International audience ; Consacré à l'étude des sources institutionnelles du droit sabaudo-sarde ce dernier chapitre de l'ouvrage collectif "Le Sénat de Savoie : archives, historiographies, perspectives XVIe-XIXe siècles" (sous la direction de Françoise Briegel et et Sylvain Milbach), s'efforce de retracer la lente construction au sein du Duché de Savoie d'un corpus normatif spécifique dans la vaste aire européenne méridionale du droit dit "écrit" — droit sabaudo-piémontais, puis sabaudo-sarde — dont la loi du prince commune à toutes les provinces continentales des Etats de Savoie représente la norme suprême, à l'amont d'une loi romaine adaptée localement par la jurisprudence du Sénat de Savoie devenue, depuis la fin de Moyen-Age, la base du droit commun ordinaire au sein de ce même complexe politique transalpin. Tandis que jusqu'à la promulgation du Code Civil de 1837 et la consécration définitive d'un système législatif unitaire de type napoléonien, le champ d'application de coutumes locales ancestrales pourtant revendiquées dans chaque localité par des justiciables unanimes, au titre de privilèges provinciaux ancestraux, ne cesse en réalité de se réduire inexorablement tout au long des Temps Modernes. Au delà de l'érudition gratuite le rappel de la genèse de ce système normatif désormais évanoui permet en effet l'évocation de l'un des éléments majeurs du patrimoine historique savoyard.
Contexte Les soins et l'aide de première ligne se caractérisent par une accessibilité universelle, une approche globale, axée sur les objectifs de la personne. Ils sont dispensés par une équipe de professionnels aux compétences généralistes, capables d'assurer la prise en charge de la grande majorité (90%) des problèmes de santé. Ce service doit s'accomplir dans un partenariat durable avec les personnes (usagers des services de santé ou non) et leurs aidants, dans le contexte de la famille et de la communauté locale, et joue un rôle central dans la coordination générale et la continuité des soins dispensés à la population. Si 90% des interactions en santé peuvent être assurées par la première ligne, la qualité d'un système de santé est fortement dépendante de la qualité de sa première ligne de soins et de l'aide. Or, en Belgique francophone, trop peu d'attention était portée jusqu'il y a peu, à cette première ligne de soins et de l'aide. Grâce au soutien du Fonds Dr. Daniël De Coninck, Be.hive vise à soutenir et organiser la recherche, l'enseignement et le partage des connaissances au sujet de la première ligne de soins et de l'aide. Le projet rassemble trois universités (l'Université catholique de Louvain, l'Université de Liège et l'Université Libre de Bruxelles) et trois hautes écoles (Haute Ecole Vinci, HENALLUX et la Haute Ecole Ilya Prigogine). Via son comité de pilotage, Be.Hive est également soutenue par la Plateforme de la Première Ligne Wallonne (PPLW), l'association des aidants proches (ASBL Aidants proches), la Société Scientifique de Médecine Générale (SSMG) et la Ligue des Usagers des Services de Santé (LUSS). Ce livre blanc s'inscrit dans une stratégie globale de Be.Hive, puisqu'il est le résultat d'une analyse littéraire et d'une enquête pour explorer la situation actuelle. C'est sur la base de ce travail que les chercheurs de Be.Hive souhaitent établir un ordre de priorités pour leurs activités de recherche et d'enseignement et attirer l'attention de leurs partenaires sur les urgences perçues par les acteurs de la première ligne. Cet exposé est forcément situé dans le temps, et exprimé sur la base de la réflexion et des données actuellement disponibles aux chercheurs de Be.Hive, et ne vise pas l'exhaustivité. Cette analyse a démarré dès 2019 en explorant la littérature nationale et internationale. Celle-ci, combinée aux expertises des chercheurs au sein de Be.Hive, a permis d'identifier 20 thématiques clés qui, mises ensemble, offraient une grille de lecture des caractéristiques permettant de renforcer la première ligne. Par la suite nous avons voulu capter la perception actuelle des acteurs de la première ligne en Belgique francophone, par une enquête à large échelle et des ateliers thématiques. Pour cela, en octobre 2019, des questionnaires étaient diffusés via les réseaux de Be.Hive. Au total, 5916 personnes ont répondu aux questionnaires en ligne et 130 aux questionnaires papier. En décembre nous avons organisé 5 ateliers thématiques participatifs, en divers endroits à Bruxelles et en Wallonie. Ces ateliers avaient deux objectifs. Le premier était d'approfondir les résultats provenant de l'exploitation des questionnaires et de faire émerger des aspects encore non abordés jusqu'alors. Le second était d'initier une démarche participative avec les acteurs de la première ligne. Au total, plus de 160 personnes extérieures à Be.Hive se sont inscrites aux 5 ateliers, venus d'horizons aussi différents que ceux qui avaient répondu aux questionnaires. Les principaux résultats sont présentés selon 4 axes thématiques présentés ci-dessous. Bien que ces axes soient présentés de manière distincte, leurs thématiques sont interreliées. Tous ont en commun de vouloir, à leur niveau, contribuer au quadruple objectif (Quadruple Aim en anglais) : améliorer la qualité de vie des personnes (et, le cas échéant, de leurs aidants), améliorer la qualité des soins (notamment, en centrant les soins sur les objectifs de vie de la personne), améliorer l'utilisation des ressources et améliorer la qualité de vie des professionnels. A ces quatre objectifs, Be.Hive en propose un cinquième, celui d'améliorer l'enseignement, afin de cadrer avec les missions spécifiques de Be.Hive. Chapitre 1. Enjeux liés à la structuration et au financement de la première ligne Les ateliers ont permis de confirmer largement que la première ligne francophone est peu structurée et que l'offre est peu visible. Une manière d'améliorer cette structuration et d'améliorer la visibilité, renseignée par la littérature scientifique et confirmée dans les ateliers, passe par une organisation avec une approche territoriale (par commune ; dans les villes, par quartier). Une autre approche passe par l'inscription auprès d'un médecin généraliste ou d'une pratique de médecine générale. Selon les données du questionnaire, plus de la moitié des répondants sont tout à fait d'accord avec cela. Ces réponses ouvrent un questionnement intéressant car il s'agit d'une restriction du choix par rapport aux pratiques actuelles, qui pourrait modifier les débats sur la structuration de la première ligne. Ces données mériteront d'être investiguées, pour compléter ces résultats. Le financement de la première ligne figurait dans les 20 thèmes identifiés lors de la revue de la littérature. Nous avons donc interrogé les professionnels par rapport à leur degré de satisfaction concernant la répartition du financement et du mode de paiement actuel et trouvé qu'ils n'en sont que moyennement satisfaits. Au travers de nos recherches futures, nous souhaitons étudier ces thématiques de façon multidisciplinaire, afin d'intégrer les perceptions des parties prenantes dans des propositions concrètes pour l'avenir. Ceci permettra de nourrir le débat sociétal autour de la territorialisation et a le potentiel pour améliorer la visibilité et l'image de la première ligne, pour le plus grand bénéfice de tous. Chapitre 2. L'accompagnement de la personne vivant une situation complexe La complexité représente une épreuve contemporaine majeure qui s'inscrit au cœur des missions de la première ligne. Elle est associée à l'incertitude et l'imprévisibilité que représente une situation en raison de l'interaction entre des éléments relatifs à la santé physique, psychique et aux conditions de vie, sociales et économiques. Elle nécessite le développement d'actions globales et coordonnées entre plusieurs professions, organisations et secteurs. De plus, elle implique de mobiliser les connaissances des personnes, afin de concevoir des réponses articulant leurs priorités et celles des professionnels. Les questionnaires et les ateliers Be.Hive ont mis en évidence une asymétrie importante dans la participation des professionnels, des personnes et des aidants proches à la définition des situations complexes. Ce constat s'applique aux niveaux de la recherche et de la relation de soins. Cette asymétrie est à l'origine d'incompréhensions provoquant à la fois l'insatisfaction des professionnels et le désengagement des personnes de leurs parcours de soins. Dès lors, nous en appelons à renforcer la communication et l'écoute entre les acteurs, ce qui nécessite de faire évoluer le contenu des formations des professionnels mais aussi les modes de financement des soins de santé. De plus, nous mettons en avant une approche symétrique de la complexité, à partir de laquelle penser l'adaptation, ou « résilience de la première ligne », face aux situations complexes. Cette approche est fondée sur deux axes de recherche. Le premier axe initie un dialogue entre la demande exprimée par les personnes, que nous distinguons des besoins perçus par les professionnels, et les nouvelles fonctions professionnelles et modes d'organisation, par exemple le case management ou les suivis multidisciplinaires, qui se développent en première ligne. Le second axe porte spécifiquement sur les questions de l'accès, du recours, du non-recours, ou du recours dit « non approprié » des personnes vues comme vulnérables à la première ligne. Il soulève la dimension relationnelle de l'accès et du recours à partir des représentations et expériences des personnes, avant de les mettre en lien avec le vécu des professionnels. Chapitre 3. La participation communautaire au service de la première ligne L'approche de santé communautaire se concrétise par la collaboration des acteurs d'une communauté (personnes, professionnels de santé, institutions) autour d'un éventail d'actions qui s'étend de l'analyse des besoins à la mise en œuvre de services de santé et leur évaluation. Cet axe de travail s'ancre sur le constat d'un manque de proximité du système de santé. Or, la première ligne en Belgique francophone se trouve dans une position privilégiée pour renforcer cette proximité, comme nous avons pu l'observer au travers de plusieurs initiatives intéressantes. A défaut, ce manque de proximité se marque notamment lorsque les activités de promotion ou de prévention de la santé n'atteignent pas leur public-cible. Au travers d'initiatives renforçant la proximité, nous avons pu observer que là où les personnes sont engagées comme véritables partenaires en première ligne, le système de santé s'en trouve renforcé. Par conséquent, au cours de nos recherches futures, nous souhaitons investiguer les connaissances, attitudes et pratiques des professionnels de santé et des personnes sur la santé communautaire, dans une logique de proximité géographique, relationnelle et institutionnelle. Dans ce domaine également, Be.Hive souhaite participer à la diffusion des connaissances sur l'existant. Cela implique qu'une vieille informationnelle doit être mise en œuvre afin d'avoir accès aux innovations en matière de participation communautaire. Be.Hive a le potentiel de se construire sur l'existant, afin de participer à l'évaluation et la diffusion des pratiques prometteuses, notamment par le biais de l'évaluation participative. Chapitre 4. Collaboration interprofessionnelle et développement des compétences La professionnalisation des différents métiers depuis le 19ème siècle, a été suivie par une division du travail entre métiers relativement forte. Or, les transformations des politiques de santé, des pratiques professionnelles et des profils de personnes font de la collaboration l'un des défis importants de ces prochaines années. La confiance réciproque est identifiée comme une condition importante de cette collaboration, et celle-ci repose, d'après l'expérience de nos participants, sur la (re)connaissance mutuelle entre métiers et sur les relations interpersonnelles, qui voient le jour le plus souvent sur une base territoriale (quartier, commune). Ces acteurs mettent à la fois en évidence la nécessité de se fonder sur les initiatives existantes afin de les renforcer mais aussi de penser des nouveaux modèles, au-delà des dispositifs existant déjà au sein de certaines structures ou régions. Trois axes de recherche seront développés par les chercheurs de Be.Hive pour soutenir cette réflexion : 1° les collaborations interprofessionnelles impliquant les acteurs de l'aide sociale, de l'aide juridique et de la santé ; 2° les outils de la collaboration ; 3° la transformation des rapports entre première et deuxième ligne suite à certaines formes de désinstitutionalisation des soins. Ces trois axes de recherche principaux nourriront la réflexion autour de trois dimensions transversales : la formation, la production et l'analyse de données en première ligne et enfin, le bien-être des professionnels impliqués dans la collaboration. Discussion Ce livre blanc est le produit d'un premier processus participatif incluant l'ensemble des acteurs-clé. Pour Be.Hive, ce processus participatif a été l'occasion d'échanges, d'un temps nécessaire pour passer au-delà de la fragmentation et la méconnaissance mutuelle qui marquent également les chercheurs de Be.Hive, et d'expérimenter la nécessité de cette confiance. Ce processus n'ambitionne pas d'identifier de manière exhaustive tous les défis de la première ligne de soins et de l'aide francophone, mais permet à Be.Hive de se positionner, en proposant une liste déjà fournie de thématiques de recherche et d'enseignement dont voici les principales, qui s'entrecroisent forcément: - Structuration de la première ligne et contribution au quintuple objectif : modes de pratiques très concrètes, modes de financement et organisation territoriale ; - Organisation de la réponse aux situations complexes, en testant des modes d'interaction ; - Participation des personnes et la communauté à la santé et à l'organisation des services ; - Collaboration interprofessionnelle et renforcement des compétences professionnelles.
Contexte Les soins et l'aide de première ligne se caractérisent par une accessibilité universelle, une approche globale, axée sur les objectifs de la personne. Ils sont dispensés par une équipe de professionnels aux compétences généralistes, capables d'assurer la prise en charge de la grande majorité (90%) des problèmes de santé. Ce service doit s'accomplir dans un partenariat durable avec les personnes (usagers des services de santé ou non) et leurs aidants, dans le contexte de la famille et de la communauté locale, et joue un rôle central dans la coordination générale et la continuité des soins dispensés à la population. Si 90% des interactions en santé peuvent être assurées par la première ligne, la qualité d'un système de santé est fortement dépendante de la qualité de sa première ligne de soins et de l'aide. Or, en Belgique francophone, trop peu d'attention était portée jusqu'il y a peu, à cette première ligne de soins et de l'aide. Grâce au soutien du Fonds Dr. Daniël De Coninck, Be.hive vise à soutenir et organiser la recherche, l'enseignement et le partage des connaissances au sujet de la première ligne de soins et de l'aide. Le projet rassemble trois universités (l'Université catholique de Louvain, l'Université de Liège et l'Université Libre de Bruxelles) et trois hautes écoles (Haute Ecole Vinci, HENALLUX et la Haute Ecole Ilya Prigogine). Via son comité de pilotage, Be.Hive est également soutenue par la Plateforme de la Première Ligne Wallonne (PPLW), l'association des aidants proches (ASBL Aidants proches), la Société Scientifique de Médecine Générale (SSMG) et la Ligue des Usagers des Services de Santé (LUSS). Ce livre blanc s'inscrit dans une stratégie globale de Be.Hive, puisqu'il est le résultat d'une analyse littéraire et d'une enquête pour explorer la situation actuelle. C'est sur la base de ce travail que les chercheurs de Be.Hive souhaitent établir un ordre de priorités pour leurs activités de recherche et d'enseignement et attirer l'attention de leurs partenaires sur les urgences perçues par les acteurs de la première ligne. Cet exposé est forcément situé dans le temps, et exprimé sur la base de la réflexion et des données actuellement disponibles aux chercheurs de Be.Hive, et ne vise pas l'exhaustivité. Cette analyse a démarré dès 2019 en explorant la littérature nationale et internationale. Celle-ci, combinée aux expertises des chercheurs au sein de Be.Hive, a permis d'identifier 20 thématiques clés qui, mises ensemble, offraient une grille de lecture des caractéristiques permettant de renforcer la première ligne. Par la suite nous avons voulu capter la perception actuelle des acteurs de la première ligne en Belgique francophone, par une enquête à large échelle et des ateliers thématiques. Pour cela, en octobre 2019, des questionnaires étaient diffusés via les réseaux de Be.Hive. Au total, 5916 personnes ont répondu aux questionnaires en ligne et 130 aux questionnaires papier. En décembre nous avons organisé 5 ateliers thématiques participatifs, en divers endroits à Bruxelles et en Wallonie. Ces ateliers avaient deux objectifs. Le premier était d'approfondir les résultats provenant de l'exploitation des questionnaires et de faire émerger des aspects encore non abordés jusqu'alors. Le second était d'initier une démarche participative avec les acteurs de la première ligne. Au total, plus de 160 personnes extérieures à Be.Hive se sont inscrites aux 5 ateliers, venus d'horizons aussi différents que ceux qui avaient répondu aux questionnaires. Les principaux résultats sont présentés selon 4 axes thématiques présentés ci-dessous. Bien que ces axes soient présentés de manière distincte, leurs thématiques sont interreliées. Tous ont en commun de vouloir, à leur niveau, contribuer au quadruple objectif (Quadruple Aim en anglais) : améliorer la qualité de vie des personnes (et, le cas échéant, de leurs aidants), améliorer la qualité des soins (notamment, en centrant les soins sur les objectifs de vie de la personne), améliorer l'utilisation des ressources et améliorer la qualité de vie des professionnels. A ces quatre objectifs, Be.Hive en propose un cinquième, celui d'améliorer l'enseignement, afin de cadrer avec les missions spécifiques de Be.Hive. Chapitre 1. Enjeux liés à la structuration et au financement de la première ligne Les ateliers ont permis de confirmer largement que la première ligne francophone est peu structurée et que l'offre est peu visible. Une manière d'améliorer cette structuration et d'améliorer la visibilité, renseignée par la littérature scientifique et confirmée dans les ateliers, passe par une organisation avec une approche territoriale (par commune ; dans les villes, par quartier). Une autre approche passe par l'inscription auprès d'un médecin généraliste ou d'une pratique de médecine générale. Selon les données du questionnaire, plus de la moitié des répondants sont tout à fait d'accord avec cela. Ces réponses ouvrent un questionnement intéressant car il s'agit d'une restriction du choix par rapport aux pratiques actuelles, qui pourrait modifier les débats sur la structuration de la première ligne. Ces données mériteront d'être investiguées, pour compléter ces résultats. Le financement de la première ligne figurait dans les 20 thèmes identifiés lors de la revue de la littérature. Nous avons donc interrogé les professionnels par rapport à leur degré de satisfaction concernant la répartition du financement et du mode de paiement actuel et trouvé qu'ils n'en sont que moyennement satisfaits. Au travers de nos recherches futures, nous souhaitons étudier ces thématiques de façon multidisciplinaire, afin d'intégrer les perceptions des parties prenantes dans des propositions concrètes pour l'avenir. Ceci permettra de nourrir le débat sociétal autour de la territorialisation et a le potentiel pour améliorer la visibilité et l'image de la première ligne, pour le plus grand bénéfice de tous. Chapitre 2. L'accompagnement de la personne vivant une situation complexe La complexité représente une épreuve contemporaine majeure qui s'inscrit au cœur des missions de la première ligne. Elle est associée à l'incertitude et l'imprévisibilité que représente une situation en raison de l'interaction entre des éléments relatifs à la santé physique, psychique et aux conditions de vie, sociales et économiques. Elle nécessite le développement d'actions globales et coordonnées entre plusieurs professions, organisations et secteurs. De plus, elle implique de mobiliser les connaissances des personnes, afin de concevoir des réponses articulant leurs priorités et celles des professionnels. Les questionnaires et les ateliers Be.Hive ont mis en évidence une asymétrie importante dans la participation des professionnels, des personnes et des aidants proches à la définition des situations complexes. Ce constat s'applique aux niveaux de la recherche et de la relation de soins. Cette asymétrie est à l'origine d'incompréhensions provoquant à la fois l'insatisfaction des professionnels et le désengagement des personnes de leurs parcours de soins. Dès lors, nous en appelons à renforcer la communication et l'écoute entre les acteurs, ce qui nécessite de faire évoluer le contenu des formations des professionnels mais aussi les modes de financement des soins de santé. De plus, nous mettons en avant une approche symétrique de la complexité, à partir de laquelle penser l'adaptation, ou « résilience de la première ligne », face aux situations complexes. Cette approche est fondée sur deux axes de recherche. Le premier axe initie un dialogue entre la demande exprimée par les personnes, que nous distinguons des besoins perçus par les professionnels, et les nouvelles fonctions professionnelles et modes d'organisation, par exemple le case management ou les suivis multidisciplinaires, qui se développent en première ligne. Le second axe porte spécifiquement sur les questions de l'accès, du recours, du non-recours, ou du recours dit « non approprié » des personnes vues comme vulnérables à la première ligne. Il soulève la dimension relationnelle de l'accès et du recours à partir des représentations et expériences des personnes, avant de les mettre en lien avec le vécu des professionnels. Chapitre 3. La participation communautaire au service de la première ligne L'approche de santé communautaire se concrétise par la collaboration des acteurs d'une communauté (personnes, professionnels de santé, institutions) autour d'un éventail d'actions qui s'étend de l'analyse des besoins à la mise en œuvre de services de santé et leur évaluation. Cet axe de travail s'ancre sur le constat d'un manque de proximité du système de santé. Or, la première ligne en Belgique francophone se trouve dans une position privilégiée pour renforcer cette proximité, comme nous avons pu l'observer au travers de plusieurs initiatives intéressantes. A défaut, ce manque de proximité se marque notamment lorsque les activités de promotion ou de prévention de la santé n'atteignent pas leur public-cible. Au travers d'initiatives renforçant la proximité, nous avons pu observer que là où les personnes sont engagées comme véritables partenaires en première ligne, le système de santé s'en trouve renforcé. Par conséquent, au cours de nos recherches futures, nous souhaitons investiguer les connaissances, attitudes et pratiques des professionnels de santé et des personnes sur la santé communautaire, dans une logique de proximité géographique, relationnelle et institutionnelle. Dans ce domaine également, Be.Hive souhaite participer à la diffusion des connaissances sur l'existant. Cela implique qu'une vieille informationnelle doit être mise en œuvre afin d'avoir accès aux innovations en matière de participation communautaire. Be.Hive a le potentiel de se construire sur l'existant, afin de participer à l'évaluation et la diffusion des pratiques prometteuses, notamment par le biais de l'évaluation participative. Chapitre 4. Collaboration interprofessionnelle et développement des compétences La professionnalisation des différents métiers depuis le 19ème siècle, a été suivie par une division du travail entre métiers relativement forte. Or, les transformations des politiques de santé, des pratiques professionnelles et des profils de personnes font de la collaboration l'un des défis importants de ces prochaines années. La confiance réciproque est identifiée comme une condition importante de cette collaboration, et celle-ci repose, d'après l'expérience de nos participants, sur la (re)connaissance mutuelle entre métiers et sur les relations interpersonnelles, qui voient le jour le plus souvent sur une base territoriale (quartier, commune). Ces acteurs mettent à la fois en évidence la nécessité de se fonder sur les initiatives existantes afin de les renforcer mais aussi de penser des nouveaux modèles, au-delà des dispositifs existant déjà au sein de certaines structures ou régions. Trois axes de recherche seront développés par les chercheurs de Be.Hive pour soutenir cette réflexion : 1° les collaborations interprofessionnelles impliquant les acteurs de l'aide sociale, de l'aide juridique et de la santé ; 2° les outils de la collaboration ; 3° la transformation des rapports entre première et deuxième ligne suite à certaines formes de désinstitutionalisation des soins. Ces trois axes de recherche principaux nourriront la réflexion autour de trois dimensions transversales : la formation, la production et l'analyse de données en première ligne et enfin, le bien-être des professionnels impliqués dans la collaboration. Discussion Ce livre blanc est le produit d'un premier processus participatif incluant l'ensemble des acteurs-clé. Pour Be.Hive, ce processus participatif a été l'occasion d'échanges, d'un temps nécessaire pour passer au-delà de la fragmentation et la méconnaissance mutuelle qui marquent également les chercheurs de Be.Hive, et d'expérimenter la nécessité de cette confiance. Ce processus n'ambitionne pas d'identifier de manière exhaustive tous les défis de la première ligne de soins et de l'aide francophone, mais permet à Be.Hive de se positionner, en proposant une liste déjà fournie de thématiques de recherche et d'enseignement dont voici les principales, qui s'entrecroisent forcément: - Structuration de la première ligne et contribution au quintuple objectif : modes de pratiques très concrètes, modes de financement et organisation territoriale ; - Organisation de la réponse aux situations complexes, en testant des modes d'interaction ; - Participation des personnes et la communauté à la santé et à l'organisation des services ; - Collaboration interprofessionnelle et renforcement des compétences professionnelles.
