined by the government. ; Dans ce travail de doctorat, nous avons exploré la transformation des relations entre l'État et les associations employeuses. Ces trente dernières années, le monde associatif s'est profondément métamorphosé. Il a notamment été marqué par une importante salarisation. Les salariés associatifs qui n'étaient que 600 000 dans les années 1980, sont aujourd'hui plus d'1,8 million. Cette dynamique à plusieurs explications. Elle est tout d'abord le résultat d'un engagement financier croissant de la part de la puissance publique. La décentralisation, et les nouveaux besoins sociaux nés des différentes crises - économique, écologique, urbaine - ont multiplié les sources et les volumes de financements à destination des associations. Elles se sont vues confier une part grandissante de la mise en œuvre de missions d'intérêt général et de service public.Parallèlement à l'augmentation des ressources publiques, les associations ont développé, encore plus rapidement, leurs ressources privées : celles-ci représentent aujourd'hui la moitié de leur budget total. Pour saisir les transformations des relations entre associations et puissance publique, et comprendre l'impact de ses transformations sur les associations, nous avons fait le choix d'étudier un dispositif public spécifique : le Dispositif Local d'Accompagnement (DLA).Lancé par l'État en 2002, la mise en œuvre de ce dispositif est déléguée par appel d'offres à des structures porteuses dans chaque département et dans chaque région. Il vise à professionnaliser les associations employeuses : il les accompagne à consolider leur modèle économique et à pérenniser leurs emplois. Chaque année c'est 6 000 petites et moyennes associations employeuses qui bénéficient d'un accompagnement, tous secteurs confondus (la France compte au total 180 000 associations employeuses). Observer les relations entre les associations et l'État par le biais du DLA est intéressant à plusieurs titres. Outre le fait qu'il est relativement nouveau et qu'il a été peu étudié : il s'adresse uniquement aux associations employeuses. Il permet de restreindre l'étude à ces structures et à leurs problématiques gestionnaires. Ce dispositif a aussi pour intérêt d'être transversal. Il s'adresse aux associations des différents secteurs qui composent le monde associatif. Il permet au chercheur de regarder le monde associatif comme un tout, de voir ce que les associations, tous secteurs confondus, ont en commun. Enfin, le dernier avantage, est que les accompagnements mobilisent un grand nombre d'acteurs ; leur étude offre l'occasion de recueillir une multiplicité de points de vue, interne et externes, à l'association. Nous avons utilisé ce dispositif comme une porte d'entrée pour comprendre pourquoi et comment l'État intervient sur l'emploi associatif ; pour voir pourquoi et comment les associations employeuses se transforment.Pour répondre à ces interrogations, nous avons exploré l'histoire du DLA, sa mise en œuvre et son impact sur les associations employeuses. L'idée étant, à travers le prisme de ce dispositif, d'observer l'évolution des relations entre l'État et les associations employeuses. D'interroger le gouvernement des associations par l'État. Notre questionnement s'inscrit dans la continuité des réflexions menées par les auteurs qui s'intéressent à la transformation des relations contractuelles entre associations, marchés et pouvoirs publics (Salamon, 1993, 1997, 2010 ; Archambault, 2012, 2013). Plus particulièrement, notre travail s'inscrit dans la continuité des travaux de la sociologie du travail associatif tel que l'ont notamment développé Matthieu Hély (2009 ; Hély & Moulévrier, 2013) et Maud Simonet (2010), mais aussi certains auteurs internationaux (Cunningham & James, 2009 ; Bach, 2012).Dans cette perspective, il s'agit d'aborder les associations non seulement comme des lieux d'engagement, mais comme des structures productives, de travail. Il convient alors d'interroger la division du travail, la recherche d'efficacité des acteurs associatifs. Il s'agit de penser les rapports sociaux à l'intérieur des associations, de les aborder comme un monde du travail où les bénévoles sont bien,eux aussi, des travailleurs.Pour aborder complètement la question du travail associatif, il est nécessaire de ramener l'État dans l'analyse (Evans, Rueschemeyer & Skocpol, 1985). Certains auteurs ont tendance à étudier le monde associatif comme une mobilisation intrinsèque de la société civile. Mais il nous semble que pour le saisir, il faut plutôt regarder le monde associatif comme un espace sous influence de l'État (Chevallier, 1981 ; 1986), sans pour autant le réduire à un strict instrument de politique publique sans autonomie. Ainsi, dans la perspective de la sociologie du travail associatif, il s'agit de regarder les associations au prisme des reconfigurations de l'État Providence. Notre travail de recherche nous a amenés à tirer quatre grands enseignements. Le premier enseignement est que l'enjeu de l'emploi remplace progressivement celui de la vie sociale dans les politiques publiques d'État vis-à-vis des associations. Nous sommes arrivés à cette conclusion en nous intéressant à l'histoire des politiques de l'emploi dans laquelle s'inscrit le DLA.Depuis les années 70, les associations sont mobilisées dans la lutte contre le chômage. Plus celui-ci augmente, plus les associations bénéficient d'emplois aidés, c'est à dire de subventions pour embaucher (Gomel, 2006). C'est d'ailleurs ce qui explique en grande partie la salarisation (Dussuet & Flahault, 2010 qui a marqué le monde associatif ces trente dernières années.Nous nous sommes plus particulièrement intéressés au programme « emplois jeunes » lancé par le gouvernement Jospin en 1997. Ce programme va créer plus de 200 000 emplois dans les associations. Il va aussi avoir une spécificité par rapport aux politiques de l'emploi précédentes. Ce programme ne prévoit pas simplement de subventionner des postes : il prévoit aussi de les accompagner. D'offrir du conseil aux structures pour qu'elles pérennisent les emplois une fois l'aide financière arrivée à terme.En 2002, à la fin du programme « emplois jeunes », cette logique d'aide à l'activité va s'autonomiser. Elle donnera naissance au DLA. Un dispositif qui vise officiellement la « professionnalisation » des petites et moyennes associations employeuses.En comparant ce nouveau dispositif étatique à destination des associations, avec ceux plus anciens portés par le Ministère en charge de la vie associative, nous avons observé que les politiques publiques de soutien à la vie associative avaient tendance à disparaître, quand à l'inverse le DLA s'est installé dans la durée et a vu ses crédits confortés d'année en année.Pour conclure sur ce premier enseignement ; notre travail de recherche nous amène à soutenir que nous assistons à une nouvelle dynamique : l'État a tendance à s'intéresser plus aux associations pour la charge en emploi dont elles sont porteuses que pour leurs projets et leur utilité sociale. Le deuxième enseignement de notre travail est que l'État, par le biais du DLA, gouverne les associations par l'accompagnement. Il les conduit dans un sens donné.Tout cela est rendu possible par plusieurs caractéristiques du DLA : si le dispositif est en apparence très structuré et cadré, il est néanmoins à la fois souple, ouvert et ajusté. Il est souple parce que sa mise en œuvre est déléguée, confiée à une diversité de structures porteuses qui sont toutes différentes et inscrites dans leurs territoires. Il est ouvert, parce les chargé-e-s de mission DLA, qui mettent en œuvre quotidiennement le dispositif, ont de grandes marges de manœuvre dans leur métier. Enfin, il est ajusté, car il est mis en œuvre par des associations, pour les associations et avec des consultants qui sont souvent d'anciens associatifs.Le DLA est aussi un dispositif privatisé (Lipsky & Smith, 1989-1990), complètement mis en œuvre par des structures de droit privé, en l'occurrence des associations. L'État semble disparaître, mais pour autant il n'est pas absent. Il reste pilote du dispositif. Il le dirige par des appels d'offres, par des comités de pilotage et par le biais d'une agence. Le DLA constitue un bon exemple de ces dispositifs nés ces dernières années, où « l'État stratège » délègue les fonctions opérationnelles mais continue d'en assurer le pilotage stratégique.L'État fixe notamment un objectif central : l'emploi. Nous avons observé que si les chargés de mission travaillent de manières différentes, que leurs actions passent par des détours, ils partagent tous ce « souci » (Jeannot, 2005) de l'emploi. Les accompagnements peuvent concerner le modèle économique, les RH, les outils de communication ou encore le projet de la structure, etc. : mais au final c'est toujours l'emploi qui est visé. Et en accompagnant les associations, les chargés de mission les font adhérer à leur tour à cette attente de l'État.Les accompagnements amènent en douceur, sans rien imposer, mais par l'incitation et l'adhésion, les associations à se transformer. Le troisième enseignement de notre travail est que le DLA accompagne les associations employeuses vers la « professionnalisation contemporaine » (Boussard, 2014). Derrière ce concept, nous entendons plusieurs choses.Tout d'abord que le DLA a un effet gestionnaire. Il implante des outils de gestion dans les associations. Ce n'est pas neutre : « enrôlés » (Boussard, 2008) par les dirigeants associatifs, cela va leurs donner une meilleure maîtrise de la structure, offrir de nouveaux outils pour mettre au travail les salariés et contrôler leurs activités.Le DLA va aussi avoir un effet sur la structuration du travail. Il pousse les associations à respecter davantage les normes légales : notamment le droit du travail et la loi 1901. Le DLA aide les structures à clarifier la division du travail, notamment entre bénévoles et salariés. Que chacun trouve sa place et son rôle dans l'association. Cela va aussi aider le directeur à mieux travailler et à corriger ses erreurs de gestion.Le DLA amène aussi les associations à être responsables de leurs emplois. Les emplois deviennent une finalité et non plus seulement un moyen. Pour les sauver, les bénévoles vont se mobiliser, prendre une part plus importante du travail, notamment au sein du bureau et du Conseil d'Administration. Pour les sauver, les associations vont aussi être amenées à chercher des solutions économiques. Et puisque les subventions manquent à l'appel, c'est vers le développement de ressources privées et marchandes qu'elles vont aller.