International audience ; Consacré à l'étude des sources institutionnelles du droit sabaudo-sarde ce dernier chapitre de l'ouvrage collectif "Le Sénat de Savoie : archives, historiographies, perspectives XVIe-XIXe siècles" (sous la direction de Françoise Briegel et et Sylvain Milbach), s'efforce de retracer la lente construction au sein du Duché de Savoie d'un corpus normatif spécifique dans la vaste aire européenne méridionale du droit dit "écrit" — droit sabaudo-piémontais, puis sabaudo-sarde — dont la loi du prince commune à toutes les provinces continentales des Etats de Savoie représente la norme suprême, à l'amont d'une loi romaine adaptée localement par la jurisprudence du Sénat de Savoie devenue, depuis la fin de Moyen-Age, la base du droit commun ordinaire au sein de ce même complexe politique transalpin. Tandis que jusqu'à la promulgation du Code Civil de 1837 et la consécration définitive d'un système législatif unitaire de type napoléonien, le champ d'application de coutumes locales ancestrales pourtant revendiquées dans chaque localité par des justiciables unanimes, au titre de privilèges provinciaux ancestraux, ne cesse en réalité de se réduire inexorablement tout au long des Temps Modernes. Au delà de l'érudition gratuite le rappel de la genèse de ce système normatif désormais évanoui permet en effet l'évocation de l'un des éléments majeurs du patrimoine historique savoyard.
International audience ; Consacré à l'étude des sources institutionnelles du droit sabaudo-sarde ce dernier chapitre de l'ouvrage collectif "Le Sénat de Savoie : archives, historiographies, perspectives XVIe-XIXe siècles" (sous la direction de Françoise Briegel et et Sylvain Milbach), s'efforce de retracer la lente construction au sein du Duché de Savoie d'un corpus normatif spécifique dans la vaste aire européenne méridionale du droit dit "écrit" — droit sabaudo-piémontais, puis sabaudo-sarde — dont la loi du prince commune à toutes les provinces continentales des Etats de Savoie représente la norme suprême, à l'amont d'une loi romaine adaptée localement par la jurisprudence du Sénat de Savoie devenue, depuis la fin de Moyen-Age, la base du droit commun ordinaire au sein de ce même complexe politique transalpin. Tandis que jusqu'à la promulgation du Code Civil de 1837 et la consécration définitive d'un système législatif unitaire de type napoléonien, le champ d'application de coutumes locales ancestrales pourtant revendiquées dans chaque localité par des justiciables unanimes, au titre de privilèges provinciaux ancestraux, ne cesse en réalité de se réduire inexorablement tout au long des Temps Modernes. Au delà de l'érudition gratuite le rappel de la genèse de ce système normatif désormais évanoui permet en effet l'évocation de l'un des éléments majeurs du patrimoine historique savoyard.
Le rapport de l'anthropologie biologique avec l'Afrique remonte aux origines des sciences de la nature au XVIIIe siècle, qui réaménagèrent le regard porté par l'Occident sur l'Afrique depuis le Moyen-Age. Des rapports de peur, de méfiance, de fascination, d'exploration et de domination ont marqué cette histoire qui a influencé les travaux d'objectif scientifique. Dans quelle mesure cette science, en retour, étant celle du pouvoir, a-t-elle orienté la perception que les Africains ont eu d'eux-mêmes, de leur identité, et leurs rapports sociaux et politiques ? Ces aspects des liens entre histoire et science, sont examinés au travers d'un ensemble de textes qui constituent des sources inhabituelles pour l'historien : articles de médecine, de biologie, de génétique, d'anthropologie physique. Ces textes sont analysés et confrontés avec, premièrement les événements contemporains de la production de ces articles, deuxièmement l'histoire ancienne des peuples concernés telle qu'elle est mieux connue aujourd'hui, troisièmement l'état des sciences en biologie, en anthropologie et en histoire au moment de la publication des textes. Ces différentes approches ont permis de discerner les aspects idéologiques ou politiques des travaux, d'en critiquer les données, les interprétations, les aspects théoriques et conceptuels, de suivre aussi le cheminement intellectuel, social, des auteurs quand cela a été possible. Dans sa relation à l'histoire du peuplement de l'Afrique, la génétique des populations implique des analyses sur trois champs différents : - histoire des sciences, - histoire du peuplement ancien de l'Afrique, - histoire contemporaine, par l'analyse des liens récents entre la recherche anthropologique et les événements de l'histoire africaine. La thèse se situe donc au carrefour de plusieurs disciplines et tente d'embrasser des situations allant du général (1ère et 2ème parties sur la situation de l'Afrique dans l'ensemble mondial) au particulier (3ème partie sur les situations régionales). Après une mise en perspective historique assez large (XVIIIe - 1950), elle se concentre sur une période restreinte (1945-1985), quarante années qui constituent la grande époque de la recherche sur la diversité biologique humaine à partir des systèmes sanguins). Deux grandes lignes de réflexion ont été suivies : - Une réflexion sur l'évolution de la production des sciences bio-anthropologiques dans le domaine du peuplement de l'Afrique, rapportée au contexte de l'évolution scientifique en général et au contexte politique international depuis la dernière guerre mondiale. Une analyse est conduite sur les auteurs et les grands thèmes de cette anthropologie. - Une réflexion comparative sur les travaux produits par les principales Puissances ayant exercé une influence durable sur la recherche en Afrique dans la période susdite : Puissances coloniales, Etats-Unis. La comparaison permet en outre de révéler l'internationalisation croissante de la recherche au cours de la période d'étude. Des liens entre science et histoire sont recherchés par une étude systématique du contexte dans lequel ces travaux ont été conduits : colonisation, décolonisation, guerre froide, construction des Etats, crises politiques internes. Ce travail est construit en trois parties dont les articulations sont à la fois thématiques et chronologiques. La première partie situe le sujet dans l'histoire depuis le XVIIIe siècle. Il s'agit le plus souvent de appels brefs sur la situation de la biologie et de l'anthropologie, sur la connaissance des Occidentaux au sujet de l'Afrique subsaharienne et sur la naissance des théories transformistes. Le deuxième chapitre se concentre sur les aspects épistémologiques et idéologiques des travaux de Charles Darwin, leurs prolongements dans les différents domaines de l'érudition africaniste (linguistique, ethnologie, anthropologie physique) et de la politique internationale (impérialisme, nationalisme, colonisation, libéralisme et communisme). Le troisième volet de cette partie retrace l'émergence de la génétique des populations au carrefour des sciences de l'hérédité, des théories de l'évolution, de la mathématique statistique et de l'immunologie. La contribution personnelle de l'auteur est d'avoir fait de cette histoire déjà connue une lecture originale en adoptant le point de vue central de l'Afrique dans cette perception occidentale où s'entrecroisent les questions scientifiques, idéologiques, religieuses et politiques. Ainsi apparaît l'étonnante permanence des idées, des controverses, des représentations sur les origines de l'Homme et des "races", des interrogations sur la nature et la généalogie des Hommes. En Afrique, ces thèmes ont été alimentés par la présence de groupes de populations nettement