La motivation du départ en échange pour développer les compétences des étudiants en tandem : un parcours d'accompagnement linguistique et interculturel sur Moodle ! Présentation de dispositif d'enseignement-apprentissage LEJOT Eve, MOLOSTOFF Leslie Université du Luxembourg, Unité de recherche IPSE (Identités. Politiques, Sociétés, Espaces) KH Les Centres de Langues des 6 universités de la Grande Région (région territoriale transfrontalière entre la France, la Belgique, le Luxembourg et l'Allemagne) travaillent ensemble à la création d'un parcours pédagogique en ligne d'apprentissage du français et de l'allemand dans le cadre d'un projet Erasmus+ (2017-2019). L'objectif de la mise en place d'un cours en ligne est de guider les étudiants dans la préparation de leur échange universitaire dans l'une des 6 universités et ainsi de les inciter à se poser les bonnes questions en amont de leur départ. Le dispositif permet de développer leurs compétences linguistiques et interculturelles. Le constat d'un manque certain de coopération entre les Centres de Langues de la Grande Région est à l'origine de ce projet transfrontalier. De plus, dans la plupart des universités du consortium, un échange est obligatoire dans le parcours universitaire. Une étude préliminaire a mis au jour le manque de préparation des étudiants à ce semestre passé à l'étranger et également de mise à profit culturelle et linguistique de cet échange. D'autre part, les réponses à des questionnaires de cette étude envoyés aux étudiants ont révélé que ces derniers accordaient un grand intérêt aux cours de langues et s'y engageaient de manière volontaire. L'enjeu du projet, et donc du cours en ligne, via les activités pédagogiques proposées, est de rendre les étudiants plus autonomes et de les confronter, avant même leur départ, aux différences administratives, culturelles ou encore linguistiques qu'ils pourront observer entre leur environnement d'origine et celui d'accueil. Fractionné en cinq étapes thématiques (Préparation avant le départ, Préparation à l'arrivée, Vivre sur place, Les études et Validation des études), le parcours en ligne propose aux étudiants des activités qui leur permettront à la fois de renforcer leurs parcours linguistiques (apprentissage de vocabulaire spécifique, lecture de documents authentiques, visionnage de vidéos, rédaction de textes, etc.), et leurs compétences interculturelles (qu'est-ce qu'un bail ?, comment trouver un logement sur place ?, comment fonctionne l'université d'accueil ?, la notation, la gastronomie 95 locale, etc.). Afin de rendre la progression plus fluide, les étapes sont elles-mêmes divisées en trois parties. Toutes les parties contiennent au minimum un bloc d'activités au sein duquel les étudiants trouveront un document authentique et didactisé, des questions de compréhension de ce document, un exercice d'appropriation des nouvelles informations culturelles et/ou linguistiques et enfin, une tâche à effectuer (écrire un mail au secrétariat de l'université d'accueil, témoigner sur un sujet, etc.). Les informations communiquées via les activités correspondent au plus près aux attentes des étudiants avec six versions du cours proposées : une version par université. D'un point de vue technique, le cours est proposé en ligne, sur la plateforme Moodle. Ainsi, tous les étudiants participant au cours, malgré leur éloignement physique, partagent un même espace de travail en ligne. L'ensemble des activités se réalise individuellement et en autonomie, néanmoins, un espace collaboratif est mis à la disposition des étudiants sur le mode du tandem. L'objectif de notre projet étant de préparer culturellement et linguistiquement les étudiants en futur échange à vivre et étudier dans leur nouvelle ville/université d'accueil, intégrer des échanges réguliers avec un étudiant de la langue cible, voire de l'université d'accueil, apportera un gain en autonomie aux étudiants, une métaréflexion sur leur propre culture sociale et universitaire et des informations cruciales sur leur futur nouvel environnement. La pédagogie tandem en ligne rencontre ces dernières années un vif succès dans le contexte universitaire, comme le montrent, entre autres, le projet eTandem sino-francophone (Wang-Szilas, 2017) et le projet franco-brésilien Télétandem (Santos, 2012). Les résultats des recherches dans le domaine sociocognitif montrent que « l'espace protégé et encourageant du tandem » déclenche de nouveaux réflexes d'apprentissage (Eschenauer, 2013. p. 96). Travailler en tandem permet à deux étudiants de gérer un projet commun, de gagner de l'autonomie par la mise en place de ce projet, de se décentrer, de gagner en empathie et de mener une réflexion sur les moyens méthodologiques de mise en place pour l'organisation du travail (Eschenauer, 2013). Ainsi, les activités de la plateforme ont été conçues dans l'idée que les étudiants s'accompagnent mutuellement dans le développement de leurs compétences linguistiques et interculturelles. Au sein de notre parcours en ligne, le rôle du tandem est, tout d'abord, de permettre à l'étudiant d'avoir un soutien dans sa ville d'accueil, une personne-ressource apte à répondre à la majorité des questions liées à son installation dans la nouvelle ville. L'étudiant ressource devra opérer, comme mentionné plus haut, un travail de décentration dans la mesure où il devra apprendre à prendre du recul sur sa propre culture afin de pouvoir en parler avec son partenaire. Le partenaire, lui, développera son sens de l'empathie dans la mesure où il devra se montrer prêt à recevoir des informations pouvant différer des modèles culturels qui lui sont connus et familiers. Dans une autre mesure, une des stratégies spécifiques au tandem est de « proposer ou faire des corrections » (Lewis et Stickler, 2007, p.14). Cette stratégie de correction entre pairs est notamment applicable dans des activités de production écrite. Grâce à la relecture entre pairs, les étudiants ont plus tendance à retravailler leur production lorsqu'ils reçoivent des retours de pairs (Carifio, Jackson et Dagostino, 2001). Dans le cadre du projet, lorsqu'une tâche de production écrite est demandée, l'étudiant peut faire appel à son partenaire pour une relecture et des feedbacks avant de soumettre son travail en ligne. Ainsi, tous les étudiants ont donc un rôle à la fois de collaborateur et de co-évaluateur. Ils travaillent ensemble dans les trois situations suivantes : 96 relecture de documents : dans le cadre de la réalisation d'une tâche individuelle de production, l'étudiant est fortement encouragé à faire appel à son partenaire pour une relecture de son travail avant soumission de ce dernier pour évaluation. Le partenaire apportera des feedbacks à l'étudiant afin d'améliorer cette production. échange de conseils : comme mentionné plus haut, les étudiants sont, tout au long du travail sur la plateforme, des ressources les uns pour les autres. Chaque étudiant est un soutien, une personne-ressource pour son partenaire, apte à répondre (ou à chercher la réponse) à la majorité des questions liées à son installation dans la nouvelle ville. collaboration : tout au long du scénario, en plus des tâches à réaliser individuellement, il est demandé aux tandems de travailler en étroite collaboration sur des présentations communes à réaliser dans les deux langues et visant à approfondir encore une fois les connaissances linguistiques et culturelles respectives de la paire d'étudiants sur leur ville/université d'accueil. L'enjeu de l'intégration de la fonction tandem dans notre cours en ligne est de tester à la fois le principe de l'eTandem et la réalisation de tâches autour du Français sur Objectif Universitaire. Du fait de la collaboration de 6 universités représentant 4 pays, la relation avec un pair semble la source la plus fiable et précise pour la collecte d'informations et l'autoformation de l'étudiant en futur échange dans une de ces 6 universités. La complexité résulte dans la mise en place de cette fonction tandem et dans l'évaluation des compétences qu'elle permettra aux étudiants de réellement développer. Enfin, sert-elle vraiment l'autonomisation de l'étudiant ? Si on distingue l'autonomie de l'indépendance (l'indépendance comme capacité à gérer des situations tout seul et l'autonomie comme la capacité à faire ses choix, à décider par soi-même de nos besoins de ce qui est bon pour nous), la plateforme permet de développer les deux à la fois pour les étudiants. Les 5 étapes thématiques du Moodle permettent de développer leur indépendance, de les outiller pour qu'ils puissent se débrouiller pendant ce semestre avec la langue, la culture universitaire et nationale du pays d'accueil. Le travail en tandem va permettre à l'étudiant de s'émanciper du programme préconstruit pour choisir par lui-même ce qu'il veut savoir, ce qui l'intéresse, etc. et utiliser son tandem pour trouver les moyens d'accéder aux informations et compétences dont il peut avoir besoin pour rendre effective cette autonomie. La difficulté est de trouver ici un juste guidage du tandem : suffisamment cadrant pour le faire démarrer et lui servir d'étayage, et suffisamment lâche pour laisser le binôme s'en émanciper. L'objectif est d'« outiller » les étudiants au mieux pour acquérir le niveau suivant à leur niveau de langue actuelle (par exemple progresser de B1 à B2). Nous avons ainsi conçu pour notre scénario un ensemble de tâches à réaliser en tandem orientées autour de la vie culturelle et universitaire que les étudiants devront réaliser ensemble à distance, mais également en présentiel lors de deux sessions qui encadrent leur départ (une en amont et l'autre en aval). La mise en place de notre projet suit la logique du schéma d'ingénierie pédagogique ADDIE, utilisé notamment par J. Wang-Szilas (2017) dans le cadre de son projet eTandem sinofrancophone. Ainsi notre projet suit les étapes suivantes : Évaluation (étude préliminaire), Analyse (détermination des besoins des étudiants), Design (détermination du squelette et des principes du cours en ligne), Développement (mise en place des activités du parcours en ligne), Implémentation (phase test/pilote auprès d'étudiants testeurs), Évaluation (collecte de feedbacks 97 de la part des étudiants), Analyse (des feedbacks et réalisation d'un critical report), Design (redesign du cours en ligne en prenant en compte les retours des étudiants testeurs), Développement, Implémentation (phase de lancement). Dans notre communication, nous allons présenter notre dispositif, les tâches à réaliser en tandem et les premiers retours des étudiants sur ces tâches. Nous allons analyser les questionnaires de feedbacks des étudiants. Les questionnaires leur permettront à la fois de mettre en avant ce qu'ils ont apprécié, ce qu'ils ont appris culturellement et linguistiquement, mais également de proposer des pistes d'amélioration pour rendre le parcours plus attractif et surtout le plus adapté possible au public visé. Nous allons également faire un point concret sur la mise en pratique (forum, relecture, workshop etc.) du rôle de co-évaluateur et de collaborateur de réalisation de tâches au sein de notre parcours pédagogique sur Moodle. KH RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES Carifio, J., Jackson, I. et Dagostino, L. (2001). Effects of Diagnostic and Prescriptive Comments on the Revising Behaviors of Community College Students. Community College Journal of Research and Practice, 25(2), 109-122. Eschenauer, J. (2013). Apprendre une langue en tandem. Réinterprétation des tandems à la lumière d'une approche sociocognitive. Langages, 192(4), 87-99. doi:10.3917/lang.192.0087 Lewis, T. et Stickler, U. (2007). Les stratégies collaboratives d'apprentissage lors d'un échange en tandem via Internet. Lidil, 36, 163-188. Santos, L. (2012). Projet Télétandem Brésil, trois années d'échanges franco-brésiliens en ligne : le point de vue des étudiants français. Alsic, 15(2). Repéré à http://journals.openedition.org/alsic/2530 Wang-Szilas, J. (2017). Les enjeux de l'intégration de l'eTandem en didactique des langues-cultures étrangères : interactions entre apprenants et dynamique institutionnelle dans un dispositif universitaire sino-francophone. Adjectif.net. Repéré à http://www.adjectif.net/spip/spip.php?article436
Ce dossier d'Habilitation à Diriger des Recherches comprend trois volumes : - Un résumé du parcours scientifique, présenté sous la forme d'un rapport d'activité, incluant les actions d'enseignement et la liste des productions bibliographiques, - Un recueil des publications les plus représentatives, présenté par thématique, - Une synthèse concernant la contribution des SIG à la connaissance et à la gestion de l'environnement littoral. Les éléments présentés dans cette synthèse sont les suivants. En 1992, la seconde Conférence des Nations Unies pour l'Environnement et le Développement (CNUED, Rio) mettait l'accent sur la dimension planétaire de nombreux phénomènes écologiques et sur la nécessité d'en accroître la connaissance, d'améliorer la gestion des ressources et d'assurer la protection de l'environnement notamment contre les risques naturels et technologiques. Les zones côtières étaient alors reconnues comme des espaces extrêmement sensibles où les effets perturbateurs de l'homme sont parfois irréversibles, à l'image des pays en voie de développement où les littoraux subissent depuis quelques années un accroissement rapide de la population provoquant des mutations territoriales de grande ampleur. Cette conférence réaffirmait de ce fait l'intérêt du concept de « gestion intégrée des zones côtières » proposé au début des années 1970 par la Convention de Ramsar et l'US Coastal Zone Management Act, qui exprime le besoin d'agir collectivement sur les processus naturels et anthropiques susceptibles de menacer le maintien durable de la qualité de l'environnement et des activités qui s'y déroulent. Mais comment gérer cet espace complexe sans une connaissance approfondie de son fonctionnement et de son évolution ? C'est à ce niveau que la contribution des scientifiques peut s'exprimer. En effet, le fonctionnement de la zone côtière repose sur une multitude de variables physiques, naturelles et socio-économiques en interaction, agissant sur une gamme scalaire et temporelle relativement large et dont la compréhension implique de multiples compétences scientifiques. Ce contexte pluridisciplinaire ne facilite pas la production d'une vision synthétique des processus, puisque les disciplines académiques fournissent souvent des points de vue différents d'une même réalité. De plus, il nécessite la mise en œuvre de méthodes et d'outils technologiques adaptés au stockage, à l'analyse et à la représentation de données de source et de nature diverses. L'ensemble de ces contraintes pourrait être en partie à l'origine de l'intérêt tardif de la communauté scientifique pour les zones côtières. En effet, il ne s'est développé qu'à partir des années 1980, comme l'atteste la mise en place de programmes et de réseaux de recherche nationaux et internationaux. Cependant, malgré des résultats scientifiques importants notamment sur l'approche théorique de la gestion de la zone côtière, la difficulté à développer l'ouverture pluridisciplinaire nécessaire persiste. La complexité des processus en cause, l'éparpillement des compétences et des données dans un vaste champ disciplinaire et dans de multiples institutions, en sont en grande partie responsables. Si on se réfère à l'expérience internationale dans ce domaine, il semble acquis que les avancées les plus significatives concernant la prise en compte des conditions écologiques se sont notamment appuyées sur les systèmes d'information géographique (SIG). Outils scientifiques et techniques, ils établissent un lien tangible entre les différents compartiments du système étudié et synthétisent l'ensemble des progrès conceptuels et techniques réalisé dans le domaine de l'information géographique. Par leurs capacités de stockage, d'analyse et de représentation de l'information spatialisée, ils concourent à améliorer la connaissance du fonctionnement global des écosystèmes et contribuent aux réflexions des décideurs. Utilisés en synergie avec la télédétection et la géodésie spatiale, actuellement en plein essor, ils peuvent offrir un certain nombre d'atouts dans trois domaines d'application : l'aménagement et la gestion des territoires, l'appui à la recherche et au développement, et la planification des activités. Néanmoins, il apparaît après une décennie d'utilisation dans différents domaines d'application que les conditions du succès de leur mise en œuvre sont dépendantes non seulement de paramètres techniques et économiques, mais aussi sociaux, organisationnels et spatiaux. La première partie de cette synthèse pose le contexte géographique et méthodologique dans lequel s'inscrivent les applications géomatiques développées en mer d'Iroise et pour lesquelles des perspectives de recherche sont envisagées. Elle aborde différentes notions et propose un état de l'art concernant l'environnement littoral, les principes de gestion intégrée des zones côtières et les systèmes d'information géographique. L'environnement littoral est présenté dans ses limites géographiques et ses composantes thématiques comme un espace sensible et complexe où différents paramètres interférent, justifiant l'intérêt d'une multitude d'acteurs. L'attrait des sociétés humaines pour cet espace d'une grande richesse entraîne une pression sur la ressource et des conflits d'usage que la gestion intégrée de la zone côtière se propose de résoudre. Ce concept qui s'est développé depuis les années 1970 s'exprime par différentes actions politiques et scientifiques. Néanmoins, il apparaît que cet intérêt récent d'une communauté internationale composite se traduit par des visions et des approches différentes qu'il est parfois difficile de concilier dans le contexte pluridisciplinaire inhérent à la mise en œuvre d'un projet de gestion intégrée. C'est à ce niveau que l'utilisation des méthodes géomatiques peut contribuer à développer une approche territoriale et écosystémique de la zone côtière. Les systèmes d'information géographique sont présentés selon différents points de vue qui leur attribuent communément un rôle déterminant dans la gestion, l'analyse et la représentation de l'information géographique et dans l'aide à la décision qu'ils peuvent procurer. Leurs apports aux sciences environnementales et comme support à la gestion des territoires sont discutés. S'ils produisent des résultats intéressants dans différents domaines, il apparaît qu'ils sont encore peu utilisés sur le littoral et encore moins dans des projets finalisés basés sur des approches pluridisciplinaires. La seconde partie de ce mémoire décrit les composantes et les applications d'un SIG consacré aux espaces littoraux de la mer d'Iroise, développé depuis une dizaine d'années dans un laboratoire universitaire. Il est mis en œuvre avec deux objectifs complémentaires. Le premier est de contribuer aux recherches menées sur le fonctionnement et l'évolution d'un écosystème complexe, et le second est de procurer aux gestionnaires des éléments concrets permettant de faciliter leurs prises de décision. Ce système d'information géographique offre une plate-forme d'informations géospatiales suffisamment riche des points de vue thématique, temporel et scalaire, pour permettre la mise en œuvre de diverses applications scientifiques en relation étroite avec des objectifs de gestion de l'environnement. Afin d'illustrer les possibilités du système, trois applications menées selon une approche écosystémique sont présentées. L'analyse des changements d'occupation et d'utilisation des sols d'une île habitée est réalisée selon les perspectives scientifiques du programme international « Land Use and Land Cover Changes » de l'IGBP (International Geosphere Biosphere Program). Elle synthétise les changements territoriaux intervenus depuis 1844 sur l'île d'Ouessant, met en évidence le rôle actuel d'une activité traditionnelle, l'élevage du mouton, dans l'entretien des milieux semi-naturels et propose des scénarios prospectifs d'évolution de la végétation en relation avec différentes hypothèses de développement du cheptel ovin. Concernant l'étude des dynamiques de la végétation des îlots marins protégés, la démarche vise à proposer une méthode d'évaluation des changements du tapis végétal afin de procurer un outil synthétique aux gestionnaires, pouvant servir à l'élaboration de comparaisons entre différents sites d'un réseau d'espaces protégés, au niveau national. Les résultats acquis sur un ensemble représentatif d'îlots marins en réserve, mettent spatialement en évidence les changements intervenus en une décennie, en relation avec différents facteurs anthropo-zoogènes, et fournissent une évaluation synthétique des dynamiques en cours, à l'échelle du réseau. L'habitat d'une espèce marine d'intérêt patrimonial est étudié dans le cadre du projet européen « Tursiops, réseau atlantique des grands dauphins côtiers ». En dépit du peu d'informations environnementales disponibles, la recherche menée en mer d'Iroise permet de préciser les caractéristiques physiques du domaine vital des animaux, de réaliser une synthèse de la morphologie des fonds sous-marins susceptibles d'expliquer la distribution des groupes résidant et de proposer une approche par modélisation de l'habitat potentiel. Au vu des résultats présentés, la démarche géomatique entreprise au sujet de la mer d'Iroise paraît fructueuse tant dans le domaine de la connaissance du fonctionnement et de l'évolution de l'écosystème que dans celui de l'aide à la gestion de la zone côtière. Néanmoins, il apparaît que l'utilisation du système est limitée sur certaines problématiques du fait de l'indisponibilité de nombreuses données et de méthodes d'analyse peu adaptées à l'étude de certains processus environnementaux. La troisième partie de ce mémoire dresse un constat critique de l'apport et des limites du SIG mis en place en termes d'état des connaissances, d'analyse des processus et d'aide à la gestion. Les nouvelles méthodes géomatiques d'acquisition de données à haute résolution spatiale ainsi que le couplage des systèmes d'information géographique avec des plates-formes de modélisation sont présentés comme des perspectives méthodologiques prometteuses en vue du suivi à long terme et de la représentation des processus dynamiques. Ces méthodologies seront appliquées aux recherches en cours sur la zone côtière finistérienne. En outre, il apparaît que le SIG mis en œuvre, s'il veut répondre aux objectifs de compréhension du fonctionnement de l'écosystème et d'aide à la gestion intégrée, fixés au préalable, doit s'intégrer à un outil pluridisciplinaire fondé sur des méthodes complémentaires. Dans un tel dispositif, la télédétection permettrait d'alimenter les bases d'information géographique par des variables pertinentes, relatives notamment au milieu marin, en complément des échantillons acquis in situ et des bases de données existantes. Celles-ci seraient utilisées pour calibrer et valider les modèles qui seraient utilisés pour explorer la dynamique de l'écosystème et quantifier les processus en intégrant une large part des interactions entre les différents facteurs. En permettant leur organisation en un système cohérent, le SIG offrirait les moyens de coupler efficacement les données acquises par ces différentes méthodes et fournirait des outils d'analyse spatiale et de représentation. Enfin, des interfaces et des modules spécialisés d'aide à la décision compléteraient le système de manière à en faciliter l'accès à différents niveaux d'utilisation et à le rendre opérationnel dans le contexte d'une gestion intégrée de la zone côtière finistérienne. Concernant l'environnement littoral de la mer d'Iroise, la nécessité de disposer d'un outil fédérateur susceptible de rassembler différentes composantes du système et donc des compétences et des points de vue variés, ainsi que des méthodes d'analyse et de représentation efficaces est apparue voici une dizaine d'années. A cette époque, les méthodes géospatiales de fourniture et de traitement de données telles que les SIG, la télédétection, l'analyse spatiale, la modélisation s'imposaient comme un formidable potentiel pour l'étude des changements par leur capacité à fournir des éléments de réflexion et de synthèse. L'appropriation de cette nouvelle technologie par les géographes s'est fondée sur des bases théoriques rigoureuses, originales et somme toute attractives pour un bon nombre d'acteurs, praticiens ou théoriciens de l'environnement s'intéressant aux problématiques d'une zone côtière exemplaire, de par ses caractéristiques et ses évolutions. La problématique globale s'est donc nourrie d'approches spécifiques illustrant quelques facettes de la complexité de la zone côtière. La démarche écosystémique qu'elles sous-tendent s'inscrit dans une triple perspective spatiale, temporelle et pluridisciplinaire. Si ces deux premières composantes relèvent sans aucun doute de la pratique traditionnelle en Sciences Humaines, la connotation pluridisciplinaire des recherches menées est plus actuelle. De fait, l'évolution de la pratique scientifique combinée à l'étude d'un espace complexe d'interfaces géographiques implique nécessairement de positionner la réflexion aux marges de différentes disciplines qui deviennent alors complémentaires. On atteint ainsi une conception transversale de la recherche, aux limites des champs académiques traditionnels, où les Sciences de l'Homme et de la Société peuvent occuper une place à part entière aux côtés des Sciences de la Vie, des Sciences de l'Univers et des Sciences de l'Information et de la Communication.
Ce dossier d'Habilitation à Diriger des Recherches comprend trois volumes : - Un résumé du parcours scientifique, présenté sous la forme d'un rapport d'activité, incluant les actions d'enseignement et la liste des productions bibliographiques, - Un recueil des publications les plus représentatives, présenté par thématique, - Une synthèse concernant la contribution des SIG à la connaissance et à la gestion de l'environnement littoral. Les éléments présentés dans cette synthèse sont les suivants. En 1992, la seconde Conférence des Nations Unies pour l'Environnement et le Développement (CNUED, Rio) mettait l'accent sur la dimension planétaire de nombreux phénomènes écologiques et sur la nécessité d'en accroître la connaissance, d'améliorer la gestion des ressources et d'assurer la protection de l'environnement notamment contre les risques naturels et technologiques. Les zones côtières étaient alors reconnues comme des espaces extrêmement sensibles où les effets perturbateurs de l'homme sont parfois irréversibles, à l'image des pays en voie de développement où les littoraux subissent depuis quelques années un accroissement rapide de la population provoquant des mutations territoriales de grande ampleur. Cette conférence réaffirmait de ce fait l'intérêt du concept de « gestion intégrée des zones côtières » proposé au début des années 1970 par la Convention de Ramsar et l'US Coastal Zone Management Act, qui exprime le besoin d'agir collectivement sur les processus naturels et anthropiques susceptibles de menacer le maintien durable de la qualité de l'environnement et des activités qui s'y déroulent. Mais comment gérer cet espace complexe sans une connaissance approfondie de son fonctionnement et de son évolution ? C'est à ce niveau que la contribution des scientifiques peut s'exprimer. En effet, le fonctionnement de la zone côtière repose sur une multitude de variables physiques, naturelles et socio-économiques en interaction, agissant sur une gamme scalaire et temporelle relativement large et dont la compréhension implique de multiples compétences scientifiques. Ce contexte pluridisciplinaire ne facilite pas la production d'une vision synthétique des processus, puisque les disciplines académiques fournissent souvent des points de vue différents d'une même réalité. De plus, il nécessite la mise en œuvre de méthodes et d'outils technologiques adaptés au stockage, à l'analyse et à la représentation de données de source et de nature diverses. L'ensemble de ces contraintes pourrait être en partie à l'origine de l'intérêt tardif de la communauté scientifique pour les zones côtières. En effet, il ne s'est développé qu'à partir des années 1980, comme l'atteste la mise en place de programmes et de réseaux de recherche nationaux et internationaux. Cependant, malgré des résultats scientifiques importants notamment sur l'approche théorique de la gestion de la zone côtière, la difficulté à développer l'ouverture pluridisciplinaire nécessaire persiste. La complexité des processus en cause, l'éparpillement des compétences et des données dans un vaste champ disciplinaire et dans de multiples institutions, en sont en grande partie responsables. Si on se réfère à l'expérience internationale dans ce domaine, il semble acquis que les avancées les plus significatives concernant la prise en compte des conditions écologiques se sont notamment appuyées sur les systèmes d'information géographique (SIG). Outils scientifiques et techniques, ils établissent un lien tangible entre les différents compartiments du système étudié et synthétisent l'ensemble des progrès conceptuels et techniques réalisé dans le domaine de l'information géographique. Par leurs capacités de stockage, d'analyse et de représentation de l'information spatialisée, ils concourent à améliorer la connaissance du fonctionnement global des écosystèmes et contribuent aux réflexions des décideurs. Utilisés en synergie avec la télédétection et la géodésie spatiale, actuellement en plein essor, ils peuvent offrir un certain nombre d'atouts dans trois domaines d'application : l'aménagement et la gestion des territoires, l'appui à la recherche et au développement, et la planification des activités. Néanmoins, il apparaît après une décennie d'utilisation dans différents domaines d'application que les conditions du succès de leur mise en œuvre sont dépendantes non seulement de paramètres techniques et économiques, mais aussi sociaux, organisationnels et spatiaux. La première partie de cette synthèse pose le contexte géographique et méthodologique dans lequel s'inscrivent les applications géomatiques développées en mer d'Iroise et pour lesquelles des perspectives de recherche sont envisagées. Elle aborde différentes notions et propose un état de l'art concernant l'environnement littoral, les principes de gestion intégrée des zones côtières et les systèmes d'information géographique. L'environnement littoral est présenté dans ses limites géographiques et ses composantes thématiques comme un espace sensible et complexe où différents paramètres interférent, justifiant l'intérêt d'une multitude d'acteurs. L'attrait des sociétés humaines pour cet espace d'une grande richesse entraîne une pression sur la ressource et des conflits d'usage que la gestion intégrée de la zone côtière se propose de résoudre. Ce concept qui s'est développé depuis les années 1970 s'exprime par différentes actions politiques et scientifiques. Néanmoins, il apparaît que cet intérêt récent d'une communauté internationale composite se traduit par des visions et des approches différentes qu'il est parfois difficile de concilier dans le contexte pluridisciplinaire inhérent à la mise en œuvre d'un projet de gestion intégrée. C'est à ce niveau que l'utilisation des méthodes géomatiques peut contribuer à développer une approche territoriale et écosystémique de la zone côtière. Les systèmes d'information géographique sont présentés selon différents points de vue qui leur attribuent communément un rôle déterminant dans la gestion, l'analyse et la représentation de l'information géographique et dans l'aide à la décision qu'ils peuvent procurer. Leurs apports aux sciences environnementales et comme support à la gestion des territoires sont discutés. S'ils produisent des résultats intéressants dans différents domaines, il apparaît qu'ils sont encore peu utilisés sur le littoral et encore moins dans des projets finalisés basés sur des approches pluridisciplinaires. La seconde partie de ce mémoire décrit les composantes et les applications d'un SIG consacré aux espaces littoraux de la mer d'Iroise, développé depuis une dizaine d'années dans un laboratoire universitaire. Il est mis en œuvre avec deux objectifs complémentaires. Le premier est de contribuer aux recherches menées sur le fonctionnement et l'évolution d'un écosystème complexe, et le second est de procurer aux gestionnaires des éléments concrets permettant de faciliter leurs prises de décision. Ce système d'information géographique offre une plate-forme d'informations géospatiales suffisamment riche des points de vue thématique, temporel et scalaire, pour permettre la mise en œuvre de diverses applications scientifiques en relation étroite avec des objectifs de gestion de l'environnement. Afin d'illustrer les possibilités du système, trois applications menées selon une approche écosystémique sont présentées. L'analyse des changements d'occupation et d'utilisation des sols d'une île habitée est réalisée selon les perspectives scientifiques du programme international « Land Use and Land Cover Changes » de l'IGBP (International Geosphere Biosphere Program). Elle synthétise les changements territoriaux intervenus depuis 1844 sur l'île d'Ouessant, met en évidence le rôle actuel d'une activité traditionnelle, l'élevage du mouton, dans l'entretien des milieux semi-naturels et propose des scénarios prospectifs d'évolution de la végétation en relation avec différentes hypothèses de développement du cheptel ovin. Concernant l'étude des dynamiques de la végétation des îlots marins protégés, la démarche vise à proposer une méthode d'évaluation des changements du tapis végétal afin de procurer un outil synthétique aux gestionnaires, pouvant servir à l'élaboration de comparaisons entre différents sites d'un réseau d'espaces protégés, au niveau national. Les résultats acquis sur un ensemble représentatif d'îlots marins en réserve, mettent spatialement en évidence les changements intervenus en une décennie, en relation avec différents facteurs anthropo-zoogènes, et fournissent une évaluation synthétique des dynamiques en cours, à l'échelle du réseau. L'habitat d'une espèce marine d'intérêt patrimonial est étudié dans le cadre du projet européen « Tursiops, réseau atlantique des grands dauphins côtiers ». En dépit du peu d'informations environnementales disponibles, la recherche menée en mer d'Iroise permet de préciser les caractéristiques physiques du domaine vital des animaux, de réaliser une synthèse de la morphologie des fonds sous-marins susceptibles d'expliquer la distribution des groupes résidant et de proposer une approche par modélisation de l'habitat potentiel. Au vu des résultats présentés, la démarche géomatique entreprise au sujet de la mer d'Iroise paraît fructueuse tant dans le domaine de la connaissance du fonctionnement et de l'évolution de l'écosystème que dans celui de l'aide à la gestion de la zone côtière. Néanmoins, il apparaît que l'utilisation du système est limitée sur certaines problématiques du fait de l'indisponibilité de nombreuses données et de méthodes d'analyse peu adaptées à l'étude de certains processus environnementaux. La troisième partie de ce mémoire dresse un constat critique de l'apport et des limites du SIG mis en place en termes d'état des connaissances, d'analyse des processus et d'aide à la gestion. Les nouvelles méthodes géomatiques d'acquisition de données à haute résolution spatiale ainsi que le couplage des systèmes d'information géographique avec des plates-formes de modélisation sont présentés comme des perspectives méthodologiques prometteuses en vue du suivi à long terme et de la représentation des processus dynamiques. Ces méthodologies seront appliquées aux recherches en cours sur la zone côtière finistérienne. En outre, il apparaît que le SIG mis en œuvre, s'il veut répondre aux objectifs de compréhension du fonctionnement de l'écosystème et d'aide à la gestion intégrée, fixés au préalable, doit s'intégrer à un outil pluridisciplinaire fondé sur des méthodes complémentaires. Dans un tel dispositif, la télédétection permettrait d'alimenter les bases d'information géographique par des variables pertinentes, relatives notamment au milieu marin, en complément des échantillons acquis in situ et des bases de données existantes. Celles-ci seraient utilisées pour calibrer et valider les modèles qui seraient utilisés pour explorer la dynamique de l'écosystème et quantifier les processus en intégrant une large part des interactions entre les différents facteurs. En permettant leur organisation en un système cohérent, le SIG offrirait les moyens de coupler efficacement les données acquises par ces différentes méthodes et fournirait des outils d'analyse spatiale et de représentation. Enfin, des interfaces et des modules spécialisés d'aide à la décision compléteraient le système de manière à en faciliter l'accès à différents niveaux d'utilisation et à le rendre opérationnel dans le contexte d'une gestion intégrée de la zone côtière finistérienne. Concernant l'environnement littoral de la mer d'Iroise, la nécessité de disposer d'un outil fédérateur susceptible de rassembler différentes composantes du système et donc des compétences et des points de vue variés, ainsi que des méthodes d'analyse et de représentation efficaces est apparue voici une dizaine d'années. A cette époque, les méthodes géospatiales de fourniture et de traitement de données telles que les SIG, la télédétection, l'analyse spatiale, la modélisation s'imposaient comme un formidable potentiel pour l'étude des changements par leur capacité à fournir des éléments de réflexion et de synthèse. L'appropriation de cette nouvelle technologie par les géographes s'est fondée sur des bases théoriques rigoureuses, originales et somme toute attractives pour un bon nombre d'acteurs, praticiens ou théoriciens de l'environnement s'intéressant aux problématiques d'une zone côtière exemplaire, de par ses caractéristiques et ses évolutions. La problématique globale s'est donc nourrie d'approches spécifiques illustrant quelques facettes de la complexité de la zone côtière. La démarche écosystémique qu'elles sous-tendent s'inscrit dans une triple perspective spatiale, temporelle et pluridisciplinaire. Si ces deux premières composantes relèvent sans aucun doute de la pratique traditionnelle en Sciences Humaines, la connotation pluridisciplinaire des recherches menées est plus actuelle. De fait, l'évolution de la pratique scientifique combinée à l'étude d'un espace complexe d'interfaces géographiques implique nécessairement de positionner la réflexion aux marges de différentes disciplines qui deviennent alors complémentaires. On atteint ainsi une conception transversale de la recherche, aux limites des champs académiques traditionnels, où les Sciences de l'Homme et de la Société peuvent occuper une place à part entière aux côtés des Sciences de la Vie, des Sciences de l'Univers et des Sciences de l'Information et de la Communication.