Évidemment, selon les associations, les effets sont différents. Mais globalement, elles vont mieux prendre en compte la question de l'emploi et du travail, et aller dans le sens de la « professionnalisation contemporaine ». Le quatrième grand enseignement conclut notre thèse. Il concerne les relations entre l'État et les associations employeuses. Comme nous l'avons vu, le DLA a bien un impact gestionnaire, mais il ne faut pas en surestimer la « puissance » : il n'explique pas à lui seul la professionnalisation observée. Au final, le DLA ne fait qu'aider les associations à s'adapter à leur environnement économique et institutionnel. Il ne fait qu'accélérer leur adaptation.Pour comprendre ce qui pousse les associations à se transformer, nous avons cherché la réponse du côté des pouvoirs publics. En les étudiant, nous avons pu voir qu'ils sont morcelés et qu'ils ont des logiques différentes et parfois contradictoires. L'incertitude marque aussi leur budget, et par ricochet celui des associations. Paradoxalement, les pouvoirs publics demandent aux associations d'être professionnelles, de faire des projections de leurs budgets sur 3 ans, mais chaque année c'est l'incertitude sur leurs propres budgets. Et cela contraint les associations dans l'instabilité et l'incertitude : c'est l'un des puissants moteurs de la professionnalisation. Et ce d'autant plus que, comme l'a montré Viviane Tchernonog (2013), les pouvoirs publics changent leurs modes de contractualisation, passent d'une logique de subvention à une logique de marché public, de mise en concurrence.Nous défendons dans notre thèse que les pouvoirs publics sont producteurs de la « marchandisation » des associations ; les associations, pour mener à bien leurs missions et celles qui leur ont été confiées, n'ont d'autres choix que d'adopter des pratiques gestionnaires, de développer leurs ressources privées et commerciales. C'est le sens du « et inversement » du titre de la thèse : Le DLA professionnalise les associations employeuses pour les adapter en douceur à un environnement marchandisé. Mais l'inverse est d'autant plus vrai. Ce sont les contraintes du marché qui amène les associations à jouer le jeu du DLA et à se professionnaliser. Le véritable moteur de la professionnalisation contemporaine est la « marchandisation » publique - la market bureaucracy (Cunningham et James, 2014 ; Considine & Lewis, 2003 ; Sako, 1992) - de l'environnement associatif.
In this thesis, we study the relationship between not-for-profit organisations and public authorities through the lense of the local support measure (DLA, dispositif local d'accompagnement).In the first part of the thesis, we focus on the genesis and shape of the DLA. We observe that the DLA is a policy of public employment, implementation of which is delegated to supporting structures, and that its action is intended to help employing organizations to maintain the jobs they provide and consolidate their economic model. Study of the origin of this public policy shows the state's growing interest in non-govornmental organisations from an economic point of view, specifically their importance in the job market. In the second part, we focus on the people who implement the DLA, the agents of this public policy. Although we observe that the policy has structure, the job description of professionals who implement the DLA remains "open"; they have large margins in the realization of their work. Despite this flexibility, they share the concern for employment and job creation. This analysis leads us to suggest that the subject device to a form of government by the accompaniment. Finally, in the third part, we describe the impact of the DLA on its 'modern professional' beneficiaries. The 'associative enterprises' are pushed to structure their work organization and diversify their resources, but also to mobilize for their jobs. The DLA is also involved in implementing management systems in the job-providing organisations: these are both strategically appropriated by non-for-profit directors by the authorities. Finally, the study of relationships between associations and public authorities shows that they are fragmented, producing an uncertain and competitive environment for these organisations.The dynamics observed provide lessons that exceed the effects of DLA; indeed, the policy simply accelerates an ongoing process. The changes observed at work in the employing organisations appear to be the result of changes in the environment of such organisations, which is, in turn, largely determined by the government. ; Dans ce travail de doctorat, nous avons exploré la transformation des relations entre l'État et les associations employeuses. Ces trente dernières années, le monde associatif s'est profondément métamorphosé. Il a notamment été marqué par une importante salarisation. Les salariés associatifs qui n'étaient que 600 000 dans les années 1980, sont aujourd'hui plus d'1,8 million. Cette dynamique à plusieurs explications. Elle est tout d'abord le résultat d'un engagement financier croissant de la part de la puissance publique. La décentralisation, et les nouveaux besoins sociaux nés des différentes crises - économique, écologique, urbaine - ont multiplié les sources et les volumes de financements à destination des associations. Elles se sont vues confier une part grandissante de la mise en œuvre de missions d'intérêt général et de service public.Parallèlement à l'augmentation des ressources publiques, les associations ont développé, encore plus rapidement, leurs ressources privées : celles-ci représentent aujourd'hui la moitié de leur budget total. Pour saisir les transformations des relations entre associations et puissance publique, et comprendre l'impact de ses transformations sur les associations, nous avons fait le choix d'étudier un dispositif public spécifique : le Dispositif Local d'Accompagnement (DLA).Lancé par l'État en 2002, la mise en œuvre de ce dispositif est déléguée par appel d'offres à des structures porteuses dans chaque département et dans chaque région. Il vise à professionnaliser les associations employeuses : il les accompagne à consolider leur modèle économique et à pérenniser leurs emplois. Chaque année c'est 6 000 petites et moyennes associations employeuses qui bénéficient d'un accompagnement, tous secteurs confondus (la France compte au total 180 000 associations employeuses). Observer les relations entre les associations et l'État par le biais du DLA est intéressant à plusieurs titres. Outre le fait qu'il est relativement nouveau et qu'il a été peu étudié : il s'adresse uniquement aux associations employeuses. Il permet de restreindre l'étude à ces structures et à leurs problématiques gestionnaires. Ce dispositif a aussi pour intérêt d'être transversal. Il s'adresse aux associations des différents secteurs qui composent le monde associatif. Il permet au chercheur de regarder le monde associatif comme un tout, de voir ce que les associations, tous secteurs confondus, ont en commun. Enfin, le dernier avantage, est que les accompagnements mobilisent un grand nombre d'acteurs ; leur étude offre l'occasion de recueillir une multiplicité de points de vue, interne et externes, à l'association. Nous avons utilisé ce dispositif comme une porte d'entrée pour comprendre pourquoi et comment l'État intervient sur l'emploi associatif ; pour voir pourquoi et comment les associations employeuses se transforment.Pour répondre à ces interrogations, nous avons exploré l'histoire du DLA, sa mise en œuvre et son impact sur les associations employeuses. L'idée étant, à travers le prisme de ce dispositif, d'observer l'évolution des relations entre l'État et les associations employeuses. D'interroger le gouvernement des associations par l'État. Notre questionnement s'inscrit dans la continuité des réflexions menées par les auteurs qui s'intéressent à la transformation des relations contractuelles entre associations, marchés et pouvoirs publics (Salamon, 1993, 1997, 2010 ; Archambault, 2012, 2013). Plus particulièrement, notre travail s'inscrit dans la continuité des travaux de la sociologie du travail associatif tel que l'ont notamment développé Matthieu Hély (2009 ; Hély & Moulévrier, 2013) et Maud Simonet (2010), mais aussi certains auteurs internationaux (Cunningham & James, 2009 ; Bach, 2012).Dans cette perspective, il s'agit d'aborder les associations non seulement comme des lieux d'engagement, mais comme des structures productives, de travail. Il convient alors d'interroger la division du travail, la recherche d'efficacité des acteurs associatifs. Il s'agit de penser les rapports sociaux à l'intérieur des associations, de les aborder comme un monde du travail où les bénévoles sont bien,eux aussi, des travailleurs.Pour aborder complètement la question du travail associatif, il est nécessaire de ramener l'État dans l'analyse (Evans, Rueschemeyer & Skocpol, 1985). Certains auteurs ont tendance à étudier le monde associatif comme une mobilisation intrinsèque de la société civile. Mais il nous semble que pour le saisir, il faut plutôt regarder le monde associatif comme un espace sous influence de l'État (Chevallier, 1981 ; 1986), sans pour autant le réduire à un strict instrument de politique publique sans autonomie. Ainsi, dans la perspective de la sociologie du travail associatif, il s'agit de regarder les associations au prisme des reconfigurations de l'État Providence. Notre travail de recherche nous a amenés à tirer quatre grands enseignements. Le premier enseignement est que l'enjeu de l'emploi remplace progressivement celui de la vie sociale dans les politiques publiques d'État vis-à-vis des associations. Nous sommes arrivés à cette conclusion en nous intéressant à l'histoire des politiques de l'emploi dans laquelle s'inscrit le DLA.Depuis les années 70, les associations sont mobilisées dans la lutte contre le chômage. Plus celui-ci augmente, plus les associations bénéficient d'emplois