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International audience ; Cet article revient sur les relations entretenues entre l'un des centres de pouvoir de la péninsule indochinoise – le royaume de Luang Prabang – et les Phounoy, l'une des populations situées dans une région montagneuse et forestière aux marches de ce royaume, en mettant en regard leursreprésentations et leurs usages respectifs de la forêt. Il convient de tenir compte du fait que les relations entre centres et périphéries, loin d'avoir été uniformes dans le temps, ont connu des modalités différentes selon les périodes. Ainsi, à l'époque pré-coloniale, contrairement à ce qui estcommunément admis, la sédentarisation des populations périphériques, gardiennes des marches, a longtemps été considérée par le pouvoir comme plus importante que la possession du territoire forestier qu'elles occupaient. Cette prééminence des hommes sur le territoire n'est plus vraie dans le Laos contemporain où les zones frontalières et leurs ressources naturelles sont devenues des enjeux cruciaux de la politique économique de l'État, qui, souhaitant les exploiter directement, pousse les populations montagnardes à les abandonner et à se délocaliser en plaine.

International audience ; Cet article revient sur les relations entretenues entre l'un des centres de pouvoir de la péninsule indochinoise – le royaume de Luang Prabang – et les Phounoy, l'une des populations situées dans une région montagneuse et forestière aux marches de ce royaume, en mettant en regard leursreprésentations et leurs usages respectifs de la forêt. Il convient de tenir compte du fait que les relations entre centres et périphéries, loin d'avoir été uniformes dans le temps, ont connu des modalités différentes selon les périodes. Ainsi, à l'époque pré-coloniale, contrairement à ce qui estcommunément admis, la sédentarisation des populations périphériques, gardiennes des marches, a longtemps été considérée par le pouvoir comme plus importante que la possession du territoire forestier qu'elles occupaient. Cette prééminence des hommes sur le territoire n'est plus vraie dans le Laos contemporain où les zones frontalières et leurs ressources naturelles sont devenues des enjeux cruciaux de la politique économique de l'État, qui, souhaitant les exploiter directement, pousse les populations montagnardes à les abandonner et à se délocaliser en plaine.

International audience ; Distribution électronique Cairn.info pour Presses de Sciences Po. © Presses de Sciences Po. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.

International audience ; Au Laos, avant et pendant la période coloniale, les relations des nombreux groupes montagnards avec les riziculteurs taï habitant les plaines-Lao, Shan, Taï Lü-, poli-tiquement comme démographiquement dominants, se réduisaient le plus souvent au paiement d'un tribut et à l'exécution de corvées pour leurs puissants voisins. Les groupes montagnards, de langue austro-asiatique, hmong-yao, ou tibéto-birmane, vivaient à la marge des entités politiques et territoriales taï (müang). Ils étaient consi-dérés par les populations des plaines comme les sauvages et inquiétants habitants d'un monde forestier et non civilisé. Des groupes ont pu, dans une certaine mesure, faire exception à ce schéma, lors-qu'une principauté taï avait recours à eux pour exercer un contrôle sur les autres groupes montagnards ou sur les espaces frontaliers avec des principautés rivales ; ils bénéficiaient alors d'un statut privilégié 1. L'histoire des Phounoy, groupe de langue tibéto-birmane du nord Laos (province de Phongsaly), est ainsi étroitement liée à celle des populations taï dominantes dans la région. Le territoire montagneux dans Moussons 8, 2005, 35-60 * Après des recherches sur les phénomènes migratoires et les conflits sociaux dans les Andes boliviennes, Vanina Bouté a soutenu en 2005 à l'Ecole Pratique des Hautes Etudes (Paris), sous la direction d'Yves Goudineau, une thèse d'ethnologie portant sur le changement social et les dynamiques de construction identitaire chez les Phounoy et, en particulier, l'évolution des systèmes politiques et religieux, les phénomènes migratoires et la création de nouveaux espaces sociaux.

International audience ; The aim of this chapter is to understand and analyse the effects of the opening of frontiers, the increase in cross-border exchanges and subsequently, the creation of economic corridors among local societies in Northern Laos. Until the last decade, a picture of Northern Laos would have been approximately the following: on the one hand, Tai populations (including the Lao majority) settling in the lowlands, growing rice, and on the other, highlanders practising shifting cultivation, husbandry and poppy growing. Roughly 75 per cent of the Laotian population of 5.5 million practised shifting cultivation. During the last ten years, some significant changes have raised questions concerning this situation. These changes are the result of the combination of several policies: A first set of changes concerns the border areas and has its origins in regional political and economic transformations induced by the opening of borders. In the northern part of Laos, most border regions have been isolated for a long time since they are located in the outer regions of the country. Since the policy of Economic Corridor Development, these previously isolated regions are now mostly included in the new trade routes and there has been a particular increase in pressure on these peripheral areas. Due to the regional context mentioned elsewhere, the government