Ce dossier d'Habilitation à Diriger des Recherches comprend trois volumes : - Un résumé du parcours scientifique, présenté sous la forme d'un rapport d'activité, incluant les actions d'enseignement et la liste des productions bibliographiques, - Un recueil des publications les plus représentatives, présenté par thématique, - Une synthèse concernant la contribution des SIG à la connaissance et à la gestion de l'environnement littoral. Les éléments présentés dans cette synthèse sont les suivants. En 1992, la seconde Conférence des Nations Unies pour l'Environnement et le Développement (CNUED, Rio) mettait l'accent sur la dimension planétaire de nombreux phénomènes écologiques et sur la nécessité d'en accroître la connaissance, d'améliorer la gestion des ressources et d'assurer la protection de l'environnement notamment contre les risques naturels et technologiques. Les zones côtières étaient alors reconnues comme des espaces extrêmement sensibles où les effets perturbateurs de l'homme sont parfois irréversibles, à l'image des pays en voie de développement où les littoraux subissent depuis quelques années un accroissement rapide de la population provoquant des mutations territoriales de grande ampleur. Cette conférence réaffirmait de ce fait l'intérêt du concept de « gestion intégrée des zones côtières » proposé au début des années 1970 par la Convention de Ramsar et l'US Coastal Zone Management Act, qui exprime le besoin d'agir collectivement sur les processus naturels et anthropiques susceptibles de menacer le maintien durable de la qualité de l'environnement et des activités qui s'y déroulent. Mais comment gérer cet espace complexe sans une connaissance approfondie de son fonctionnement et de son évolution ? C'est à ce niveau que la contribution des scientifiques peut s'exprimer. En effet, le fonctionnement de la zone côtière repose sur une multitude de variables physiques, naturelles et socio-économiques en interaction, agissant sur une gamme scalaire et temporelle relativement large et dont la compréhension implique de multiples compétences scientifiques. Ce contexte pluridisciplinaire ne facilite pas la production d'une vision synthétique des processus, puisque les disciplines académiques fournissent souvent des points de vue différents d'une même réalité. De plus, il nécessite la mise en œuvre de méthodes et d'outils technologiques adaptés au stockage, à l'analyse et à la représentation de données de source et de nature diverses. L'ensemble de ces contraintes pourrait être en partie à l'origine de l'intérêt tardif de la communauté scientifique pour les zones côtières. En effet, il ne s'est développé qu'à partir des années 1980, comme l'atteste la mise en place de programmes et de réseaux de recherche nationaux et internationaux. Cependant, malgré des résultats scientifiques importants notamment sur l'approche théorique de la gestion de la zone côtière, la difficulté à développer l'ouverture pluridisciplinaire nécessaire persiste. La complexité des processus en cause, l'éparpillement des compétences et des données dans un vaste champ disciplinaire et dans de multiples institutions, en sont en grande partie responsables. Si on se réfère à l'expérience internationale dans ce domaine, il semble acquis que les avancées les plus significatives concernant la prise en compte des conditions écologiques se sont notamment appuyées sur les systèmes d'information géographique (SIG). Outils scientifiques et techniques, ils établissent un lien tangible entre les différents compartiments du système étudié et synthétisent l'ensemble des progrès conceptuels et techniques réalisé dans le domaine de l'information géographique. Par leurs capacités de stockage, d'analyse et de représentation de l'information spatialisée, ils concourent à améliorer la connaissance du fonctionnement global des écosystèmes et contribuent aux réflexions des décideurs. Utilisés en synergie avec la télédétection et la géodésie spatiale, actuellement en plein essor, ils peuvent offrir un certain nombre d'atouts dans trois domaines d'application : l'aménagement et la gestion des territoires, l'appui à la recherche et au développement, et la planification des activités. Néanmoins, il apparaît après une décennie d'utilisation dans différents domaines d'application que les conditions du succès de leur mise en œuvre sont dépendantes non seulement de paramètres techniques et économiques, mais aussi sociaux, organisationnels et spatiaux. La première partie de cette synthèse pose le contexte géographique et méthodologique dans lequel s'inscrivent les applications géomatiques développées en mer d'Iroise et pour lesquelles des perspectives de recherche sont envisagées. Elle aborde différentes notions et propose un état de l'art concernant l'environnement littoral, les principes de gestion intégrée des zones côtières et les systèmes d'information géographique. L'environnement littoral est présenté dans ses limites géographiques et ses composantes thématiques comme un espace sensible et complexe où différents paramètres interférent, justifiant l'intérêt d'une multitude d'acteurs. L'attrait des sociétés humaines pour cet espace d'une grande richesse entraîne une pression sur la ressource et des conflits d'usage que la gestion intégrée de la zone côtière se propose de résoudre. Ce concept qui s'est développé depuis les années 1970 s'exprime par différentes actions politiques et scientifiques. Néanmoins, il apparaît que cet intérêt récent d'une communauté internationale composite se traduit par des visions et des approches différentes qu'il est parfois difficile de concilier dans le contexte pluridisciplinaire inhérent à la mise en œuvre d'un projet de gestion intégrée. C'est à ce niveau que l'utilisation des méthodes géomatiques peut contribuer à développer une approche territoriale et écosystémique de la zone côtière. Les systèmes d'information géographique sont présentés selon différents points de vue qui leur attribuent communément un rôle déterminant dans la gestion, l'analyse et la représentation de l'information géographique et dans l'aide à la décision qu'ils peuvent procurer. Leurs apports aux sciences environnementales et comme support à la gestion des territoires sont discutés. S'ils produisent des résultats intéressants dans différents domaines, il apparaît qu'ils sont encore peu utilisés sur le littoral et encore moins dans des projets finalisés basés sur des approches pluridisciplinaires. La seconde partie de ce mémoire décrit les composantes et les applications d'un SIG consacré aux espaces littoraux de la mer d'Iroise, développé depuis une dizaine d'années dans un laboratoire universitaire. Il est mis en œuvre avec deux objectifs complémentaires. Le premier est de contribuer aux recherches menées sur le fonctionnement et l'évolution d'un écosystème complexe, et le second est de procurer aux gestionnaires des éléments concrets permettant de faciliter leurs prises de décision. Ce système d'information géographique offre une plate-forme d'informations géospatiales suffisamment riche des points de vue thématique, temporel et scalaire, pour permettre la mise en œuvre de diverses applications scientifiques en relation étroite avec des objectifs de gestion de l'environnement. Afin d'illustrer les possibilités du système, trois applications menées selon une approche écosystémique sont présentées. L'analyse des changements d'occupation et d'utilisation des sols d'une île habitée est réalisée selon les perspectives scientifiques du programme international « Land Use and Land Cover Changes » de l'IGBP (International Geosphere Biosphere Program). Elle synthétise les changements territoriaux intervenus depuis 1844 sur l'île d'Ouessant, met en évidence le rôle actuel d'une activité traditionnelle, l'élevage du mouton, dans l'entretien des milieux semi-naturels et propose des scénarios prospectifs d'évolution de la végétation en relation avec différentes hypothèses de développement du cheptel ovin. Concernant l'étude des dynamiques de la végétation des îlots marins protégés, la démarche vise à proposer une méthode d'évaluation des changements du tapis végétal afin de procurer un outil synthétique aux gestionnaires, pouvant servir à l'élaboration de comparaisons entre différents sites d'un réseau d'espaces protégés, au niveau national. Les résultats acquis sur un ensemble représentatif d'îlots marins en réserve, mettent spatialement en évidence les changements intervenus en une décennie, en relation avec différents facteurs anthropo-zoogènes, et fournissent une évaluation synthétique des dynamiques en cours, à l'échelle du réseau. L'habitat d'une espèce marine d'intérêt patrimonial est étudié dans le cadre du projet européen « Tursiops, réseau atlantique des grands dauphins côtiers ». En dépit du peu d'informations environnementales disponibles, la recherche menée en mer d'Iroise permet de préciser les caractéristiques physiques du domaine vital des animaux, de réaliser une synthèse de la morphologie des fonds sous-marins susceptibles d'expliquer la distribution des groupes résidant et de proposer une approche par modélisation de l'habitat potentiel. Au vu des résultats présentés, la démarche géomatique entreprise au sujet de la mer d'Iroise paraît fructueuse tant dans le domaine de la connaissance du fonctionnement et de l'évolution de l'écosystème que dans celui de l'aide à la gestion de la zone côtière. Néanmoins, il apparaît que l'utilisation du système est limitée sur certaines problématiques du fait de l'indisponibilité de nombreuses données et de méthodes d'analyse peu adaptées à l'étude de certains processus environnementaux. La troisième partie de ce mémoire dresse un constat critique de l'apport et des limites du SIG mis en place en termes d'état des connaissances, d'analyse des processus et d'aide à la gestion. Les nouvelles méthodes géomatiques d'acquisition de données à haute résolution spatiale ainsi que le couplage des systèmes d'information géographique avec des plates-formes de modélisation sont présentés comme des perspectives méthodologiques prometteuses en vue du suivi à long terme et de la représentation des processus dynamiques. Ces méthodologies seront appliquées aux recherches en cours sur la zone côtière finistérienne. En outre, il apparaît que le SIG mis en œuvre, s'il veut répondre aux objectifs de compréhension du fonctionnement de l'écosystème et d'aide à la gestion intégrée, fixés au préalable, doit s'intégrer à un outil pluridisciplinaire fondé sur des méthodes complémentaires. Dans un tel dispositif, la télédétection permettrait d'alimenter les bases d'information géographique par des variables pertinentes, relatives notamment au milieu marin, en complément des échantillons acquis in situ et des bases de données existantes. Celles-ci seraient utilisées pour calibrer et valider les modèles qui seraient utilisés pour explorer la dynamique de l'écosystème et quantifier les processus en intégrant une large part des interactions entre les différents facteurs. En permettant leur organisation en un système cohérent, le SIG offrirait les moyens de coupler efficacement les données acquises par ces différentes méthodes et fournirait des outils d'analyse spatiale et de représentation. Enfin, des interfaces et des modules spécialisés d'aide à la décision compléteraient le système de manière à en faciliter l'accès à différents niveaux d'utilisation et à le rendre opérationnel dans le contexte d'une gestion intégrée de la zone côtière finistérienne. Concernant l'environnement littoral de la mer d'Iroise, la nécessité de disposer d'un outil fédérateur susceptible de rassembler différentes composantes du système et donc des compétences et des points de vue variés, ainsi que des méthodes d'analyse et de représentation efficaces est apparue voici une dizaine d'années. A cette époque, les méthodes géospatiales de fourniture et de traitement de données telles que les SIG, la télédétection, l'analyse spatiale, la modélisation s'imposaient comme un formidable potentiel pour l'étude des changements par leur capacité à fournir des éléments de réflexion et de synthèse. L'appropriation de cette nouvelle technologie par les géographes s'est fondée sur des bases théoriques rigoureuses, originales et somme toute attractives pour un bon nombre d'acteurs, praticiens ou théoriciens de l'environnement s'intéressant aux problématiques d'une zone côtière exemplaire, de par ses caractéristiques et ses évolutions. La problématique globale s'est donc nourrie d'approches spécifiques illustrant quelques facettes de la complexité de la zone côtière. La démarche écosystémique qu'elles sous-tendent s'inscrit dans une triple perspective spatiale, temporelle et pluridisciplinaire. Si ces deux premières composantes relèvent sans aucun doute de la pratique traditionnelle en Sciences Humaines, la connotation pluridisciplinaire des recherches menées est plus actuelle. De fait, l'évolution de la pratique scientifique combinée à l'étude d'un espace complexe d'interfaces géographiques implique nécessairement de positionner la réflexion aux marges de différentes disciplines qui deviennent alors complémentaires. On atteint ainsi une conception transversale de la recherche, aux limites des champs académiques traditionnels, où les Sciences de l'Homme et de la Société peuvent occuper une place à part entière aux côtés des Sciences de la Vie, des Sciences de l'Univers et des Sciences de l'Information et de la Communication.
L'Etat de droit face au terrorisme, défi majeur des démocraties européennes L'année deux mille vingt et un sonne le glas de vingt ans d'une lutte entamée au lendemain des attentats du 11 septembre et communément évoquée sous le terme de « guerre contre le terrorisme ». En effet il y a vingt-ans, le monde occidental découvre que la guerre auparavant délocalisée se retrouve dans leurs localités. Jamais un tel scénario n'aurait été envisageable pour une majorité d'individus, le sentiment d'invincibilité et la supériorité d'un régime démocratique débellicisé grandissant alors à l'époque depuis une dizaine d'années dans les mœurs. Pourtant, la menace terrorisme ne cessera dès lors d'augmenter pour atteindre son paroxysme chronique à partir de l'attaque dans les locaux de Charlie Hebdo en janvier deux mille quinze. Cette même année, la France connaît en novembre une tuerie de masse sans précèdent depuis la seconde guerre mondiale. Tous deux filmés pour l'Histoire à l'instar des procès de Nuremberg, les procès très médiatiques et hors normes de ces attentats ont débuté l'année dernière pour le premier et il y a quelques mois pour le second. Ces deux évènements marquent ainsi sans aucun doute le début d'une nouvelle ère au sein de l'arène judiciaire européenne, complétée par un cadre policier et législatif actualisé, composée à la fois de nouveaux combats mais aussi et surtout de nouveaux moyens. De l'état d'urgence à la justice de précaution, en passant par un désintérêt profond pour des problématiques ayant trait au socle législatif sur lequel se base notre société, les gouvernements démocratiques occidentaux revendiquent une place de faiseurs de normes sur l'échiquier diplomatique international. En y regardant de plus près, ces démocraties cauteleuses s'engouffrent pourtant dans une faille faisant basculer la balance en faveur d'une plus forte poussée du droit au détriment de la consécration des libertés. Ce phénomène, qui est censé plutôt résulter sur un équilibre afin de construire leur légitimité, entache fortement les gouvernements successifs en charge de la question terroriste. Bien qu'une opinion éclairée de la population appelle à plus de rigueur et de respect des normes fondatrices de l'Etat de droit, une grande majorité semble accepter cet écart sous couvert d'un climat sécuritaire se renforçant au fil du temps. Les représentants des Etats européens se sont lancés de plein fer dans cette guerre contre le terrorisme, à l'origine nonobstant frileux à employer ce ton martial au lendemain des attentats du 11 septembre, à l'instar de Jacques Chirac qui affirmait en 2001« Je ne sais pas s'il faut utiliser le mot guerre. Ce qui est sûr, c'est que nous avons un conflit d'une nouvelle nature »1. Ce « conflit d'une nouvelle nature » a engendré des politiques de prévention et de proactivité de l'Etat questionnant la gouvernance démocratique de l'Etat lui-même. Si le terrorisme a toujours existé, jamais autant de théories complémentaires ne se sont d'ailleurs glissées dans le contexte académique et sociétal, témoignant d'un véritable engouement pour la problématique. Certainement, se demander si l'intention vaut faute appelle une réponse qui semble sempiternelle. En revanche une dimension s'impose, celle de la mutation de l'éthique des relations internationales qui, bien que toujours présente face aux enjeux sécuritaires, a évolué avec certitude. Comment traiter des combattants étrangers élevés sur le sol européen partis rejoindre Daech en Syrie ? Que faire de leurs enfants ? Ces défis sont liés au fait que la « menace terroriste n'est plus seulement exogène » (Esposito & Baudouï, 2021), mais grandit et mature sur le sol des démocraties européennes. Il n'en reste pas moins que pour tenter d'endiguer une menace diffuse mais certaine, l'État de droit s'est paré de tout un arsenal législatif et judiciaire lui permettant de prévenir toute radicalisation et passage à l'acte. Les règles d'exception s'inscrivent pourtant dans une durée plus longue que celle de leur établissement, et comme « les dispositifs d'exception resteront en vigueur encore longtemps » (Ibid., 2021), cela implique ainsi de se questionner sérieusement. La question des enfants de combattants étrangers et de leur traitement se place comme un point de départ assez pertinent pour questionner l'affaiblissement de l'État de droit. Les États européens sont tous signataires de la Convention relative aux droits de l'enfant, ce qui implique que leur prise de position originelle, rejetant en majorité l'hypothèse d'un rapatriement, peut être considérée comme une violation de ce traité. En effet, les conditions de vie dans les camps de réfugiés de la zone irako-syrienne sont « déplorables » (Winkel, 2018, p.4), « indignes » (Baudouin, 2019, p.6) et les besoins sont multidimensionnels : santé, éducation, hygiène, alimentation. Les Nations Unies ont par exemple dénombré pas moins de 11 000 enfants âgés de 6 à 18 ans n'ayant pas rejoint les bancs scolaires depuis au moins 5 ans (OCHA, 2019, p.4). Sans compter ceux qui n'ont même pas encore la conscience de comprendre la situation dans laquelle ils se trouvent. N'étant pas scolarisés, vivant dans des conditions plus que déplorables, et constituant potentiellement des menaces aux yeux des États, ces enfants sont au cœur d'un véritable dilemme qui mêle des enjeux sécuritaires, humanitaires, politiques, légaux et moraux. Chaque État adopte une stratégie qui lui est propre, car compte-tenu de la complexité des positions en jeu, il devient impossible d'établir une réponse commune. Certains décident donc d'être entreprenants, tandis que d'autres préfèrent détourner le regard, ce qui soutient l'idée d'une « compassion à géométrie variable » (Belporo, 2020). La position des États se heurte à celle du Conseil des droits de l'homme, sur laquelle viennent se greffer les alertes des ONG qui n'hésitent pas à désigner le camp d'Al-Hol « Guantánamo bis ». Ainsi, l'intérêt supérieur de l'État est confronté à l'intérêt supérieur de l'enfant. La situation résulte donc d'une rupture complète avec le droit international, laquelle s'étant formée depuis le début des années 2000 dans le cadre de la guerre contre le terrorisme.Les réponses des pouvoirs publics aux questions du terrorisme doivent s'appréhender au regard de la lumière visiblement médiatique, au sein de laquelle à la fois les terroristes et finalement les politiques tirent leur épingle du jeu. Le traitement médiatique de chaque attaque, accentué par la diffusion instantanée sur différents canaux d'informations, s'impose comme un oxygène pour les premiers tandis qu'il se place comme l'initiateur d'un enjeu ayant intérêt à être intégré à l'agenda politique pour les seconds. L'opinion publique s'engouffre dans ce qu'il est possible de qualifier de « guerre des valeurs », où le phénomène de co-radicalisation, compris comme une montée exacerbée de l'altérité et d'une poussée terroriste identitaire, côtoie des manquements étatiques. Les enfants européens de combattants étrangers laissés pour compte sont des victimes malheureuses et collatérales de tels agissements. La littérature s'accordant sur « l'impassibilité du public devant les évènements à distance » (Sreberny, 2006, p.230), distance qui en l'occurrence ici est autant spatio-géographique que socio-culturelle, il devient plus aisé de comprendre ce manque d'intérêt et de sensibilité à l'égard des mineurs détenus dans les camps de réfugiés. A cela s'ajoute le fait qu'ils sont assimilés à la terreur de Daesh car en effet « c'est la vérité que ces enfants nous rappellent » (Giraud, 2020, p.229). Ainsi, face aux actes terroristes et particulièrement depuis les attentats du onze septembre, pléthore de réactions dans les médias s'imbibent de démonstration émotionnelle manifeste (Sreberny, 2006, p.232). Ce rejet est caractéristique de l'insensibilité qui se développe face à la question du rapatriement, y compris envers les enfants.Si l'on peut tenir les parents pour responsables de leurs progénitures, la réciproque est fausse. En effet, selon le réseau européen de sensibilisation à la radicalisation, le RAN (Radicalisation Awareness Network), ces enfants sont avant tout des « victimes » (RAN, 2017, p.50). De plus, ils auront de grandes difficultés à devenir citoyen d'un Etat et se sentir appartenir à la communauté de ce dernier en ayant été socialisés dans l'horreur. D'une part, comme le montre l'expertise de l'anthropologue Dounia Bouzar (2019), l'objectif du groupe jihadiste est de transmettre aux enfants « une idéologie totalitaire » (Bouzar, 2019, p.82) dès leur plus jeune âge, et surtout de les amener à appréhender le monde à travers une vision guerrière et haineuse. D'autre part, dans les camps de réfugiés de la zone irako-syrienne, dont notamment celui d'al-Hol où se trouve la majorité des ressortissants mineurs européens, les conditions de vie sont « apocalyptiques », digne d'un « enfer désertique » (Baudouin, 2019, p.6). La socialisation de ces mineurs ne répond donc à aucun standard européen et une fois de retour dans leur pays d'origine, leur réinsertion sera un défi complexe (Heinke, Raudszus, in Coolsaet & Renard, 2018, p.54). Les experts onusiens exhortent donc sans plus tarder les États ayant des ressortissants mineurs dans les camps de réfugiés irako-syrien à prendre toutes les mesures nécessaires pour respecter « l'intérêt supérieur de l'enfant »2. Les mécanismes qui bloquent le rapatriement de ces mineurs dans les pays européens semblent résulter d'un triptyque sécuritaire, confortée par une incertitude des services de sécurité quant à la menace qu'ils peuvent représenter mais également émotionnel, avec un désintérêt de la population à leur égard, et enfin politique, car les gouvernements en place peuvent être réticents face à la prise en charge de ces enfants pour ne pas avoir à assumer un coût d'audience nationale qui leur serait probablement défavorable « face à une problématique peu porteuse électoralement » (Winkel, 2018, p.18). Par exemple, la France avait mis sur pied un plan global de rapatriement mais face à une opinion publique française très défavorable à cette idée, le plan a été abandonné (Mazoue, 2019). C'est d'ailleurs pourquoi les plaidoyers de retour sont plutôt l'œuvre d'organisations non-gouvernementales ou de collectifs de familles ayant des proches sur place.Les tensions entre les intérêts sécuritaires et ceux éthiques se retrouvent également dans la question du retour des mères radicalisées, ayant pris la décision de rejoindre le proto-Etat de Daesh. En effet, les Etats « s'opposent au rapatriement des femmes considérées comme dangereuses et répugnent à rapatrier des enfants sans leur mère3 ». Elles constituent un facteur de radicalisation pour leurs enfants et leur retour est fortement décrié, ce qui explique que le rapatriement des orphelins soit plus aisément réalisable et légitime vis-à-vis de la population. En outre, depuis la tentative d'attentat de 2016, les femmes terroristes sont systématiquement judiciarisées et les mères d'enfants radicalisés déplorent le manque d'empathie de la population à l'égard de leur problématique (Bannani, 2019). Le cadrage dont elles font l'objet est effectivement en rupture totale avec celui de la figure de la femme terroriste que l'on retrouve dès la fin du XVIIIe siècle avec Charlotte Corday où la « femme « terroriste » est une beauté héroïque, emportée par son émotion, influencée par ses sentiments, exaltée plus que dotée d'une réelle conviction politique » (Salomé, 2010, p.10). Bien au contraire, la femme radicalisée et djihadiste est perçue comme une menace, et indéniablement coupable d'avoir mis sa capacité de conception au service de l'ennemi en lui permettant d'alimenter le vivier de ses jeunes recrues.L'Europe semble confrontée à un défi. Une personne qui porte atteinte à son État origine via un acte terroriste ou bien un citoyen qui part rejoindre les rangs d'une organisation terroriste étrangère implique en effet une réponse qui s'accorde avec les lois en vigueur sur le territoire d'origine ou de départ. Or, les États européens tiennent une posture moins respectueuse de ces normes qu'intrinsèquement hypocrites : leur double jeu consiste en effet d'une part à promouvoir des traités favorisant le respect des droits humains ou à condamner des gouvernements ne respectant pas ces derniers, mais de l'autre, ne pas afficher une position ferme à l'égard de leurs ressortissants se trouvant dans les couloirs de la mort en Irak dans l'atteinte de leur peine ou encore d'être intraitables aux frontières de la Biélorussie. Cela ouvre la porte à certains questionnements, dont notamment celui de l'adéquation des moyens utilisés dans la lutte contre le terrorisme en Europe face aux valeurs établissant le fondement de l'État de droit.