aidés, c'est à dire de subventions pour embaucher (Gomel, 2006). C'est d'ailleurs ce qui explique en grande partie la salarisation (Dussuet & Flahault, 2010 qui a marqué le monde associatif ces trente dernières années.Nous nous sommes plus particulièrement intéressés au programme « emplois jeunes » lancé par le gouvernement Jospin en 1997. Ce programme va créer plus de 200 000 emplois dans les associations. Il va aussi avoir une spécificité par rapport aux politiques de l'emploi précédentes. Ce programme ne prévoit pas simplement de subventionner des postes : il prévoit aussi de les accompagner. D'offrir du conseil aux structures pour qu'elles pérennisent les emplois une fois l'aide financière arrivée à terme.En 2002, à la fin du programme « emplois jeunes », cette logique d'aide à l'activité va s'autonomiser. Elle donnera naissance au DLA. Un dispositif qui vise officiellement la « professionnalisation » des petites et moyennes associations employeuses.En comparant ce nouveau dispositif étatique à destination des associations, avec ceux plus anciens portés par le Ministère en charge de la vie associative, nous avons observé que les politiques publiques de soutien à la vie associative avaient tendance à disparaître, quand à l'inverse le DLA s'est installé dans la durée et a vu ses crédits confortés d'année en année.Pour conclure sur ce premier enseignement ; notre travail de recherche nous amène à soutenir que nous assistons à une nouvelle dynamique : l'État a tendance à s'intéresser plus aux associations pour la charge en emploi dont elles sont porteuses que pour leurs projets et leur utilité sociale. Le deuxième enseignement de notre travail est que l'État, par le biais du DLA, gouverne les associations par l'accompagnement. Il les conduit dans un sens donné.Tout cela est rendu possible par plusieurs caractéristiques du DLA : si le dispositif est en apparence très structuré et cadré, il est néanmoins à la fois souple, ouvert et ajusté. Il est souple parce que sa mise en œuvre est déléguée, confiée à une diversité de structures porteuses qui sont toutes différentes et inscrites dans leurs territoires. Il est ouvert, parce les chargé-e-s de mission DLA, qui mettent en œuvre quotidiennement le dispositif, ont de grandes marges de manœuvre dans leur métier. Enfin, il est ajusté, car il est mis en œuvre par des associations, pour les associations et avec des consultants qui sont souvent d'anciens associatifs.Le DLA est aussi un dispositif privatisé (Lipsky & Smith, 1989-1990), complètement mis en œuvre par des structures de droit privé, en l'occurrence des associations. L'État semble disparaître, mais pour autant il n'est pas absent. Il reste pilote du dispositif. Il le dirige par des appels d'offres, par des comités de pilotage et par le biais d'une agence. Le DLA constitue un bon exemple de ces dispositifs nés ces dernières années, où « l'État stratège » délègue les fonctions opérationnelles mais continue d'en assurer le pilotage stratégique.L'État fixe notamment un objectif central : l'emploi. Nous avons observé que si les chargés de mission travaillent de manières différentes, que leurs actions passent par des détours, ils partagent tous ce « souci » (Jeannot, 2005) de l'emploi. Les accompagnements peuvent concerner le modèle économique, les RH, les outils de communication ou encore le projet de la structure, etc. : mais au final c'est toujours l'emploi qui est visé. Et en accompagnant les associations, les chargés de mission les font adhérer à leur tour à cette attente de l'État.Les accompagnements amènent en douceur, sans rien imposer, mais par l'incitation et l'adhésion, les associations à se transformer. Le troisième enseignement de notre travail est que le DLA accompagne les associations employeuses vers la « professionnalisation contemporaine » (Boussard, 2014). Derrière ce concept, nous entendons plusieurs choses.Tout d'abord que le DLA a un effet gestionnaire. Il implante des outils de gestion dans les associations. Ce n'est pas neutre : « enrôlés » (Boussard, 2008) par les dirigeants associatifs, cela va leurs donner une meilleure maîtrise de la structure, offrir de nouveaux outils pour mettre au travail les salariés et contrôler leurs activités.Le DLA va aussi avoir un effet sur la structuration du travail. Il pousse les associations à respecter davantage les normes légales : notamment le droit du travail et la loi 1901. Le DLA aide les structures à clarifier la division du travail, notamment entre bénévoles et salariés. Que chacun trouve sa place et son rôle dans l'association. Cela va aussi aider le directeur à mieux travailler et à corriger ses erreurs de gestion.Le DLA amène aussi les associations à être responsables de leurs emplois. Les emplois deviennent une finalité et non plus seulement un moyen. Pour les sauver, les bénévoles vont se mobiliser, prendre une part plus importante du travail, notamment au sein du bureau et du Conseil d'Administration. Pour les sauver, les associations vont aussi être amenées à chercher des solutions économiques. Et puisque les subventions manquent à l'appel, c'est vers le développement de ressources privées et marchandes qu'elles vont aller.Évidemment, selon les associations, les effets sont différents. Mais globalement, elles vont mieux prendre en compte la question de l'emploi et du travail, et aller dans le sens de la « professionnalisation contemporaine ». Le quatrième grand enseignement conclut notre thèse. Il concerne les relations entre l'État et les associations employeuses. Comme nous l'avons vu, le DLA a bien un impact gestionnaire, mais il ne faut pas en surestimer la « puissance » : il n'explique pas à lui seul la professionnalisation observée. Au final, le DLA ne fait qu'aider les associations à s'adapter à leur environnement économique et institutionnel. Il ne fait qu'accélérer leur adaptation.Pour comprendre ce qui pousse les associations à se transformer, nous avons cherché la réponse du côté des pouvoirs publics. En les étudiant, nous avons pu voir qu'ils sont morcelés et qu'ils ont des logiques différentes et parfois contradictoires. L'incertitude marque aussi leur budget, et par ricochet celui des associations. Paradoxalement, les pouvoirs publics demandent aux associations d'être professionnelles, de faire des projections de leurs budgets sur 3 ans, mais chaque année c'est l'incertitude sur leurs propres budgets. Et cela contraint les associations dans l'instabilité et l'incertitude : c'est l'un des puissants moteurs de la professionnalisation. Et ce d'autant plus que, comme l'a montré Viviane Tchernonog (2013), les pouvoirs publics changent leurs modes de contractualisation, passent d'une logique de subvention à une logique de marché public, de mise en concurrence.Nous défendons dans notre thèse que les pouvoirs publics sont producteurs de la « marchandisation » des associations ; les associations, pour mener à bien leurs missions et celles qui leur ont été confiées, n'ont d'autres choix que d'adopter des pratiques gestionnaires, de développer leurs ressources privées et commerciales. C'est le sens du « et inversement » du titre de la thèse : Le DLA professionnalise les associations employeuses pour les adapter en douceur à un environnement marchandisé. Mais l'inverse est d'autant plus vrai. Ce sont les contraintes du marché qui amène les associations à jouer le jeu du DLA et à se professionnaliser. Le véritable moteur de la professionnalisation contemporaine est la « marchandisation » publique - la market bureaucracy (Cunningham et James, 2014 ; Considine & Lewis, 2003 ; Sako, 1992) - de l'environnement associatif.
When Ebenezer Howard imagines his Garden City, he is looking for a response to what his contemporaries in the second half of the 19th century considered an "urban crises without precedence". The big cities are overpopulated and force the working classes to live un disastrous conditions. Land speculation in the urban periphery races out of control. Howard's invention is based on the idea of the "people's return to the land". The idea is to encourage city dwellers to migrate out to a network of interconnected satellite cities that propose the best of urban and country life, via the railroads. His work consists in part in the organization of this migration away from urbans centers. In his new cities, all the land would be collectively owned. This collective ownership would inhibit speculative development and permit instead to reinvest in the community. The architects Barry Parker and Raymond Unwin design the first Garden City. They create picturesque architecture that fits into its geography and context, with nature as a structuring element of the city's organization. The Garden City has an immense influence on the theory of urbanism, influencing urban planning in numerous Latin American countries, including Mexico. A group of architects and engineers – such as Carlos Contreras, Ignacio Bancalari, José Cuevas Pietrasanta – use the Garden City model to plan a post-revolutionary Mexico fitting with its principles. Inspired by the Garden City Association, they create the National Association for the Planning of the Republic of Mexico, which aims both to promote the model and to put it into practice at a national scale. The government, intergovernmental organization – including UN-Habitat – and numerous think tanks all agree on a set of urban challenges faced by Mexico. In the end, these challenges differ only slightly from those which Ebenezer Howard sought to resolve. Still in the wake of the Agrarian Reform of the first part of the 20th century, individuals across Mexican society advocate for and deem necessary a new Urban Reform. This Thesis is based on the hypothesis that the Garden City could constitute a "reservoir of precedence" those implicated in this Urban Reform in Mexico could use as inspiration to push forward the transformation of their cities and territories. Although certain research accentuates the idea of the compact city and increasing the density of the existing urban fabric, this work defends the idea that it is possible to extend the city in a manner that is virtuous. Reflections inherited from the Garden City such as the Neighborhood unit or the more contemporary New urbanism are used to support