Tyrannie, hégémonie, émancipation : penser le tyran avec Laclau et Mouffe

Abstract

La reprise de l'ampleur du terme « tyran » dans quelques contextes politiques exige une considération plus approfondie de sa spécificité en tant que position de sujet. Dans ce travail, nous proposons de penser ce tyran à partir des réflexions d'Ernesto Laclau et Chantal Mouffe. Nous commencerons plus généralement avec le sujet politique en esquissant la longue histoire de la recherche du sujet de l'émancipation. Une telle recherche a dû faire face à plusieurs échecs en n'arrivant pas à penser le sujet à la lumière de l'ouverture radicale du social. Ce social, traversé par l'antagonisme, est le champ discursif où se déroule le jeu hégémonique, au sein duquel nous trouverons comme participants non seulement le sujet de l'émancipation mais aussi le sujet de l'oppression posé comme son ennemi dans une relation antagonique. Au cours d'un tel jeu, « tyran » ne pourrait qu'être un nom accordé par un sujet visant l'émancipation à un tel ennemi. En rejetant toute tentation de doter le tyran une essence, nous nous rendrons compte de la précarité même de ce terme, qui n'est en fin de compte qu'un signifiant vide chargé de représenter un universel à la fois impossible et nécessaire – dans ce cas le crime total. Ainsi, le terme tyran n'a de pertinence pour désigner une position de sujet que dans la mesure où, comme signifiant vide, il fait l'objet d'une articulation hégémonique. C'est par la nomination même du tyran que le tyran est constitué, annonçant par cette même occasion le départ de tout un jeu hégémonique qu'est la politique tout court. ; Master [120] en philosophie, Université catholique de Louvain, 2018