Cette thèse comporte trois essais traitant des problématiques relatives aux effets des accords commerciaux régionaux et des effets frontières sur les flux commerciaux et le bien-être des populations des pays membres et non membres. Elle adapte et développe des méthodes écnométriques de dernières générations pour analyser empiriquement des hypothèses relatives à la distribution hétérogènedes gains de création de commerce et les effets frontières. Le premier chapitre analyse l'asymétrie des effets de création de commerce en considérant tant à l'intérieur d'accord spécifique qu'entre les types des accords d'une part et d'autre part en décomposant les facteurs explicatifs contribuant à l'hétérogénéité. Le deuxième chapitre s'intéresse à l'analyse en équilibre général de la pertinence de la dynamique d'intégration profonde dans une perspective hypothétique en étudiant le cas de la Zone de libre-échange continentale africaine. Le troisième chapitre porte sur l'hétérogénéité des effets frontières en regardant les effets selon les types d'accords commerciaux regionaux. Dans le chapitre 1, nous partons du constat que le niveau d'intégration et la taille des ACRs peuvent ne pas convenir à tous les membres de la même manière et on pourrait s'attendre à ce que les avantages de l'intégration soient répartis de manière asymétrique entre les pays membres. Les petits pays profitent généralement davantage de la libéralisation des échanges parce qu'ils bénéficient d'une amélioration plus importante des termes de l'échange et de la réduction des coûts du commerce parce que leurs consommateurs consacrent une part plus importante de leurs revenus aux biens importés. Les ACRs éliminent l'incertitude concernant l'accès aux marchés en rendant plus difficile pour les grands pays d'adopter un comportement opportuniste. Outre la taille des pays, les avantages des ACRs sont susceptibles de varier d'un pays à l'autre en raison des politiques commerciales initiales, des institutions, des infrastructures et des déterminants géographiques. Étant donné qu'une intégration plus profonde entraîne des pertes plus importantes en termes de flexibilité politique, on pourrait s'attendre à ce que la sélection des membres soit plus stricte pour les ACRs plus profonds et à ce que les gains commerciaux soient distribués de manière plus symétrique entre les membres de ces ACRs. Nous nous s'inspirons de l'approche écnométrique à deux étapes de Baier et al. (2019). Nos résultats montrent qu'il existe une grande hétérogénéité dans la distribution des gains commerciaux au sein des ACRs, certains pays subissant même des pertes, ce qui met en évidence la nature de second choix des ACRs. Plus précisément, nous obtenons que les effets directionnels par paire d'une ZLE sont plus hétérogènes que les effets directionnels par paire de l'UD qui, à leur tour, sont moins hétérogènes que ceux pour les MCs et les UMs. Cela signifie que les pays membres d'ACRs plus profonds ont tendance à bénéficier d'un effet de création de commerce similaire. Notre conclusion est conforme à nos attentes théoriques. Par ailleurs, nous constatons que de nombreux facteurs contribuent positivement ou négativement à l'hétérogénéïté dans la création de commerce entre une paire de pays appartenant à un type d'ACR avec des différences en termes d'ampleur. Dans le deuxième chapitre, nous utilisons un modèle de gravité structurel en équilibre général pour générer dans une perspective hypothétique quatre scénarios pour la mise en œuvre de la ZLECAf. Le premier scénario concerne les effets de la ZLECAf en tant qu'une ZLE. Dans le deuxième scénario, nous supposons que la ZLECAf devient une UD avec un tarif extérieur commun. Le troisième scénario concerne le statut de MC et la quatrième expérience concerne le statut UM de la ZLECAf en lien avec le premier objectif général de l'article 3 des textes de la ZLECAf. Dans les quatre scénarios, nous sommes en mesure de stimuler l'incidence des quatre types d'ACRs sur les pays membres et leurs principaux partenaires commerciaux sur les flux commerciaux, les indices de résistance multilatérale, les prix à l'usine et le bien-être des populations. Nos résultats indiquent que les pays gagnent différemment selon le niveau d'intégration. Certains pays atteignent leur niveau optimal d'intégration dans l'UD. D'autres pays maximisent leurs gains commerciaux lorsque la ZLECAf est un MC. Nos résultats montrent également une situation non monotone pour un groupe de pays, notamment la majorité des pays d'Afrique de l'Ouest. Nous avons utilisé des produits manufacturés et considéré que la production est à élasticité nulle. Des recherches plus approfondies pourraient mener des analyses avec plusieurs secteurs en considérant une endogénéité de la production. Dans le chapitre 3, nous faisons une extension de l'approche économétique de Larch et al (2019)pour investiguer empiriquement sur les incitations des gouvernements à procéder à des ajustements des tarifs extérieurs après la conclusion de différents types d'accords commerciaux. L'économie du régionalisme fournit des explications sur les baisses et les hausses des tarifs extérieurs induites par la participation à un accord commercial. Les UD et les formes d'intégration plus poussées amènent les membres à fixer des tarifs extérieurs communs. C'est certainement vrai pour les membres de l'Union européenne, mais des écarts par rapport à cette règle sont observés dans d'autres cas. En faisant abstraction de la possibilité de déviations, la coordination a des implications importantes qui distinguent clairement les UD, les MC et les UM des ZLE. Les membres des ZLE peuvent fixer des tarifs extérieurs différents en raison des règles d'origine. Une application faible et/ou un contenu national faible encourageraient les membres de la ZLE à fixer des tarifs extérieurs assez similaires. Dans le cas contraire, les pays dont les tarifs extérieurs sont les plus élevés perdraient des recettes tarifaires sur le commerce extérieur au profit des membres de la ZLE dont les tarifs extérieurs sont les plus bas, lorsque les coûts de transport entre les membres de la ZLE sont faibles. Ainsi, la manière dont l'épaisseur de la frontière s'ajuste après la mise en œuvre de différents types d'ACR est une question empirique. Nos résultats montrent qu'en moyenne, les importateurs d'une ZLE imposent 19,52% de barrières supplémentaires aux non-membres, tandis que ceux d'une UD imposent 56,54% de barrières supplémentaires. Ce résultat semble refléter une certaine réalité puisque les membres de l'UD ont tendance à imposer davantage de barrières (tarifs extérieurs et mesures non tarifaires) aux non-membres. Les importateurs d'un MC ont tendance à faciliter environ 27,63% de barrières en moins pour les pays non-membres. Ce résultat pourrait s'expliquer par l'effet de taille dû à la présence des 26 pays membres de l'UE. Lorsque le nombre de membres augmente, le tarif commun a tendance à diminuer. Les pays importateurs membres de l'UM ont tendance à imposer 26,41% de barrières en plus aux pays non-membres. ; This thesis consists of three essays dealing with issues related to the effects of regional trade agreements and border effects on trade flows and welfare in member and non-member countries. It adapts and develops econometric methods to empirically analyse hypotheses on the heterogeneous distribution of trade creation gains, welfare and border effects. The first chapter analyses the asymmetry of trade creation effects by considering both within-agreement and between-agreement types on the one hand and by decomposing the explanatory factors contributing to the heterogeneity on the other. The second chapter focuses on the general equilibrium analysis of the relevance of deep integration dynamics in a hypothetical perspective by studying the case of the African Continental Free Trade Area. The third chapter focuses on the heterogeneity of border effects by looking at the effects of different types of regional trade agreements. In Chapter 1, we start from the observation that the level of integration and the size of RTAs may not suit all members equally and one would expect the benefits of integration to be distributed asymmetrically across member countries. Smaller countries generally benefit more from trade liberalisation because they enjoy a greater improvement in the terms of trade and lower trade costs because their consumers spend a greater share of their income on imported goods. RTAs remove uncertainty about market access by making it more difficult for large countries to engage in opportunistic behaviour. In addition to country size, the benefits of RTAs are likely to vary from country to country due to initial trade policies, institutions, infrastructure and geographical determinants. Given that deeper integration entails greater losses in policy flexibility, one would expect membership selection to be stricter for deeper RTAs and trade gains to be distributed more symmetrically among the members of these RTAs. We draw on the two-stage econometric approach of Baier et al. (2019). Our results show that there is considerable heterogeneity in the distribution of trade gains within RTAs, with some countries even experiencing losses, highlighting the second-best nature of RTAs. Specifically, we find that the pairwise directional effects of an FTA are more heterogeneous than the pairwise directional effects of CUs, which in turn are less heterogeneous than those for MCs and MUs. This means that countries in deeper RTAs tend to experience more similar trade creation effects. Our conclusion is consistent with our theoretical expectations. Furthermore, we find that many factors explains heterogeneity in trade creation between pairs of countries belonging to a given RTA. In the second chapter, we use a general equilibrium structural gravity model to generate four scenarios for the implementation of the AfCFTA from a hypothetical perspective. The first scenario concerns the effects of the AfCFTA as an FTA. In the second scenario, we assume that the AfCFTA becomes a CU with a common external tariff. The third scenario concerns the CM status and the fourth experiment is about of MU status of AfCFTA in relation to the first general objective of Article 3 of the AfCFTA texts. In all four scenarios, we are able to stimulate the impact of the four types of RTAs on member countries and their main trading partners on trade flows, multilateral resistance indices, factory prices and welfare. Our findings indicate that countries gain differently depending on the level of integration. Some countries reach their optimal level of integration in CU. Other countries maximise their trade gains when AfCFTA is a CM. Our results also show a non-monotonic situation for a group of countries, notably the majority of West African countries. We have used manufactured goods and considered that production has zero elasticity. Further research could carry out analyses with several sectors considering endogeneity of output. In Chapter 3, we extend the econometric approach of Larch et al. (2019) to investigate empirically the incentives of governments to make adjustments in external tariffs after different types of trade agreements. The economics of regionalism provides explanations for the decreases and increases in external tariffs induced by participation in a trade agreement. DUs and deeper forms of integration lead members to set common external tariffs. This is certainly true for EU members, but deviations from this rule are observed in other cases. Leaving aside the possibility of deviations, coordination has important implications that clearly distinguish CUs, CMs and MUs from FTAs. FTA members may set different external tariffs due to rules of origin. Weak enforcement and/or low domestic content would encourage FTA members to set fairly similar external tariffs. Otherwise, countries with higher external tariffs would lose tariff revenues on external trade to FTA members with lower external tariffs, when transport costs between FTA members are low. Thus, how the thickness of the border adjusts after the implementation of different types of RTAs is an empirical question. Our results show that, on average, importers in an FTA impose 19.52% additional barriers on non-members, while those in a DU impose 56.54% additional barriers. This result seems to reflect a certain reality since DU members tend to impose more barriers (external tariffs and non-tariff measures) on non-members. Importers from a MC tend to facilitate about 27.63% worth of barriers for non-members. This result could be explained by the size effect due to the presence of the 26 EU member countries. As the number of members increases, the common tariff tends to decrease. Importing countries that are members of the CU tend to impose 26.41%more barriers on non-members.
Diplôme attribuée avec la mention très honorable avec félicitations ; RÉSUMÉDans la délimitation de notre corpus, constitué exclusivement de romans relatifs aux fazendas de café esclavagistes, nous avons été amenée à utiliser certaines notions redevables à la sociologie. Tout d'abord, celle où Maria Sylvia de Carvalho Franco élucide l'ordre esclavagiste comme celui qui, en donnant sa forme à la société brésilienne à un moment donné, exclut par sa propre nature « les hommes libres et pauvres » d'un univers polarisé entre maîtres et esclaves. Cet ordre est celui qui sous-tend toute l'organisation de la période impériale et qui permet à la jeune nation de rebondir, grâce au café, dans les années difficiles qui s'ensuivent à son indépendance en 1822. Dans cette « civilisation du café », d'immenses fazendas, partant des alentours de Rio de Janeiro, couvrent d'abord la vallée du Paraïba, remontant le cour du fleuve en direction notamment de São Paulo. C'est toujours la forme fictionnelle du roman qui semble la mieux adaptée à la fazenda de café littéraire, avec son organisation d'où sont exclus les hommes libres et pauvres, pour lesquels elle n'a pas de place.Leurs propriétaires, des fazendeiros associés à des financiers et à d'autres agents citadins, accroissent leur pouvoir et leur richesse, notamment à partir de 1850, où l'interdiction du trafic négrier libère d'immenses capitaux réinvestis désormais dans la modernisation des villes comme des fazendas. C'est aussi en cette année que s'inaugure une ligne régulière de vapeurs entre Liverpool et Rio de Janeiro mettant en consonance le temps brésilien, impérial et esclavagiste avec le temps industriel et urbanisé de l'Europe. Cette date, souvent évoquée par l'historiographie, a aussi impressionné trois écrivains brésiliens du XIX° siècle qui, tous, choisissent cette décennie comme le noyau central de leurs romans écrits entre 1871 et 1914. La fazenda de café esclavagiste vers le milieu du XIX° siècle au Brésil est un univers en plein épanouissement, où règne en maître absolu sur tout ce qui vit à l'intérieur de ses domaines le fazendeiro. Ce grand propriétaire, en s'enrichissant, abandonnera un mode de vie jusque là austère et isolé ; il voudra s'anoblir et achètera au pouvoir impérial des titres de noblesse qui feront de lui une figure ambiguë, respectée et raillée à la fois, celle des « Barons du café » de la période impériale brésilienne. Souvent évoqués par la littérature dans leurs riches villas citadines, ces nouveaux aristocrates créés par D. Pedro II attirent moins l'attention à l'époque de la construction de leurs personnages et de leur fortune dans les mondes réduits que sont leurs fazendas, polarisées entre la Casa Grande où résident les maîtres et la Senzala réservée aux esclaves. Dans cet univers, les rapports intensément vécus entre les uns et les autres, constitutifs de la vie nationale, composent le noyau d'échanges quotidiens qui envahissent un cadre rural et seigneurial. Trois romans se sont penchés sur ce mode de vie, installant son action dans une riche maison de maître au centre d'une immense propriété où les relations entre dominants et dominés vont évoluer d'une trompeuse harmonie jusqu'à l'éclatement d'une violence tardive mais d'autant plus meurtrière.De ces romans qui constituent le corpus principal de notre thèse, le premier est O tronco do ipê, écrit par José de Alencar en 1871, où apparaît pour la première fois la désignation du siège de la propriété comme Casa Grande, par la suite adoptée par la sociologie et par le langage courant au XX° siècle. Ce terme, plus connu pour son application à la réalité du Nord-est des moulins à sucre, apparaît ainsi comme originaire de la littérature relative à cette vallée caféière, qui a été au centre des discussions économiques et politiques du Brésil impérial et dont la fiction romanesque montre l'ascension fulgurante, suivie de sa disparition encore plus rapide et étonnante, de la mémoire nationale. Le deuxième roman est A escrava Isaura, de 1875, où Bernardo Guimarães a créé l'icône la plus célèbre de la lutte pour l'abolition de l'esclavage au Brésil, dans une œuvre au succès populaire jamais démenti et proportionnel au mépris où il est tenu dans les milieux académiques. Son insertion dans ce corpus permet, en le plaçant à côté des autres deux romans qui traitent du même thème, de mettre en lumière la profonde implication de cette intrigue feuilletonesque et séduisante dans la problématique de son temps et l'habile déconstruction qu'elle fait des clichés usuels dans ce genre de récit. Les deux premiers romans du corpus sont écrits à un moment où le romantisme n'avait pas quitté le centre de la scène littéraire brésilienne, mais où il recevait de plein fouet les attaques d'un régionalisme réaliste, plus représentatif des aspirations qui prenaient corps dans une société qui ne se contentait plus de l'unité impériale et esclavagiste du pays. Finalement, le troisième roman qui se penche sur les fazendas de la vallée est un ouvrage apparemment anachronique, puisque, écrit en 1914, empreint de toutes les tendances qui se croisent dans ce contexte du « Pré-modernisme » brésilien, il met en discussion les problèmes de l'esclavage aboli depuis 1888 et qui n'intéresse plus personne. Les esclaves alors libérés et jetés sur les routes pour mourir de faim, font désormais partie des hommes libres et pauvres toujours exclus de l'organisation sociale du pays. Pour en parler, Coelho Neto crée dans Rei Negro un héros entre romantique et parnassien, une figure olympique et pleinement noire, toutes des caractéristiques associées pour la première fois dans un roman brésilien, ce qui permet de douter de l'anachronisme attribué à cette œuvre. Ce roman vient combler un vide que la fiction romantique brésilienne n'avait pas osé ou pas pu remplir, au moins tant qu'elle était contemporaine de l'esclavage : le droit au centre de la scène pour un protagoniste esclave, le droit à la beauté associée à une peau noire comme l'ébène, le droit à la révolte conduite et assumée par le nègre, sans qu'aucun protagoniste blanc ne vienne lui voler sa fonction de héros romantique, teinté ici du naturalisme, du symbolisme et du régionalisme partout présents dans l'expression littéraire du pays à ce moment-là.Ces romans réunis autour du thème de la fazenda recréent dans leur diversité un même aspect de l'évolution sociale et culturelle du Brésil, la vie et les valeurs qui se développent à l'écart de la ville jusqu'à cette moitié du XIX° siècle qui constitue le moment choisi par les trois auteurs. C'est alors que l'ordre traditionnel se voit contesté par des valeurs nouvelles qui prennent de l'ampleur dans une population qui commence à peser du côté urbain, à échanger des idées avec une Europe en pleine mutation, tout en essayant de consolider son indépendance politique et de réduire sa dépendance économique héritée de l'époque coloniale. Ces facteurs rassemblés et reflétés dans l'espace symbolique d'une vallée autrefois sauvage, rapidement conquise par une culture qui l'occupe, l'enrichit et la détruit en un cycle extraordinairement court, fournissent des caractéristiques communes à nos trois romans. D'autre part, le création littéraire qui en résulte, tout en présentant une grande complexité dès les premier roman du corpus, éprouve le besoin d'expliciter de plus en plus clairement la place centrale de l'esclavage dans la problématique sociale brésilienne.Tout comme la période, le cadre où se situent ces romans fournit des traits déterminants pour leur construction et pour la figuration de la réalité dont ils se chargent. Le fleuve Paraïba, puissant et mythique jusqu'à l'arrivée du café et à la profonde altération de l'environnement alors survenue, est peu à peu ensablé par un sol épuisé et par l'abattage des forêts et se voit petit à petit amoindri, n'étant plus capable des inondations légendaires recréées par Alencar dans un roman précédant, le Guarani. Dans ce roman que l'auteur lui-même situait dans une période coloniale mythifiée, où le langage et les coutumes de l'envahisseur se modifiaient sous l'influx de la nature américaine, le Paraïba était le facteur déterminant du dénouement, puisque c'est lui qui provoque la catastrophique inondation créatrice de la nouvelle humanité qui va occuper l'espace géographique national à partir de cette vallée née en même temps que le pays indépendant. Le fleuve demeure l'espace des mythes dans O tronco do ipê, mais comme un miroir du passé, des légendes et de l'image de la mort qui se cache désormais dans tous les éléments du récit et du paysage. Dans A escrava Isaura, il occupe le fond du décor, les marges de la fazenda, il fait partie de la nature brute domptée et écartée par l'homme du centre du tableau et de l'action. Son cours est évoqué pour tracer les limites d'un immense verger qui allait se perdre dans ses marges escarpées et imposantes, « nas barrancas do grande rio ». Encore majestueux dans ce deuxième roman, bien qu'éloigné par le regard d'un narrateur qui ne s'intéresse qu'aux interactions humaines reflétées dans les discours des personnages, le Paraïba disparaît du décor dans Rei Negro. Dans le dernier roman du corpus, écrit à la veille de la Première guerre mondiale, le paysage n'est plus que symbolique et vaporeux, les terres sont couvertes par des cultures elles-mêmes vues de très loin, tandis que l'eau est devenue un élément sombre et sinistre, apportant la mort et la reflétant. Ce paysage complètement occupé par l'homme n'est évoqué que dans des visions polarisées entre des regards de maîtres et des regards d'esclaves, symbolisant un droit d'appropriation ou la transgression de ce même droit. Dans un conte (« Banzo ») contemporain de son roman, Coelho Neto compare le fleuve desséché et abandonné par le café à l'esclave jeté sur les routes après l'abolition, tous deux vivant de l'aumône d'une pluie ou d'un reste de nourriture. Quant aux terres, elles se transforment tout aussi vite, la forêt sauvage disparaît en quelques années faisant place à l'or vert des caféiers gourmands de terres vierges et d'esclaves en nombre croissant, tous deux engloutis dans la construction de la richesse des fazendeiros. Dans leurs maisons devenues de vrais châteaux, ces propriétaires raffinés ne se contentent plus de l'espace de la fazenda, peut-être trop marqué à la fois par le souvenir lointain d'un travail trop pénible et par la violence nécessaire à son acquisition, toujours présente dans les romans. La propriété de la terre apparaît partout comme originaire de la trahison et de l'usurpation, et le souvenir de ces crimes hante tous les paysages. Abandonnées par leurs propriétaires qui s'en vont vers la capitale ou vers d'autres destinations, maison et plantations tombent en ruine dans la vallée géographique, devenant un thème obsédant pour la fiction. Symptomatiquement, la représentation de la vallée et de ses fazendas dans le dernier roman du corpus est emboîtée dans une sorte d'ellipse qui, associée à l'historiographie, rend évidente la rapidité et la paradoxale fragilité de ce processus. Pour nos trois auteurs, postérieurs à Balzac, leur écriture est une histoire du cœur humain ou histoire sociale, où le terme « histoire » n'indique pas un examen scientifique d'événements passés, mais une invention relativement libre ; ce qu'ils font c'est de la fiction et non de l'history, pour utiliser les termes anglais, particulièrement précis, comme l'a si bien remarqué Auerbach. Ce n'est pas du passé que traite leur écriture, mais d'une époque qui leur est contemporaine et dont la connaissance est indispensable à la compréhension de leurs œuvres, comme l'accentue ce même critique dans son analyse de la représentation de la réalité dans la littérature occidentale.La rapidité des transformations intervenues au Brésil vers la moitié du XIX° siècle a, de toute évidence, retenu l'attention de nos trois romanciers. C'est le passage ravageur du temps le vrai conducteur de leurs intrigues. La représentation qu'ils en donnent reflète le moment fugace de fluctuation entre le monde ancien, rural, fermé, isolé et l'ouverture aux valeurs nouvelles qui aspireront vers la ville, vers l'Europe, vers le monde citadin les propriétaires terriens ainsi que leur richesse. La vallée, désertée par des maîtres qui n'y ont pas créé des racines, ainsi que par le café qui l'a épuisée, s'appauvrit, se dessèche pour être abandonnée au profit d'une avancée vers les terres rouges de l'Ouest pauliste, qui attirent désormais de nouveaux maîtres et de nouveaux travailleurs, les colons européens immigrés, qui viennent remplacer le Noir africain. Accrochée à son économie basée sur la force esclave, qu'elle veut à tout prix conserver, et absorbée par le besoin de rénovation constante de ces « machines humaines » remplaçables à peu de frais jusqu'en 1850, la richesse de la vallée se crée et se détruit en moins d'un siècle, dans un temps qui se précipite vers une modernité qu'elle ne voit pas ou ne veut pas voir venir. La répercussion de tous ces changements offre à nos trois romans un cadre circonscrit où dramatiser et condenser ces événements que nos auteurs ressentent comme décisifs pour les destins de leur société. Situés ainsi entre un ordre conservateur et une aspiration à la modernité que chacun d'eux voit reflétée sous un aspect différent dans la vie de la fazenda, nos trois romanciers ont recours à quelques constantes dans la construction de leurs récits. Les constellations des personnages et le jeu de leurs désirs autour de la propriété de la terre, condition incontournable pour devenir un personnage respectable depuis les premiers temps de la colonie ; l'éducation de l'héritier qui doit se cultiver en Europe mais revenir à un ordre le plus rétrograde qui soit ; les personnages féminins de la sinhá libre et de la mucama esclave qui interagissent à l'intérieur de la Casa Grande sont quelques-uns des thèmes de tout le corpus. Les représentations des esclaves, idéalisés mais point simplifiés chez Alencar, apportent à notre premier roman les voix du mythe, des légendes et de la mémoire du passé. Bernardo Guimarães élabore un personnage d'esclave blanche, tout à fait représentative des changements subis par la société brésilienne vers la moitié du XIX° siècle, chargée de commenter et retourner les raisonnements de ses maîtres dont l'hypocrisie, aujourd'hui patente, était parfaitement en conformité avec la doxa pratiquée par ses contemporains et lecteurs moins avertis. Finalement, l'esclave de Coelho Neto, enfin pleinement noir, est l'instrument de la vengeance épique contre toute une période où sa représentation le condamnait à la farce ou à l'ombre des fonds du tableau romanesque, comme le prouvent d'ailleurs les précédents romans : l'esclave noir de José de Alencar, pour devenir personnage littéraire, doit occuper des espaces mythifiés et légendaires, et l'esclave de Bernardo Guimarães, pour venir débattre dans les salons, est d'abord dépouillée de sa couleur. D'autre part, pour parler des valeurs qui importent à leurs lecteurs sans trop les secouer, les narrateurs de ces romans sont tous très prudents, ironiques, presque sournois dans leurs commentaires et suggestions. Les discours les plus incisifs seront généralement laissés pour le compte de personnages plats, capables d'attirer dans leur interaction la sympathie ou l'aversion de ces lecteurs à la fois éclairés et dépendants des esclaves pour le moindre de leurs gestes, voire pour leur apporter le roman abolitionniste qu'ils s'apprêtent à lire.Les espaces de vie à la fazenda se trouvent représentés dans nos trois romans de différentes manières. La Casa Grande est le lieu du discours civilisé, des échos du monde référentiel et historique contemporain, des arts à la mode et des idées éclairées ou conformistes qui divisent les opinions. Elle est aussi un espace de lecture, activité par ailleurs confiée aux esclaves ; ils sont aussi les seuls personnages chargés de l'acte de raconter. Ainsi, dès le premier roman, c'est dans la cabane de l'esclave que revit tradition orale, c'est là que les légendes sont ressuscitées et la mémoire du passé pieusement conservée. Dans le deuxième, la parole qui raconte retourne au salon en musique, mais portée par une figure d'esclave surdouée qui envahit et occupe entièrement cet espace de sociabilité. Elle ne cède jamais le centre de la scène à ses maîtres ou maîtresses, dont le discours elle réfute point par point, sans jamais se départir de son humilité ; en toute modestie, c'est elle qui occupe le piano pour chanter sa propre épopée (la muse qui l'inspire d'après la narration est la muse épique Calliope) et émouvoir le public le plus traditionnel du pays. Dans le troisième roman, le roi nègre a son propre oracle noir pour recréer un passé de gloire qui lui rendra insupportable l'humiliation de l'esclavage, mais ici les discours les plus significatifs des personnages n'ont plus pour cadre la maison seigneuriale, dont l'espace rétréci et ne peut plus rendre compte de la progression de l'action. À l'opposé de la casa grande, dans la polarisation inhérente à cette organisation, les romans de la fazenda donnent tout d'abord l'impression d'avoir laissé un vide inexplicable, car la senzala, le lieu d'habitation des esclaves n'y apparaît pratiquement jamais et ce qui fait vivre, ce qui permet à la fazenda historique d'exister, soit le travail de la terre, encore moins. Et pourtant, tout est là. Par des allusions, par des histoires racontées dans des digressions opportunes, par des rebondissement provoquées ailleurs qu'au premier plan de l'intrigue. Tout ce que le récit ne dit pas clairement agit sur lui ; tout ce que les intrigues laissent dans l'ombre les éclaire d'une lumière commune, et toutes ces fazendas se constituent ainsi en un univers fictionnel cohérent et problématisé par la structure romanesque. Ces romans mis ensemble offrent des possibilités de lecture inédites, mais il faut aussi les lire « à l'envers », comme le fait remarquer Heloisa Toller Gomes à propos du Tronco do ipê. En portant notre regard au-delà des protagonistes blancs et en concentrant notre attention sur la communauté environnante, et surtout en observant comment les uns et les autres interagissent, nous découvrons la diversité des moyens mis en œuvres par ces textes pour nous fournir un panneau très vivant et illustratif du Brésil esclavagiste au XIX° siècle. Par ailleurs, le brouillage de l'espace des esclaves, avec l'effacement de la senzala qui avait d'abord attiré notre attention, semble susciter encore des discussions, car si la senzala existe jusqu'à la fin de l'esclavage, les cabanes des esclaves avec leur petites plantations vivrières ou d'agrément font tout aussi partie d'un paysage référentiel absorbé et utilisé comme matériau littéraire.C'est dans ce cadre que la lutte entre passéisme et modernité peut se nouer dans des intrigues parfois presque pédagogiques grâce à la concentration permise par la délimitation restreinte du cadre, au nombre relativement réduit des personnages, et au dialogue forcé et constant entre ces deux classes de personnages, les maîtres et les esclaves. Il devient clair que les auteurs de notre corpus ont voulu construire une fiction complexe, capable de toucher un public ambivalent, peu nombreux mais liseur avide, éclairé et esclavagiste à la fois, conservateur mais curieux des nouveautés qui lui arrivent en nombre croissant depuis l'Europe, un public qui commence à changer ses habitudes d'habillement, de sociabilité - et de lecture. ; RESUMONa constituição deste corpus, foram usadas noções fundamentais para a compreensão dos romances das primeiras fazendas de café brasileiras, como aquelas em que Maria Sylvia de Carvalho Franco elucida a « ordem escravagista » como sendo a que, ao dar forma à sociedade exclui os "homens livres e pobres" de um universo polarizado entre mestres e escravos. A ordem evocada nessa obra é aquela que subtende toda a organização imperial e que possibilita à jovem nação, graças ao café, reconstruir-se nos anos difíceis que se seguem à sua independência em 1822. Esse estudo refere-se à velha "civilização do café" e às imensas fazendas que cobrem inicialmente o vale do Paraíba, a meio-caminho entre o Rio de Janeiro e São Paulo, onde fazendeiros associados a comissários e agentes financeiros citadinos formam uma sociedade cada vez mais poderosa, cujas características de ruralidade vão rapidamente ceder espaço à urbanização do país. As mudanças sofridas por essa sociedade se aceleram precisamente em torno do ano de 1850, momento que, freqüentemente evocado pela historiografia, impressionou também três escritores brasileiros do século XIX, que escolhem essa década como o nódulo central de seus romances escritos entre 1871 e 1914. Nos três casos, a forma ficcional do romance parece ser a que mais se adapta à fazenda de café literária, com a sua organização que exclui os homens livres e pobres, para os quais tanto a fazenda como sua representação romanesca parecem não ter lugar.A fazenda de café escravagista, na metade do século XIX é um universo em plena expansão, no qual reina e governa o fazendeiro com poderes absolutos sobre tudo o que vive em suas terras. Este grande proprietário, ao enriquecer, deseja também tornar-se nobre e compra seus títulos do poder imperial, tornando-se assim essa figura ambígua, ao mesmo tempo respeitada e ironizada, do Barão do café do período imperial brasileiro. Freqüentemente evocado pela literatura nas suas mansões citadinas, esses novos aristocratas criados por D. Pedro II, não chamam tanto a atenção na época da construção de seus personagens e de sua fortuna nesses mundos reduzidos que são as fazendas polarizadas entre Casa Grande e Senzala. Nesse universo, as relações intensamente vividas entre mestres e escravos, constitutivos da vida nacional, compõem o nódulo de trocas quotidianas que invadem um quadro rural e senhorial. Três romances se interessaram por esse modo de vida que, na época de sua escritura, dizia respeito à maior parte da população brasileira (no que se refere ao aspecto de ruralidade), instalando sua ação numa rica casa de senhor de escravos no meio de uma imensa propriedade na qual as relações entre dominantes e dominados vão evoluir de uma enganosa harmonia à explosão de uma violência tardia mais tanto mais mortífera.Desses romances que constituem o corpus principal de nossa tese, o primeiro é O tronco do ipê, escrito por José de Alencar em 1871, onde aparece pela primeira vez a designação da sede da propriedade como Casa Grande, em seguida adotada pela sociologia e pela linguagem corrente durante o século XX. Esse termo, mais conhecido por sua aplicação à realidade do Nordeste dos engenhos de açúcar, aparece assim como originário da literatura relativa a esse vale cafeeiro, que esteve no centro das discussões econômicas e políticas do Brasil imperial, e cuja ficção romanesca mostra a ascensão fulgurante, seguida de seu desaparecimento ainda mais rápido e surpreendente, da memória nacional. O segundo romance é A escrava Isaura, de 1875, no qual Bernardo Guimarães criou o ícone mais célebre da luta pela abolição da escravidão no Brasil, numa obra cujo sucesso popular nunca desmentido é proporcional ao desprezo que lhe votam os meios acadêmicos. Sua inserção neste corpus, ao lado dos outros dois romances que tratam do mesmo tema, permite esclarecer a profunda implicação dessa intriga folhetinesca e sedutora na problemática de seu tempo, bem a como a hábil desconstrução dos clichês usuais nesse gênero de narrativa. Os dois primeiros romances foram escritos num momento em que o romantismo ainda não tinha abandonado o centro da cena literária brasileira, mas em que ele já era alvo dos ataques furiosos de um regionalismo mais preocupado com o realismo e mais significativo das aspirações que tomavam corpo numa sociedade que não se satisfazia mais sob a unidade imperial e escravocrata do país. Finalmente, o terceiro romance a tratar das fazendas do vale é uma obra taxada de anacronismo pois, escrita em 1914, prenhe de todas tendências que se cruzam nesse contexto do Pré-modernismo brasileiro, põe em discussão os problemas da escravidão abolida desde 1888 e que não interessa mais ninguém. O país tem pressa de esquecer tanto o antigo regime escravagista quanto os escravos libertados para fazer parte dos homens livres e pobres que continuam excluídos da nova organização social do país. Para tanto, Coelho Neto cria em Rei Negro um herói romântico e parnasiano, uma figura olímpica e plenamente negra, características essas associadas pela primeira vez num romance brasileiro, o que permite duvidar do anacronismo atribuído a uma obra que vem preencher um vazio que a ficção romântica brasileira não pudera ou não ousara ocupar, pelo menos enquanto contemporânea da escravidão: o direito ao centro do palco para um protagonista escravo, o direito à beleza associado a uma pele negra como o ébano, o direito à revolta conduzida e assumida pelo negro, sem que nenhum protagonista branco venha lhe roubar sua função de herói romântico, tingido aqui pelo naturalismo, pelo simbolismo e pelo regionalismo presentes na expressão literária do país nesse momento.Os romances reunidos em torno do tema da fazenda recriam em sua diversidade um mesmo aspecto da evolução histórica do Brasil, a vida e os valores que se desenvolvem à margem da cidade até essa metade do século XIX que constitui o momento escolhido pelos três autores. É então que a ordem tradicional se vê contestada por valores novos que se amplificam numa população que começa a pesar do lado urbano, a trocar idéias com uma Europa em plena mutação, enquanto tenta consolidar sua independência política e reduzir sua dependência econômica herdada da época colonial. 