the claim. More than a century after Howard published his proposals, our cities seem to be confronted by very similar issues. The ideas of Howard have never been effectively practiced at a large scale, despite the great success of the first materialization of the ideas in the English city of Letchworth. In the face of a status quo that has lasted for decades, the author asks if it is it not time to shake up our conception of the city as well as our current practices. The demonstration of such a hypothesis is separated into three parts:First, the research questions the theoretical notions of the model and its dissemination, thus defining the Garden city not only as a model of urban planning, but also as a social project that can propose new ways to imagine the cities and communities of tomorrow. This work posits that the reservoir of references found in the Garden City is constituted by a knowledge built both in theory and practice. The work traces the multiple examples of the Garden City, their principles and their materializations in order to define a set of social aspirations and spatial principles. Second, the research studies the dissemination of the model on the Mexican context. This phase of the work analyses the conduits of dissemination, their most important materializations, and certain legal limitations faced by these cases. The research shows that to reference the Garden City in the Mexican context is not only reasonable but recognizant of the importance of the model in the history of Mexican city planning. The research hope to contribute to the reservoir of references through the consideration of theses Mexican examples. Third, the work imagines how this reservoir of precedence can transform Mexican cities today. Here, the architectural and urban project is used as a means of inquiry capable of creating knowledge. It is an inquiry that can produce an understanding of a certain place, and then, imagine a prospective future for this place. This last part of the research is focused on the creation of possible scenarios. These possible or probable futures can be compared and can be used to help inform the planning process.This last part of the research project elicits the creation of a methodology and the novel research tool of the project. The research questions if the pertinent transformation made of one space could be equally pertinent in another? Rather than relying on an existing site as the locus of exploration of the various scenarios, this research fabricates an urban environment constructed of elements typical of Mexican cities in which to set the experiment. This process necessitates the observation of multiple Mexican cities and the identification of generalities and typical traits. The research thus creates a site that does not exist – ou topos – that combines these characteristics. This site is used both as an illustration of the complexities of these urban environments and as a context for the experimentation of the proposed transformations – notably through the process of drawing. ; Cuando Ebenezer Howard imagina su Ciudad Jardín, busca una respuesta a lo que los contemporáneos de la segunda mitad del siglo XIX consideran como «una crisis urbana sin precedentes». Las grandes ciudades están superpobladas e imponen unas condiciones de vida desastrosas a las clases trabajadoras. La especulación del suelo lleva al crecimiento incontrolado de la periferia urbana.Su invención consiste en el «retorno del pueblo a la tierra».Defiende la migración de las poblaciones urbanas a una red de ciudades satélite interconectadas que combinen las cualidades de la ciudad y el campo. El ferrocarril es la herramienta de esta migración. Debe organizar el desplazamiento de las personas de las zonas urbanas que se han convertido en la tumba de la condición humana. En estas nuevas ciudades se establece la propiedad colectiva de la tierra. Debe impedir que los especuladores se apropien del aumento del valor del terreno y permitir su reinversión en beneficio de la comunidad. Los arquitectos Barry Parker y Raymond Unwin espacializan la Ciudad jardín. Eligen una arquitectura pintoresca, trazados adaptados al contexto geográfico y utilizan la naturaleza como elemento estructurador de la organización urbana.La Ciudad Jardín tiene una gran influencia en las teorías de planificación urbana y se difunde en muchos países de América Latina, incluido México. Un grupo de arquitectos e ingenieros – entre los que se encuentran Carlos Contreras, Ignacio Bancalari y José Cuevas Pietrasanta – utilizan el modelo para planificar un México posrevolucionario conforme a sus ideales. Inspirados por la Asociación de Ciudades Jardín, crearon la Asociación Nacional para la Planeación de la República Mexicana, que se interesa tanto en la difusión del modelo como en promover una planeación a escala nacional.El gobierno, las organizaciones intergubernamentales – incluido ONU Hábitat – y varios think tanks coinciden en una serie de retos urbanos a los que se enfrenta México. Desafíos que no están muy alejados de aquellos a los que Howard busca respuestas. Tras su famosa Reforma agraria al inicio del siglo XX, México defiende ahora la necesidad de una Gran Reforma urbana. Esta tesis doctoral se basa en la hipótesis de que la Ciudad jardín podría constituir un «fondo de precedentes» en la que los actores mexicanos pueden inspirarse para impulsar la transformación de sus ciudades y territorios. Mientras que muchos informes abogan por la ciudad compacta y la densificación de sus tejidos existentes, este trabajo defiende que es posible extender la ciudad de forma virtuosa. En este sentido, invoca reflexiones heredadas de la Ciudad jardín, como la Neighborhood unit, o el New urbanism más contemporáneo.Más de un siglo después de las propuestas de Howard, nuestras ciudades parecen enfrentarse a problemas relativamente similares. Sus ideas nunca se han puesto en práctica a gran escala, aunque Letchworth – la primera materialización del modelo – ha demostrado su viabilidad. Frente al statu quo que ha durado tantas décadas, ¿no es hora de sacudir nuestro imaginario de la ciudad y romper con nuestras prácticas actuales?La demostración de tal hipótesis implica una reflexión en tres pasos.Primo, cuestionando las nociones teóricas de modelo y difusión, y luego definiendo la Ciudad jardín no sólo como un modelo urbano, sino también como un proyecto de sociedad capaz de proponer una nueva forma de imaginar las ciudades y los territorios del mañana. Este trabajo defiende que el conjunto de referencias de la Ciudad jardín se realiza en un perpetuo ir y venir entre la teoría y lo empírico. Recorre los diferentes precedentes que la componen, sus principios y sus materializaciones para definirla a través de una serie de aspiraciones sociales y principios espaciales.Secundo, estudiando la difusión del modelo en el contexto mexicano. Esta etapa analiza sus canales de difusión, sus materializaciones más significativas, y observa las transformaciones que conocen estas realizaciones. Quiere demostrar que hablar de la Ciudad Jardín en México no es una locura y que el país ya ha invocado ampliamente este precedente en el pasado. Pero también enriquecer el fondo de precedentes mediante la movilización de experiencias mexicanas.Tercio, imaginando cómo esta «fondo de precedentes» puede transformar la ciudad mexicana actual. La composición arquitectónica y urbanística se moviliza como una investigación capaz de crear conocimiento. Una investigación orientada primero a la comprensión de un lugar y luego a la prospección de un futuro para este lugar. La imaginación de escenarios está en el centro de esta última parte. Permite comparar ciertos futuros posibles y plausibles, y adoptar una postura.Esta última parte se traduce en la creación de una metodología y una nueva herramienta de composición. Una otra hipótesis le preocupa: ¿una transformación que es relevante para un lugar también lo es para otros lugares? En vez de basar sus escenarios en un lugar existente, prefiere crear un territorio urbano típico de las ciudades mexicanas para experimentar con sus ideas. Este proceso se enfoca en la observación de las especificidades de estas ciudades y en la generalización de sus rasgos típicos. Crea un lugar inexistente – ou topos – que combina todas estas especificidades. Este lugar típico se utiliza a la vez como ilustración de la complejidad de estos territorios urbanos, pero también como soporte para experimentar – a través del dibujo – las transformaciones propuestas. ; Lorsqu'Ebenezer Howard imagine sa Garden city, il cherche une réponse à ce que les contemporains de la seconde moitié de dix-neuvième siècle considèrent comme « une crise urbaine sans précédent ». Les grandes villes sont surpeuplées et imposent des conditions de vie désastreuses aux classes populaires. La spéculation foncière conduit à une croissance incontrôlée des périphéries urbaines.Son invention repose sur le « retour du peuple à la terre ». Elle prône la migration des populations urbaines vers un réseau de cités-satellites interconnectées qui conjuguent les qualités de la ville et de la campagne. Le chemin de fer est l'outil de cette migration. Il doit organiser le déplacement des populations depuis les zones urbaines devenues tombeaux de la condition humaine. Dans ces nouvelles cités, une propriété collective du foncier est mise en place. Elle doit empêcher l'appropriation des plus-values foncières par les spéculateurs, et permettre leur réinversion au profit de la communauté. Les architectes Barry Parker et Raymond Unwin spatialisent la Garden city. Ils font le choix d'une architecture pittoresque, de tracés adaptés au contexte géographique, et utilisent la nature comme un élément structurant de l'organisation urbaine.La Garden city a une immense influence sur les théories de l'urbanisme, et se diffuse dans de nombreux pays d'Amérique latine, dont le Mexique. Un groupe d'architectes et d'ingénieurs – parmi lesquels Carlos Contreras, Ignacio Bancalari, José Cuevas Pietrasanta – convoquent le modèle pour planifier un Mexique postrévolutionnaire en phase avec ses idéaux. En s'inspirant de la Garden city Association, ils créent l'Association Nationale pour la Planification de la République