À la faveur du raidissement des frontières confessionnelles et du renforcement de la discipline matrimoniale qui suivirent le concile de Trente, les mariages mixtes entre « Grecs » et « Latins » ne perdirent pas leur validité, mais furent plus difficilement acceptés et les familles qui en étaient issues constituèrent un terrain propice à l'action missionnaire des Églises. Dans ce contexte, la République de Venise occupait une position singulière parmi les États catholiques du fait de l'extension de ses possessions ultramarines à une partie du monde grec (les îles ioniennes en particulier), à des espaces, comme la Dalmatie et l'Albanie, où cohabitaient localement des communautés latines et des communautés slaves orthodoxes, dites « serviennes », et également à cause de la présence dans la cité lagunaire même de très nombreux Grecs. Cet article entend aborder, successivement, deux dimensions des mariages mixtes entre Grecs et Latins dans le monde vénitien : d'abord, leur dimension éminemment politique qui conduisit les autorités vénitiennes à réaffirmer leur attachement pragmatique aux mariages entre Grecs et Latins contre les tentatives de remise en cause des usages établis qui agitèrent de manière sporadique le Dominio da Mar à partir de la fin du xvi e siècle. Ensuite, leur traitement administratif de la part des Églises pour lesquels les mariages mixtes ont, certes, été une source de tensions dans un climat de rivalité, mais aussi de collaboration car ils étaient soumis, en amont, aux mêmes procédures de contrôle quel que soit le rite dans lequel ils étaient célébrés. Pour apprécier la nature de cette collaboration, la prise en compte du contexte local a toute son importance. Le contrôle du statut matrimonial des futurs époux fut l'un des nombreux sujets de frictions entre les deux Églises au xviii e siècle, au niveau local, en particulier en Dalmatie, alors qu'il reposa, à Venise même, sur la mise en place de procédures similaires ( processetto matrimoniale ), voire communes, entre la curie patriarcale catholique et l'archevêque orthodoxe.
Résumé À la différence d'autres États italiens, Venise n'a jamais cherché à réformer les fidéicommis, ces fondations testamentaires qui empêchaient l'aliénation des biens et définissaient in perpetuum la ligne de succession. Avec des hésitations, l'État patricien a cependant légiféré sur les fidéicommis à mesure qu'ils entraient en contradiction avec d'autres institutions (dot, fisc) et d'autres systèmes de normes (crédit). Au nom de leur intérêt, il a aussi défini les conditions de levée de l'inaliénabilité des biens, dépassant la contradiction entre la conservation à l'identique et des accommodements avec le principe de prohibition. Comment s'opérait le passage entre l'indisponible et le disponible ? Tel est l'objet de cet article quimet en évidence la différence de traitement des biens immeubles et des capitaux sujets à fidéicommis. À partir du XVIe siècle, la levée de l'inaliénabilité des biens immeubles étaitune prérogative du Grand Conseil, l'organe souverain, à l'issue d'une lourde procédure qui impliquait plusieurs magistratures. L'octroi des dérogations par la grâce fut cependant parcimonieux à cause des conditions très restrictives d'acceptabilité des requêtes. L'image des biens immeubles qui ne sortaient qu'exceptionnellement des fidéicommis contraste avec celle des capitaux assujettis – rentes publiques ou prêts aux particuliers – qui étaient appelés à circuler à la faveur de remboursements et qu'il fallait réemployer au bénéfice du fidéicommis. Les juges du Procurator avaient le contrôle sur la procédure de levée de dépôt destinée à ce que le représentant du fidéicommis n'ait jamais les capitaux entre les mains. Garants de l'intégrité des fidéicommis, les juges étaient placés dans une position ambivalente à l'égard des ayants droit dont ils devaient surveiller les actes et dont ils étaient aussi les auxiliaires. Pour les requérants, ce dispositif s'avérait d'une grande plasticité puisqu'il I I permettait de remodeler le contenu du fidéicommis sans changer le périmètre de sa valeur.