1850 é o ano em que a cessação do tráfico de escravos africanos libera enormes quantidades de divisas e fornece aos fazendeiros os créditos que vão mudar um modo de vida até então austero e isolado. É também nesse ano que é inaugurada uma linha de navios a vapor entre Liverpool e o Rio de Janeiro, pondo em consonância o tempo brasileiro, imperial e escravocrata, com o tempo industrial e urbanizado da Europa. Esses fatores reunidos e refletidos num espaço simbólico de um vale outrora selvagem, rapidamente conquistado por uma cultura que o enriquece e o destrói num ciclo extraordinariamente curto, fornecem as características comuns que vão se acentuar na passagem do primeiro ao último romance.Tanto quanto o período, o cenário desses três romances fornece traços determinantes para sua construção e para a representação da realidade que eles trazem. O rio Paraíba, poderoso e mítico até a chegada do café e à profunda alteração do meio-ambiente sobrevinda então, já não é mais capaz das inundações legendárias recriadas por Alencar num romance precedente, O Guarani. Nesse romance que o próprio autor situava num período colonial mitificado, em que a linguagem e os costumes do invasor se modificavam sob o influxo da natureza americana, o Paraíba era o fator determinante do desenlace, pois é ele que provoca a catastrófica inundação criadora da nova humanidade que vai ocupar o espaço geográfico nacional a partir desse vale nascido ao mesmo tempo que o país independente. O rio permanece o espaço dos mitos no O tronco do ipê, mas como um espelho do passado, das lendas e da imagem da morte que se esconde doravante em todos os elementos da narrativa e da paisagem. Em A escrava Isaura, ele ocupa o fundo do cenário, as margens da fazenda, faz parte da natureza bruta, domada e afastada pelo homem do centro do quadro e da ação. Seu curso é evocado para traçar os limites do imenso pomar que ia se perder nas suas margens escarpadas e imponentes, "nas barrancas do grande rio". Ainda majestoso nesse segundo romance, se bem que descartado pelo olhar de um narrador que só se interessa pelas interações humanas refletidas nos discursos dos personagens, o Paraíba desaparece do cenário em Rei Negro. Nesse último romance do corpus, escrito às vésperas da Primeira Guerra Mundial, a paisagem torna-se simbólica e vaporosa, as terras são cobertas de culturas vistas de bem longe, enquanto a água se torna um elemento sombrio e sinistro, trazendo a morte e refletindo-a. Esta paisagem completamente ocupada pelo homem só é evocada em visões polarizadas entre olhares de mestres e olhares de escravos, simbolizando um direito de apropriação ou a transgressão desse mesmo direito. Num conto ("Banzo") contemporâneo de seu romance, Coelho Neto compara o rio ressecado e abandonado pelo homem ao escravo jogado nas estradas após a abolição, os dois vivendo da esmola de uma chuva ou de um resto de comida.Quanto às terras, elas se transformam tão depressa quanto o rio; a floresta desaparece em alguns anos, dando lugar ao ouro verde dos cafezais famintos de terras virgens e de escravos cada vez mais numerosos, ambos engolidos na construção da riqueza dos fazendeiros. Em suas mansões que se transformam em verdadeiros castelos, esses proprietários refinados não se contentam mais com o espaço da fazenda, talvez duplamente marcado pela lembrança longínqua de um trabalho demasiado penoso, ou pela violência necessária à sua aquisição. Nos romances, a propriedade da terra aparece sempre ligada à traição e à usurpação, e a lembrança desses crimes assombra todas as paisagens. Abandonadas por seus proprietários que partem para a capital ou ainda mais longe, casa e plantações ficam arruinadas, o que é um outro tema obsedante para esta ficção. Sintomaticamente, a representação do vale e de suas fazendas no segundo tempo de escritura dos romances, encaixa-se numa espécie de elipse que, associada à historiografia, torna evidente a rapidez e a paradoxal fragilidade desse processo. À medida que se aproximam a Abolição e a República, e que se percebem os progressos reais então conquistados, os escritores são obrigados a constatar a grande decepção que esses dois acontecimentos representaram para aqueles que ainda acreditavam em mudanças profundas, quando foram escritos os dois primeiros romances. Para os três autores, como para Balzac, sua escritura é uma "história do coração humano" ou "história social", na qual o termo história indica, não um exame cientifico de acontecimentos passados, mas uma invenção relativamente livre; o que eles fazem é fiction e não history, para usar termos ingleses particularmente precisos, como bem notou Erich Auerbach. Para esses escritores posteriores a Balzac, não se trata de passado, mas de uma época que lhes é contemporânea. Assim, o conhecimento do referente histórico é indispensável à compreensão de suas obras, como acentua esse mesmo crítico na sua análise da representação da realidade na literatura ocidental, ao evocar, após a obra de Balzac, a íntima relação entre a construção do romance de Stendhal, Le rouge et le noir, e os anos 1830 na França.A rapidez das transformações ocorridas no Brasil por volta da metade do século XIX não podia deixar de chamar a atenção de nossos três romancistas. A representação construída por eles reflete o momento fugaz de flutuação entre o mundo antigo, rural, fechado, isolado, e a abertura aos valores novos que atrairão para a cidade, para a Europa, para o mundo citadino os donos das terras com suas riquezas. O vale, desertado por senhores que não criaram raízes, bem como pelo café que o esgotou, empobrece, seca, para ser abandonado em proveito de uma corrida para as terras vermelhas do Oeste paulista, que atraem a partir de então novos senhores e novos trabalhadores, os colonos europeus imigrados, que vêm substituir o negro africano. Apoiada na sua economia baseada na força escrava, que ela quer conservar a qualquer preço, e absorvida pela necessidade de renovação constante dessas "máquinas humanas" facilmente descartáveis até 1850, a riqueza do vale se cria e se destrói em menos de um século, num tempo que se acelera para precipitá-lo numa modernidade que ele não vê ou não quer ver chegar. A repercussão de todas essas mudanças na fazenda oferece aos três romances um quadro circunscrito para dramatizar e condensar esses acontecimentos que nossos autores sentem como decisivos para os destinos de sua época.Assim, situados entre uma ordem conservadora e uma aspiração à modernidade que cada um deles vê refletida sob um aspecto diferente na vida da fazenda, os três romancistas recorrem a algumas constantes na construção de suas narrativas. As constelações de personagens e o jogo de seus desejos em torno da propriedade da terra, condição indispensável para fazer parte dos "homens bons" e respeitáveis desde os primeiros tempos da colonização; a educação do herdeiro que deve se cultivar na Europa para depois voltar à ordem a mais retrógrada; as personagens femininas da sinhá livre e da mucama escrava que interagem no interior da Casa Grande são alguns dos temas que percorrem todo o corpus. As representações de escravos, idealizadas mas não simplificadas por Alencar, trazem para o primeiro romance as vozes do mito, das lendas e da memória do passado. Bernardo Guimarães elabora um personagem de escrava branca, perfeitamente representativa das mudanças sofridas pela sociedade brasileira na metade do século XIX, encarregada de comentar e retornar os argumentos de seus mestres, cuja hipocrisia, hoje patente, estava perfeitamente em conformidade com a doxa praticada por seus contemporâneos e leitores menos prevenidos. Finalmente, o escravo de Coelho Neto, enfim plenamente negro, é o instrumento da vingança épica contra todo um período em que sua representação o condenava à farsa ou à sombra dos fundos do quadro romanesco, como provam aliás os romances precedentes: o escravo negro de José de Alencar, para se tornar personagem literário, deve ocupar espaços mitificados e legendários, e o escravo de Bernardo Guimarães, para vir debater nos salões, é primeiro despojado de sua cor. Por outro lado, para falar de valores que importam a seus leitores sem desestabilizá-los, os narradores desses romances são todos muito prudentes, irônicos, dissimulados em seus comentários e sugestões. Os discursos mais incisivos ficam geralmente por conta de personagens planos, capazes de atrair a simpatia ou a aversão desses leitores ao mesmo tempo ilustrados e dependentes dos escravos para o menor gesto, até mesmo para lhes trazer o romance abolicionista que eles se preparam para ler.Os espaços de vida na fazenda se acham representados nos três romances de diferentes maneiras. A Casa Grande é o lugar do discurso civilizado, dos ecos do mundo referencial e histórico contemporâneo, das artes da moda e das idéias esclarecidas ou conformistas que dividem as opiniões. É também um espaço de leitura, atividade que aliás passa progressivamente dos mestres aos escravos, que em todos os relatos são os únicos personagens encarregados do ato de contar. Assim, desde o primeiro romance, a tradição oral revive na cabana do escravo, onde as lendas são ressuscitadas e a memória do passado é piedosamente conservada; no segundo, a voz que conta (e canta) retorna ao salão, espaço agora inteiramente ocupado por uma figura de escrava excepcional. Ela não cede jamais o centro do palco a seus sinhôs ou sinhás, cujo discurso ela refuta ponto por ponto, sem jamais abandonar sua humildade; sempre modesta, é ela que ocupa o piano para cantar sua própria epopéia (a musa que a inspira, segundo a narração, é a musa épica Calíope) e emocionar o público mais tradicional do país. No terceiro romance, o rei negro tem seu próprio oráculo negro para recriar um passado de glória que torna insuportável a humilhação da escravidão, mas aqui os discursos mais significativos dos personagens não têm mais por cenário uma casa senhorial, cujo espaço encolheu e não pode mais dar conta da progressão da intriga. Do lado oposto à casa grande, na polarização inerente a essa organização, os romances da fazenda dão inicialmente a impressão de ter deixado um vazio inexplicável, pois a senzala, o lugar de moradia dos escravos, não aparece praticamente nunca, menos ainda aquilo que faz viver, que possibilita a existência da fazenda, ou seja, o trabalho da terra. E, no entanto, tudo está presente. Por alusões, por histórias contadas em digressões oportunas, por peripécias provocadas fora do primeiro plano do relato. Tudo o que a narrativa não diz claramente age sobre ela; tudo que as intrigas deixam na sombra as esclarece com uma luz comum, e todas essas fazendas constituem assim um universo ficcional coerente e problematizado pela estrutura romanesca. Esses romances oferecem possibilidades de leitura inéditas, mas deve-se lê-los "pelo avesso", como nota Heloísa Toller Gomes a propósito do O tronco do ipê. Projetando nosso olhar além das personagens brancas e concentrando nossa atenção sobre a comunidade negra, sobretudo observando como uns e outros interagem, descobrimos a diversidade dos meios empregados por esses textos para nos fornecer um painel vivo e ilustrativo do Brasil escravocrata do século XIX. Aliás, os contornos mal delimitados do espaço dos escravos, que desde o início tinha atraído nossa atenção, não ficam mais claros na historiografia, pois se a senzala existe até o final da escravidão, as cabanas dos escravos, com suas pequenas roças ou jardins, também fazem parte de uma paisagem referencial absorvida e utilizada como material literário.É nesse quadro que a luta entre passadismo e modernidade pode se travar em intrigas às vezes quase pedagógicas graças à concentração possibilitada pela delimitação restrita do quadro, ao número relativamente reduzido de personagens, e ao diálogo forçado e constante entre essas duas classes de personagens, os senhores e os escravos. A introdução dessas duas linguagens diversas na intriga romanesca, bem como a imbricação dramática entre tempo e espaço que predominam na construção de nossos romances, foram explicitados graças aos conceitos de "polifonia" e de "cronótopo" desenvolvidos por Mikhaïl Bakhtine. Torna-se claro que os romancistas do corpus queriam construir uma ficção complexa, capaz de sensibilizar um público ambivalente, pouco numeroso mas leitor ávido, ilustrado e escravagista ao mesmo tempo, conservador mas curioso das novidades que lhe chegam em número cada vez maior da Europa, um público que começa a mudar seus hábitos de vestuário, de moradia, de sociabilidade e, o que mais nos interessa, de leitura.
cf thèse ; L'objet de cette étude est d'analyser le fonctionnement des marchés internationaux et les répercussions de ce fonctionnement sur la gestion de l'entreprise. Dans un chapitre introductif, l'actualité du sujet est soulignée: depuis 1973, avec l'abandon du système des parités fixes, le fonctionnement des marchés financiers internationaux a été particulièrement chaotique. L'adoption d'un système de cours de changes flottants qui devait favoriser une allocation rationnelle des ressources au niveau international, a eu comme résultat le plus visible, l'apparition de variations de grande ampleur des cours de change à intervalles très rapprochés. Une telle modification de l'environnement international n'a pas été sans conséquences sur la gestion des entreprises; dans certaines conditions, en effet, il est apparu que les variations des cours de change ont pu modifier les résultats engendrés par l'activité des entreprises. Ces variations étant de plus en plus fréquentes, une sensibilité nouvelle s'est développée au sein des entreprises face à leurs répercussions possibles, et à la façon de les contrôler; ces variations n'étant plus le résultat de décisions politiques, mais le fruit du fonctionnement des marchés, il est apparu progressivement qu'une bonne compréhension de ce fonctionnement était nécessaire avant qu'il soit possible de définir une stratégie de l'entreprise à l'égard du cheminement des cours de change. L'idée que la compréhension du fonctionnement des marchés est nécessaire, non seulement à la connaissance économique, mais également à l'élaboration d'une stratégie d'entreprise peut sembler presque évidente dans un monde où les mécanismes de marché deviennent prépondérants. En ce qui concerne l'élaboration d'une stratégie à l'égard des variations des cours de change, il semble qu'une telle idée est valide dans la mesure où au moins l'une des deux conditions suivantes est réalisée: d'une part, si les prévisions effectuées par le gestionnaire sont dépendantes de la compréhension qu'il a du fonctionnement des marchés; d'autre part, si cette compréhension lui permet de mieux évaluer l'impact sur la valeur de l'entreprise d'une variation des cours de change. A priori, l'élaboration de prévisions des cours de change peut se fonder ou non sur une compréhension des fonctionnements des marchés. Au niveau de chaque agent économique, une prévision peut être effectuée, fondée sur une appréciation subjective (même si elle utilise des méthodes scientifiques) de la distribution de probabilité des cours futurs. Dans certains cas, cette appréciation est réduite à sa plus simple expression: la formulation d'un cours anticipé. Parfois s'ajoute à cette anticipation la prise en compte du risque associé à la forme de la distribution. En aucun cas, bien entendu, la prévision ne peut être assurée de coïncider avec la réalité: d'une part, parce qu'il existe objectivement, en raison de l'incertitude sur le futur, un risque de se tromper; d'autre part, parce que le caractère subjectif des prévisions effectuées augmente ce risque en proportion des capacités prédictives individuelles. Sans qu'il soit possible d'éliminer ce risque subjectif, il peut néanmoins paraître utile de l' "objectiviser", en fondant les prévisions sur une base plus large que l'appréciation individuelle d'un agent économique: une telle base peut être constituée par les anticipations de l'ensemble des agents économiques, telles qu'elles sont susceptibles d'être reflétées par les prix du marché. Une telle démarche nous ramène à l'étude du fonctionnement des marchés internationaux, et en particulier à celle des liens qui peuvent exister entre le mode de fixation des prix et les anticipations des agents économiques. De même, l'appréciation de l'impact des variations de cours de change sur la valeur de l'entreprise peut apparaître, au premier abord, comme étant dissociée de l'étude du fonctionnement des marchés internationaux. Une telle conception semble d'ailleurs justifiée par l'existence de règles permettant de déterminer cet impact, règles dont les fondements reposent sur les principes généraux de la comptabilité. Il apparaît cependant que les principes comptables ne permettent pas de définir une règle unique et incontestée permettant de mesurer l'exposition de l'entreprise à une variation du cours de change. D'autre part, quand bien même une telle règle existerait, elle ne permettrait d'apprécier l'impact des variations de change que sur la valeur comptable de l'entreprise, non sur sa valeur économique. Pour évaluer l'impact sur cette dernière, il convient de prendre en compte les liens existant entre les cours de changes et les prix des biens et services produits et utilisés par l'entreprise. Une telle reformulation du problème nous ramène une fois de plus à l'étude des marchés internationaux, et en particulier à l'examen des rapports entre les marchés financiers et les marchés de biens et de facteurs. Il apparaît, par conséquent, que l'étude du fonctionnement des marchés internationaux est le point de passage obligé de toute réflexion s'efforçant de définir les conditions d'une adaptation de la gestion de l'entreprise au cheminement du cours de change. C'est à cette étude que s'attache cette thèse, dans une première partie à un niveau global, en analysant l'impact du fonctionnement des marchés internationaux sur la valeur de la firme à la lumière de la littérature existante, puis en s'efforçant, dans une deuxième partie, d'étendre l'analyse au problème particulier du choix d'un horizon de gestion, à la lumière d'une étude théorique et empirique originale de la structure des primes de change à terme. Le premier chapitre aborde l'analyse de l'impact d'une variation de change sur la valeur de la firme en partant des pratiques actuelles de calcul de "l'exposition comptable" de l'entreprise, avant de passer en revue diverses méthodes proposées pour appréhender une "exposition économique" de l'entreprise. L'exposition de l'entreprise est définie comme l'élasticité de la valeur de l'entreprise par rapport à une variation du cours de change. Selon l'approche comptable traditionnelle, une entreprise est exposée à la variation du cours de change, dans la mesure où certains postes en devises du bilan sont exposés. Lorsque le cours de change, par rapport à la devise de référence, varie d'un certain pourcentage, la valeur en devise de référence de ces postes varie d'un pourcentage identique, provoquant par là même une variation de la situation nette du bilan. Un problème surgit cependant du fait qu'aucun principe comptable ne permet de définir quels postes en devises sont exposés. Aussi plusieurs méthodes coexistent-elles: la première, considérant que tous les postes en devises du bilan sont exposés, - la deuxième, que seuls les postes à court terme le sont, - enfin, la troisième, attribuant cette qualité aux seuls postes monétaires du bilan. Si le choix entre les diverses méthodes ne peut être fondé sur des principes comptables, on s'aperçoit en revanche, qu'il est possible de discriminer entre les diverses méthodes en fonction d'une analyse économique. En particulier, la deuxième méthode semble n'être pas sans rapport avec une analyse "keynesionne" du comportement du cours de change, ce dernier étant considéré comme imprévisible à court terme, mais devant se rapprocher d'un cours "normal" à long terme. De même, la troisième méthode, adoptée par l'ordre des experts-comptables américains, semble reposer à la fois sur le caractère imprévisible du cheminement du cours de change, et sur la conviction que ce caractère ne saurait modifier la valeur en monnaie de référence des éléments réels du bilan, dans la mesure où ceux-ci se réévaluent en proportion de la variation du cours de change. Ainsi, des arrières-pensées économiques ne sont pas absentes des définitions de l'exposition comptable de l'entreprise. Certains auteurs ont voulu aller plus loin en donnant des définitions économiques à l'exposition de l'entreprise. Le premier, LIETAER (1971) se borne à apporter certaines retouches à l'approche comptable, en introduisant entre les postes exposés et non exposés du bilan, des postes dont la valeur a, par rapport à une variation de change, une élasticité différente de un. D'autres, (DUFEY 1972, SHAPIRO 1975), étendent cette idée d'élasticités différenciées à l'ensemble des flux de liquidité engendrées par l'entreprise. HECKERMAN (1972) formalise cette dernière conception en élaborant un "bilan économique" à partir des flux de liquidités futurs actualisés de l'entreprise, et en étudiant les répercussions d'une variation de change sur ce bilan. Cependant, le modèle d'HECKERMAN est peu clair, en ce qu'il fait dépendre l'impact de cette variation de change de la variation de valeur d'un actif intangible dont l'existence apparait justifiée par la nécessité de maintenir en permanence un levier financier déterminé. Si l'on admet cette contrainte contestable, on peut néanmoins montrer que lorsque la variation du cours de change a un caractère purement monétaire, la valeur de l'entreprise ne change pas. Cette conclusion, inaperçue par HECKERMAN, n'est pas sans rapport avec certaines conclusions ultérieures de cette thèse. Néanmoins, elle ne peut ici être obtenue qu'en raison d'hypothèses très fortes et contestables du modèle, que les chapitres suivants s'efforcent de lever. Dans les chapitres II et III, une approche semblable à celle de HECKERMAN est développée, mais le cadre conceptuel est différent. Comme dans le modèle d'HECKERMAN, un effort est fait pour distinguer les conséquences sur la valeur des flux de liquidité futurs d'une variation du cours de change, en distinguant les activités réelles et financières de l'entreprise. Une entreprise dont les flux de liquidité sont en devises, sera considérée comme exposée, non pas si la variation du cours de change modifie sa valeur au cours du temps, mais si cette modification est différente de celle d'une entreprise identique ayant uniquement des flux de liquidité en monnaie domestique. Il s'agit en effet d'appréhender l'influence spécifique de la dénomination en devise des flux concernés, et non un autre phénomène économique qui modifierait simultanément la valeur de toutes les entreprises. De même, afin de vérifier qu'une variation de change est susceptible en soi d'avoir un impact sur la valeur de ces flux, l'analyse est menée dans le cadre de marchés internationaux parfaits. Ne sont donc pas abordés les effets pouvant résulter des opportunités d'arbitrage qu'offrent éventuellement les imperfections des marchés. Enfin, une distinction est faite entre les effets susceptibles d'être produits par la variabilité du cours du change, et par l'incertitude sur cette variabilité. Pour cela, une hypothèse un peu artificielle est utilisée dans le chapitre II : celle de la connaissance parfaite du futur. Cette hypothèse est relâchée dans le chapitre III. En univers de certitude, un raisonnement d'arbitrage intuitif permet d'établir, à la suite de nombreux auteurs, la validité d'un certain nombre de relations d'équilibre. Ces relations peuvent être classées en deux catégories : celles qui résultent d'un arbitrage en termes nominaux, - et celles qui résultent d'un arbitrage en termes réels. Les premières sont la loi du prix unique, la relation de parité des taux d'intérêt, la relation de "FISHER Open" entre la variation du cours de change et le différentiel d'intérêt, et la relation des anticipations sur les rapports entre cours à terme et cours futur. Les secondes sont la relation d'unicité du taux réel sur un bien, la relation entre ce taux réel et le taux d'inflation sur ce bien, enfin la relation de Fisher en économie fermée entre taux réel et taux d'inflation sur un panier de biens. Dans la mesure où ces relations sont valides, en particulier en ce qui concerne la loi du prix unique et la relation de "FISHER Open", il est facile de montrer qu'une variation (certaine) du cours du change ne modifie pas la valeur des flux réels ou financiers en devises, par rapport à des flux libellés en monnaie domestique. Il convient de remarquer que cette absence d'exposition à la variation du cours de change n'est nullement la conséquence de la parité des pouvoirs d'achats (CASSEL 1923), laquelle, même en univers de certitude, ne saurait résulter d'un simple phénomène d'arbitrage, mais constitue une théorie de propagation de l'inflation. Une telle remarque nous amène à critiquer les conceptions d'ALIBER (1976) quant aux relations d'équilibre sur les marchés internationaux. En univers d'incertitude, des quatre relations monétaires mentionnées précédemment, seules la loi du prix unique et la relation de parité des taux d'intérêt restent valides. Des homologues de la relation des anticipations sur les rapports entre cours à terme et cours futur, et de la relation de "FISHER Open", peuvent être proposés, mais ce sont des relations d'arbitrage spéculatif faisant apparaître une prime de risque. De même, des trois relations réelles, seule reste valide la relation d'unicité du taux réel sur un bien. De cette modification de ces relations d'équilibre résulte un certain nombre de conséquences quant à l'exposition de l'entreprise. Tout d'abord il est montré que les flux réels ont un impact identique sur la valeur de l'entreprise lorsqu'ils sont libellés en devises ou en monnaie domestique, que la variation du cours du change soit égale à celle anticipée ou non. En revanche, toute tentative pour couvrir les flux réels en devises par un contrat de change à terme serait susceptible de modifier la valeur anticipée de ces flux, dans la mesure où la prime de risque incluse dans le cours à terme existe. Même si une telle prime de risque n'existait pas, la valeur de ces flux réels pourrait être modifiée à posteriori si la variation de change effective est différente de la variation anticipée. Au contraire, du fait de la non validité en présence d'incertitude de la relation de "FISHER Closed" (contra ALIBER 1976) la valeur anticipée des flux financiers en devises non couverts est susceptible d'être différente de la valeur des flux financiers en monnaie domestique s'il existe une prime de risque incluse dans le cours à terme. Il en va de même pour la valeur à posteriori des flux financiers en devises lorsque la variation de change effective est différente de la variation anticipée. La couverture des flux financiers en devises futurs permet d'égaliser la valeur de ces flux avec celle de flux en monnaie domestiques. Ainsi, c'est bien l'incertitude, et non pas la seule variabilité des cours de change, qui est à l'origine de l'exposition de l'entreprise. Encore faut-il souligner que cette exposition est la conséquence des seuls flux financiers en devises, à l'exclusion des flux réels. Enfin, cette exposition est susceptible de se matérialiser par une variation de la valeur de l'entreprise, non seulement dans le cas où la variation de change effective est différente de la variation anticipée, mais également lorsque cette dernière se réalise, s'il existe une prime de risque incluse dans le cours de change à terme. Ce résultat est confirmé et étendu aux primes de risques incluses dans les cours de change à terme futurs lorsque l'on introduit les délais de paiements liés aux ventes à tempérament, et que l'on prend en considération la possibilité de différer le rapatriement des bénéfices réalisés à l'étranger. Ces conclusions reposent sur un raisonnement intuitif quant au comportement d'agents confrontés à des opportunités d'arbitrage et de spéculation sur des marchés des biens et sur des marchés financiers supposés être parfaits. Elles permettent de préciser la notion d' "exposition à la variation de change" dans un sens étonnamment proche de la conception des experts comptables américains. Elles doivent cependant, pour être retenues, être soumises à une double vérification, tant théorique que pratique. Sur le plan théorique, le chapitre IV a fourni l'occasion de confronter les résultats du raisonnement intuitif d'arbitrage avec ceux qui découlent des modèles théoriques d'équilibre général ou partiel des marchés internationaux. Ces modèles permettent de déterminer la forme des relations d'équilibre en fonction d'hypothèses spécifiques sur les préférences des consommateurs, et sur les ensembles d'opportunités auxquels ceux-ci sont confrontés. Les deux principaux modèles théoriques existant sont ceux de SOLNIK (1973, 1974) et de GRAUER, LITZENBERGER et STEHLE (G.L.S., 1976). Tous deux définissent les conditions de l'équilibre sur les marchés internationaux dans les mêmes termes : celui-ci est le produit du comportement de consommateurs qui répartissent leur richesse entre consommation présente et investissement, en maximisant l'espérance d'utilité de leur consommation présente et future. En revanche, les ensembles d'opportunités auxquels sont confrontés les individus, sont légèrement différents. L'investissement peut, dans les deux modèles être réparti entre l'actif sans risque domestique, les actifs sans risque étrangers, et les actifs risqués domestiques et étrangers, mais la consommation des individus varie selon leur nationalité pour SOLNIK, alors que pour G.L.S. les individus consomment un panier réel identique: seul le taux d'inflation (aléatoire) associé à ce panier est différent selon les pays. Il apparaît rapidement que la qualité de l'équilibre est affectée par cette hypothèse au niveau du panier de consommation. L'hypothèse de SOLNIK introduit un risque de change réel, lié à l'incertitude sur les prix relatifs des paniers nationaux, qui modifie les conclusions habituelles du Modèle d'équilibre des actifs financiers (MEDAF) (SHARPE 1964), et amène à reformuler ce dernier sous une forme originale. En revanche, chez G.L.S., le risque de change est une variable purement monétaire, lié à l'incertitude sur les différentiels d'inflation nationale, et ne modifie nullement la formulation traditionnelle du MEDAF tant que les individus ne sont pas victimes de l'illusion monétaire. Ces différences quant à la qualité de l'équilibre obtenu, ne sont pas sans influence sur la formulation des relations d'équilibre proposées dans les chapitres II et III. Sur le plan formel, les deux modèles montrent que le cours à terme reflète bien les anticipations sur le cours futur, mais de façon biaisée, du fait de l'existence d'une prime de risque qui rémunère les spéculateurs pour la position ouverte qu'ils acceptent de supporter. C'est la confirmation du résultat intuitif déjà obtenu, dont l'importance pour l'exposition de l'entreprise est cruciale. Cependant, la structure de cette prime de risque diffère selon les modèles. SOLNIK montre que la prime dépend de la covariance entre le cours de change considéré et les cours de toutes les autres devises. Le résultat de G.L.S. a une formulation beaucoup plus complexe, dont les auteurs ne précisent pas la signification