Mexicaine qui s'intéresse à la fois à la diffusion du modèle et promeut une planification à l'échelle du pays tout entier.Gouvernement, organisations intergouvernementales – dont ONU Habitat – et divers think tanks : tous s'accordent sur un certain nombre de défis urbains auxquels le Mexique fait face. Des défis finalement peu éloignés de ceux auxquels Howard cherche des réponses. Dans le sillage de sa célèbre Réforme agraire au début du XXe siècle, le Mexique prône aujourd'hui la nécessité d'une grande Réforme urbaine. Cette thèse s'appuie sur l'hypothèse selon laquelle la Garden city pourrait constituer « un réservoir de précédents » dont les acteurs mexicains peuvent s'inspirer pour impulser la transformation de leurs villes et territoires. Alors que de nombreux rapports mettent l'accent sur la ville-compacte et la densification de ses tissus existants, ce travail défend qu'il soit possible d'étendre la ville de façons vertueuses. Il convoque à ce titre des réflexions héritières de la Garden city telles que le neighborhood unit, ou le new urbanism plus contemporain.Plus d'un siècle après les propositions de Howard, nos villes semblent être confrontées à des problématiques relativement proches. Ses idées n'ont jamais réellement été mises en pratique à grande échelle, alors même que Letchworth – première matérialisation du modèle – a prouvé de sa faisabilité. Face aux statu quo qui durent depuis tant de décennies, n'est-il pas temps de bouleverser notre imaginaire de la ville et de rompre avec nos pratiques actuelles ?La démonstration d'une telle hypothèse passe par une réflexion en trois temps. Primo, en questionnement les notions théoriques de modèle et de diffusion, puis en définissant la Garden city non seulement comme modèle urbain, mais également comme projet de société en mesure de proposer une nouvelle façon d'imaginer les villes et territoires de demain. Ce travail défend que le réservoir de références de la Garden city se fabrique dans un perpétuel va-et-vient entre la théorie et l'empirique. Il revient sur les différents précédents qui le composent, sur ses principes, et ses matérialisations pour le définir au travers d'un certain nombre d'aspirations sociales et de principes spatiaux. Secundo, en étudiant la diffusion du modèle dans le contexte mexicain. Cette phase analyse ses canaux de diffusion, ses matérialisations les plus significatives, et statue sur les transformations que ces réalisations subissent. Elle souhaite montrer que parler de Garden city au Mexique n'est pas un insensé grand écart et que le pays a déjà largement convoqué ce précédent par le passé. Mais aussi à enrichir le réservoir de précédents en mobilisant les expériences mexicaines. Tercio, en imaginant comment ce « réservoir de précédents » peut transformer la ville mexicaine actuelle. Le projet d'architecture et d'urbanisme est mobilisé comme une enquête capable de créer de la connaissance. Une enquête d'abord orientée vers la compréhension d'un lieu, puis vers la prospection d'un futur pour ce lieu. L'imagination de scénarios est cœur de cette dernière partie. Elle permet de comparer certains futurs possibles et plausibles, et de nous positionner. Cette dernière partie se confronte à la création d'une méthodologie et d'un nouvel outil de projet. Une sous-hypothèse la taraude : une transformation pertinente pour un lieu, l'est-elle également pour d'autres lieux ? Plutôt que d'asseoir ses scénarios sur un lieu existant, elle préfère fabriquer un territoire urbain typique des villes mexicaines pour expérimenter ses idées. Ce processus s'attache à observer les spécificités de ces villes et à monter en généralité ses traits typiques. Il en fabrique un lieu qui n'existe pas – ou topos – qui combine l'ensemble de ces spécificités. Ce lieu typique est à la fois utilisé comme une illustration de la complexité de ces territoires urbains, mais également comme un support pour expérimenter – par le dessin – les transformations proposées.
Clare Hutchinson is the NATO Special Representative for Women, Peace and SecurityOn 31 October 2000, the United Nations Security Council unanimously adopted Resolution 1325 on Women, Peace and Security. For the first time in the history of the United Nations, women's concerns in relation to peace and security were formally discussed and acknowledged within the Security Council. Resolution 1325 recognises the disproportionate and unique impact of armed conflict on women and stresses the need for full participation of women as active agents in peace and security.Building on the earlier UN Security Council resolutions on Children and Armed Conflict and Protection of Civilians, UNSCR 1325 was revolutionary, bringing to global attention the disproportionate impact of conflict on women and girls. UNSCR 1325 is a political and operational tool that has changed the conceptualisation of security and reframed the issue of women's rights within this space. Its 3 pillars of prevention, protection and participation remain the bedrock of WPS and, as such, demand that all actors recognize the different impact of armed conflict on women and girls is something for which the global community can find concrete remedies with and for women.As the UN WPS resolutions have evolved[1] and grown in stature and number, so has the recognition that so-called 'marginal' actors such as women are no longer on the periphery. The Women, Peace and Security agenda collectively recognises that women are not only victims in conflict; often subject to heinous brutality and marginalized politically and economically, but they also make up to 30% of combatants in many conflicts and are sometimes actively engaged in terrorist organisations. The role of women in conflict, like that of men, is complex and layered and a gender lens needs to be applied to the entire cycle of conflict without preconceptions.In November 2017, Canada launched 'The Vancouver Principles on Peacekeeping and the Prevention of the Recruitment and Use of Child Soldiers'. The 'Principles' are a set of 17 political commitments focused on child protection in peacekeeping, but also specifically recognise the contribution of women to peacekeeping and the critical roles women can play in the protection of children.Over the last few years the attention to the lack of women in peace operations has become central. Discussions, initiatives and activities have increased in volume in their focus on gender parity and increasing the number of women, for both uniformed and civilian peacekeepers.For international organisations, including NATO, this has propelled a call for increased attention to the recruitment and retention of women in national forces, as a basis of operational effectiveness. The UN 2028 target for women serving in military contingents is 15%. Currently, NATO is ahead of the global average, with women making up 12% of NATO forces. However, more needs to be done. NATO's strategy has been to encourage our nations to dismantle barriers standing in the way of the full participation of women in the Alliance and national forces. We will continue to push and encourage the deployment of women, not because they are women to match targets, but because they have a right to contribute to the service of their nation and NATO.We should, however, be cautious about resting the efficacy of the agenda on parity alone. While greater diversity and a broadened skillset can be linked to better decision‐making, planning and results - numbers are not enough. It is only in balancing the issues of parity and participation, that equality can be efficiently and effectively actioned.The Vancouver Principles highlight the 'distinct and critical roles of both men and women in the protection of children and the prevention of the recruitment and use of child soldiers'[2]. Yet, we do need to be cautious about making assumptions women are innately suited to protection of children tasks – assumptions that are both inaccurate and dangerously essentialist. Where attention needs to be placed is in the gendering of responses to child protection. To what extent can gender perspectives enhance the political framework on children and armed conflict and the operational response to prevention and protection?Vancouver Principle 11 provides an important political foundation from which to move forward. As we forge a path towards the next twenty years, we must all continue to do our part, to strengthen both parity and participation, to secure a lasting peace for all.[1] There are currently ten United Nations Security Council resolutions on WPS, UNSCRS 1325 (2000), 1820 (2008), 1888(2009) 1889 (2009), 1960 (2010), 2106 (2013), 2122 (2013), 2242 (2015), 2467 (2019), 2493 (2019) [2] The Vancouver Principles on Peacekeeping and the Prevention of the Recruitment and Use of Child Soldiers 2017 ; Clare Hutchinson es la Representante especial de la OTAN sobre Mujeres, Paz y SeguridadEl 31 de octubre de 2000, el Consejo de Seguridad de las Naciones Unidas adoptó de manera unánime la Resolución 1325 sobre Mujeres, Paz y Seguridad (MPS). Por primera vez en la historia de las Naciones Unidas, las inquietudes de las mujeres respecto a la paz y la seguridad fueron debatidas y reconocidas formalmente en el Consejo de Seguridad. La Resolución 1325 reconoce el impacto único y desproporcionado del conflicto armado en las mujeres y enfatiza la necesidad de que las mujeres participen de manera integral como agentes activos para el mantenimiento de la paz y la seguridad.Con base en resoluciones anteriores del Consejo de Seguridad de la ONU sobre Niños y conflicto armado, y sobre Protección de civiles, la Resolución 1325 fue revolucionaria, pues atrajo la atención mundial sobre el impacto desproporcionado de los conflictos en mujeres y niñas. La Resolución 1325 es una herramienta política y operacional que ha modificado la conceptualización de la seguridad y replanteado el tema de los derechos de las mujeres en este ámbito. Sus tres pilares de prevención, protección y participación siguen siendo la base de MPS y, como tales, exigen que todos los actores reconozcan que el impacto diferente de los conflictos armados en mujeres y niñas es un problema que la comunidad mundial puede resolver mediante medidas concretas con y para