différenciés aux yeux des Occidentaux, qui ont vu en eux les descendants des races originelles. Lieu de convergence de trois grands courants migratoires supposés, l'Afrique est devenu, dans l'imaginaire occidental, le miroir de cette triangulation raciale blanche, noire et asiatique. Dans la deuxième partie, est traité l'ensemble des publications qui forment les sources. Le premier chapitre (§2,1) est une description d'un premier ensemble constitué de toutes les publications parues de 1950 à 1985 faisant état de données originales sur la typologie sanguine de populations africaines. Il s'agit d'une étude formelle d'un fichier de références bibliographiques réalisée par des moyens informatiques. Au plan méthodologique, cet aspect de la recherche est le plus original. La bibliographie, un corpus de 898 références livrées en annexe, y est traitée comme des séries d'informations quantifiables, ce qui a permis une description des principales caractéristiques de la production scientifique sur le sujet : pays émetteurs, Etats africains concernés, marqueurs étudiés, nature et thèmes des supports de publications. Une analyse diachronique de ces éléments est présentée. Il s'y s'ajoute une documentation plus spécifiquement anthropo¬logique (§2,2), c'est-à-dire des textes qui se proposent d'interpréter la distribution des caractères sérologiques envisagés comme marqueurs. Est étudiée l'évolution du contexte scientifique, social et politique, dans lequel toutes ces publications ont pris place, très différent de celui qui précède la deuxième guerre mondiale (§2,2) : le concept de race est questionné, la recherche sur l'origine des ethnies africaines rejoint la problématique des origines de l'Homme. Aussi le troisième chapitre (§2,3) est consacré à cette question centrale de la place du peuplement de l'Afrique dans l'histoire mondiale du peuplement humain, thème majeur de l'anthropologie biologique sur toute la période considérée, mais où émerge en contrepoint, dès la fin des années cinquante, une anthroplogie de l'adaptation, faisant de l'Homme africain un acteur de son évolution sur sa terre. Il apparaît un regard différencié en fonction de l'origine des chercheurs (Britanniques, Sud-Africains), façonnés souvent par la perspective dans laquelle leur culture nationale les porte à effectuer les catégorisations des peuples en présence. Les évolutions sont appréciées en parallèle de celle, concomitante, des autres sciences (linguistique, archéologie, histoire) et de la participation croissante des intellectuels africains à la réflexion sur leur histoire et leur identité. La troisième partie présente l'étude de trois régions de l'Afrique choisies pour servir une démarche comparative : 1)-l'Afrique de l'Est sous influence belge (Rwanda, Burundi, est du Zaïre), où est présentée notamment une analyse des travaux d'anthropologie biologique sur les populations hutu et tutsi, l'évolution des conceptions de l'historiographie coloniale au sujet de l'origine de ces ethnies et la place de ces travaux dans les suites politiques tragiques de ces clivages ethniques. 2)-l'Afrique orientale britannique de la région des Grands Lacs (Ouganda, sud du Soudan, nord-ouest de la Tanzanie et ouest du Kenya), où est retracée l'évolution des travaux scientifiques en relation avec l'émergence difficile de certains jeunes Etats africains, le problème des populations du sud du Soudan, d'une part, la question des clivages entre peuples nilotiques ou soudaniques, et bantu, d'autre part. Il est décrit comment les résultats de la biologie ont invalidé les classifications classiques (hamites, nilotiques) et qu'apparaissent de nouvelles conceptions, régionales plutôt que linguistiques. Par ailleurs ces résultats, à l'issue de la période considérée, confirment une rencontre sans doute très ancienne entre des peuples africains issus de parties différentes de l'Afrique, leur entrecroisement progressif et très intime dans la région des Grands Lacs, confirmant les analyses les plus récentes dans les domaines de la linguistique historique et de l'archéologie des éco-systèmes. 3)-les pays de l'Afrique occidentale situés à l'intérieur de la boucle du Niger (Burkina Faso, Liberia, Côte d'Ivoire, Ghana, Togo, Bénin, Nigeria), où sont comparées les approches de l'anthropologie française, britannique et américaine, leur évolution avant et après les indépendances : centres d'intérêts et différences d'interprétation. Cette analyse permet de prendre du recul sur l'ensemble des travaux réalisés sur l'Afrique par les Puissances considérées et de retrouver le fil d'une réflexion amorcée dans les chapitres des premières et deuxième parties sur la façon différente dont les Puissances ont intériorisé l'idée d'évolution au XIXe siècle : la conception que se sont faite les Européens des devoirs et des droits du plus apte envers le moins apte, inscrite au coeur de l'idéologie coloniale, a également influé sur le mode d'administration des peuples colonisés. Du côté britannique l'anthropologie biologique a tendu à répondre aux besoins de compréhension et d'organisation hiérarchique de la société coloniale. Ceci est également valable pour les territoires sous influence belge en Afrique orientale. Du côté des Français en Afrique de l'Ouest, l'anthropologie n'a été que dans une moindre mesure chargée de répondre au même besoin. Du même coup l'anthropologie française n'a pas été ébranlée, comme l'ont été les conceptions des Britanniques, par l'avènement des Etats africains à la fin des années 1950. L'anthropologie biologique anglo-saxonne a reflété les changements politiques et, par conséquent, a évolué plus vite vers cette anthropologie de l'adaptation promise par les idées darwiniennes, mais paralysée pendant plus d'un siècle par le besoin de justifier l'entreprise coloniale. Les travaux des Américains en Afrique, très tôt orientés sur les questions adaptatives, suscitent des réflexions du même ordre, en raison de leur émergence à ce moment crucial de l'histoire de l'Afrique, à la veille des indépendances, en raison aussi de leur caractère marginal dans la production anthropologique américaine, restée très naturaliste. * * * Les aspects scientifiques ne sont pas négligés : les découvertes successives des systèmes sanguins, l'évolution des méthodes d'analyse et d'investigation, la réflexion épistémologique. La thèse montre l'importance extrême accordée par les chercheurs aux hémoglobines atypiques (notamment l'hémoglobine S responsable d'une maladie grave nommée drépanocytose), caractères qui ont semblé durant plusieurs décennies promettre des informations anthropologico-historiques de premier plan. Il a été montré que cette préoccupation devant les hémoglobines anormales a des raisons multiples dont certaines sont à rechercher dans les débuts de la génétique des populations, en ce qu'elle comportait de préoccupations eugénistes. En conclusion de la troisième partie, après avoir résumé les hypothèses récentes de la recherche bio-anthropologique sur la diversité humaine (théorie de l'Eve africaine, théorie polycentriste), il est procédé à une critique des principaux problèmes épistémologiques, méthodologiques et conceptuels des travaux actuels (légitimité des arborescences, horloges moléculaires, distances génétiques, coalescence, ambiguité du statut épistémologique des catégories ethniques, critique historique des données et des échantillons). Un bilan des acquis et des perspectives de ces recherches en matière d'histoire du peuplement, est présenté. Enfin, on s'interroge sur les possibilités de développement d'une génétique historique.