économique. Il est possible de montrer que cette prime dépend essentiellement des effets réels des politiques monétaires nationales sur la richesse mondiale. En l'absence d'illusion monétaire, une prime de risque marginale subsiste, liée à l'incertitude sur le différentiel d'inflation. Cette prime est cependant virtuelle, car si les individus raisonnent en termes réels, ils ne souscriront aucun contrat de change à terme. En effet, dès lors que la parité des pouvoirs d'achat est vérifiée, le rendement réel d'un actif financier est indépendant de la devise dans laquelle il est libellé. En ce qui concerne les autres relations d'équilibre abordées dans les premiers chapitres, SOLNIK (1977) en donne une formulation complète et différenciée selon qu'il existe ou non des marchés à terme de marchandises. Les résultats valident et précisent ceux qui avaient été obtenus à l'aide d'un raisonnement intuitif d'arbitrage. En particulier, la relation de parité des taux d'intérêt apparaît chez lui comme chez G.L.S. découler automatiquement des modèles théoriques. Cette conclusion est contestée par ADLER et DUMAS (1975), qui montrent que cette relation n'est pas vérifiée lorsqu'existe un risque politique. Ceux-ci utilisent pour leur démonstration une fonction d'utilité quadratique. Leur démonstration est ici reprise et élargie; leurs résultats concernant la parité des taux d'intérêt restent valides quelle que soit la fonction d'utilité. Néanmoins ces résultats supposent des hypothèses très fortes, généralement incohérentes avec les conditions habituelles du fonctionnement des marchés. De même, un modèle de BARON (1976) valide la relation de parité des taux d'intérêt. Le modèle est intéressant en ce qu'il s'efforce d'intégrer les conditions macroéconomiques de l'équilibre et leur répercussion sur l'exposition de l'entreprise. Cependant, l'excessive simplicité des hypothèses de départ retire au modèle une grande partie de son intérêt. Ainsi l'étude des modèles théoriques d'équilibre permet de préciser et de nuancer certaines conclusions développées dans les chapitres II et III. Les principales relations d'équilibre sur lesquelles repose le calcul de l'exposition de l'entreprise, ont bien la forme qui avait été prédite. En particulier, la parité des taux d'intérêt reste valide en présence de l'incertitude, tandis que le cours à terme est bien égal à l'espérance du cours futur majoré d'une prime de risque. Cependant la portée pratique de cette prime de risque dépend de la validité d'une troisième relation : celle de parité des pouvoirs d'achats. Dans la mesure où celle-ci serait vérifiée, le risque de change relèverait de la pure illusion monétaire. Dans le cas contraire, cette prime rémunèrerait un risque réel, susceptible de modifier la valeur des flux financiers en devises. Ces conclusions des modèles théoriques doivent maintenant être confrontées avec les enseignements tirés du monde réel. L'objectif du chapitre V est double: vérifier, à la lumière de la littérature existante, la robustesse des deux principales relations d'équilibre sur lesquelles repose l'analyse théorique de l'exposition de l'entreprise; discriminer, en fonction des vérifications empiriques de la parité des pouvoirs d'achat, entre les deux modèles théoriques d'équilibre sur les marchés internationaux. La relation de parité des taux d'intérêts a été testée empiriquement par un certain nombre d'auteurs. Les résultats peuvent être résumés par deux propositions. Tout d'abord, si l'on adopte comme prédicteur de la prime de change à terme le différentiel d'intérêt calculé sur les dépôts en eurodevises, l'erreur prédictive moyenne n'est pas significativement différente de zéro; le résultat est sensiblement moins satisfaisant lorsque le prédicteur utilisé est le différentiel d'intérêt sur Bons du Trésor domestiques (ALIBER 1973). D'autre part, si l'on considère les coûts de transactions qu'engendrerait une opération d'arbitrage visant à profiter d'un différentiel d'intérêt couvert non nul, il apparaît que ce différentiel d'intérêt est inférieur aux coûts de transactions dans 100 % des cas, lorsqu'on le calcule par rapport aux euro dépôts, et seulement dans 33 à 100 % des cas selon les périodes lorsqu'on le calcule par rapport aux bons du Trésor (FRANFEL et LEVICH 1975). Si l'on tient compte des inévitables erreurs sur les variables liées à la difficulté d'obtenir des données parfaitement concomitantes, on peut donc considérer que sur les devises et pour les périodes ayant fait l'objet du test, la parité des taux d'intérêts a été largement vérifiée. Les tests de la relation des anticipations sur les liens entre cours à terme et cours futur répondent à la volonté de répondre à une double question : le cours à terme est-il un bon prédicteur du cours futur? La prédiction fournie par le cours à terme comporte-t-elle un biais, représentatif d'une éventuelle prime de risque. Sans entrer dans le détail des tests pratiqués, la réponse à la première question s'articule autour de trois idées. Le niveau du cours à terme apparait généralement comme un bon prédicteur du niveau du cours futur : cela tient essentiellement au fait que sur courte période, l'ampleur des fluctuations est relativement modérée par rapport au niveau des cours de change. En revanche la prime de change à terme est un prédicteur médiocre du niveau de la variation de change, même si elle semble prévoir avec une efficacité relative le sens de cette variation. Enfin, bien que la prime de change soit un médiocre prédicteur, ses performances ne sont pas plus mauvaises que d'autres prédicteurs, en particulier ceux fondés sur des modèles autorégressifs. Ce dernier résultat souligne cependant la difficulté de la prévision plus que l'efficacité de l'un quelconque des prédicteurs. La réponse à la deuxième question semble devoir comporter deux éléments. Sur longue période, la plupart des auteurs montrent que le cours de change futur n'est pas significativement différent du cours de change à terme: il n'existerait donc pas de biais moyen, représentatif d'une prime de risque stable quant à son ampleur et à son signe. En revanche une étude approfondie par ROLL et SOLNIK (1975), confortée par une lecture fine des tests pratiqués par d'autres auteurs (KOLHAGEN 1974) semble confirmer l'existence d'un biais instable, représentatif d'une prime de risque dont le signe et l'ampleur peuvent varier d'une période à l'autre. Enfin, l'analyse de la littérature consacrée à la parité des pouvoirs d'achat permet de discriminer entre les deux modèles théoriques. En effet, la parité des pouvoirs d'achat semble assez largement vérifiée dans deux cas: Si l'on compare le différentiel d'inflation à la variation de change sur une très longue période, ou si les indices de prix utilisés sont ceux des prix de gros. En revanche, à court terme, si les indices de prix utilisés sont ceux des prix de détail, la parité des pouvoirs d'achats n'est pas vérifiée; bien plus, l'erreur prédictive constatée ne permet pas d'inférer les variations ultérieures du cours de change. Par conséquent, au moins à court terme, il semble bien que ce soit le modèle de SOLNIK (1973, 1974) qui soit validé empiriquement, dans la mesure où les bons résultats obtenus avec les indices de prix de gros reflètent plus la validité de la loi du prix unique que celle de la parité des pouvoirs d'achat au sens classique du terme. Ainsi l'analyse critique développée dans cette première partie, à la fois sur le plan théorique et sur le plan empirique, de la littérature sur les marchés internationaux permet de formuler deux conclusions importantes. D'une part, en ce qui concerne la mesure de l'exposition de l'entreprise, celle-ci dépend uniquement de l'existence de flux financiers en devises; elle est proportionnelle, pour chaque maturité, à la prime de risque incluse dans le cours à terme, en ce qui concerne l'exposition anticipée, et à l'écart entre ce cours et le cours au comptant réalisé, en ce qui concerne l'exposition au risque de change. D'autre part, au niveau des stratégies envisageables, l'analyse des marchés internationaux ne fournit pas, ainsi qu'il est observé au chapitre VI, les bases théoriques d'un choix entre ces stratégies. Un tel choix ne peut résulter que d'une théorie de l'entreprise, en tant qu'intermédiaire entre les individus et les marchés. Elle fournit en revanche des indications sur les conséquences de certaines stratégies. Il apparait notamment que la couverture systématique des flux financiers permet d'éliminer totalement l'exposition de l'entreprise, tandis que l'acceptation d'un certain degré de risque s'accompagne, du fait des effets positifs de l'exposition anticipée, d'une amélioration de la rentabilité anticipée. La richesse de l'analyse des marchés internationaux n'est cependant pas épuisée par les résultats obtenus dans la première partie. Cette analyse peut en effet être poursuivie et approfondie, de façon à examiner les conséquences du fonctionnement des marchés sur les stratégies que l'entreprise peut adopter dans le choix d'un horizon de gestion. Dans les chapitres précédents, le raisonnement théorique et les vérifications empiriques ont été menés comme si le temps pouvait être divisé en deux périodes : le présent et le futur. Un effort est mené dans les chapitres VII et VIII pour élargir ce cadre d'analyse et réexaminer les résultats obtenus lorsque le futur comporte lui-même plusieurs horizons. Dans le chapitre VII, un modèle théorique est développé, qui reprend la plupart des hypothèses de celui de SOLNIK (1977), mais qui considère que les agents économiques maximisent l'espérance d'utilité de leur consommation présente et future sur trois périodes. Les principales relations d'équilibre établies aux chapitres III et V sont réexaminées à la lumière de ce modèle. Les résultats sont formellement identiques à ceux déjà obtenus, si l'on considère les relations entre la période présente et l'une ou l'autre des deux périodes futures. En particulier, la relation de FISHER en économie fermée, la relation de "FISHER Open", la relation de parité des pouvoirs d'achat et la relation entre cours à terme et cours futur ont une formulation différente en univers incertain de celle qui prévaut en univers certain. En revanche, si l'on considère les rapports entre les deux périodes futures, les relations précédentes ont une formulation identique à celle qui prévaut en univers certain. En particulier le cours de change à terme futur ne commande à priori aucune prime par rapport au cours au comptant pour la maturité considérée. Un tel résultat, surprenant au premier abord, est cependant logique: pour un investisseur à l'instant t, il n'est pas moins risqué de spéculer sur la valeur du cours à terme au t + 1 que sur celle du cours au comptant en t + 2. Enfin le modèle théorique permet de spécifier une nouvelle relation d'équilibre: celle, traditionnelle, de la structure des taux d'intérêt. Il apparaît que les taux longs comportent une prime par rapport aux taux courts anticipés, si l'utilité marginale de la dépense en deuxième période n'est pas indépendante du rapport des utilités marginales de la dépense en deuxième et troisième période. A contrario, si l'achat d'un panier de consommation supplémentaire donne la même satisfaction en périodes deux et trois, la structure des taux d'intérêt sur cet horizon sera sans biais. En revanche le modèle théorique ne permet pas de définir une structure maturité des primes de change à terme. En effet, un effort pour préciser la structure de la prime de risque selon la maturité a été tenté, en utilisant une fonction d'utilité particulière. Le résultat ne permet pas d'établir un lien entre les primes de risque selon les maturités. En revanche, il permet pour chaque maturité de montrer que la prime de risque sur une devise particulière est égale au produit de la prime de risque du marché par un coefficient de volatilité. Ainsi retrouve-t-on au niveau de chaque maturité un résultat traditionnel de la théorie financière moderne. Un tel résultat permet d'apprécier pour chaque devise et chaque maturité, la façon selon laquelle une position spéculative est rémunérée par rapport à une position bien diversifiée. Il ne permet pas, en revanche, de comparer l'intérêt de positions dans une même devise pour deux maturités différentes. L'étude empirique entreprise dans le chapitre VIII s'efforce à la fois de vérifier la validité du modèle théorique, et de suppléer à ses silences en ce qui concerne les rapports entre les diverses maturités. Un test du modèle théorique de marché est effectué par la régression des primes de risque individuelles pour diverses maturités sur un indice de marché naïf égal à la somme pondérée des primes de risque sur quatre devises. Le test fait apparaitre des coefficients de détermination relativement élevés, entre 50 et 30 %. Les coefficients de volatilité ne sont pas très différenciés entre les devises, et restent relativement stables pour des maturités différentes. L'étude fait cependant apparaître un rôle particulier du Franc suisse, qui commande une prime constante par rapport à toutes les autres devises. Lorsque le Franc suisse est pris comme base, on obtient une différenciation importante entre les devises, le dollar apparaissant très volatile, le deutsche mark très peu volatile, surtout pour les plus courtes maturités. Quant à la prime de risque moyenne du marché, elle semble augmenter proportionnellement à l'horizon choisi. L'étude empirique s'efforce ensuite de différencier entre les maturités, en ce qui concerne .la capacité prédictive des individus d'abord, puis en ce qui concerne les relations entre cours au comptant et à terme. En ce qui concerne la capacité prédictive des individus une étude ponctuelle a été réalisée auprès de treize cambistes parisiens sur leurs prévisions des cours du dollar et du mark pour diverses maturités. Cette enquête révèle une très grande homogénéité des prévisions, un très faible écart entre les cours à terme et les prévisions, et un très fort écart entre prévisions et réalisations. Cependant, l'écart est relativement moindre pour les maturités moyennes (2 ou 3 mois) que pour les courtes ou longues maturités. Enfin, les relations entre cours à terme et au comptant sont examinées. La capacité prédictive du cours à terme à l'égard du cours au comptant futur apparaît comme très faible et peu différenciée selon la maturité. Le dollar occupe une place particulière dans la mesure où ses variations semblent avoir fait l'objet d'erreurs systématiques de prévision. D'autre part, un effort est fait pour appréhender les relations entre cours à terme de maturités différentes. Les résultats de cet effort sont mitigés. En effet, la structure des cours à terme apparaît comme un mauvais prédicteur de la variation future du cours de change. En revanche, la capacité prédictive de la structure des cours à terme à l'égard de la prime de change future apparaît assez importante. De plus, cette capacité est assez différenciée selon les devises et l'horizon considéré. Dans le cas du Franc français cette différence est suffisamment sensible pour suggérer la possibilité d'une stratégie de spéculation dans un sens déterminé. Ainsi l'analyse théorique et pratique de la structure des primes de change à terme permet de compléter les résultats obtenus dans la première partie. Le fait que la structure horizontale des primes de risque obéit à la logique d'un modèle de marché pour chaque maturité semble une conclusion importante. Il implique qu'une entreprise souhaitant conserver une position ouverte en maximisant la rémunération de son risque doit conserver une position diversifiée en devises, maturité par maturité. Les résultats empiriques indiquent d'autre part que le risque encouru est proportionnel à l'éloignement de l'horizon. Ils suggèrent en revanche, sur la base d'une étude ponctuelle, qu'il pourrait exister un horizon de prévision privilégié. Enfin, ils semblent ne pas exclure la possibilité de définir des stratégies naïves de spéculation, en fonction d'une certaine rigidité de fait de la structure des primes de change à terme. Néanmoins certains résultats empiriques restent peu satisfaisants. Ils indiquent que des progrès restent à faire dans la compréhension du comportement des agents sur le marché des changes. En particulier une analyse plus fine des séries statistiques paraît souhaitable, en même temps qu'il conviendrait de préciser l'impact vraisemblable des imperfections des marchés.
.The subject of my thesis has as its starting point a didactic aim: that of the qualitative improvement of the teaching/learning of French to/from an audience of Reunionese children. In pursuit of this goal, I have set myself the goal of developing a benchmark for assessing the morphosyntactic skills of children in Reunion Island's large kindergarten section. Enriched in particular by recent research related to the theme of the contact of languages in Creolo-French-speaking lands, my work as a didactician has tried to reconcile, or at least to confront, a sociolinguistic variationist posture with that, classically more structuralist, of a grammarian "standard-setter" in a school setting. I thus deal, from a theoretical and pragmatic point of view, with the problem of a binarized grammatical evaluation, in a diglostic context of close language contacts, where interlectal practices are legion. By considering, from a holistic perspective, questions relating to the development of reference standards and the collection of oral data from small non-reading schoolchildren, my research is actually at the crossroads of sociolinguistics, language didactics, educational sciences but also psycholinguistics and descriptive linguistics. The report of my work is divided into four parts. PART 1: Following a general introduction, the first part of my typed text shows the need for an assessment of the linguistic skills of Réunionese pupils at the end of nursery school. It also describes the general objectives, postures and intentions underlying this evaluation. The gap between the language of the school and the language of the home is considered on Reunion Island as an aggravating factor in the educational difficulties encountered by many Reunionese pupils from the very beginning of their schooling. It would seem that to become good readers, many of them do not have sufficient skills as speakers of the French language. Among the remediation proposals proposed so far by researchers who have dealt with the subject, it is often recommended that the skills acquired by students in Creole, considered their L1, be used as a basis from kindergarten onwards to compose a strategy for teaching French as a second language. Recently, the educational policies officially posted for the Academy also suggest, in a more or less vague way, the need to take into account Creole. In this perspective, which is certainly commendable if one refers to the work of didacticians and psycholinguists on strong forms of teaching in a bilingual context (e.g. Baker, Hamers and Blanc, Cummins), two central questions nevertheless appear which should therefore be raised, but which until now have hardly been asked: -What is the quality of Creole spoken by "Creole" children today? Do the little schoolchildren from Reunion, and especially those who encounter difficulties in French, really master Creole? The analysis of recent sociolinguistic works relating to language contacts and the expansion of the use of interlecte in the Reunionese community (Prudent, Ledegen, Watin, Souprayen-Cavery, Rapanoël.).), taking into account the remarks of local primary school teachers on the shortcomings of young pupils not only in French but also in Creole, and the results of surveys declaring an increase in the "transmission" of French by Reunionese mothers, led me to think that doubt on this subject is permitted or at least that the assumption "Creole L1" is to be qualified. In order to better situate the purpose and goal of my work, I therefore began by demonstrating that the situation in terms of language practices is complex and, consequently, that the didactic orientations would become more sensitive and anchored in the local situation if they were based on concrete points of reference concerning the actual degree of mastery of the two codes in question by the students. How, in fact, can we claim to be able to exploit the knowledge acquired in one language (a priori L1-créole) in order to better appropriate the other (a priori L2-français), without having taken full measure of the degree of mastery of the two languages involved? While work has begun on the communicative skills of kindergarten students (Fioux and Marimoutou), my research on local "assessments" conducted so far reveals that researchers have no relatively detailed assessment of the current language skills of Reunionese children, on the one hand in French, before the transition to written French, after three years of schooling explicitly focused on acquiring the basics of oral French, and on the other hand in Creole. Equally disconcerting, given the educational challenges, it appears that there are also no assessment tools designed for the local situation, and therefore adapted for the collection and analysis of these oral language skills among young children, whereas we are in a former French colony with a sociolinguistic situation rooted in diglossia. On what basis can we then rely to affirm that the Reunionese students of today, who are referred to en masse as "Creolophones", possess solid language skills in Creole and gaps in French when they engage in the systematic process of learning to read? It is on the basis of these questions and observations that I draft a first constituency of the objective of my work. It is a question of asking the prolegomena of an assessment assessment, linguistic, comparative, in Creole and French, whose methodological foundations would be explained, argued, but also contextualized and updated for a public of learners at the end of a large nursery section in Reunion. The aim is to provide teachers of languages working for and with small schoolchildren in Reunion with a tool that is sufficiently detailed to enrich reflection on French teaching/learning strategies, "possibly" based on the knowledge of these pupils in Creole. Although the delimitations I am proposing to establish are an integral part of the evaluation process, they are upstream of the act of evaluation. More specifically, it is a question of building an operational evaluation frame of reference presenting evaluation criteria, reference standards and pre-tested tests with a sample of children of large section, in French and Creole. Once this purpose has been clarified, I set the initial parameters of this evaluation process. Understanding it above all as "a reflection on relationships to values", I then position myself, after an epistemological approach to this not insignificant act, in favour of an evaluation that makes sense. Following in particular Hadji, Lecointe, Bonniol and Vial or Ardoino and Berger on their questioning of the technicality of docimology in search of an illusory objectivity, I undertake, like them, to shift the priority of the correctness of the results towards the logic and transparency of an objectivized process, leading to a relevant result that can be understood, located, relativized according to a transparent reading grid and the intentions underlying it. To do this, I then borrow from the educational sciences, and in particular G. Figari, the concept of referentialization, with its triple status, operational, methodological and scientific. If they were originally designed to carry out evaluations of systems (schools, training systems, curricula, etc.), I show that the general principles of referentialisation are in fact entirely transposable to the study I am conducting. Having this common thread, my referentialization begins, in a first step, with a work of reflexivity, to try to explain and situate my own posture as an evaluation designer, which engages me in an ethical responsibility. It is above all a question of taking a step back from the power held and to which I am subjected in this work of gathering and using information of social value. I therefore strive to pose and understand the social and individual issues related to this act, but also, in reference to the subjectivity inherent in any research in the humanities (de Robillard), to self-position myself in relation to my own representations and inclinations regarding the choice of a referentialization activity. A second step arising from the first also allows me to clarify my intentions in this evaluation. After a review of the pathways available to me, I conclude that in relation to the objectives, they are closer to evaluation-appraisal than evaluation-measurement and lead me to favour a qualitative approach. PART 2: The second part of my thesis, which relates the exploratory phase of my referentialization, is entirely dedicated to the modelling stage of my evaluation object. First, I report on the theoretical investigations I conducted in order to define the object to be evaluated, namely the object language. The first step is to position myself in the debate on the (im)possibility(s) of delimiting boundaries between Creole and French, which opposes structuralists and variationists, and even variationists between them. To do this, I approach the history of the contact of the languages of Reunion, from the plantation society to the departmentalized society, and compare the concepts that served as filters to describe the contact of Creole/French languages (diglossia, continuum, interlecte, macrosystem). Finally, I come to find in de Robillard's arguments, in his broader reflection on the definition of a language, the bases that push me to adopt, for the precise needs of the evaluation I am aiming for, a solid conception of the language, leading me to see Creole and French from a binarized angle. For all that, I do not abandon the study of the phenomena of mixtures noted by the Reunionese teachers among their pupils and that some (didacticians and pedagogues) praise as an asset or, on the contrary, criticize as a handicap, or even associate with the manifestation of a "semi-linguism", compared to the speeches of monolinguals. If my inclination for sociolinguistics leads me to see mixtures as some kind of discursive mode in their linguistic repertoire and to refute a treatment of mixtures from the point of view of parasitages, the question I ask myself as a didactician seeking to improve the teaching/learning process of French is the following: in the end, how can evaluators be allowed to determine, independently of recognition of the linguistic and pragmatic ability of these young pupils to "juggle" with two codes to arrive at communicating, whether the mixtures made are indicative of a) tactics of "compensating" for gaps in one language and/or the other (the skills then being better in one language than the other or insufficient in both languages), or b) relatively good "mastery" of the two codes (the skills being good in one language as well as the other), which calls for different remediation and/or teaching methods? With this in mind, I have decided to draw up an inventory of research focused on the language and linguistic evaluation of "bilingual" people. I am particularly interested in the treatment of the problem of mixtures, from the most "closed" (cf. the works of Titone, Fioux, Genelot et al.), to the most "open" (cf. the works of Moore, Cavalli, Stubbe and Peña.). By weighing them against my objectives, it seems to me that, for my type of comparative assessment, requiring quite distinct target languages, the binarized approach that can answer my initial questions proves to be relevant. Continuing my theoretical investigations, I refine my research framework by determining what a good speaker of a language implies. By approaching the notions of competence vs performance, by reviewing the points of view of language didacticians (Canale and Swain, De Pietro, Cuq, Beacco, Springer, Castellotti,.), interactionists (Hymes, Vasseur), psycholinguists (Lentin, Florin, Gombert.), pedagogues (Boisseau), researchers specializing in language evaluation (Rondal, Comblain, Piérart, Muller.).), but also by taking into consideration the directives concerning the mastery of language (Ministry of National Education) and the recommendations concerning the appropriation of foreign languages (Council of Europe), I decide to focus my reference frame on the evaluation of morphosyntactic skills, and to privilege as well the collection of samples of induced language as of spontaneous language. My exploratory phase also includes field investigations. I begin by describing the places of investigation (located mainly among Benedictine pupils of large nursery section but also at Tampon and Pau), the sampling (choice of schools, classes, children) and the means I used (ethnological approach, filmed interactions, activities carried out, protocols followed). In addition to providing me with a better knowledge of the characteristics of these young witnesses, thanks in particular to a participant observation, and to testing the relevance of different supports, tasks, evaluation approaches and inter-electoral speech transcription systems, I show that this field work allows me to make several observations that corroborate the hypothesis I had formulated during my theoretical investigations. By crossing various salient factors that I was able to identify, such as language practices (which I label without hierarchy "bi-linguisme", "mix-linguisme", "dominance in Creole" and "dominance in French"), linguistic representations, attitudes towards the school norm and the ability to discriminate between the two linguistic codes, both by the witnesses and by myself in the role of evaluator, I was indeed able to measure, in parallel with promising results, the complexity and the limits of a binarized evaluation in terms of data collection and analysis, particularly when the evaluator is faced with certain language profiles of children in this context of close language contact. Indeed, if a binary apprehension, deliberately and "classically" smoothed for teaching purposes seems appropriate for assessing and comparing the quality of children's skills in Creole and French, the local context of contact of close languages, marked by diglossic representations and far from being limited to well delimited and delimitable binary practices, leads me to think that a reference of this type is likely to have a limited scope. It is a hypothesis that it will then be up to me to verify in the continuation of my work. PART 3: Informed by a better knowledge of the potential, limits and concrete constraints of a binarised approach, the next stage of my referentialisation begins with the choice of criteria and indicators that will make it possible to evaluate young children who are not readers, orally, in French and Creole. This is the subject of the third part of my typewriting. Before getting to the heart of the matter, I begin with an indispensable preamble, it seems to me, on the balance of power at stake in normative activity (between prescription and description, priorities, relativity and arbitrariness, legitimacy(ies).). On this sensitive subject, subject to strong polemics, as well in the scientific community in general as among speakers evolving in the Reunionese community, I present in a double posture of sociolinguist and didactician, my own positioning in relation to the notion of "norm(s)". In order for my approach to be better understood and because I consider it essential to step back from a concept that often marginalizes those who use it (outside practitioners), I explicitly state the relative, constructed and yet necessary character, in my case, of the standard for this frame of reference. I also explain my legitimacy as a designer of normative references from a variationist point of view, within the theoretical framework chosen for this evaluation work. To construct the normative references of my tool, the methodological protocol that I decide to borrow is the following: 1. from already recorded descriptions of uses, - in Creole (then exist only scientific articles, grammars, dictionaries that describe only the norms of adult use (Staudacher, Watbled, Chaudenson, Ramassamy, Cellier.)), - and in French (including work on standard French (Riegel et al., Arrivé et al.)), Wagner and Pinchon.), spoken French (Gadet, Blanche-Benvéniste, Sauvageot.), regional French (Carayol, Ledegen, Béniamino and Baggioni), French spoken by children (Florin, Boisseau, Comblain.), 2. synthesize and compare these works, not only with each other but also with my own research and native speaker skills on the morphosyntactic items in question, 3.in order to be able to then proceed to a choice of criteria, whose relevance will be justified each time, for the language provoked and the spontaneous language, 4. to propose reference standards (indicators) making it possible to evaluate these criteria. For Creole, at this stage it is a question of provisional standards, 5. adjusting and updating the latter for an audience of young children, by analysing the spontaneous speech in Creole of Reunionese kindergarten children ("reference informants"), dominant in Creole or in two languages. A little more than three hundred pages of my typewriting report on the development and choice of these criteria and indicators. They quickly reveal a clear qualitative and quantitative imbalance between the state of knowledge in Creole and French. In a grammatical work, descriptive but also prescriptive, which must sort and complete, for Creole, existing descriptions certainly interesting but often contradictory, relieved of emerging varieties and completely incomplete as regards child forms, I approach the updating of the verbal theme (flexional system, analytical system, index i, truncation rules), personal pronouns, the valence of verbal themes, interrogative modality and negative modality. PART 4: The fourth and last part of my referentialization is first devoted to measuring the general parameters of designing assessment tasks and collecting data for and from children. Following a review of the literature on the subject (notably the work of Rondal, Moreau and Richelle, Khomsi, Florin, Brédart, Gombert, Marquillo.), I then put forward two considerations relating to relevance and validity criteria in an evaluation, when collecting data. They concern the types of activities generally proposed in language assessments (comprehension, production, detection and correction of statements), and the tasks making it possible to collect observable behaviours (with a focus on their scope, bias, supports and instructions). I close this review with my own remarks, criticisms and impressions on the experience of developing data collection tools that I was able to develop on the