International audience ; The aim of this chapter is to understand and analyse the effects of the opening of frontiers, the increase in cross-border exchanges and subsequently, the creation of economic corridors among local societies in Northern Laos. Until the last decade, a picture of Northern Laos would have been approximately the following: on the one hand, Tai populations (including the Lao majority) settling in the lowlands, growing rice, and on the other, highlanders practising shifting cultivation, husbandry and poppy growing. Roughly 75 per cent of the Laotian population of 5.5 million practised shifting cultivation. During the last ten years, some significant changes have raised questions concerning this situation. These changes are the result of the combination of several policies: A first set of changes concerns the border areas and has its origins in regional political and economic transformations induced by the opening of borders. In the northern part of Laos, most border regions have been isolated for a long time since they are located in the outer regions of the country. Since the policy of Economic Corridor Development, these previously isolated regions are now mostly included in the new trade routes and there has been a particular increase in pressure on these peripheral areas. Due to the regional context mentioned elsewhere, the government

En s'appuyant sur le cas des Phounoy, population tibéto-birmane du Nord Laos, la thèse s'attache à proposer un regard nouveau sur les sociétés montagnardes d'Asie du Sud-Est continentale. Par opposition à l'approche commune fondée sur la description ethnographique et l'analyse synchronique de la structure sociale « traditionnelle » de telle ou telle de ces populations, cette étude, qui remonte jusqu'à l'époque d'émergence du groupe Phounoy pour rendre compte de ses transformations socio-culturelles jusqu'à l'aube du vingt-et-unième siècle, invite à voir dans cette société une société du changement. L'analyse révèle en effet que la société phounoy demeure mue par une constante : se perpétuer en jouant sur sa relation aux pouvoirs dominants. Une logique de la relation entre les Phounoy et les populations dominantes politiquement s'est mise en place dès la naissance du groupe, qui pose le pouvoir comme une puissance nécessairement extérieure qu'il faut faire sienne, ce qui implique de participer autant que possible à ce modèle de pouvoir de sorte à en accaparer les outils et les moyens. A travers ses différentes transformations politiques, religieuses et territoriales, la société phounoy s'est ainsi perpétuée en jouant sur la relation aux pouvoirs dominants de la région. Son adoption de normes et de valeurs de la société lü, puis de la société lao, a été la condition même d'une ethnogenèse continue. ; Integration of « ethnic minorities » living in the mountainous fringe of the country is a priority of the Lao Popular Democratic Republic's government. Usually occidentals perceve governmental actions as changing and denaturating societies. This thesis is about one of these societies which suffered new regime implementation full-force, and which, therefore, would be now described as "laocized". Seeking roots and trying to discover mechanisms being at work in the process of social changes among Phounoy lead us to a synchronic and diachronic approach, done through three topics: socio-political organization, religious ...

En s'appuyant sur le cas des Phounoy, population tibéto-birmane du Nord Laos, la thèse s'attache à proposer un regard nouveau sur les sociétés montagnardes d'Asie du Sud-Est continentale. Par opposition à l'approche commune fondée sur la description ethnographique et l'analyse synchronique de la structure sociale « traditionnelle » de telle ou telle de ces populations, cette étude, qui remonte jusqu'à l'époque d'émergence du groupe Phounoy pour rendre compte de ses transformations socio-culturelles jusqu'à l'aube du vingt-et-unième siècle, invite à voir dans cette société une société du changement. L'analyse révèle en effet que la société phounoy demeure mue par une constante : se perpétuer en jouant sur sa relation aux pouvoirs dominants. Une logique de la relation entre les Phounoy et les populations dominantes politiquement s'est mise en place dès la naissance du groupe, qui pose le pouvoir comme une puissance nécessairement extérieure qu'il faut faire sienne, ce qui implique de participer autant que possible à ce modèle de pouvoir de sorte à en accaparer les outils et les moyens. A travers ses différentes transformations politiques, religieuses et territoriales, la société phounoy s'est ainsi perpétuée en jouant sur la relation aux pouvoirs dominants de la région. Son adoption de normes et de valeurs de la société lü, puis de la société lao, a été la condition même d'une ethnogenèse continue. ; Integration of « ethnic minorities » living in the mountainous fringe of the country is a priority of the Lao Popular Democratic Republic's government. Usually occidentals perceve governmental actions as changing and denaturating societies. This thesis is about one of these societies which suffered new regime implementation full-force, and which, therefore, would be now described as "laocized". Seeking roots and trying to discover mechanisms being at work in the process of social changes among Phounoy lead us to a synchronic and diachronic approach, done through three topics: socio-political organization, religious ...