las mujeres.A medida que las resoluciones sobre MPS de la ONU evolucionan[1] y crecen en envergadura y número, también lo hace el reconocimiento de que los famosos actores "marginales", como las mujeres, ya no se encuentran segregados. El plan sobre Mujeres, Paz y Seguridad reconoce de manera colectiva que las mujeres no son solo víctimas en un conflicto; a menudo sufren brutalidades abominables y son marginadas tanto política como económicamente, pero también representan hasta el 30% de los combatientes en numerosos conflictos y a veces participan de manera activa en organizaciones terroristas. El rol de las mujeres en un conflicto, al igual que el de los hombres, es complejo y matizado, por lo que es necesario abordar desde una perspectiva de género el ciclo completo del conflicto sin ideas preconcebidas.En noviembre de 2017, Canadá publicó "Los Principios de Vancouver sobre Mantenimiento de la Paz y Prevención del Reclutamiento y Uso de Niños Soldados". Los "Principios" son un conjunto de 17 compromisos políticos focalizados en la protección infantil durante misiones de paz, pero también reconocen específicamente la contribución de las mujeres en el mantenimiento de la paz y los roles críticos que pueden desempeñar en la protección infantil.Durante los últimos años, la ausensia de mujeres en misiones de paz se ha convertido en un tema de análisis fundamental. Los debates, las iniciativas y las actividades han reforzado su enfoque en la igualdad de género y aumentado las cifras de mujeres como pacificadoras uniformadas y civiles.Para las organizaciones internacionales, incluida la OTAN, esto ha llevado a solicitar una mayor atención en el reclutamiento y retención de mujeres en fuerzas nacionales con el objetivo de promover la eficacia operativa. El objetivo 2028 de la ONU para las mujeres que prestan servicio en contingentes militares es del 15 %. Actualmente, la OTAN se encuentra por sobre el promedio mundial, con una representación de mujeres del 12 % en sus fuerzas. Sin embargo, aún queda mucho por hacer. La estrategia de la OTAN ha sido animar a nuestros países a derribar las barreras que impiden la participación integral de mujeres en la Alianza y en las fuerzas nacionales. Seguiremos esforzándonos y fomentando el despliegue de mujeres, no solo para cumplir las metas de participación femenina, sino porque ellas tienen derecho a contribuir al servicio de su nación y de la OTAN.No obstante, debemos tener cuidado de no supeditar la eficacia del plan solo a la paridad. Aunque la mayor diversidad y los conjuntos de habilidades más amplios se pueden vincular a una mejor toma de decisiones, planificación y resultados, las cifras no bastan. Solo si equilibramos los problemas de paridad y participación, será posible aplicar con eficiencia y eficacia esa igualdad.Los Principios de Vancouver resaltan "los roles distintos y fundamentales de hombres y mujeres en la protección infantil y la prevención del reclutamiento y uso de niños soldados".[2] Aun así, debemos tener cuidado de no suponer que las mujeres son inherentemente idóneas para labores de protección infantil, pues estas suposiciones no solo son inexactas sino que peligrosamente esencialistas. Es necesario concentrar la atención en la dimensión de género de las medidas de respuesta para proteger a los niños. ¿En qué medida las perspectivas de género pueden optimizar el marco político sobre niños y conflicto armado, así como la respuesta operativa de prevención y protección?El Principio de Vancouver 11 ofrece una base política importante para avanzar. Mientras preparamos el camino para los próximos veinte años, debemos seguir haciendo nuestra parte para garantizar una paz duradera para todos.[1] Actualmente, existen diez resoluciones del Consejo de Seguridad de las Naciones Unidas sobre MPS, UNSCRS 1325 (2000), 1820 (2008), 1888(2009) 1889 (2009), 1960 (2010), 2106 (2013), 2122 (2013), 2242 (2015), 2467 (2019), 2493 (2019) [2] Los Principios de Vancouver sobre Mantenimiento de la Paz y Prevención del Reclutamiento y Uso de Niños Soldados 2017 ; Clare Hutchinson est la représentante spéciale du secrétaire général de l'OTAN pour les femmes, la paix et la sécuritéLe 31 octobre 2000, le Conseil de sécurité des Nations Unies a adopté à l'unanimité la Résolution 1325 sur les femmes, la paix et la sécurité. Pour la première fois dans l'histoire des Nations Unies, les préoccupations des femmes en matière de paix et de sécurité ont été formellement discutées et reconnues au sein du Conseil de sécurité. La Résolution 1325 reconnaît l'impact disproportionné et particulier des conflits armés sur les femmes et souligne la nécessité d'une pleine participation des femmes en tant qu'agentes actives de la paix et de la sécurité.S'appuyant sur les résolutions antérieures du Conseil de sécurité des Nations Unies sur les enfants face aux conflits armés et sur la protection des civils, la Résolution 1325 était révolutionnaire, attirant l'attention du monde entier sur l'impact disproportionné des conflits sur les femmes et les filles.La RCSNU 1325 est un outil politique et opérationnel qui a modifié la conceptualisation de la sécurité et recadré la question des droits des femmes dans cet espace. Ses trois piliers, à savoir la prévention, la protection et la participation, restent le fondement du programme « Femmes, paix et sécurité » et, à ce titre, exigent que tous les acteurs reconnaissent l'impact différent des conflits armés sur les femmes et les filles, ce à quoi la communauté mondiale peut trouver des remèdes concrets avec et pour les femmes.Au fur et à mesure que les résolutions des Nations Unies sur les femmes, la paix et la sécurité ont évoluées[1], ont pris de l'ampleur et se sont multipliées, il est également reconnu que les acteurs dits « marginaux » tels que les femmes ne sont plus à la périphérie. Le programme « Femmes, paix et sécurité » reconnaît collectivement que les femmes ne sont pas seulement des victimes dans les conflits, souvent soumises à des brutalités odieuses et marginalisées politiquement et économiquement, mais qu'elles représentent aussi jusqu'à 30 % des combattants dans de nombreux conflits et sont parfois activement engagées dans des organisations terroristes. Le rôle des femmes dans les conflits, comme celui des hommes, est complexe et multiple, et il convient d'appliquer une optique sexospécifique à l'ensemble du cycle du conflit, sans préconceptions.En novembre 2017, le Canada a lancé Les Principes de Vancouver sur le maintien de la paix et la prévention du recrutement et de l'utilisation d'enfants-soldats. Les Principes sont un ensemble de 17 engagements politiques axés sur la protection des enfants dans le cadre du maintien de la paix, mais ils reconnaissent aussi explicitement la contribution des femmes au maintien de la paix et les rôles essentiels qu'elles peuvent jouer dans la protection des enfants.Au cours des dernières années, l'attention portée à l'absence des femmes dans les opérations de paix est devenue centrale. Les discussions, les initiatives et les activités se sont multipliées pour mettre l'accent sur la parité entre les sexes et l'augmentation du nombre de femmes, tant parmi les soldats de la paix en uniforme que parmi les civils.Pour les organisations internationales, y compris l'OTAN, cela a conduit à demander qu'une attention accrue soit accordée au recrutement et au maintien en poste des femmes dans les forces nationales, comme base de l'efficacité opérationnelle. L'objectif des Nations Unies pour 2028 est de 15 % de femmes dans les contingents militaires. Actuellement, l'OTAN est en avance sur la moyenne mondiale, puisque les femmes représentent 12 % des forces de l'OTAN. Cependant, il faut en faire plus. La stratégie de l'OTAN a consisté à encourager nos pays à démanteler les obstacles qui s'opposent à la pleine participation des femmes aux forces de l'Alliance et aux forces nationales. Nous continuerons à promouvoir et à encourager le déploiement de femmes, non pas parce qu'elles sont des femmes qui permettent d'atteindre des objectifs, mais parce qu'elles ont le droit de contribuer au service de leur pays et de l'OTAN.Nous devrions toutefois être prudents quant à la possibilité de faire reposer l'efficacité du programme sur la seule parité. Si une plus grande diversité et un éventail de compétences élargi peuvent être liés à une amélioration de la prise de décision, de la planification et des résultats, les chiffres ne suffisent pas. Ce n'est qu'en équilibrant les questions de parité et de participation que l'égalité peut être mise en œuvre de manière efficace et réelle.Les Principes de Vancouver soulignent les « rôles distincts et cruciaux que jouent les hommes et les femmes dans la protection des enfants et la prévention du recrutement et de l'utilisation d'enfants-soldats[2] ». Cependant, nous devons faire attention à ne pas présumer que les femmes sont naturellement douées pour les tâches de protection des enfants, des présomptions qui sont à la fois inexactes et dangereusement essentialistes. Il convient d'accorder une attention particulière à la dimension sexuée des réponses apportées à la protection de l'enfance. Dans quelle mesure les perspectives sexospécifiques peuvent-elles améliorer le cadre politique sur les enfants et les conflits armés, et la réponse opérationnelle en matière de prévention et de protection ?Le Principe 11 de Vancouver fournit une base politique importante pour aller de l'avant. Alors que nous traçons la voie vers les vingt prochaines années, nous devons tous continuer à faire notre part pour renforcer à la fois la parité et la participation, afin de garantir une paix durable pour tous. [1] Il existe actuellement dix résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies sur les femmes, la paix et la sécurité, à savoir les résolutions 1325 (2000), 1820 (2008), 1888 (2009), 1889 (2009), 1960 (2010), 2106 (2013), 2122 (2013), 2242 (2015), 2467 (2019) et 2493 (2019).[2] Les Principes de Vancouver sur le maintien de la paix et la prévention du recrutement et de l'utilisation d'enfants-soldats, 2017