ground in Réunion. In a second step, I present and comment on the pilot tests I pre-tested with a hundred children of large section, during individual evaluation sessions, filmed and analyzed. This test bank is composed of 39 sheets classified according to whether it is a question of assessing competencies in Creole, competencies in French or "bilingual" competencies (translation, codic discrimination). These sheets present the evaluation tasks I have developed and pre-tested for feasibility, relevance and sensitivity. They detail, for each syntactic item evaluated, the criteria taken into consideration, the type of activity chosen, the expected performances, the supports of the test, the indications on its organisation, the instructions, but also the primer statements possibly provided for the evaluator, an analysis of examples of "correct" and "incorrect" answers collected from the pre-tested witnesses, and finally general comments on the test in question (difficulties, variants, precautions.). CONCLUSION: my typewriting ends with a general conclusion. First of all, it summarizes the different steps of my referencing as well as their results, and comes back on the improvements that could be made. It then presents the contributions of this research work, which also raises questions and allows proposals to be made. The contributions include in particular : -Theoretical but also field research with a hundred Reunionese children which allows the provision of an operational assessment tool, adapted to the characteristics of small Reunionese schoolchildren of large nursery section and proposing detailed tasks, tested and concrete normative benchmarks. These cards can be used as they stand, in the end as much by researchers in language didactics as by practitioners, who assess the oral grammatical skills of young children in Reunion Island. - In general, a methodological perspective concerning the collection and analysis of oral data from young non-reading schoolchildren in a diglostic context, and in a situation of contact with nearby languages. - An enrichment of the work of synchronic description of the peripheral French morphosyntax, but especially of the Creole of Reunion Island, in particular, a) by taking into account the intrasystemic and intersystemic variations (the current emerging forms due to the internal dynamics of Creole and to the contact with French, the childlike forms, the language of the young people), b) by the synthetic approach adopted (comparative analysis of work, elaboration of summary tables). But this work of referentialization also raises questions for research, on several points: On the didactic level : - This study showing the essential consideration of linguistic representations, language practices, pragmatic skills of students during the process of collecting oral data, what validity, what relevance can have smoothed evaluations, hermetic to the situation of contact of close languages and the specificities of children in Reunion, such as academic evaluations in French, duplications of a-contextualized metropolitan evaluations, designed for an already French-speaking monolingual public? What relevance do the proposals of didactic and explicit use, "as is", of Creole "L1" as a springboard to reach French L2, whereas the pre-tests carried out during my research already show a majority of witnesses presenting basic grammatical skills in French deficiencies, but also schoolchildren (even dominant Creolophones), encountering difficulties of expression, even comprehension, in Creole? Wouldn't most of the grammatical descriptions currently available hardly take into account the intra- and intersystemic variations of Creole, have repercussions on the scope of the didactic proposals for teaching French in partnership with Creole?In terms of research on language assessment: -The binary perspective chosen in this work, considered relevant for comparing language skills in Creole and French, has limitations and cannot, in particular, take into consideration, as it stands, all children's language profiles (for example, non-discriminatory mix-linguals). Beyond a Creole/French assessment, what alternative do we have to assess the language skills, especially morpho-syntactic, of these children whose (a)meshed speech and without a target "language" cannot be analysed in this framework? Should these "bilingual" skills be measured for themselves, without reference to Creole and French, as some researchers try to do relatively marginally in other linguistic contexts (e.g. Stubbe and Peña for American-Hispanic bilinguals in the United States)? But is what seems possible for "non collateral" languages possible for genetically and structurally related languages? Indeed, is a bilingual evaluation taking as a normative reference the morphosyntax of the entire Reunion macrosystem, thus a "fluid" language, where the evaluator does not have explicit/explicable reference standards a priori and therefore justified/justifiable, conceivable? Although it allows its pedagogical relevance to be seen, and meets the search for meaning criterion, how would it justify its objectivization when the evaluator only"feels" that it is being said and thus holds within himself "moving" rules, elusive as a native speaker of the interlecte? How can this unavoidable involvement, which derogates from the basis of any evaluation, be managed when normative references are internalized and a priori not externalisable?This research work finally makes it possible to make recommendations and proposals for areas of work concerning the teaching of French in partnership with Creole: - To endeavour to identify the conditions of awareness of codes by currently discriminating children (without school guidance), for the study of ways allowing schoolchildren, from the small section, to discriminate prototypical traits of Creole and French. - To take greater account of the heterogeneity of the language profiles of Réunionese children, who should not be considered as a linguistically homogeneous mass (even in schools in so-called disadvantaged neighbourhoods), and to continue the reflection on taking into account the Reunionese language macrosystem. – To complete the research on Creole currently spoken by the Reunionese population (children, youth, adults) and open these descriptions to all variations. - To make current the grammatical description books and to encourage the publication of scientific works (not purist), "accessible" to the public of students (future teachers) in training but also to that of teachers already in post. – To take more into account and change the negative representations of the local population (especially the parents of pupils) concerning the partnership (direct or indirect) with Creole. This subject being the object of strong tensions on the school ground, to study possibilities of alternative approaches (exploitation of the television medium, creation/exploitation of parallel educational structures as associations of the "ti lékol maron" type or leisure centres), privileging the mastery of language with a playful aspect, in a "calmed" context. ; Le sujet de ma thèse a pour point de départ une visée didactique : celle de l'amélioration qualitative de l'enseignement/apprentissage du français à/par un public d'enfants réunionnais. Dans la poursuite de cette finalité, je me suis fixé pour but l'élaboration d'un référentiel d'évaluation des compétences morphosyntaxiques d'enfants réunionnais en grande section de maternelle à La Réunion. Enrichi notamment des récentes recherches liées à la thématique du contact de langues en terres créolo-francophones, mon travail de didacticienne a tenté de concilier, ou du moins de confronter une posture de sociolinguiste variationniste à celle, classiquement plus structuraliste, de grammairienne « poseuse de normes » dans un cadre scolaire. Je traite ainsi, d'un point de vue théorique et pragmatique, la problématique d'une évaluation grammaticale binarisée, dans un contexte diglossique de contacts de langues proches, où les pratiques interlectales sont légion. En considérant, dans une perspective holistique, des questions relatives à l'élaboration de normes de référence et au recueil de données orales auprès de petits écoliers non lecteurs, ma recherche se trouve en réalité inscrite à la croisée de la sociolinguistique, de la didactique des langues, des sciences de l'éducation mais aussi de la psycholinguistique et de la linguistique descriptive.Le compte rendu de mon travail se scinde en quatre parties.PARTIE 1 : suite à une introduction générale, la première partie de mon tapuscrit montre la nécessité d'une évaluation bilan des compétences linguistiques des élèves réunionnais à la fin de l'école maternelle. Elle décrit également les objectifs généraux, les postures et les intentions qui sous-tendent cette évaluation.L'écart entre la langue de l'école et la langue de la maison est considéré à La Réunion comme un facteur aggravant des difficultés scolaires que rencontrent de nombreux élèves réunionnais dès les débuts de leur scolarisation. Il semblerait que pour devenir notamment de bons lecteurs, beaucoup d'entre eux ne disposent pas de compétences suffisantes en tant que locuteurs de la langue française. Parmi les propositions de remédiation proposées jusqu'à présent par les chercheurs ayant traité du sujet, il est souvent préconisé de prendre appui, dès la maternelle, sur les compétences acquises par les élèves en créole, considéré comme leur L1, pour composer une stratégie d'enseignement du français, qualifiée de langue seconde. Depuis peu, les politiques éducatives officiellement affichées pour l'Académie laissent entendre également à leur tour, de manière plus ou moins floue, la nécessité de prendre en compte le créole.Dans cette optique, certes louable si on se réfère à des travaux de didacticiens et de psycholinguistes sur les formes fortes d'enseignement en contexte bilingue (ex : Baker, Hamers et Blanc, Cummins), apparaissent cependant deux questions centrales qui devraient dès lors être soulevées, mais qui jusqu'à présent n'ont guère été posées : -Quelle est la qualité du créole parlé par les enfants « créolophones » d'aujourd'hui ?-Ces petits écoliers réunionnais, et notamment ceux qui rencontrent des difficultés en français, maîtrisent-ils vraiment le créole ? L'analyse des récents travaux de sociolinguistique ayant trait aux contacts de langues et à l'expansion de l'usage de l'interlecte dans la communauté réunionnaise (Prudent, Ledegen, Watin, Souprayen-Cavery, Rapanoël.), la prise en compte des remarques d'enseignants locaux du premier degré sur les lacunes des jeunes élèves non seulement en français mais également en créole, et celle des résultats de sondages déclarant une augmentation de la « transmission » du français par les mères réunionnaises, m'ont amenée à penser que le doute à ce sujet est permis ou du moins que le postulat « créole L1 » est à nuancer. Afin de mieux situer la finalité et le but de mon travail, j'ai donc entrepris dans un premier temps de démontrer que la donne en matière de pratiques langagières s'avère complexe et par conséquent, que les orientations didactiques gagneraient en sensibilité et en ancrage dans la situation locale, si elles s'appuyaient sur des points de repères concrets concernant le degré de maîtrise effective actuelle des deux codes en question par les élèves. Comment, en effet, prétendre pouvoir exploiter les acquis dans une langue (a priori L1-créole) pour mieux s'approprier l'autre (a priori L2-français), sans avoir pris la pleine mesure du degré de maîtrise des deux langues impliquées? Si des travaux ont été entamés concernant les compétences communicatives des écoliers en maternelle (Fioux et Marimoutou), mes recherches sur les « évaluations » locales menées jusque-là révèlent en effet que les chercheurs ne disposent d'aucun bilan relativement détaillé des compétences linguistiques actuelles des enfants réunionnais, d'une part en français, avant le passage au français écrit, après trois années de scolarisation pourtant explicitement axées sur l'acquisition des bases du français oral, et d'autre part en créole . Tout aussi déconcertant, eu égard aux enjeux scolaires, il apparaît qu'on ne dispose pas non plus d'outils d'évaluation pensés pour la situation locale, donc adaptés pour le recueil et l'analyse de ces compétences linguistiques orales auprès de jeunes enfants, alors qu'on se trouve dans une ancienne colonie française présentant une situation sociolinguistique ancrée dans la diglossie. Sur quelle base peut-on alors s'appuyer pour affirmer que les élèves réunionnais d'aujourd'hui, qu'on qualifie en masse de « créolophones », possèdent de solides compétences linguistiques en créole et des lacunes en français lorsqu'ils s'engagent dans le processus d'apprentissage systématique de la lecture ? C'est à partir de ces questionnements et de ces constats que j'ébauche une première circonscription de l'objectif de mon travail. Il s'agit de poser les prolégomènes d'une évaluation bilan, linguistique, comparée, en créole et en français, dont les soubassements méthodologiques seraient explicités, argumentés, mais aussi contextualisés et actualisés pour un public d'apprenants en fin de grande section de maternelle à La Réunion. Le but est de doter les didacticiens des langues œuvrant pour et auprès de petits écoliers réunionnais d'un outil suffisamment fin pour permettre d'enrichir la réflexion sur les stratégies d'enseignement/apprentissage du français, « éventuellement » à partir des acquis de ces élèves en créole. Bien que s'inscrivant en amont de l'acte d'évaluer, les délimitations que je propose d'établir font partie intégrante du processus d'évaluation. Plus précisément, il s'agit concrètement de construire un référentiel d'évaluation opérationnel présentant des critères d'évaluation, des normes de références et des épreuves pré-testées auprès d'un échantillon d'enfants de grande section, en français et en créole. Une fois ce dessein explicité, je pose les paramètres liminaires de ce processus d'évaluation. Le concevant avant tout comme « une réflexion sur les rapports aux valeurs », je me positionne alors, après une approche épistémologique de cet acte non anodin, en faveur d'une évaluation qui fasse sens. Suivant notamment Hadji, Lecointe, Bonniol et Vial ou encore Ardoino et Berger sur leurs remises en cause de la technicité de la docimologie à la recherche d'une objectivité illusoire, j'entreprends, comme eux, de déplacer la priorité de la justesse des résultats vers la logique et la transparence d'un processus objectivisé, amenant à un résultat pertinent qu'on peut comprendre, situer, relativiser en fonction d'une grille de lecture transparente et des intentions qui la sous-tendent. Pour ce faire, j'emprunte alors aux sciences de l'éducation, et notamment à G. Figari, le concept de référentialisation, au triple statut, opératoire, méthodologique et scientifique. S'ils ont été pensés originellement pour mener des évaluations de dispositifs (établissements scolaires, dispositifs de formation, curricula, etc.), je montre que les principes généraux de la référentialisation s'avèrent en réalité tout à fait transposables à l'étude que je mène. Nantie de ce fil rouge, ma référentialisation commence, dans une première étape, par un travail de réflexivité, pour tenter d'expliciter et situer ma propre posture de conceptrice d'évaluation, qui m'engage dans une responsabilité éthique. Il s'agit avant tout de prendre du recul sur le pouvoir détenu et auquel je suis soumise dans ce travail de recueil et d'utilisation d'une information à valeur sociale. Je m'attèle donc à poser et comprendre les enjeux sociaux et individuels liés à cet acte, mais également, en référence à la subjectivité inhérente à toute recherche en sciences humaines (de Robillard), à m'auto-positionner par rapport à mes propres représentations et inclinations concernant le choix d'une activité de référentialisation. Une deuxième étape découlant de la première me permet par ailleurs de préciser mes intentions dans cette évaluation. Après une revue des cheminements qui me sont offerts, j'en conclus qu'en rapport avec les objectifs visés, celles-ci se rapprochent au final plus de l'évaluation-appréciation que de l'évaluation-mesure et m'amènent à privilégier une approche qualitative.PARTIE 2 : la deuxième partie de ma thèse, qui relate la phase exploratoire de ma référentialisation, est entièrement dédiée à l'étape de la modélisation de mon objet d'évaluation. Je rends tout d'abord compte des investigations théoriques que j'ai menées afin de circonscrire l'objet à évaluer, à savoir l'objet langue. Il s'agit dans un premier temps de me positionner dans le débat sur la/les (im)possibilité(s) de délimitation de frontières entre créole et français, qui oppose structuralistes et variationnistes, et même variationnistes entre eux. J'aborde, pour ce faire, l'histoire du contact des langues de La Réunion, de la société de plantation à la société départementalisée, et confronte les concepts qui ont servi de filtres pour décrire le contact de langues créole/français (diglossie, continuum, interlecte, macrosystème). J'en viens finalement à trouver dans les arguments de de Robillard, dans sa réflexion plus large sur la définition d'une langue, les bases qui me poussent à adopter, pour les besoins précis de l'évaluation que je vise, une conception solide de la langue, amenant à voir le créole et le français sous un angle binarisé.Pour autant, je n'abandonne pas l'étude des phénomènes de mélanges relevés par les enseignants réunionnais chez leurs élèves et que d'aucuns (didacticiens et pédagogues) encensent comme un atout ou, au contraire, fustigent comme un handicap, voire associent à la manifestation d'un « semi-linguisme », comparativement aux discours de monolingues. Si mon inclination pour la sociolinguistique m'amène à voir les mélanges comme un quelconque mode discursif dans leur répertoire langagier et à réfuter un traitement des mélanges du point de vue de parasitages, la question que je me pose en tant que didacticienne cherchant à améliorer le processus d'enseignement/apprentissage du français est la suivante : en fin de compte, comment permettre à des évaluateurs de déterminer, indépendamment d'une reconnaissance de la capacité linguistique et pragmatique de ces jeunes élèves à "jongler" avec deux codes pour arriver à communiquer, si les mélanges effectués sont indicateurs :-de tactiques de « compensation » de lacunes dans l'une et/ou l'autre langue (les compétences étant alors meilleures dans une langue que dans l'autre ou insuffisantes dans les deux langues),-ou d'une « maîtrise » relativement bonne des deux codes (les compétences étant bonnes dans une langue comme dans l'autre), ce qui appelle des remédiations et/ou des pistes pédagogiques différentes ? Je décide dans cette optique d'établir l'état des lieux des recherches axées sur l'évaluation langagière et linguistique de « bilingues ». Je m'intéresse notamment aux traitements de la problématique des mélanges, des plus « fermés » (cf. les travaux de Titone, Fioux, Genelot et al.), aux plus « ouverts » (cf. les travaux de Moore, Cavalli, Stubbe et Peña.). En les soupesant en regard de mes objectifs, il m'apparaît alors que, pour mon type d'évaluation comparée, requérant des langues cibles bien distinctes, l'approche binarisée qui peut répondre à mes questions de départ s'avère pertinente. Poursuivant mes investigations théoriques, j'affine mon cadre de recherche en déterminant ce que sous-entend être un bon locuteur d'une langue. En abordant les notions de compétence vs performance, en passant en revue les points de vue de didacticiens des langues (Canale et Swain, De Pietro, Cuq, Beacco, Springer, Castellotti,.), d'interactionnistes (Hymes, Vasseur), de psycholinguistes (Lentin, Florin, Gombert.), de pédagogues (Boisseau), de chercheurs spécialisés dans l'évaluation du langage (Rondal, Comblain, Piérart, Muller.), mais aussi en prenant en considération les directives en matière de maîtrise du langage (Ministère de l'Education Nationale) et les préconisations concernant l'appropriation des langues étrangères (Conseil de l'Europe), je décide de centrer mon référentiel sur l'évaluation des compétences morphosyntaxiques, et de privilégier aussi bien le recueil d'échantillons de langage provoqué que de langage spontané.Ma phase exploratoire comprend également des investigations de terrain. Je commence par décrire les lieux d'enquête (situés en grande partie auprès d'élèves bénédictins de grande section de maternelle mais également au Tampon et à Pau), l'échantillonnage (choix des écoles, des classes, des enfants) et les moyens dont j'ai usés (démarche ethnologique, interactions filmées, activités réalisées, protocoles suivis). En sus de me fournir une meilleure connaissance des caractéristiques de ces jeunes témoins, grâce notamment à une observation participante, et de tester la pertinence de différents supports, tâches, approches d'évaluation et de systèmes de transcription de la parole interlectale, je montre que ce travail de terrain me permet de faire plusieurs constats qui corroborent l'hypothèse que j'avais formulée lors de mes investigations théoriques. En croisant divers facteurs saillants que j'ai pu relever, tels que les pratiques langagières (que j'étiquette sans hiérarchie « bi-linguisme », « mix-linguisme », « dominance en créole » et « dominance en français »), les représentations linguistiques, les attitudes face à la norme scolaire et la capacité à discriminer les deux codes linguistiques, aussi bien par les témoins que par moi-même dans le rôle d'évaluateur, j'ai pu en effet mesurer, parallèlement à des résultats prometteurs, la complexité et les limites d'une évaluation binarisée en termes de recueil et d'analyse de données, notamment lorsque l'évaluateur est face à certains profils langagiers d'enfants dans ce contexte de contact de langues proches. En effet, si une appréhension binaire, volontairement et « classiquement » lissée pour des besoins didactiques semble convenir pour évaluer, comparer la qualité des compétences d'enfants en créole et en français, le contexte local de contact de langues proches, empreint de représentations diglossiques et loin de se restreindre à des pratiques binaires bien délimitées et délimitables, m'amène à penser qu'un référentiel de ce type est susceptible d'avoir une portée limitée. C'est une hypothèse qu'il m'appartiendra alors de vérifier dans la suite de mon travail.PARTIE 3 : éclairée d'une meilleure connaissance du potentiel, des bornes et des astreintes concrètes d'une approche binarisée, l'étape suivante de ma référentialisation s'engage sur le choix des critères et des indicateurs qui permettront d'évaluer de jeunes enfants non lecteurs, à l'oral, en français et en créole. Ceci fait l'objet de la troisième partie de mon tapuscrit.Avant d'entrer dans le vif du sujet, je commence par un préambule indispensable, il me semble, sur les rapports de force en jeu dans l'activité normative (entre prescription et description, priorités, relativité et arbitraire, légitimité(s).). Sur ce sujet sensible, soumis à de fortes polémiques, aussi bien dans la communauté scientifique de manière générale que parmi les locuteurs évoluant dans la communauté réunionnaise, je présente dans une posture double de sociolinguiste et de didacticienne, mon propre positionnement par rapport à la notion de « norme(s) ». Pour que ma démarche soit mieux comprise et parce que je juge essentielle cette prise de recul face à un concept marginalisant souvent celui/celle qui y a recours (en dehors des praticiens), je pose explicitement le caractère relatif, construit et pourtant nécessaire, dans mon cas, de la norme pour ce référentiel. J'explique par ailleurs également ma légitimité de conceptrice de références normatives d'un point de vue variationniste, dans le cadre théorique choisi pour ce travail d'évaluation. Pour construire les références normatives de mon outil, le protocole méthodologique que je décide d'emprunter est le suivant :1.partir de descriptions déjà consignées des usages,-en créole (n'existent alors que des articles scientifiques, des grammaires, des dictionnaires qui ne décrivent que les normes d'usage d'adultes (Staudacher, Watbled, Chaudenson, Ramassamy, Cellier.)),-et en français (comprenant les travaux sur le français standard (Riegel et al., Arrivé et al., Wagner et Pinchon.), le français parlé (Gadet, Blanche-Benvéniste, Sauvageot.), le français régional (Carayol, Ledegen, Béniamino et Baggioni), le français parlé par les enfants (Florin, Boisseau, Comblain.)), 2.synthétiser et confronter ces travaux, non seulement entre eux mais également à mes propres recherches et compétences de locutrice native sur les items morphosyntaxiques en question, 3.afin de pouvoir procéder ensuite à un choix de critères, dont la pertinence sera à chaque fois justifiée, pour le langage provoqué et le langage spontané, 4. proposer des normes de références (indicateurs) permettant d'évaluer ces critères. Pour le créole, s'agissant à ce stade de normes provisoires,5.ajuster, actualiser ces dernières pour un public de jeunes enfants, en analysant le discours spontané en créole d'enfants réunionnais de maternelle (les « informateurs de référence»), dominants en créole ou bi-lingues.Un peu plus de trois centaines de pages de mon tapuscrit rendent compte de l'élaboration et du choix de ces critères et de ces indicateurs. Elles laissent rapidement voir un déséquilibre manifeste tant qualitatif que quantitatif entre l'état des connaissances en créole et en français. Dans un travail de grammairienne, descriptive mais également prescriptive, qui doit trier et compléter, pour le créole, des descriptions existantes certes intéressantes mais souvent contradictoires, délestées des variétés émergentes et complètement lacunaires en ce qui concerne les formes enfantines, j'aborde l'actualisation du thème verbal (système flexionnel, système analytique, indice i, règles de troncation), les pronoms personnels, la valence des thèmes verbaux, la modalité interrogative et la modalité négative. PARTIE 4 : la quatrième et dernière partie de ma référentialisation est d'abord consacrée à prendre la mesure des paramètres généraux de la conception de tâches d'évaluation et du recueil de données pour et auprès d'enfants. Suite à une revue de la littérature sur le sujet (notamment les travaux de Rondal, Moreau et Richelle, Khomsi, Florin, Brédart, Gombert, Marquillo.), je mets alors en avant deux considérations relatives aux critères de pertinence et de validité dans une évaluation, lors du recueil de données. Elles concernent les types d'activités généralement proposées dans les évaluations langagières (compréhension, production, détection et correction d'énoncés), et les tâches permettant de recueillir des comportements observables (avec un centrage sur leurs portées, biais, supports et consignes). Je clôture cette revue en apportant mes propres remarques, critiques et impressions sur l'expérience d'élaboration d'outils de recueil de données que j'ai pu développer sur le terrain réunionnais.Dans un deuxième temps, je présente et commente les épreuves pilotes que j'ai pré-testées auprès d'une centaine d'enfants de grande section, lors de séances d'évaluation individuelles, filmées et analysées.Cette banque d'épreuves est composée de 39 fiches classées selon qu'il s'agit d'évaluer des compétences en créole, des compétences en français ou des compétences « bilingues » (traduction, discrimination codique). Ces fiches présentent les tâches d'évaluation que j'ai élaborées et dont j'ai pré-testé la faisabilité, la pertinence et la sensibilité. Elles détaillent, pour chaque item syntaxique évalué, les critères pris en considération, le type d'activité choisi, les performances attendues, les supports de l'épreuve, les indications sur son organisation, les consignes, mais également les énoncés-amorces éventuellement prévus pour l'évaluateur, une analyse d'exemples de réponses "correctes" et "incorrectes" recueillis auprès des témoins pré-testés, et enfin des commentaires généraux sur l'épreuve en question (difficultés, variantes, précautions.). CONCLUSION : mon tapuscrit se clôt par une conclusion générale. Celle-ci synthétise tout d'abord les différentes étapes de ma référentialisation ainsi que leurs résultats, et revient sur les améliorations qui pourraient y être apportées. Elle présente dans un deuxième temps les apports de ce travail de recherche, qui soulève aussi des questionnements et permet de faire des propositions.Les apports comprennent notamment : -Une recherche théorique mais également de terrain auprès d'une centaine d'enfants réunionnais qui permet la mise à disposition d'un outil d'évaluation opératoire, adapté aux caractéristiques de petits écoliers réunionnais de grande section de maternelle et proposant des tâches détaillées, éprouvées et des repères normatifs concrets. Ces fiches sont utilisables en l'état, au final autant par des chercheurs en didactique des langues que par des praticiens, amenés à évaluer des compétences grammaticales orales de jeunes enfants à La Réunion.-De manière générale, un éclairage méthodologique concernant le recueil et l'analyse de données orales auprès de jeunes écoliers non lecteurs dans un contexte diglossique, et dans une situation de contact de langues proches.-Un enrichissement des travaux de description synchronique de la morphosyntaxe du français, mais surtout du créole de La Réunion, notamment :»par la prise en compte des variations intrasystémiques et intersystémiques (les formes émergentes actuelles dues à la dynamique interne du créole et au contact avec le français, les formes enfantines, le langage des jeunes), »par l'approche synthétique adoptée (analyse comparée de travaux, élaboration de tableaux récapitulatifs).Mais ce travail de référentialisation soulève également des questionnements pour la recherche, sur plusieurs points :Sur le plan didactique : -Cette étude montrant l'indispensable prise en compte des représentations linguistiques, des pratiques langagières, des compétences pragmatiques des élèves lors du processus de recueil de données orales, quelle validité, quelle pertinence peuvent avoir des évaluations lissées, hermétiques à la situation de contact de langues proches et aux spécificités des enfants réunionnais, comme les évaluations académiques en français, duplications d'évaluations métropolitaines a-contextualisées, conçues pour un public monolingue déjà francophone ?-Quelle pertinence ont les propositions d'exploitation didactique et explicite, « en l'état », du créole « L1 » comme tremplin pour atteindre le français L2, alors que les pré-tests menés lors de ma recherche laissent déjà entrevoir certes une majorité de témoins présentant des compétences grammaticales de base en français lacunaires, mais également des écoliers (même dominants créolophones), rencontrant des difficultés d'expression, voire de compréhension, en créole ?-La plupart des descriptions grammaticales actuellement disponibles ne prenant guère en compte les variations intra- et intersystémiques du créole, n'y aurait-il pas des répercussions sur la portée des propositions didactiques pour l'enseignement du français en partenariat avec le créole ? Sur le plan des recherches sur l'évaluation linguistique : -La perspective binaire choisie dans ce travail, jugée pertinente pour comparer des compétences linguistiques en créole et en français, présente des limites et ne peut notamment prendre en considération, en l'état, tous les profils langagiers d'enfants (par exemple, les mix-lingues non-discriminants). Au-delà d'une évaluation créole/français, quelle alternative avons-nous pour apprécier les compétences linguistiques, notamment morpho-syntaxiques, de ces enfants dont la parole tellement (a)maillée et sans « langue » cible ne peut être analysée dans ce cadre ? Faut-il mesurer ces compétences « bilingues » pour elles-mêmes, sans référence au créole et au français, comme tentent de le faire de manière relativement marginale certains chercheurs dans d'autres contextes linguistiques (ex : Stubbe et Peña pour des bilingues américano-hispanophones aux Etats-Unis) ? Mais ce qui semble possible pour des langues « non collatérales » l'est-il pour des langues génétiquement et structurellement proches ? En effet, une évaluation bilingue prenant comme référence normative la morphosyntaxe de l'ensemble du macrosystème réunionnais, donc une langue « fluide », où l'évaluateur ne dispose pas de normes de référence explicitées/explicitables a priori et donc justifiées/justifiables, est-elle envisageable ? Bien qu'elle laisse voir sa pertinence sur le plan pédagogique, et réponde au critère de recherche de sens, comment justifierait-elle son objectivisation lorsque l'évaluateur ne fait que « « (re)sentir » que ça se dit » et donc détient en lui-même des règles « mouvantes », insaisissables de locuteur natif de l'interlecte ? Comment gérer cette incontournable implication dérogeant aux bases de toute évaluation, lorsque les références normatives sont intériorisées et a priori non externalisables ?Ce travail de recherche permet enfin d'émettre des préconisations et propositions pour des pistes de travail concernant la didactique du français en partenariat avec le créole : -S'attacher à identifier les conditions de conscientisation des codes par des enfants actuellement discriminants (sans guidage scolaire), pour l'étude de pistes permettant aux écoliers, dès la petite section, de discriminer des traits prototypiques du créole et du français.-Prendre davantage en considération l'hétérogénéité des profils langagiers des enfants réunionnais qui ne sont pas à considérer comme une masse linguistiquement homogène (même dans les écoles de quartiers dits défavorisés) et continuer la réflexion sur la prise en compte du macrosystème langagier réunionnais.-Compléter les recherches sur le créole parlé actuellement par la population réunionnaise (enfants, jeunes, adultes) et ouvrir ces descriptions à toutes les variations.-Briser le caractère ésotérique des ouvrages de descriptions grammaticales actuels et encourager la publication d'ouvrages de vulgarisation, non puristes, « accessibles » au public des étudiants (futurs enseignants) en formation mais également à celui des enseignants déjà en poste.-Prendre davantage en compte et faire évoluer les représentations négatives de la population locale (notamment les parents d'élèves), concernant le partenariat (direct ou indirect) avec le créole. Ce sujet faisant l'objet de fortes tensions sur le terrain scolaire, étudier des possibilités d'approches alternatives (exploitation du médium télévisuel, création/exploitation de structures éducatives parallèles comme des associations de type « ti lékol maron » ou des centres de loisirs), privilégiant la maîtrise du langage avec un aspect ludique, dans un contexte « apaisé ».