Le rapport de l'anthropologie biologique avec l'Afrique remonte aux origines des sciences de la nature au XVIIIe siècle, qui réaménagèrent le regard porté par l'Occident sur l'Afrique depuis le Moyen-Age. Des rapports de peur, de méfiance, de fascination, d'exploration et de domination ont marqué cette histoire qui a influencé les travaux d'objectif scientifique. Dans quelle mesure cette science, en retour, étant celle du pouvoir, a-t-elle orienté la perception que les Africains ont eu d'eux-mêmes, de leur identité, et leurs rapports sociaux et politiques ? Ces aspects des liens entre histoire et science, sont examinés au travers d'un ensemble de textes qui constituent des sources inhabituelles pour l'historien : articles de médecine, de biologie, de génétique, d'anthropologie physique. Ces textes sont analysés et confrontés avec, premièrement les événements contemporains de la production de ces articles, deuxièmement l'histoire ancienne des peuples concernés telle qu'elle est mieux connue aujourd'hui, troisièmement l'état des sciences en biologie, en anthropologie et en histoire au moment de la publication des textes. Ces différentes approches ont permis de discerner les aspects idéologiques ou politiques des travaux, d'en critiquer les données, les interprétations, les aspects théoriques et conceptuels, de suivre aussi le cheminement intellectuel, social, des auteurs quand cela a été possible. Dans sa relation à l'histoire du peuplement de l'Afrique, la génétique des populations implique des analyses sur trois champs différents : - histoire des sciences, - histoire du peuplement ancien de l'Afrique, - histoire contemporaine, par l'analyse des liens récents entre la recherche anthropologique et les événements de l'histoire africaine. La thèse se situe donc au carrefour de plusieurs disciplines et tente d'embrasser des situations allant du général (1ère et 2ème parties sur la situation de l'Afrique dans l'ensemble mondial) au particulier (3ème partie sur les situations régionales). Après une mise en perspective historique assez large (XVIIIe - 1950), elle se concentre sur une période restreinte (1945-1985), quarante années qui constituent la grande époque de la recherche sur la diversité biologique humaine à partir des systèmes sanguins). Deux grandes lignes de réflexion ont été suivies : - Une réflexion sur l'évolution de la production des sciences bio-anthropologiques dans le domaine du peuplement de l'Afrique, rapportée au contexte de l'évolution scientifique en général et au contexte politique international depuis la dernière guerre mondiale. Une analyse est conduite sur les auteurs et les grands thèmes de cette anthropologie. - Une réflexion comparative sur les travaux produits par les principales Puissances ayant exercé une influence durable sur la recherche en Afrique dans la période susdite : Puissances coloniales, Etats-Unis. La comparaison permet en outre de révéler l'internationalisation croissante de la recherche au cours de la période d'étude. Des liens entre science et histoire sont recherchés par une étude systématique du contexte dans lequel ces travaux ont été conduits : colonisation, décolonisation, guerre froide, construction des Etats, crises politiques internes. Ce travail est construit en trois parties dont les articulations sont à la fois thématiques et chronologiques. La première partie situe le sujet dans l'histoire depuis le XVIIIe siècle. Il s'agit le plus souvent de appels brefs sur la situation de la biologie et de l'anthropologie, sur la connaissance des Occidentaux au sujet de l'Afrique subsaharienne et sur la naissance des théories transformistes. Le deuxième chapitre se concentre sur les aspects épistémologiques et idéologiques des travaux de Charles Darwin, leurs prolongements dans les différents domaines de l'érudition africaniste (linguistique, ethnologie, anthropologie physique) et de la politique internationale (impérialisme, nationalisme, colonisation, libéralisme et communisme). Le troisième volet de cette partie retrace l'émergence de la génétique des populations au carrefour des sciences de l'hérédité, des théories de l'évolution, de la mathématique statistique et de l'immunologie. La contribution personnelle de l'auteur est d'avoir fait de cette histoire déjà connue une lecture originale en adoptant le point de vue central de l'Afrique dans cette perception occidentale où s'entrecroisent les questions scientifiques, idéologiques, religieuses et politiques. Ainsi apparaît l'étonnante permanence des idées, des controverses, des représentations sur les origines de l'Homme et des "races", des interrogations sur la nature et la généalogie des Hommes. En Afrique, ces thèmes ont été alimentés par la présence de groupes de populations nettement différenciés aux yeux des Occidentaux, qui ont vu en eux les descendants des races originelles. Lieu de convergence de trois grands courants migratoires supposés, l'Afrique est devenu, dans l'imaginaire occidental, le miroir de cette triangulation raciale blanche, noire et asiatique. Dans la deuxième partie, est traité l'ensemble des publications qui forment les sources. Le premier chapitre (§2,1) est une description d'un premier ensemble constitué de toutes les publications parues de 1950 à 1985 faisant état de données originales sur la typologie sanguine de populations africaines. Il s'agit d'une étude formelle d'un fichier de références bibliographiques réalisée par des moyens informatiques. Au plan méthodologique, cet aspect de la recherche est le plus original. La bibliographie, un corpus de 898 références livrées en annexe, y est traitée comme des séries d'informations quantifiables, ce qui a permis une description des principales caractéristiques de la production scientifique sur le sujet : pays émetteurs, Etats africains concernés, marqueurs étudiés, nature et thèmes des supports de publications. Une analyse diachronique de ces éléments est présentée. Il s'y s'ajoute une documentation plus spécifiquement anthropo¬logique (§2,2), c'est-à-dire des textes qui se proposent d'interpréter la distribution des caractères sérologiques envisagés comme marqueurs. Est étudiée l'évolution du contexte scientifique, social et politique, dans lequel toutes ces publications ont pris place, très différent de celui qui précède la deuxième guerre mondiale (§2,2) : le concept de race est questionné, la recherche sur l'origine des ethnies africaines rejoint la problématique des origines de l'Homme. Aussi le troisième chapitre (§2,3) est consacré à cette question centrale de la place du peuplement de l'Afrique dans l'histoire mondiale du peuplement humain, thème majeur de l'anthropologie biologique sur toute la période considérée, mais où émerge en contrepoint, dès la fin des années cinquante, une anthroplogie de l'adaptation, faisant de l'Homme africain un acteur de son évolution sur sa terre. Il apparaît un regard différencié en fonction de l'origine des chercheurs (Britanniques, Sud-Africains), façonnés souvent par la perspective dans laquelle leur culture nationale les porte à effectuer les catégorisations des peuples en présence. Les évolutions sont appréciées en parallèle de celle, concomitante, des autres sciences (linguistique, archéologie, histoire) et de la participation croissante des intellectuels africains à la réflexion sur leur histoire et leur identité. La troisième partie présente l'étude de trois régions de l'Afrique choisies pour servir une démarche comparative : 1)-l'Afrique de l'Est sous influence belge (Rwanda, Burundi, est du Zaïre), où est présentée notamment une analyse des travaux d'anthropologie biologique sur les populations hutu et tutsi, l'évolution des conceptions de l'historiographie coloniale au sujet de l'origine de ces ethnies et la place de ces travaux dans les suites politiques tragiques de ces clivages ethniques. 2)-l'Afrique orientale britannique de la région des Grands Lacs (Ouganda, sud du Soudan, nord-ouest de la Tanzanie et ouest du Kenya), où est retracée l'évolution des travaux scientifiques en relation avec l'émergence difficile de certains jeunes Etats africains, le problème des populations du sud du Soudan, d'une part, la question des clivages entre peuples nilotiques ou soudaniques, et bantu, d'autre part. Il est décrit comment les résultats de la biologie ont invalidé les classifications classiques (hamites, nilotiques) et qu'apparaissent de nouvelles conceptions, régionales plutôt que linguistiques. Par ailleurs ces résultats, à l'issue de la période considérée, confirment une rencontre sans doute très ancienne entre des peuples africains issus de parties différentes de l'Afrique, leur entrecroisement progressif et très intime dans la région des Grands Lacs, confirmant les analyses les plus récentes dans les domaines de la linguistique historique et de l'archéologie des éco-systèmes. 3)-les pays de l'Afrique occidentale situés à l'intérieur de la boucle du Niger (Burkina Faso, Liberia, Côte d'Ivoire, Ghana, Togo, Bénin, Nigeria), où sont comparées les approches de l'anthropologie française, britannique et américaine, leur évolution avant et après les indépendances : centres d'intérêts et différences d'interprétation. Cette analyse permet de prendre du recul sur l'ensemble des travaux réalisés sur l'Afrique par les Puissances considérées et de retrouver le fil d'une réflexion amorcée dans les chapitres des premières et deuxième parties sur la façon différente dont les Puissances ont intériorisé l'idée d'évolution au XIXe siècle : la conception que se sont faite les Européens des devoirs et des droits du plus apte envers le moins apte, inscrite au coeur de l'idéologie coloniale, a également influé sur le mode d'administration des peuples colonisés. Du côté britannique l'anthropologie biologique a tendu à répondre aux besoins de compréhension et d'organisation hiérarchique de la société coloniale. Ceci est également valable pour les territoires sous influence belge en Afrique orientale. Du côté des Français en Afrique de l'Ouest, l'anthropologie n'a été que dans une moindre mesure chargée de répondre au même besoin. Du même coup l'anthropologie française n'a pas été ébranlée, comme l'ont été les conceptions des Britanniques, par l'avènement des Etats africains à la fin des années 1950. L'anthropologie biologique anglo-saxonne a reflété les changements politiques et, par conséquent, a évolué plus vite vers cette anthropologie de l'adaptation promise par les idées darwiniennes, mais paralysée pendant plus d'un siècle par le besoin de justifier l'entreprise coloniale. Les travaux des Américains en Afrique, très tôt orientés sur les questions adaptatives, suscitent des réflexions du même ordre, en raison de leur émergence à ce moment crucial de l'histoire de l'Afrique, à la veille des indépendances, en raison aussi de leur caractère marginal dans la production anthropologique américaine, restée très naturaliste. * * * Les aspects scientifiques ne sont pas négligés : les découvertes successives des systèmes sanguins, l'évolution des méthodes d'analyse et d'investigation, la réflexion épistémologique. La thèse montre l'importance extrême accordée par les chercheurs aux hémoglobines atypiques (notamment l'hémoglobine S responsable d'une maladie grave nommée drépanocytose), caractères qui ont semblé durant plusieurs décennies promettre des informations anthropologico-historiques de premier plan. Il a été montré que cette préoccupation devant les hémoglobines anormales a des raisons multiples dont certaines sont à rechercher dans les débuts de la génétique des populations, en ce qu'elle comportait de préoccupations eugénistes. En conclusion de la troisième partie, après avoir résumé les hypothèses récentes de la recherche bio-anthropologique sur la diversité humaine (théorie de l'Eve africaine, théorie polycentriste), il est procédé à une critique des principaux problèmes épistémologiques, méthodologiques et conceptuels des travaux actuels (légitimité des arborescences, horloges moléculaires, distances génétiques, coalescence, ambiguité du statut épistémologique des catégories ethniques, critique historique des données et des échantillons). Un bilan des acquis et des perspectives de ces recherches en matière d'histoire du peuplement, est présenté. Enfin, on s'interroge sur les possibilités de développement d'une génétique historique.
