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Résumé Christian Kerslake présente une enquête en tout point inaugurale concernant les premiers rapports de Deleuze au concept d'inconscient et à la psychanalyse tels que ceux-ci se nouent, depuis Instincts et institutions (1953), sur la voie conduisant de Bergson à Jung, que le philosophe « pervertit » en faisant du masochiste l'agent de la réconciliation entre instinct et intelligence.

Cet article analyse une figure particulière de la politisation de l'immigration en Europe : l'instrumentalisation des travailleurs étrangers illégaux par l'État. Si l'approche conventionnelle ne considère que les coûts et bénéfices de cette main-d'œuvre à comprimer, l'article montre que le paradoxe de la répression et de l'intégration se trouve au cœur d'un dispositif où les « sans-papiers » représentent une variable stratégique du marché du travail dérégulé. Cette instrumentalisation est contemporaine d'une transformation plus globale : le contrôle politique de la société par la production de dispositifs sécuritaires comme Europol et d'autres agences technocratiques, qui forment des « archipels bureaucratiques » situés en dehors du champ démocratique traditionnel. Cette transformation liquéfie les grands équilibres anciennement établis dans l'économie de la main-d'œuvre et escamote le débat démocratique sur le travail. Figure moderne de la précarisation du travail, les sans-papiers sont le marqueur sociologique de la fin du salariat.

Ce qui frappe dans l'analyse des sans-papiers, c'est l'omnipotence et l'omniprésence du consensus théorique sur la segmentation internationale du marché du travail. Ce consensus présente le système international du travail comme un tout divisé en deux sphères dont l'une produit de la main-d'œuvre bon marché pour alimenter les demandes de la seconde sphère qui abrite le monopole sur la conception et la distribution des tâches dans le système international. Par son évidence et sa simplicité, cette bipolarisation de type purement économique a fini par devenir le paradigme analytique de fond de la théorie duale, qui voit les migrations dans le prisme étriqué d'un rapport purement économique entre sociétés pauvres (du sud) et sociétés industrielles riches (du nord). La théorie doit sortir des considérations induites par l'explication économique, s'approprier les objets politiques encore insuffisamment identifiés que mobilisent les (im) migrations clandestines. Car le confinement de l'analyse à la catégorie économique couvre d'autres aspects sociologiques ou politiques qui, sans être concurrents, les précèdent, les explicitent ou les justifient. L'analyse de cette dimension cachée par la dualisation qui domine les théories économiques et leurs concurrentes permet une mise en scène de la double catégorie des ressorts politiques et symboliques des (im) migrations clandestines.

La crise de la culture européenne à la fin du dix-neuvième siècle est le point de départ d'une réflexion sur la modernité et l'Europe, au moment où la première guerre mondiale met en évidence la volonté suicidaire des deux nations les plus fortement européennes. L'Europe est une réalité spirituelle, une Idée historique, selon Georg Simmel ou encore Bergson ; le sentiment de l'identité nationale n'est pas le même pour le Français (pour lequel c'est une évidence) et pour l'Allemand (pour lequel c'est un problème, et une confrontation permanente avec les autres) ; l'idée de l'Europe n'anéantit pas l'appartenance nationale, elle est une idée régulatrice, et Husserl a fortement souligné sa vocation à l'universalité. Avec Simmel, Bergson et Husserl, l'Europe devient objet philosophique.

Contrairement à la lecture qu'en fait Popper, pour Bergson, la société close se protège contre ses ennemis de l'intérieur par le droit en vue d'affronter ceux de l'extérieur dans la guerre. L'Europe, par sa forme juridique et économique, n'échappe pas à la règle.

Que se passe-t-il en philosophie au tournant de 1914, en France et en Allemagne ? Il existe des questions communes, des influences, des inspirations – importance de l' œuvre de Bergson en Allemagne – qui seront brisées par la guerre. Les philosophes, loin d'être capables d'adopter une distance critique, ont bien souvent reproduit dans la pensée les nationalismes de la politique.

Henri Bergson et Charles Péguy ont associé l'héroïsme, le mysticisme et l'action. Aux lecteurs d'aujourd'hui, ils donnent à penser le passage de l'héroïsme à l'anti-héroïsme. Celui-là agit par la vertu d'une émotion créatrice qui se communique comme un appel. Celui-ci, qui range le dévouement et le sacrifice dans le placard des vérités dépassées, donne à l'incrédulité et au soupçon le pouvoir de légitimer l'inaction.

Résumé Selon Bergson, il n'est point de rire sans une « anesthésie du cœur ». Dans les profondeurs du plaisir de rire gît toujours, finalement, une sorte de méchanceté. Ce plaisir peut-il être moral ? Il crée une communauté affective qui peut être à la fois le lieu de l'identité et celui de la provocation, de la remise en question. Cathartique, conservateur, révolutionnaire, philosophique, désespéré, le plaisir de rire est une passion complexe à prendre au sérieux.