Le rapport de soutenance rend tout d'abord hommage à la qualité du dossier présenté à l'appui de la demande de l'habilitation à diriger des recherches: un mémoire substantiel, deux livres (en français et en anglais), une quarantaine d'articles publiés dans des revues reconnues, des contributions originales à des ouvrages collectifs, ainsi que de nombreuses communications à des réunions scientifiques internationales. Les ouvrages d'Albert Doja sont très variés même s'ils sont essentiellement consacrés à l'Albanie et à la région balkanique. Il y a beaucoup de thèmes importants abordés et une quantité significative de propositions. C'est un corpus très riche, plein d'idées intéressantes qui poussent à repenser les concepts de base. Les rapporteurs notent qu'il y a deux thématiques organisent le dossier, celui de la construction culturelle de la personne (morphologie sociale, parenté et relations de genre) et celui des relations interethniques élargies aux champs de la religion, de la nation et de la folklorisation des traditions culturelles et notamment des conflits qu'enclenchent tous ces éléments. Sa thèse de Doctorat qui était en grande partie basée sur les données folkloriques et ethnographiques cherchait à comprendre la constitution de la personne en Albanie en utilisant des bases d'interprétation anthropologique où les influences les plus explicites sont les œuvres de Lévi-Strauss. De la construction de la personne le regard s'est très naturellement porté vers les valeurs et les traits structurels qui façonnent la société albanaise (un système lignager, l'idéologie du sang, l'hypertrophie du sentiment fraternel, le sens de l'honneur, la codification de l'amitié, etc.). Ces approfondissements et ces élargissements de la problématique de départ ont abouti, par touches successives, à un riche tableau où l'étude de la socialisation, de la formation de personne, la nature de la culture régionale, la structure sociale, la construction de l'honneur, les pratiques religieuses par rapport à la distribution linguistiques contribuent à un effort orienté vers une compréhension de la spécificité des sociétés et des cultures albanaises et sud-est européennes. De là il se met à analyser les formes et la dynamique de l'identité ethnique, nationale et le conflit. Son anthropologie représente une excellente combinaison qui devrait être utile dans la recherche régionale. Il s'agit d'une anthropologie sociale et historique des 'traditions' mais dans la mesure où elle se situe dans un balancement entre ethnie et nation on peut considérer qu'il s'agit d'une anthropologie du juste milieu qui d'ailleurs ne sacrifie nullement l'actualité comme en témoignent les analyses consacrées au phénomène des viols ou encore à l'exercice démocratique. Enfin il discute les questions plus contemporaines qui relèvent des transformations politiques et sociales dans la région, l'introduction de la démocratie, la migration et l'intégration. Le mémoire distingue d'ailleurs très bien les champs de recherche et les champs d'implication. Dans ce parcours Albert Doja démontre sa maîtrise de la région du point de vue historique, linguistique et culturelle en même temps qu'il intègre en grande partie ces connaissances dans les discussions théoriques contemporaines dans la discipline. Catherine Quiminal (Professeur, Paris VII) note que ce dossier met en évidence de manière convaincante l'intérêt, pour l'anthropologie, d'aborder des terrains concernant des sociétés du sud-est européen, puisque l'auteur revendique également une démarche comparative peu développée par l'anthropologie de l'Europe. De tels terrains permettent de "passer de l'Autre primitif ou archaïque, conventionnel ou populaire, en situation néo-coloniale ou dans une communauté locale, vers l'étude des processus dynamiques et transactionnels de transformation sociale, de modernisation et de globalisation". Albert Doja y fait état des connaissances historiques, géographiques, ethnologiques concernant la région. Il en restitue de manière critique les conditions de production et de reproduction et les limites. L'histoire des cultures du Sud-Est européen nécessite, selon l'auteur, une nouvelle formulation, un regard orienté sur la construction des identités, les transformations familiales et sociales. Le mode d'analyse proposé pour aborder des sociétés que l'auteur préfère qualifier de "conventionnelles" plutôt que de traditionnelles, s'éloigne volontairement de la monographie d'un groupe artificiellement isolé à la recherche de survivances, pour se focaliser sur les institutions centrales et les valeurs dominantes. Anthropologue né en Albanie, formé en France, ayant un engagement maintenu pendant plusieurs années dans des relations personnelles étroites en Europe du sud-est aussi bien qu'en Europe de l'Ouest, vivant et travaillant depuis de longues années en France, en Grande Bretagne et en Irlande, il se trouve dans une position propice à un type de recherche de terrain diachronique et comparative. Jonathan Friedman (Directeur d'études, EHESS) note également que dans sa tentative de caractériser la région balkanique comme située entre deux complexes de civilisation en réponse aux discussions classiques basées sur la notion de région croisée entre l'orient et l'occident et le réductionnisme que cela peut entraîner, Albert Doja propose de redéfinir la région en termes de frontières plus fluides et de co-existence entre peuples différents. Ici il prend en compte à la fois la culture ou la société dans le sens objectiviste de l'observateur et l'identité culturelle ou ethnique qui est pratiquée dans les interactions entre membres de différentes populations. Sa discussion de la méthode est fort intéressante et reflète le parcours de sa formation. Il insiste sur la nécessité de combiner des méthodes différentes, historiques et comparatives, ethnographie, analyses de textes et recherches sur les documents archivés. Jean Copans (Professeur, Paris V) note que Albert Doja passe d'une folkloristique classique de recueil des traditions à une anthropologie politique ou politologie géostratégique plurinationale. La question est d'importance car on doit se demander quelles sont les méthodologies de terrain les plus adéquates à l'étude des relations interethniques et des valeurs culturelles. Peut-on enquêter directement sur le processus de construction de l'ethnicité, peut-on observer en direct sa genèse interactive ou faut-il attendre un degré de fusion, de formalisation et de verbalisation pour la saisir et puis la déconstruire? Si les africanistes sont obsédés par cette question, pour Albert Doja il s'agit d'une nouvelle théorie, assez subtile et complexe. L'ethnicité est une question de point de vue, de position que redouble ici le problème de l'observation de la violence. L'anthropologie du génocide, de la souffrance et de l'affliction est à la mode mais c'est la mémoire qui joue le rôle central, de même que c'est le processus d'observation qui fournit des réponses empiriques aux nouvelles questions décisives qui mettent en cause les méthodes de la discipline. Michael Herzfeld (Professeur, Harvard University), note également qu'on ne peut qu'être profondément frappé par la grande envergure des observations d'Albert Doja sur l'ethnographie albanaise et par l'érudition qui les soutient. On constate, bien sûr, que les données dont Albert Doja traite sont riches d'informations et d'aperçus. Il est allé bien loin au-delà de la prospective limitée des chercheurs antérieurs à lui. Il a mené de sérieuses enquêtes empiriques et fait preuve qu'il possède suffisamment la capacité de fournir des descriptions nuancées des faits sociaux. Souvent il révèle une sensibilité ethnographique presque éclatante, là où on est peut-être le moins préparé à le rencontrer, comme c'est le cas notamment dans son article sur les problèmes de stabilité au Kosovo, là où une petite scène de tension et de méprise dans un café Internet révèle l'univers du "transnational" dans toute sa complexité. Mais ce qui sauve les analyses des études folkloriques traditionnelles (isolation intellectuelle et stigmatisation par l'association avec des nationalismes exceptionnellement durs et revanchistes) consiste avant tout en deux points forts: sa connaissance, évidemment bien profonde et circonstanciée, de l'histoire des théories les plus importantes en anthropologie sociale d'un côté, et sa méfiance soit du nationalisme soit des critiques souvent trop simplistes avancées par des savants qui n'avaient peut-être pas considéré que le modèle d'une identité construite peut devenir abusive dans le cas où elle sert à soutenir des idéologies identitaires opposées selon la rhétorique de l'opposition entre le faux et le réel. En ce qui concerne le champ des ethnicités comparées de l'Europe, Jean Copans note que des nationalités de l'empire austro-hongrois on glisse à l'ethnicisme avec des intellectuels organiques (et parfois des ethnologues) tout aussi responsables (et coupables!). Michael Herzfeld aussi mentionne les observations d'Albert Doja sur les points de parallélisme entre la politique ethnique et le comportement des savants, pour noter que celle-ci est une comparaison qui a pu achever un très haut niveau d'importance analytique. Le rapporteur est bien d'accord avec les observations d'Albert Doja, car ce qui est d'une importance capitale est le fait qu'il réussit à nous rappeler que les savants font déjà partie de ce qu'ils étudient, qu'ils le veuillent ou non. Il faut souligner que bien que d'autres ethnologues aient déjà établi des rapports, soit historiques, soit formels, entre le nationalisme et l'anthropologie, Albert Doja achève sur ce point une formulation suffisamment généralisable et heuristiquement suggestive pour qu'on puisse en dériver des projets "de terrain" à l'avenir. À ce propos Christian Bromberger (Professeur, Université de Provence) et Jonathan Friedman (Directeur d'études, EHESS) notent tous les deux que les interprétations des violences et des atrocités sexuelles dans les conditions de conflit interethnique pendant les guerres de Bosnie et du Kosovo sont fort intéressantes. Jean Copans (Professeur, Paris-V) estime aussi que l'hypothèse d'Albert Doja sur l'équivalence culturelle des modèles de lecture du viol par la victime et par celui qui l'a perpétré est pertinente. Albert Doja montre comment la pollution du sang dans des sociétés qui en ont érigé la pureté en valeur dominante vise et "amène nécessairement le désordre et l'éclatement du système social et du groupe tout entier". La substitution d'une ligne paternelle externe à la ligne établie par le mariage par l'agression désorganise profondément l'ordre parental de la société locale. Jean-Pierre Warnier (Professeur, Paris V) note à ce propos que les cadres d'analyse proposés par Albert Doja relèvent du structuralisme (Hage, Héritier, Testart, Douglas) en termes de catégories disjonctives et de rituels par rapport aux représentations des humeurs corporelles et à la réalité physique de l'agression–intrusion. Le cadre théorique structuraliste est traditionnellement considéré rebelle à l'analyse politique, mais le mérite d'Albert Doja est de montrer que la "culture" des protagonistes permet de comprendre l'impact ravageur du viol sur la subjectivité des acteurs, situant le viol dans un rapport de force et de pouvoir - pouvoir qui, comme le répétait Michel Foucault, s'adresse toujours au corps dans sa matérialité. Dans ses analyses des causes des viols, Albert Doja est convaincu que l'explication doit être cherchée dans le fait que les valeurs d'honneur sont mises en avant par une sorte d'agencéité (agency) politique et instrumentale. Par ailleurs, les rapports de pouvoir ne sont pas impliqués dans la re-traditionalisation des valeurs. C'est le changement des structures macrosociologiques qui alimente cette re-traditionalisation et c'est l'usage instrumental des valeurs identitaires et des valeurs morales et sociales de l'honneur ou de la religion qui fait que le viol soit aussi efficace comme une arme de purification ethnique. Ainsi on peut suggérer que le viol a une fonction politique immédiate. Jonathan Friedman note qu'un point bien fort dans les recherches d'Albert Doja consiste à démontrer l'importance de l'anthropologie dans la compréhension des conflits contemporains dans la région balkanique. Il démontre que la logique des rapports familiaux, basé sur un modèle fortement patriarcal où l'honneur est central et génératif des feuds (vendetta) qui bloque la résolution des conflits sans la violence. Cette logique lie la production des sujets masculins à la politique ethnique. C'est une contribution importante à une discussion de la guerre qui est souvent limitée à des concepts généraux comme le nationalisme ou les régimes corrompues qui utilisent leurs propres populations pour atteindre des buts privés. Dans sa discussion des rapports complexes entre l'État, les discours nationalistes et la façon dont ils sont assimilés en bas de l'ordre politique, Albert Doja suggère le rôle important de la mondialisation dans le déclenchement de la fragmentation à l'intérieur de l'État-nation. Il discute la façon dont se développent les débats entre Albanais et Serbes à propos du statut historique de Kosovo, où les intellectuels ont joué un rôle important. Certes Albert Doja construit son champ de manière historique, anthropologique et comparative. Même si cette comparaison s'arrête essentiellement aux frontières des Balkans, Jean Copans ajoute toutefois que par ailleurs il nous propose une théorie générale de 1'ethnicité. Il faut donc discriminer entre généralisation et comparaison. Or les sociétés des Balkans sont des sociétés de l'histoire écrite ce qui modifie les perceptions anthropologiques habituelles. Nous ne sommes pas dans le contexte post-colonial habituel mais le choix de propositions cognitivistes ne débouche heureusement pas sur des propositions essentialistes ou instrumentalistes, ni sur des réactions de mode qui mondialiseraient abusivement l'expérience récente des Balkans. Christian Bromberger note à ce propos que l'auteur, traitant du thème des identités, renvoie dos à dos les "primordialistes" et les "instrumentalistes" en notant justement que même si "les attributs culturels tenus pour être la marque distinctive d'un groupe peuvent faire l'objet de transformations, de substitutions, de réinterprétations, cela ne conduit pas à poser que l'identification ethnique peut s'exercer à partir de n'importe quoi". Jonathan Friedman ajoute aussi que la discussion d'Albert Doja sur les rapports entre l'ethnicité instrumentale et primordialiste est importante, même si elle reprend partiellement des discussions connues ailleurs aussi. Le fait que la manipulation de l'identité reste toujours dans des limites encadrées par une espace identitaire qui a ses propres limites implique que l'instrumentalisme est toujours limité et que "on ne peut s'identifier à partir de n'importe quoi". Mais Albert Doja marque un point important quand il soutient que ces deux concepts sont mieux compris si on les considère comme des aspects d'un même phénomène. Jean-Pierre Warnier remarque que la question du pouvoir et des rapports politiques apparaît souvent dans les travaux d'Albert Doja, mais là où il se rapproche le plus d'une analyse politique, c'est dans l'article «The politics of religion». D'un point de vue théorique, il ne semble pas suffisant de renvoyer dos à dos primordialistes et constructivistes, comme le fait pourtant le candidat. C'est l'analyse du pouvoir qui permet de trancher entre les deux, ainsi que l'a suggéré Jean-François Bayart dans son livre L'Illusion identitaire. A cette question concernant le pouvoir, Albert Doja répond que c'est précisément parce la question du pouvoir et des rapports politiques est centrale à l'ensemble de ses travaux qu'on devrait considérer plutôt réducteur de la traiter séparément. Le candidat dit faire une distinction entre pouvoir et politique et qu'il s'intéresse à l'usage instrumental des valeurs morales et sociales de l'identité. Catherine Quiminal note à ce propos que les processus que Albert Doja qualifie de construction identitaire se développent en fonction d'enjeux sociaux et politiques circonstanciés parce que définis par des rapports de force internes aux sociétés considérées et par les relations plaçant ces dernières sous la dépendance d'autres sociétés, rapports et relations qui sont générateurs de domination, de discriminations et de résistances. Ces relations ont sûrement des incidences sur la compréhension de ce que Albert Doja appelle indifféremment dynamique des valeurs culturelles ou dynamique culturelle des valeurs sociales. Christian Bromberger note également l'importance des processus de construction et d'affirmation des identités collectives, ainsi abordées par Albert Doja, dans une région marquée par une forte fragmentation des appartenances confessionnelles. L'auteur souligne le rôle des affiliations religieuses (le bektachisme par exemple) dans la construction des nationalismes et dans les phénomènes de résistance qui ont ponctué l'histoire complexe de l'Albanie et du sud-est de l'Europe. Il analyse, de façon éclairante et à diverses échelles chronologiques, les phénomènes de conversion et de reconversion religieuses dont l'Albanie a été le théâtre. Également fructueuse est pour Michael Herzfeld l'explication que Albert Doja suggère de l'islamisation compréhensive d'une grande partie de la population albanaise. Il étend son modèle aux cas des bosniaques, et on ne peut que regretter qu'il n'est pas encore arrivé à comparer d'autres cas, tel celui de la Crète (où la cruauté des autorités vénitiennes assurèrent leur défaite par les Turcs et donc fournit un cas extrêmement clair de ce que Albert Doja indique pour l'Albanie). Quelle ironie historique que ce soit l'Église catholique qui, par l'oppression des populations orthodoxes, ait déclenché la réaction par lequel l'Islam gagna son importance actuelle en Albanie, même si c'est dans ses aperçus historiques plutôt qu'ethnographiques où Albert Doja semble achever son plus haut niveau de perspicacité! Catherine Quiminal souligne aussi l'hypothèse suivante proposée par l'auteur: "Le développement des pratiques religieuses et des mouvements successifs de conversion et reconversion parmi les Albanais. . . se laisse interpréter comme des expressions de conflit et de protestation, conduisant aux mouvements nationaux et au nationalisme". L'étude de la dynamique de ces mouvements a permis à l'auteur de "comprendre la relativité des conflits politico-religieux et ethnico-nationaux. . . et de mettre la signification des changements d'appartenance religieuse dans la perspective de négociation et de redéfinition des identités sociales". La religion s'ethnicise à des fins de rassemblement. Nation, nationalisme et citoyenneté sont des notions également appréhendées par l'auteur comme constructions identitaires et idéologiques. L'ethnicité est considérée finalement comme "une forme et une métaphore de l'activité et de l'organisation sociale". Jonathan Friedman note aussi que la discussion par Albert Doja de la démocratisation possible de l'Albanie est assez prometteuse, même si elle est encore à ses débuts. Il est d'accord avec l'auteur qui se demande dans quels sens peut se produire une démocratisation dans une société où un affaiblissement de l'État débouche sur un renforcement des rapports parentaux et claniques, où les hiérarchies clientélistes sont à l'ordre du jour ainsi que l'identité du type clanique dominante. Mais on peut aussi suggérer que c'est au contraire les soi-disant institutions démocratiques qui sont adaptées à des stratégies "conventionnelles", semblable à la démocratie africaine (ou du moins congolaise). En fin de compte, les ouvrages d'Albert Doja représentent un corpus marqué d'une vaste érudition qui suscite de nouveaux points de départ pour une ethnologie comparative de la région balkanique. Avant tout, il a trouvé les moyens théoriques pour ériger un pont analytique entre les expériences sociales des gens ordinaires et les structures politiques des entités nationales construites en leur nom et, selon les discours officiels, en accord avec leur vie sociale et culturelle. Pour conclure, le rapport de soutenance revient sur l'originalité du dossier "en rendant hommage au travail accompli par Albert Doja", et souligne "l'intérêt d'une discussion entre anthropologues européanistes et anthropologues des aires culturelles plus traditionnelles de la discipline", aussi bien que "l'impression positive qui se dégage de cette œuvre riche et d'un parcours où chaque étape inaugure un renouvellement des perspectives et des thématiques".