Le rapport de l'anthropologie biologique avec l'Afrique remonte aux origines des sciences de la nature au XVIIIe siècle, qui réaménagèrent le regard porté par l'Occident sur l'Afrique depuis le Moyen-Age. Des rapports de peur, de méfiance, de fascination, d'exploration et de domination ont marqué cette histoire qui a influencé les travaux d'objectif scientifique. Dans quelle mesure cette science, en retour, étant celle du pouvoir, a-t-elle orienté la perception que les Africains ont eu d'eux-mêmes, de leur identité, et leurs rapports sociaux et politiques ? Ces aspects des liens entre histoire et science, sont examinés au travers d'un ensemble de textes qui constituent des sources inhabituelles pour l'historien : articles de médecine, de biologie, de génétique, d'anthropologie physique. Ces textes sont analysés et confrontés avec, premièrement les événements contemporains de la production de ces articles, deuxièmement l'histoire ancienne des peuples concernés telle qu'elle est mieux connue aujourd'hui, troisièmement l'état des sciences en biologie, en anthropologie et en histoire au moment de la publication des textes. Ces différentes approches ont permis de discerner les aspects idéologiques ou politiques des travaux, d'en critiquer les données, les interprétations, les aspects théoriques et conceptuels, de suivre aussi le cheminement intellectuel, social, des auteurs quand cela a été possible. Dans sa relation à l'histoire du peuplement de l'Afrique, la génétique des populations implique des analyses sur trois champs différents : - histoire des sciences, - histoire du peuplement ancien de l'Afrique, - histoire contemporaine, par l'analyse des liens récents entre la recherche anthropologique et les événements de l'histoire africaine. La thèse se situe donc au carrefour de plusieurs disciplines et tente d'embrasser des situations allant du général (1ère et 2ème parties sur la situation de l'Afrique dans l'ensemble mondial) au particulier (3ème partie sur les situations régionales). Après une mise en perspective historique assez large (XVIIIe - 1950), elle se concentre sur une période restreinte (1945-1985), quarante années qui constituent la grande époque de la recherche sur la diversité biologique humaine à partir des systèmes sanguins). Deux grandes lignes de réflexion ont été suivies : - Une réflexion sur l'évolution de la production des sciences bio-anthropologiques dans le domaine du peuplement de l'Afrique, rapportée au contexte de l'évolution scientifique en général et au contexte politique international depuis la dernière guerre mondiale. Une analyse est conduite sur les auteurs et les grands thèmes de cette anthropologie. - Une réflexion comparative sur les travaux produits par les principales Puissances ayant exercé une influence durable sur la recherche en Afrique dans la période susdite : Puissances coloniales, Etats-Unis. La comparaison permet en outre de révéler l'internationalisation croissante de la recherche au cours de la période d'étude. Des liens entre science et histoire sont recherchés par une étude systématique du contexte dans lequel ces travaux ont été conduits : colonisation, décolonisation, guerre froide, construction des Etats, crises politiques internes. Ce travail est construit en trois parties dont les articulations sont à la fois thématiques et chronologiques. La première partie situe le sujet dans l'histoire depuis le XVIIIe siècle. Il s'agit le plus souvent de appels brefs sur la situation de la biologie et de l'anthropologie, sur la connaissance des Occidentaux au sujet de l'Afrique subsaharienne et sur la naissance des théories transformistes. Le deuxième chapitre se concentre sur les aspects épistémologiques et idéologiques des travaux de Charles Darwin, leurs prolongements dans les différents domaines de l'érudition africaniste (linguistique, ethnologie, anthropologie physique) et de la politique internationale (impérialisme, nationalisme, colonisation, libéralisme et communisme). Le troisième volet de cette partie retrace l'émergence de la génétique des populations au carrefour des sciences de l'hérédité, des théories de l'évolution, de la mathématique statistique et de l'immunologie. La contribution personnelle de l'auteur est d'avoir fait de cette histoire déjà connue une lecture originale en adoptant le point de vue central de l'Afrique dans cette perception occidentale où s'entrecroisent les questions scientifiques, idéologiques, religieuses et politiques. Ainsi apparaît l'étonnante permanence des idées, des controverses, des représentations sur les origines de l'Homme et des "races", des interrogations sur la nature et la généalogie des Hommes. En Afrique, ces thèmes ont été alimentés par la présence de groupes de populations nettement différenciés aux yeux des Occidentaux, qui ont vu en eux les descendants des races originelles. Lieu de convergence de trois grands courants migratoires supposés, l'Afrique est devenu, dans l'imaginaire occidental, le miroir de cette triangulation raciale blanche, noire et asiatique. Dans la deuxième partie, est traité l'ensemble des publications qui forment les sources. Le premier chapitre (§2,1) est une description d'un premier ensemble constitué de toutes les publications parues de 1950 à 1985 faisant état de données originales sur la typologie sanguine de populations africaines. Il s'agit d'une étude formelle d'un fichier de références bibliographiques réalisée par des moyens informatiques. Au plan méthodologique, cet aspect de la recherche est le plus original. La bibliographie, un corpus de 898 références livrées en annexe, y est traitée comme des séries d'informations quantifiables, ce qui a permis une description des principales caractéristiques de la production scientifique sur le sujet : pays émetteurs, Etats africains concernés, marqueurs étudiés, nature et thèmes des supports de publications. Une analyse diachronique de ces éléments est présentée. Il s'y s'ajoute une documentation plus spécifiquement anthropo¬logique (§2,2), c'est-à-dire des textes qui se proposent d'interpréter la distribution des caractères sérologiques envisagés comme marqueurs. Est étudiée l'évolution du contexte scientifique, social et politique, dans lequel toutes ces publications ont pris place, très différent de celui qui précède la deuxième guerre mondiale (§2,2) : le concept de race est questionné, la recherche sur l'origine des ethnies africaines rejoint la problématique des origines de l'Homme. Aussi le troisième chapitre (§2,3) est consacré à cette question centrale de la place du peuplement de l'Afrique dans l'histoire mondiale du peuplement humain, thème majeur de l'anthropologie biologique sur toute la période considérée, mais où émerge en contrepoint, dès la fin des années cinquante, une anthroplogie de l'adaptation, faisant de l'Homme africain un acteur de son évolution sur sa terre. Il apparaît un regard différencié en fonction de l'origine des chercheurs (Britanniques, Sud-Africains), façonnés souvent par la perspective dans laquelle leur culture nationale les porte à effectuer les catégorisations des peuples en présence. Les évolutions sont appréciées en parallèle de celle, concomitante, des autres sciences (linguistique, archéologie, histoire) et de la participation croissante des intellectuels africains à la réflexion sur leur histoire et leur identité. La troisième partie présente l'étude de trois régions de l'Afrique choisies pour servir une démarche comparative : 1)-l'Afrique de l'Est sous influence belge (Rwanda, Burundi, est du Zaïre), où est présentée notamment une analyse des travaux d'anthropologie biologique sur les populations hutu et tutsi, l'évolution des conceptions de l'historiographie coloniale au sujet de l'origine de ces ethnies et la place de ces travaux dans les suites politiques tragiques de ces clivages ethniques. 