This thesis deals about jūdō, with jūdō as the transcription of the Japanese word 柔道 and the abbreviation of Kōdōkan jūdō講道館柔道 the method founded in 1882 by Kanō Jigorō嘉納治五郎(1860-1938). More specifically, it comes to exploring and analyzing how he defined judo, without involving other contemporary or later interpretations. We explored the intimate connection between the creation and the creator, trying to understand what was the motivation of this man, how he structured his method, why he did it this way. We also analyzed its speech – should we say speeches – about judo. In other words, we focused on judo as the work of a man driven by his ideas, ideals and. character!In three parts, the first devoted to the process, the second on method and the third on the Discourse on Method, as well as the evolution during about sixty years, we attempted to clarify the process of creation, to distinguish between the legacy and contributions, the discourse and practice, to enable the historian, the sociologist, the educator, the philosopher, to better observe how the experience of a young idealist man (Kano Jigoro was 21 years old when he created Judo) became a global discipline. ; Cette thèse traite du jūdō, où jūdō est la transcription du mot japonais 柔道 et l'abréviation de Kōdōkan jūdō 講道館柔道, la méthode fondée en mai 1882 par Kanō Jigorō 嘉納治五郎 (1860-1938). Plus précisément, il est question d'explorer et d'analyser comment ce dernier définit le jūdō, sans y mêler les interprétations autres, contemporaines à cette création ou postérieures. Il s'agit de creuser le lien intime entre la création et le créateur, d'essayer de comprendre quelle a été la motivation de cet homme, la façon dont il a structuré sa méthode, les raisons pour lesquelles il l'a fait de cette manière, ainsi que d'analyser le – ou plutôt les – discours dont il l'a entourée ; en d'autres termes, il s'agit de se concentrer sur le jūdō comme l'œuvre d'un homme poussé par ses idées, ses idéaux et… son caractère !Il ne s'agit pas, en revanche, d'aborder cette étude sous l'angle du jūdō comme fruit d'un contexte social, historique et culturel particulier, dans un Japon dont la situation intérieure comme internationale connaît sur cette période de profonds changements, ou dans un contexte qui voit la mise en place, en Occident, de l'éducation physique, du sport, des Jeux Olympiques ou d'initiatives de méthodes de formation globale pour la jeunesse. Le judo est aujourd'hui mondialement connu et pratiqué. Au travers de sa diffusion, c'est un peu de la culture japonaise, réelle ou fantasmée, qui s'est répandue.Mais qu'est-ce que le judo ? Quelle est – était ?– son ambition réelle ? Ce sont là des questions sur lesquelles personne ne semble s'être encore réellement penché et à laquelle nous avons essayé de répondre.Apprécié des savants de renommée internationale – c'est ainsi qu'en France il s'impose au travers de la fascination qu'il exerce dans les années 1930 sur des gens comme Frédéric Joliot –, qui y voient une science de l'exploitation des principes physiques et mécaniques, tout autant que des forces de police (qui y trouvent un facteur de leur sécurité), des éducateurs et pédagogues (qui y voient pour leurs élèves un bon moyen d'apprendre à se confronter sans grand danger, ainsi qu'à gagner en maîtrise de soi et en confiance), des passionnés d'arts martiaux (qui y recherchent un message ésotérique ou simplement une attitude « traditionnelle »), des sportifs (qui s'intéressent à l'activité physique et aux compétitions sportives), des férus de self-défense ou de combat dit « réel » (qui y recherchent les clés de l'efficacité), le judo apparaît multi-facettes. Il jouit, auprès du grand public, d'une image positive et nombre de parents souhaitent y inscrire, au moins un temps, leurs enfants, pour toutes les raisons évoquées et pour cette aura globalement « éducative » qui l'entoure.Ainsi, ceux qui se rendent dans un dōjō de judo, et y revêtent un « kimono » font bien en apparence la même chose, y mettent parfois la même énergie, souvent la même passion, mais leurs mots pour décrire le judo/jūdō et leur recherche diffèrent tant qu'il semble parfois impossible de concilier leurs discours. Le judo apparaît alors sans unité, sans identité.Répertorier et croiser ces différentes conceptions d'une même activité constituerait un passionnant ouvrage sociologique, mais pour comprendre ce qui les unit au-delà des divergences apparentes, il est une question non encore résolue : qu'était le jūdō à l'origine ? Comment a-t-il été conçu ? Pour répondre à cette question, il faut remonter dans le temps, plus précisément d'un peu plus de 120 ans.120 ans, c'est peu. Pourtant la recherche, le voyage aux sources du judo n'est pas sans difficulté. Ainsi le judo appartient-il, d'une certaine manière, à la sphère dite des « arts martiaux », un domaine qu'il s'agit d'aborder avec beaucoup de précautions, avec objectivité (et donc distance) mais sans en laisser échapper les éléments essentiels (ce pour quoi l'intimité peut être un atout).La formation universitaire m'a ouvert les clés de la langue japonaise, de la compréhension des textes, et surtout de la méthode et de l'attitude du chercheur. La fréquentation assidue des dōjō (depuis 25 ans), un 4e dan [au moment de la soutenance de la thèse] et des responsabilités dans la vie du judo au niveau local (secrétaire général de la ligue de Paris) m'ont offert de porter un regard particulier et prolongé sur la discipline.En trois parties, la première consacrée à la démarche, la deuxième à la méthode et la troisième, au discours de la méthode, ainsi qu'à l'évolution de celui-ci sur presque soixante ans, il s'agira de clarifier le processus de formation, de faire la part entre l'héritage et les apports, le discours et la méthode, afin de permettre à l'historien, au sociologue, au pédagogue, au philosophe, de mieux observer comment l'expérience d'un jeune homme (Kanō Jigorō a 21 ans lorsqu'il crée le jūdō) idéaliste est devenu une discipline planétaire.EXPLICATION DES RECHERCHES PREALABLES A LA REDACTION Il était essentiel, devant la multitude des discours qui entourent le judo, d'aller chercher au plus près des sources, dans le temps comme dans l'espace, les indices laissés par Kanō Jigorō, le but étant d'offrir la vision la plus claire possible de l'ambition première du jūdō au travers d'une démarche universitaire fondée sur l'étude des écrits des générations précédentes. En 1999, lorsque j'ai débuté cette étude, je ne savais pas si Kanō Jigorō avait écrit ou non. Non seulement aucun texte de sa main ne circule en Occident – il y a bien, en annexe de Le jūdō, école de vie 4 , un texte, présenté comme étant la transcription d'un discours prononcé par Kanō Jigorō mais il est absolument inexploitable d'un point de vue scientifique puisqu'on ne sait ni dans quelle langue, ni à quelle date, ni dans quelles circonstances, il aurait été prononcé – mais, au Japon même, tous les professeurs interrogés semblaient l'ignorer ou, du moins, ne pas savoir comment y avoir accès. Il m'est ainsi vite apparu que le problème des sources représenterait la plus grosse difficulté technique de ce travail. J'ai donc commencé par essayer de me constituer un corpus réunissant témoignages et études sur l'histoire du jūdō. En langues occidentales, du moins dans celles qui me sont accessibles – français et anglais – je n'ai rien trouvé. Il y a bien sûr quantité de livres techniques, mais aucune étude sur la démarche de Kanō Jigorō. Une première bonne surprise toutefois : la découverte à la Bibliothèque nationale de France de deux écrits de Kanō Jigorō rédigés en anglais : le premier, Jiujutsu (柔術), the old samurai art of fighting without weapons , et le second Judo (Jūjutsu). Restaient les documents en langue japonaise. Laisser de côté toutes les publications techniques pour se concentrer sur les études historiques est un travail décevant : la plupart des livres historiques sur le jūdō sont des biographies de Kanō Jigorō et non des études de sa démarche, de son discours ou de la méthode. Néanmoins désireux d'approfondir cependant ma connaissance de l'homme, je passai de longs mois à étudier la vie de Kanō. J'hésitai même alors – faute de trouver les sources qui m'étaient nécessaires – à concentrer et réorienter mon travail sur l'homme plutôt que sur sa création. Leur lecture consciencieuse m'a cependant permis une découverte inattendue : l'unité des discours, jusque dans la formulation, laissant deviner qu'ils avaient puisé à la même source, qu'il devait exister un texte original, probablement écrit de la main de Kanō Jigorō. J'ai d'abord découvert un premier recueil de textes, organisé par thèmes et composé de trois tomes pour environ 1500 pages. Récent, mais au tirage confidentiel, il est difficile à trouver. Il est l'une des sources essentielles de mon travail de DEA consacré aux combats pour l'éducation menés par Kanō Jigorō dans les années 1882-1898. Par la suite, la bibliothèque de la Diète et surtout les librairies d'occasion du quartier Jinbochō à Tōkyō m'ont livré leurs trésors, et j'ai pu constituer un corpus de 575 textes de la main de Kanō Jigorō pour un total de 5000 pages. La découverte, dans un carton non déballé en provenance directe de l'éditeur, sous les étagères poussiéreuses d'une de ces fameuses librairies, d'un recueil en quinze tomes, dont je connaissais l'existence mais que je n'avais jamais pu consulter, a été déterminante !La plupart sont des articles, d'autres des transcriptions de discours ou encore des préfaces, certains font une page, d'autres plus de 200. La période couverte va de 1888 à 1938 et les thèmes abordés sont très larges : le jūdō, bien sûr, mais aussi sa vie, l'éducation, la politique, les relations internationales, des impressions de voyage… PRESENTATION DES PRINCIPES METHODOLOGIQUES A partir du corpus finalement constitué, j'ai pu me concentrer sur les textes en rapport avec le jūdō, et proposer une analyse de la façon dont Kanō le conçoit, de manière non à en explorer tous les aspects, mais en m'efforçant de constituer un socle sur lequel appuyer les recherches futures dans le domaine. De prime abord, la lecture de ces différents textes est source de confusion. En effet, les définitions du jūdō se succèdent, les explications concernant son rôle, ses buts et objectifs ne cessent d'être modifiées. Ainsi, si dégager des thèmes fut ma première tentation, ce ne fut pas la plus fructueuse. C'est pourtant l'exercice auquel se prêtent tous les auteurs et éditeurs. Or, j'avais pu noter que tous ne retiennent qu'une part de ces définitions et toujours la même. Mon hypothèse a donc été qu'il devait s'agir là d'une sorte d'état final de la pensée du fondateur. Pour m'en assurer, j'ai comparé trois textes : le plus ancien texte de présentation complète du jūdō par Kanō Jigorō – une conférence de 1889 9 – et le plus récent, une autre conférence datant de 1938 10 , soit quelques semaines avant sa mort. J'en ai ajouté un troisième, d'une part parce qu'il était à peu près à égale distance dans le temps des deux autres (publié en série entre 1915 et 1916), d'autre part parce qu'il se veut une présentation complète du jūdō. La comparaison de ces textes, tant dans le fond que dans la forme s'est révélée éclairante, l'évolution de la pensée apparaissant nettement. Classer les textes dans leur ordre chronologique permet de démontrer que le jūdō n'a pas, pour Kanō Jigorō, plusieurs définitions à la fois, mais bien une en fonction des périodes et qu'il ne revient (pratiquement) jamais sur l'une d'elles une fois passé à une nouvelle formulation, pas plus qu'il n'explique comment et pourquoi il est passé de l'une à l'autre. Ainsi l'organisation chronologique de ces textes, de 1888 à 1938, à laquelle je me suis attelé, donne soudain la vision d'une pensée en marche qui évolue d'un texte à l'autre de manière perceptible, et à la compréhension de laquelle tous les écrits peuvent enfin contribuer. Mon travail a alors consisté à constater et répertorier ces différentes étapes puis à essayer de comprendre comment et pourquoi Kanō Jigorō a pu passer de l'une à l'autre en prenant pour indices les faits, les anecdotes, évoqués dans ses différents textes. Il m'a semblé pertinent de présenter les conclusions auxquelles j'ai abouti selon une logique personnelle, reconstruite à partir de cette étude, et selon le découpage suivant : une première partie consacrée à la démarche de Kanō Jigorō, une deuxième à la méthode, sa structuration, ses éléments, leur construction et rôles, et une troisième aux discours, et évolution de ceux-ci, sur la méthode et démarche. Ainsi, la première partie consacrée à la démarche resitue-t-elle d'abord le jūdō dans l'histoire du combat – armé ou non, duel ou sur le champ de bataille, réel ou rituel – au Japon avant de s'intéresser au caractère de Kanō. Puis je retrace le parcours conceptuel de celui-ci, qui le mène de jū, « l'adaptation », à seiryoku zen.yō, « bonne utilisation de l'énergie », au travers de phases conceptuelles et formulations intermédiaires.La deuxième partie, qui concerne la méthode, décrit et explore le jūdō tel qu'il doit se pratiquer dans les dōjō pour Kanō : kata, randori, mondō, kōgi. Je les définis comme étant quatre piliers de la pratique qui concernent trois domaines : celui du combat, celui du corps, et celui de l'intelligence et de la morale, domaines auxquels sera ajouté à partir de 1915 et plus précisément encore à partir de 1922, un quatrième, celui de l'application dans la vie quotidienne des principes du jūdō. Quatre piliers, trois domaines et enfin trois éducations : l'éducation physique, l'éducation intellectuelle, et l'éducation morale.La troisième partie concerne le discours. Discours qui connaît trois grandes périodes : la première est marquée par son absence, où plutôt la seule promesse d'un idéal social, jusque 1915 ; la deuxième consiste en une période normative, jusque 1922 ; la dernière, enfin, est caractérisée par un certain apaisement, s'agissant d'inviter simplement à la réflexion d'abord de manière fortement incitative, puis plus discrètement et légèrement. Ce discours, foisonnant et souvent indissocié, je l'analyse enfin selon trois cercles contextuels : celui du combat, celui de l'attitude quotidienne, et celui de l'idéal. CONCLUSION DU TRAVAIL DE RECHERCHESi l'étude des textes m'avait permis de recenser des faits, des intentions, des colères, des étonnements, des explications, des discours, il restait à les organiser. C'est cette méthode de travail qui justifie le titre définitif : « Kanō Jigorō et l'élaboration du jūdō » car je propose de découvrir comment, petit à petit, pierre après pierre, choix après choix, Kanō construit le jūdō. Organiser les éléments est déjà source de découvertes mais c'est leur analyse qui s'est révélée la plus fructueuse. Et c'est dans ce cadre que l'idée qui est devenue le sous-titre, le « choix de la faiblesse », s'est imposée, d'abord timidement, puis de façon de plus en plus obsédante jusqu'à devenir une sorte d'évidence en comparant les faits, anecdotes et récits de Kanō. Le « choix de la faiblesse » est la thèse que je propose, c'est ma lecture du jūdō et du système de pensée de Kanō.Le jūdō est conçu pour que le faible, s'il utilise habilement ses ressources et le contexte, ait une chance de se trouver en position de force, et aussi que le fort agisse avec prudence, conscient que toute situation est relative et temporaire, préparant le temps – qui souhaitonsle lui, ne viendra pas – où il se retrouvera en position de faiblesse. Cette pensée ne conditionne pas seulement la conception et la méthode de combat mais jusqu'à la vision du comportement attendu de l'individu comme acteur social. L'étude des textes montre que Kanō Jigorō portait trois projets distincts tout autant qu'entrelacés, unis globalement dans le mot jūdō. Le premier, c'est l'étude et l'enseignement du principe qui permet l'efficacité. Le second, c'est la mise en application par chacun de ce principe dans la société. Le troisième, c'est la formation de chacun selon son idéal de l'homme et de la société.Le jūdō devait changer l'homme et la société. Cela l'a-t-il fait ? Cela le peut-il encore alors que le jūdō apparaît aujourd'hui tronqué tant dans le discours du fondateur que dans sa méthode ? C'est un autre débat. ; 起草前の研究について柔道に対しての言説は様々である。だから出来るだけ柔道の原点の理想をはっきり理解するように前の世代の文献の研究の基となる学術的方法を通して嘉納治五郎の残した手がかりを得ろうとすることは不可欠である。研究の始まった1999 年私は嘉納が文書を残していたかどうか知らなかった。西欧には何も出版されていなかった。フランス語で書かれた柔道についての本Le jūdō,école de vie1 (『人生の学校としての柔道』)の付録には嘉納の演説を基にした文献があるが、その演説が日本語であったか、他の言語であったか、いつどこでどのような状況で話されたか、全くわからず、学術的には利用出来ない。日本でも多くの柔道の指導者に彼の著作が実際にあるかどこで探したらいいかと聞いても答えを得ることはできなかった。この研究の最も難しい学術的問題はまずは文献を探すことであるということはすぐに分かった。したがって柔道の歴史についての記録や研究の本を集めるべく努力した。自分が読める言語、仏語と英語では何もないことが分かった。柔道の技についての本はたくさんあるが、嘉納治五郎が柔道をどのように構想したかについては何もなかった。ただ、パリの国立図書館でJiujutsu (柔術), the old samurai art of fighting without weapons2 とJudo (Jūjutsu)3 と題された嘉納治五郎の英語の著作を見つけ驚いた。残るは日本語の文献のみとなった。技術に関する出版物は避けて歴史のみを扱う文献を研究しても結果は期待に沿うものではなかった。柔道の歴史の本の大部分は嘉納の伝記であり、彼の仕事、書物、またその方法の研究ではなかった。嘉納治五郎の人生を出来るだけ詳しく知るべく伝記の研究に数カ月を費やした。何冊も真面目に読んでいくうち予期せぬ発見をした。どの著者でも同じことを説明しており、言葉の選び方まで近いので皆同じ原典から本を書いたということが分かった。その原典は嘉納治五郎自身の著作ではないかと考えた。そこで手に入れるのは容易ではなかったが、最近出版された、三巻からなり1500 頁に及ぶテーマ別の嘉納治五郎著作集4 を見つけることができた。1882 年から1898 年に嘉納治五郎が教育のために戦かった過程を追ったこの文献が私の専門研究課程修了論文の基となった。その後国会図書館からも、東京の神保町の古本を扱う書店からも嘉納の文献を手に入れることができ、合計約5000 頁の575 件の文献を集めて研究することができた。埃かぶって開けた形跡のない出版社のダンボール箱の中に15 巻からなる嘉納治五郎体系5 という著作集をある古本屋で発見、これが研究の中核となった。嘉納治五郎の著作の大部分は記事で、その他は演説や序文などである。1 頁だけのものもあり、200 頁以上のものもある。時期としては1888 年から1938 年までで、柔道は当然のこと、彼の生涯や教育や政治や国際関係や旅の印象なども含まれておりテーマは広い。研究方法について揃った資料文献から柔道に関するものに重点をおき、嘉納の柔道構想について分析ができたと考える。すべての側面を研究できたわけではないが少なくとも将来この分野においての調査の基となるものを築こうと力を尽くした。はじめに、これらの様々な文献はそれ自体混乱の源である。実際、柔道の定義は何度も出てくるし、柔道の役割の説明、目的などは次々と修正されていく。なのでテーマを分類したい誘惑にかられたが、それは実りの多いものではなかったし、すでに多くの著者、編集者がしてきたことだった。さて、私はすべての定義において、いつも同じある一部分のみが使われていることに気づいた。というわけで私は、この部分が創立者の完成された思想であるのではないかと仮定した。そのため、三件の文献を比較することとした。まず柔道に関して最も古い講演である1889 年のものより『柔道一班並ニ其教育上ノ價値』1 と、最も新しく、1938 年彼の亡くなる数週間前に行われた講演より、『柔道の根本精神』2。三件目には、この二つの講演のちょうど中間、1915〜1916 年に出版された、柔道の解説として完全な『講道館柔道概説』3 を選んだ。これらの文献を綿密に比較するうちだんだんと思想の進化が見えてきた。そして年代順に整理してみてわかったことは、嘉納にとって一時に複数の柔道の定義はなく、ただ時代に沿ってその定義が変わっていくということ、しかも一度過ぎると過去の定義には戻らず新しい定式に移り、どうして変化したかを説明することもなかったということである。1888 年から1938 年まで年代順の分析から、文献から文献へと進化していく発展中の思想をかいま見ることができ、その進化を理解するために、一見柔道に関係のないほかのすべての文書も助けとなった。そこで私はこれら様々な進化の過程を確認、整理し、その後、これらの文書から事実やエピソードを手がかりに、なぜ嘉納治五郎が次から次へと思想を変えていったのか、理解しようと試みた。この研究から私なりの論理で達した結論は、以下の区分に分けて提示するのが最善であろう。まずはじめに嘉納治五郎という人物の人生、背景、次に柔道の指導方法、その構造化と要素、さらにそれら要素の構成と役割、三番目にこれらについての嘉納の説明とその変化についてである。第一部では嘉納の人柄について語る前に、まず武装あるいは武器なし、決闘か戦場での戦闘、儀式的あるいは実践的など、日本における戦いの歴史上での柔道の歩みについて述べる。柔すなわち「順応」から「精力を有効に使う」という意味の精力善用まで、構想における段階を追って、60 年に及ぶ嘉納の思考の進化をたどる。第二部は指導方法に関してだが、嘉納にとって柔道がどのようにして道場で実践されるべきかを詳しく述べる。形、乱取り、問答、講義が含まれる。これらを実践の四本の柱と定義し、この四点は戦い、身体、そして知性と倫理の三分野にあてはめられる。その後、四分野目として、1915 年とさらに詳しく1922 年に柔道の原理の日常生活への応用が加えられる。このほか、体育、知育、徳育の三つの教育がある。第三部では言説を扱う。談話、論述は三つの重要な時期に分けられる。まずは1915 年までの論述の欠落の時期、あるいは社会理想主義的希望が見えるだけの時期、次に1922 年までの規範を確立した時期、その後は一種の鎮静化があり、ただ熟考を促すようなやり方へと変化する。これらの言説は豊富な上、秩序立っていないが、理想の枠の中に日常の態度、さらにその中に戦闘、というような枠組みに分けて捉え、分析することとする。結論へまだ体系化する必要があるが、この研究で、嘉納の逸話、意図、怒り、驚き、解説や談話などを抜き出すことができた。少しずつ、石をひとつずつ築き上げていくように選り抜きに選り抜きを重ねて嘉納が柔道を構築していった様を見出せる内容にふさわしく、この論文を「嘉納治五郎と柔道の構想」と名づけた。要素を整理することはそれだけで発見の多い作業だったが、それらの分析は最も実り多きものだった。そして論文の副題となった「弱さの選択」は、はじめは遠慮がちではあったが、徐々について離れないような姿で現れ、逸話や談話を通して嘉納の言説を比べると、ついには自明の理となる。「弱さの選択」は私の提案する命題であるが、それは私の柔道と嘉納の思想体系に対する解釈である。柔道は、状況に応じて巧みにその潜在的能力を活用できれば、弱い者でも、強い立場に立つことができるように構想されている。また強い者にとっては、すべての状況は相対的、一時的であることを意識し、弱い立場に立たされる時がくるとすればそれに備えるべく慎重さを持って行動できるように考案されている。この思想は戦闘法だけでなく、社会の一員として求められる個々の振る舞い方にも影響を与えている。この研究より柔道というものの中に、嘉納治五郎は絡み合う三つの異なる計画を組み込んだ。一つには効率さを活かす原理の研究と教育、二つ目には各個人によるこの原理の社会への応用、三つ目には嘉納の人と社会の理想に基づく個人の養成である。嘉納は人と社会を変えるために柔道を創った。それは果たして成功したのだろうか。創立者の目から見て、現在の柔道にはまだ欠けている部分があるのではないか。だがそれはまた別の議論である。