International audience ; Population displacement, when induced by political authority, often bears negatively on the people concerned. Thanks in part to such forced, and later spontaneous, displacements, however, the Phounoy, a 35,000-strong mountain minority of swiddeners speaking a Tibeto-Burman tongue, are now able to secure their dominant standing in Phongsaly province, northern Laos. Forced migrations, starting in the 1960s, at first brought about disastrous effects for those who left as well as for those who stayed put, and altered the extant demographic situation (deserted mountainous areas, saturated plains areas, booming urban centers). Sequels are still strongly felt in mountain villages, leading the remaining residents to leave, too. This article, by examining migratory phenomena, exposes the practical and ideological constraints to which the Phounoy were submitted, and shows how this people was able, nevertheless, to control its migration and turn it into a positive factor. The Phounoy could then restore their privileged situation amongst their region's other mountain peoples, as well as a status commensurate to their desire for integration. ; Les déplacements de population, lorsqu'ils sont impulsés par les autorités politiques, ont souvent des effets négatifs sur les groupes concernés. Pourtant, c'est en partie grâce à de tels déplacements, forcés, puis volontaires, qu'un peuple d'essarteurs montagnards de langue tibéto-birmane de 35 000 personnes, les Phounoy, peut aujourd'hui asseoir sa position de dominance dans la province de Phongsaly, au nord du Laos. Les mouvements migratoires forcés, débutant dans les années 1960, eurent d'abord des conséquences désastreuses, tant pour ceux qui partirent que pour ceux qui demeurèrent sur place, et affectèrent la répartition démographique (montagnes désertifiées, plaines saturées, explosion des centres urbains). Leurs effets sont encore importants dans les villages de montagne, poussant les derniers résidents à partir à leur tour. Par l'étude des phénomènes migratoires, mettant au jour les contraintes pratiques et idéologiques qui se sont imposées aux Phounoy, l'article montre comment ce peuple a toutefois pu maîtriser sa migration et la transformer en élément positif. Il a ainsi retrouvé une situation privilégiée parmi les autres peuples montagnards de la région et une condition à la mesure de son désir d'intégration.

En s'appuyant sur le cas des Phounoy, population tibéto-birmane du Nord Laos, la thèse s'attache à proposer un regard nouveau sur les sociétés montagnardes d'Asie du Sud-Est continentale. Par opposition à l'approche commune fondée sur la description ethnographique et l'analyse synchronique de la structure sociale « traditionnelle » de telle ou telle de ces populations, cette étude, qui remonte jusqu'à l'époque d'émergence du groupe Phounoy pour rendre compte de ses transformations socio-culturelles jusqu'à l'aube du vingt-et-unième siècle, invite à voir dans cette société une société du changement. L'analyse révèle en effet que la société phounoy demeure mue par une constante : se perpétuer en jouant sur sa relation aux pouvoirs dominants. Une logique de la relation entre les Phounoy et les populations dominantes politiquement s'est mise en place dès la naissance du groupe, qui pose le pouvoir comme une puissance nécessairement extérieure qu'il faut faire sienne, ce qui implique de participer autant que possible à ce modèle de pouvoir de sorte à en accaparer les outils et les moyens. A travers ses différentes transformations politiques, religieuses et territoriales, la société phounoy s'est ainsi perpétuée en jouant sur la relation aux pouvoirs dominants de la région. Son adoption de normes et de valeurs de la société lü, puis de la société lao, a été la condition même d'une ethnogenèse continue. ; Integration of « ethnic minorities » living in the mountainous fringe of the country is a priority of the Lao Popular Democratic Republic's government. Usually occidentals perceve governmental actions as changing and denaturating societies. This thesis is about one of these societies which suffered new regime implementation full-force, and which, therefore, would be now described as "laocized". Seeking roots and trying to discover mechanisms being at work in the process of social changes among Phounoy lead us to a synchronic and diachronic approach, done through three topics: socio-political organization, religious structures and relation to the territory.The study shows that, beyond different changes affecting Phounoy society, this society is driven by a constant: it perpetuates itself in its relation todominant powers. Also we show how a society can perpetuate itself in "inconstancy". Phounoy adoption of norms and values of Lü, then of Laopeople in a second time is the condition of a continuous ethnogenesis. Phounoy were and still are a society of change that has to be approacheddifferently than the ways South-East Asian mountaineers are usually perceived; meaning not as prisoners of an atemporal tradition. Finally, the aim of this study is to take a fresh look at the mountainous minorities of South-East Asia, by taking into account the historical and socio-political context of these populations.