2)-l'Afrique orientale britannique de la région des Grands Lacs (Ouganda, sud du Soudan, nord-ouest de la Tanzanie et ouest du Kenya), où est retracée l'évolution des travaux scientifiques en relation avec l'émergence difficile de certains jeunes Etats africains, le problème des populations du sud du Soudan, d'une part, la question des clivages entre peuples nilotiques ou soudaniques, et bantu, d'autre part. Il est décrit comment les résultats de la biologie ont invalidé les classifications classiques (hamites, nilotiques) et qu'apparaissent de nouvelles conceptions, régionales plutôt que linguistiques. Par ailleurs ces résultats, à l'issue de la période considérée, confirment une rencontre sans doute très ancienne entre des peuples africains issus de parties différentes de l'Afrique, leur entrecroisement progressif et très intime dans la région des Grands Lacs, confirmant les analyses les plus récentes dans les domaines de la linguistique historique et de l'archéologie des éco-systèmes. 3)-les pays de l'Afrique occidentale situés à l'intérieur de la boucle du Niger (Burkina Faso, Liberia, Côte d'Ivoire, Ghana, Togo, Bénin, Nigeria), où sont comparées les approches de l'anthropologie française, britannique et américaine, leur évolution avant et après les indépendances : centres d'intérêts et différences d'interprétation. Cette analyse permet de prendre du recul sur l'ensemble des travaux réalisés sur l'Afrique par les Puissances considérées et de retrouver le fil d'une réflexion amorcée dans les chapitres des premières et deuxième parties sur la façon différente dont les Puissances ont intériorisé l'idée d'évolution au XIXe siècle : la conception que se sont faite les Européens des devoirs et des droits du plus apte envers le moins apte, inscrite au coeur de l'idéologie coloniale, a également influé sur le mode d'administration des peuples colonisés. Du côté britannique l'anthropologie biologique a tendu à répondre aux besoins de compréhension et d'organisation hiérarchique de la société coloniale. Ceci est également valable pour les territoires sous influence belge en Afrique orientale. Du côté des Français en Afrique de l'Ouest, l'anthropologie n'a été que dans une moindre mesure chargée de répondre au même besoin. Du même coup l'anthropologie française n'a pas été ébranlée, comme l'ont été les conceptions des Britanniques, par l'avènement des Etats africains à la fin des années 1950. L'anthropologie biologique anglo-saxonne a reflété les changements politiques et, par conséquent, a évolué plus vite vers cette anthropologie de l'adaptation promise par les idées darwiniennes, mais paralysée pendant plus d'un siècle par le besoin de justifier l'entreprise coloniale. Les travaux des Américains en Afrique, très tôt orientés sur les questions adaptatives, suscitent des réflexions du même ordre, en raison de leur émergence à ce moment crucial de l'histoire de l'Afrique, à la veille des indépendances, en raison aussi de leur caractère marginal dans la production anthropologique américaine, restée très naturaliste. * * * Les aspects scientifiques ne sont pas négligés : les découvertes successives des systèmes sanguins, l'évolution des méthodes d'analyse et d'investigation, la réflexion épistémologique. La thèse montre l'importance extrême accordée par les chercheurs aux hémoglobines atypiques (notamment l'hémoglobine S responsable d'une maladie grave nommée drépanocytose), caractères qui ont semblé durant plusieurs décennies promettre des informations anthropologico-historiques de premier plan. Il a été montré que cette préoccupation devant les hémoglobines anormales a des raisons multiples dont certaines sont à rechercher dans les débuts de la génétique des populations, en ce qu'elle comportait de préoccupations eugénistes. En conclusion de la troisième partie, après avoir résumé les hypothèses récentes de la recherche bio-anthropologique sur la diversité humaine (théorie de l'Eve africaine, théorie polycentriste), il est procédé à une critique des principaux problèmes épistémologiques, méthodologiques et conceptuels des travaux actuels (légitimité des arborescences, horloges moléculaires, distances génétiques, coalescence, ambiguité du statut épistémologique des catégories ethniques, critique historique des données et des échantillons). Un bilan des acquis et des perspectives de ces recherches en matière d'histoire du peuplement, est présenté. Enfin, on s'interroge sur les possibilités de développement d'une génétique historique.
Contexte Les soins et l'aide de première ligne se caractérisent par une accessibilité universelle, une approche globale, axée sur les objectifs de la personne. Ils sont dispensés par une équipe de professionnels aux compétences généralistes, capables d'assurer la prise en charge de la grande majorité (90%) des problèmes de santé. Ce service doit s'accomplir dans un partenariat durable avec les personnes (usagers des services de santé ou non) et leurs aidants, dans le contexte de la famille et de la communauté locale, et joue un rôle central dans la coordination générale et la continuité des soins dispensés à la population. Si 90% des interactions en santé peuvent être assurées par la première ligne, la qualité d'un système de santé est fortement dépendante de la qualité de sa première ligne de soins et de l'aide. Or, en Belgique francophone, trop peu d'attention était portée jusqu'il y a peu, à cette première ligne de soins et de l'aide. Grâce au soutien du Fonds Dr. Daniël De Coninck, Be.hive vise à soutenir et organiser la recherche, l'enseignement et le partage des connaissances au sujet de la première ligne de soins et de l'aide. Le projet rassemble trois universités (l'Université catholique de Louvain, l'Université de Liège et l'Université Libre de Bruxelles) et trois hautes écoles (Haute Ecole Vinci, HENALLUX et la Haute Ecole Ilya Prigogine). Via son comité de pilotage, Be.Hive est également soutenue par la Plateforme de la Première Ligne Wallonne (PPLW), l'association des aidants proches (ASBL Aidants proches), la Société Scientifique de Médecine Générale (SSMG) et la Ligue des Usagers des Services de Santé (LUSS). Ce livre blanc s'inscrit dans une stratégie globale de Be.Hive, puisqu'il est le résultat d'une analyse littéraire et d'une enquête pour explorer la situation actuelle. C'est sur la base de ce travail que les chercheurs de Be.Hive souhaitent établir un ordre de priorités pour leurs activités de recherche et d'enseignement et attirer l'attention de leurs partenaires sur les urgences perçues par les acteurs de la première ligne. Cet exposé est forcément situé dans le temps, et exprimé sur la base de la réflexion et des données actuellement disponibles aux chercheurs de Be.Hive, et ne vise pas l'exhaustivité. Cette analyse a démarré dès 2019 en explorant la littérature nationale et internationale. Celle-ci, combinée aux expertises des chercheurs au sein de Be.Hive, a permis d'identifier 20 thématiques clés qui, mises ensemble, offraient une grille de lecture des caractéristiques permettant de renforcer la première ligne. Par la suite nous avons voulu capter la perception actuelle des acteurs de la première ligne en Belgique francophone, par une enquête à large échelle et des ateliers thématiques. Pour cela, en octobre 2019, des questionnaires étaient diffusés via les réseaux de Be.Hive. Au total, 5916 personnes ont répondu aux questionnaires en ligne et 130 aux questionnaires papier. En décembre nous avons organisé 5 ateliers thématiques participatifs, en divers endroits à Bruxelles et en Wallonie. Ces ateliers avaient deux objectifs. Le premier était d'approfondir les résultats provenant de l'exploitation des questionnaires et de faire émerger des aspects encore non abordés jusqu'alors. Le second était d'initier une démarche participative avec les acteurs de la première ligne. Au total, plus de 160 personnes extérieures à Be.Hive se sont inscrites aux 5 ateliers, venus d'horizons aussi différents que ceux qui avaient répondu aux questionnaires. Les principaux résultats sont présentés selon 4 axes thématiques présentés ci-dessous. Bien que ces axes soient présentés de manière distincte, leurs thématiques sont interreliées. Tous ont en commun de vouloir, à leur niveau, contribuer au quadruple objectif (Quadruple Aim en anglais) : améliorer la qualité de vie des personnes (et, le cas échéant, de leurs aidants), améliorer la qualité des soins (notamment, en centrant les soins sur les objectifs de vie de la personne), améliorer l'utilisation des ressources et améliorer la qualité de vie des professionnels. A ces quatre objectifs, Be.Hive en propose un cinquième, celui d'améliorer l'enseignement, afin de cadrer avec les missions spécifiques de Be.Hive. Chapitre 1. Enjeux liés à la structuration et au financement de la première ligne Les ateliers ont permis de confirmer largement que la première ligne francophone est peu structurée et que l'offre est peu visible. Une manière d'améliorer cette structuration et d'améliorer la visibilité, renseignée par la littérature scientifique et confirmée dans les ateliers, passe par une organisation avec une approche territoriale (par commune ; dans les villes, par quartier). Une autre approche passe par l'inscription auprès d'un médecin généraliste ou d'une pratique de médecine générale. Selon les données du questionnaire, plus de la moitié des répondants sont tout à fait d'accord avec cela. Ces réponses ouvrent un questionnement intéressant car il s'agit d'une restriction du choix par rapport aux pratiques actuelles, qui pourrait modifier les débats sur la structuration de la première ligne. Ces données mériteront d'être investiguées, pour compléter ces résultats. Le financement de la première ligne figurait dans les 20 thèmes identifiés lors de la revue de la littérature. Nous avons donc interrogé les professionnels par rapport à leur degré de satisfaction concernant la répartition du financement et du mode de paiement actuel et trouvé qu'ils n'en sont que moyennement satisfaits. Au travers de nos recherches futures, nous souhaitons étudier ces thématiques de façon multidisciplinaire, afin d'intégrer les perceptions des parties prenantes dans des propositions concrètes pour l'avenir. Ceci permettra de nourrir le débat sociétal autour de la territorialisation et a le potentiel pour améliorer la visibilité et l'image de la première ligne, pour le plus grand bénéfice de tous. Chapitre 2. L'accompagnement de la personne vivant une situation complexe La complexité représente une épreuve contemporaine majeure qui s'inscrit au cœur des missions de la première ligne. Elle est associée à l'incertitude et l'imprévisibilité que représente une situation en raison de l'interaction entre des éléments relatifs à la santé physique, psychique et aux conditions de vie, sociales et économiques. Elle nécessite le développement d'actions globales et coordonnées entre plusieurs professions, organisations et secteurs. De plus, elle implique de mobiliser les connaissances des personnes, afin de concevoir des réponses articulant leurs priorités et celles des professionnels. Les questionnaires et les ateliers Be.Hive ont mis en évidence une asymétrie importante dans la participation des professionnels, des personnes et des aidants proches à la définition des situations complexes. Ce constat s'applique aux niveaux de la recherche et de la relation de soins. Cette asymétrie est à l'origine d'incompréhensions provoquant à la fois l'insatisfaction des professionnels et le désengagement des personnes de leurs parcours de soins. Dès lors, nous en appelons à renforcer la communication et l'écoute entre les acteurs, ce qui nécessite de faire évoluer le contenu des formations des professionnels mais aussi les modes de financement des soins de santé. De plus, nous mettons en avant une approche symétrique de la complexité, à partir de laquelle penser l'adaptation, ou « résilience de la première ligne », face aux situations complexes. Cette approche est fondée sur deux axes de recherche. Le premier axe initie un dialogue entre la demande exprimée par les personnes, que nous distinguons des besoins perçus par les professionnels, et les nouvelles fonctions professionnelles et modes d'organisation, par exemple le case management ou les suivis multidisciplinaires, qui se développent en première ligne. Le second axe porte spécifiquement sur les questions de l'accès, du recours, du non-recours, ou du recours dit « non approprié » des personnes vues comme vulnérables à la première ligne. Il soulève la dimension relationnelle de l'accès et du recours à partir des représentations et expériences des personnes, avant de les mettre en lien avec le vécu des professionnels. Chapitre 3. La participation communautaire au service de la première ligne L'approche de santé communautaire se concrétise par la collaboration des acteurs d'une communauté (personnes, professionnels de santé, institutions) autour d'un éventail d'actions qui s'étend de l'analyse des besoins à la mise en œuvre de services de santé et leur évaluation. Cet axe de travail s'ancre sur le constat d'un manque de proximité du système de santé. Or, la première ligne en Belgique francophone se trouve dans une position privilégiée pour renforcer cette proximité, comme nous avons pu l'observer au travers de plusieurs initiatives intéressantes. A défaut, ce manque de proximité se marque notamment lorsque les activités de promotion ou de prévention de la santé n'atteignent pas leur public-cible. Au travers d'initiatives renforçant la proximité, nous avons pu observer que là où les personnes sont engagées comme véritables partenaires en première ligne, le système de santé s'en trouve renforcé. Par conséquent, au cours de nos recherches futures, nous souhaitons investiguer les connaissances, attitudes et pratiques des professionnels de santé et des personnes sur la santé communautaire, dans une logique de proximité géographique, relationnelle et institutionnelle. Dans ce domaine également, Be.Hive souhaite participer à la diffusion des connaissances sur l'existant. Cela implique qu'une vieille informationnelle doit être mise en œuvre afin d'avoir accès aux innovations en matière de participation communautaire. Be.Hive a le potentiel de se construire sur l'existant, afin de participer à l'évaluation et la diffusion des pratiques prometteuses, notamment par le biais de l'évaluation participative. Chapitre 4. Collaboration interprofessionnelle et développement des compétences La professionnalisation des différents métiers depuis le 19ème siècle, a été suivie par une division du travail entre métiers relativement forte. Or, les transformations des politiques de santé, des pratiques professionnelles et des profils de personnes font de la collaboration l'un des défis importants de ces prochaines années. La confiance réciproque est identifiée comme une condition importante de cette collaboration, et celle-ci repose, d'après l'expérience de nos participants, sur la (re)connaissance mutuelle entre métiers et sur les relations interpersonnelles, qui voient le jour le plus souvent sur une base territoriale (quartier, commune). Ces acteurs mettent à la fois en évidence la nécessité de se fonder sur les initiatives existantes afin de les renforcer mais aussi de penser des nouveaux modèles, au-delà des dispositifs existant déjà au sein de certaines structures ou régions. Trois axes de recherche seront développés par les chercheurs de Be.Hive pour soutenir cette réflexion : 1° les collaborations interprofessionnelles impliquant les acteurs de l'aide sociale, de l'aide juridique et de la santé ; 2° les outils de la collaboration ; 3° la transformation des rapports entre première et deuxième ligne suite à certaines formes de désinstitutionalisation des soins. Ces trois axes de recherche principaux nourriront la réflexion autour de trois dimensions transversales : la formation, la production et l'analyse de données en première ligne et enfin, le bien-être des professionnels impliqués dans la collaboration. Discussion Ce livre blanc est le produit d'un premier processus participatif incluant l'ensemble des acteurs-clé. Pour Be.Hive, ce processus participatif a été l'occasion d'échanges, d'un temps nécessaire pour passer au-delà de la fragmentation et la méconnaissance mutuelle qui marquent également les chercheurs de Be.Hive, et d'expérimenter la nécessité de cette confiance. Ce processus n'ambitionne pas d'identifier de manière exhaustive tous les défis de la première ligne de soins et de l'aide francophone, mais permet à Be.Hive de se positionner, en proposant une liste déjà fournie de thématiques de recherche et d'enseignement dont voici les principales, qui s'entrecroisent forcément: - Structuration de la première ligne et contribution au quintuple objectif : modes de pratiques très concrètes, modes de financement et organisation territoriale ; - Organisation de la réponse aux situations complexes, en testant des modes d'interaction ; - Participation des personnes et la communauté à la santé et à l'organisation des services ; - Collaboration interprofessionnelle et renforcement des compétences professionnelles.
Contexte Les soins et l'aide de première ligne se caractérisent par une accessibilité universelle, une approche globale, axée sur les objectifs de la personne. Ils sont dispensés par une équipe de professionnels aux compétences généralistes, capables d'assurer la prise en charge de la grande majorité (90%) des problèmes de santé. Ce service doit s'accomplir dans un partenariat durable avec les personnes (usagers des services de santé ou non) et leurs aidants, dans le contexte de la famille et de la communauté locale, et joue un rôle central dans la coordination générale et la continuité des soins dispensés à la population. Si 90% des interactions en santé peuvent être assurées par la première ligne, la qualité d'un système de santé est fortement dépendante de la qualité de sa première ligne de soins et de l'aide. Or, en Belgique francophone, trop peu d'attention était portée jusqu'il y a peu, à cette première ligne de soins et de l'aide. Grâce au soutien du Fonds Dr. Daniël De Coninck, Be.hive vise à soutenir et organiser la recherche, l'enseignement et le partage des connaissances au sujet de la première ligne de soins et de l'aide. Le projet rassemble trois universités (l'Université catholique de Louvain, l'Université de Liège et l'Université Libre de Bruxelles) et trois hautes écoles (Haute Ecole Vinci, HENALLUX et la Haute Ecole Ilya Prigogine). Via son comité de pilotage, Be.Hive est également soutenue par la Plateforme de la Première Ligne Wallonne (PPLW), l'association des aidants proches (ASBL Aidants proches), la Société Scientifique de Médecine Générale (SSMG) et la Ligue des Usagers des Services de Santé (LUSS). Ce livre blanc s'inscrit dans une stratégie globale de Be.Hive, puisqu'il est le résultat d'une analyse littéraire et d'une enquête pour explorer la situation actuelle. C'est sur la base de ce travail que les chercheurs de Be.Hive souhaitent établir un ordre de priorités pour leurs activités de recherche et d'enseignement et attirer l'attention de leurs partenaires sur les urgences perçues par les acteurs de la première ligne. Cet exposé est forcément situé dans le temps, et exprimé sur la base de la réflexion et des données actuellement disponibles aux chercheurs de Be.Hive, et ne vise pas l'exhaustivité. Cette analyse a démarré dès 2019 en explorant la littérature nationale et internationale. Celle-ci, combinée aux expertises des chercheurs au sein de Be.Hive, a permis d'identifier 20 thématiques clés qui, mises ensemble, offraient une grille de lecture des caractéristiques permettant de renforcer la première ligne. Par la suite nous avons voulu capter la perception actuelle des acteurs de la première ligne en Belgique francophone, par une enquête à large échelle et des ateliers thématiques. Pour cela, en octobre 2019, des questionnaires étaient diffusés via les réseaux de Be.Hive. Au total, 5916 personnes ont répondu aux questionnaires en ligne et 130 aux questionnaires papier. En décembre nous avons organisé 5 ateliers thématiques participatifs, en divers endroits à Bruxelles et en Wallonie. Ces ateliers avaient deux objectifs. Le premier était d'approfondir les résultats provenant de l'exploitation des questionnaires et de faire émerger des aspects encore non abordés jusqu'alors. Le second était d'initier une démarche participative avec les acteurs de la première ligne. Au total, plus de 160 personnes extérieures à Be.Hive se sont inscrites aux 5 ateliers, venus d'horizons aussi différents que ceux qui avaient répondu aux questionnaires. Les principaux résultats sont présentés selon 4 axes thématiques présentés ci-dessous. Bien que ces axes soient présentés de manière distincte, leurs thématiques sont interreliées. Tous ont en commun de vouloir, à leur niveau, contribuer au quadruple objectif (Quadruple Aim en anglais) : améliorer la qualité de vie des personnes (et, le cas échéant, de leurs aidants), améliorer la qualité des soins (notamment, en centrant les soins sur les objectifs de vie de la personne), améliorer l'utilisation des ressources et améliorer la qualité de vie des professionnels. A ces quatre objectifs, Be.Hive en propose un cinquième, celui d'améliorer l'enseignement, afin de cadrer avec les missions spécifiques de Be.Hive. Chapitre 1. Enjeux liés à la structuration et au financement de la première ligne Les ateliers ont permis de confirmer largement que la première ligne francophone est peu structurée et que l'offre est peu visible. Une manière d'améliorer cette structuration et d'améliorer la visibilité, renseignée par la littérature scientifique et confirmée dans les ateliers, passe par une organisation avec une approche territoriale (par commune ; dans les villes, par quartier). Une autre approche passe par l'inscription auprès d'un médecin généraliste ou d'une pratique de médecine générale. Selon les données du questionnaire, plus de la moitié des répondants sont tout à fait d'accord avec cela. Ces réponses ouvrent un questionnement intéressant car il s'agit d'une restriction du choix par rapport aux pratiques actuelles, qui pourrait modifier les débats sur la structuration de la première ligne. Ces données mériteront d'être investiguées, pour compléter ces résultats. Le financement de la première ligne figurait dans les 20 thèmes identifiés lors de la revue de la littérature. Nous avons donc interrogé les professionnels par rapport à leur degré de satisfaction concernant la répartition du financement et du mode de paiement actuel et trouvé qu'ils n'en sont que moyennement satisfaits. Au travers de nos recherches futures, nous souhaitons étudier ces thématiques de façon multidisciplinaire, afin d'intégrer les perceptions des parties prenantes dans des propositions concrètes pour l'avenir. Ceci permettra de nourrir le débat sociétal autour de la territorialisation et a le potentiel pour améliorer la visibilité et l'image de la première ligne, pour le plus grand bénéfice de tous. Chapitre 2. L'accompagnement de la personne vivant une situation complexe La complexité représente une épreuve contemporaine majeure qui s'inscrit au cœur des missions de la première ligne. Elle est associée à l'incertitude et l'imprévisibilité que représente une situation en raison de l'interaction entre des éléments relatifs à la santé physique, psychique et aux conditions de vie, sociales et économiques. Elle nécessite le développement d'actions globales et coordonnées entre plusieurs professions, organisations et secteurs. De plus, elle implique de mobiliser les connaissances des personnes, afin de concevoir des réponses articulant leurs priorités et celles des professionnels. Les questionnaires et les ateliers Be.Hive ont mis en évidence une asymétrie importante dans la participation des professionnels, des personnes et des aidants proches à la définition des situations complexes. Ce constat s'applique aux niveaux de la recherche et de la relation de soins. Cette asymétrie est à l'origine d'incompréhensions provoquant à la fois l'insatisfaction des professionnels et le désengagement des personnes de leurs parcours de soins. Dès lors, nous en appelons à renforcer la communication et l'écoute entre les acteurs, ce qui nécessite de faire évoluer le contenu des formations des professionnels mais aussi les modes de financement des soins de santé. De plus, nous mettons en avant une approche symétrique de la complexité, à partir de laquelle penser l'adaptation, ou « résilience de la première ligne », face aux situations complexes. Cette approche est fondée sur deux axes de recherche. Le premier axe initie un dialogue entre la demande exprimée par les personnes, que nous distinguons des besoins perçus par les professionnels, et les nouvelles fonctions professionnelles et modes d'organisation, par exemple le case management ou les suivis multidisciplinaires, qui se développent en première ligne. Le second axe porte spécifiquement sur les questions de l'accès, du recours, du non-recours, ou du recours dit « non approprié » des personnes vues comme vulnérables à la première ligne. Il soulève la dimension relationnelle de l'accès et du recours à partir des représentations et expériences des personnes, avant de les mettre en lien avec le vécu des professionnels. Chapitre 3. La participation communautaire au service de la première ligne L'approche de santé communautaire se concrétise par la collaboration des acteurs d'une communauté (personnes, professionnels de santé, institutions) autour d'un éventail d'actions qui s'étend de l'analyse des besoins à la mise en œuvre de services de santé et leur évaluation. Cet axe de travail s'ancre sur le constat d'un manque de proximité du système de santé. Or, la première ligne en Belgique francophone se trouve dans une position privilégiée pour renforcer cette proximité, comme nous avons pu l'observer au travers de plusieurs initiatives intéressantes. A défaut, ce manque de proximité se marque notamment lorsque les activités de promotion ou de prévention de la santé n'atteignent pas leur public-cible. Au travers d'initiatives renforçant la proximité, nous avons pu observer que là où les personnes sont engagées comme véritables partenaires en première ligne, le système de santé s'en trouve renforcé. Par conséquent, au cours de nos recherches futures, nous souhaitons investiguer les connaissances, attitudes et pratiques des professionnels de santé et des personnes sur la santé communautaire, dans une logique de proximité géographique, relationnelle et institutionnelle. Dans ce domaine également, Be.Hive souhaite participer à la diffusion des connaissances sur l'existant. Cela implique qu'une vieille informationnelle doit être mise en œuvre afin d'avoir accès aux innovations en matière de participation communautaire. Be.Hive a le potentiel de se construire sur l'existant, afin de participer à l'évaluation et la diffusion des pratiques prometteuses, notamment par le biais de l'évaluation participative. Chapitre 4. Collaboration interprofessionnelle et développement des compétences La professionnalisation des différents métiers depuis le 19ème siècle, a été suivie par une division du travail entre métiers relativement forte. Or, les transformations des politiques de santé, des pratiques professionnelles et des profils de personnes font de la collaboration l'un des défis importants de ces prochaines années. La confiance réciproque est identifiée comme une condition importante de cette collaboration, et celle-ci repose, d'après l'expérience de nos participants, sur la (re)connaissance mutuelle entre métiers et sur les relations interpersonnelles, qui voient le jour le plus souvent sur une base territoriale (quartier, commune). Ces acteurs mettent à la fois en évidence la nécessité de se fonder sur les initiatives existantes afin de les renforcer mais aussi de penser des nouveaux modèles, au-delà des dispositifs existant déjà au sein de certaines structures ou régions. Trois axes de recherche seront développés par les chercheurs de Be.Hive pour soutenir cette réflexion : 1° les collaborations interprofessionnelles impliquant les acteurs de l'aide sociale, de l'aide juridique et de la santé ; 2° les outils de la collaboration ; 3° la transformation des rapports entre première et deuxième ligne suite à certaines formes de désinstitutionalisation des soins. Ces trois axes de recherche principaux nourriront la réflexion autour de trois dimensions transversales : la formation, la production et l'analyse de données en première ligne et enfin, le bien-être des professionnels impliqués dans la collaboration. Discussion Ce livre blanc est le produit d'un premier processus participatif incluant l'ensemble des acteurs-clé. Pour Be.Hive, ce processus participatif a été l'occasion d'échanges, d'un temps nécessaire pour passer au-delà de la fragmentation et la méconnaissance mutuelle qui marquent également les chercheurs de Be.Hive, et d'expérimenter la nécessité de cette confiance. Ce processus n'ambitionne pas d'identifier de manière exhaustive tous les défis de la première ligne de soins et de l'aide francophone, mais permet à Be.Hive de se positionner, en proposant une liste déjà fournie de thématiques de recherche et d'enseignement dont voici les principales, qui s'entrecroisent forcément: - Structuration de la première ligne et contribution au quintuple objectif : modes de pratiques très concrètes, modes de financement et organisation territoriale ; - Organisation de la réponse aux situations complexes, en testant des modes d'interaction ; - Participation des personnes et la communauté à la santé et à l'organisation des services ; - Collaboration interprofessionnelle et renforcement des compétences professionnelles.
La motivation du départ en échange pour développer les compétences des étudiants en tandem : un parcours d'accompagnement linguistique et interculturel sur Moodle ! Présentation de dispositif d'enseignement-apprentissage LEJOT Eve, MOLOSTOFF Leslie Université du Luxembourg, Unité de recherche IPSE (Identités. Politiques, Sociétés, Espaces) KH Les Centres de Langues des 6 universités de la Grande Région (région territoriale transfrontalière entre la France, la Belgique, le Luxembourg et l'Allemagne) travaillent ensemble à la création d'un parcours pédagogique en ligne d'apprentissage du français et de l'allemand dans le cadre d'un projet Erasmus+ (2017-2019). L'objectif de la mise en place d'un cours en ligne est de guider les étudiants dans la préparation de leur échange universitaire dans l'une des 6 universités et ainsi de les inciter à se poser les bonnes questions en amont de leur départ. Le dispositif permet de développer leurs compétences linguistiques et interculturelles. Le constat d'un manque certain de coopération entre les Centres de Langues de la Grande Région est à l'origine de ce projet transfrontalier. De plus, dans la plupart des universités du consortium, un échange est obligatoire dans le parcours universitaire. Une étude préliminaire a mis au jour le manque de préparation des étudiants à ce semestre passé à l'étranger et également de mise à profit culturelle et linguistique de cet échange. D'autre part, les réponses à des questionnaires de cette étude envoyés aux étudiants ont révélé que ces derniers accordaient un grand intérêt aux cours de langues et s'y engageaient de manière volontaire. L'enjeu du projet, et donc du cours en ligne, via les activités pédagogiques proposées, est de rendre les étudiants plus autonomes et de les confronter, avant même leur départ, aux différences administratives, culturelles ou encore linguistiques qu'ils pourront observer entre leur environnement d'origine et celui d'accueil. Fractionné en cinq étapes thématiques (Préparation avant le départ, Préparation à l'arrivée, Vivre sur place, Les études et Validation des études), le parcours en ligne propose aux étudiants des activités qui leur permettront à la fois de renforcer leurs parcours linguistiques (apprentissage de vocabulaire spécifique, lecture de documents authentiques, visionnage de vidéos, rédaction de textes, etc.), et leurs compétences interculturelles (qu'est-ce qu'un bail ?, comment trouver un logement sur place ?, comment fonctionne l'université d'accueil ?, la notation, la gastronomie 95 locale, etc.). Afin de rendre la progression plus fluide, les étapes sont elles-mêmes divisées en trois parties. Toutes les parties contiennent au minimum un bloc d'activités au sein duquel les étudiants trouveront un document authentique et didactisé, des questions de compréhension de ce document, un exercice d'appropriation des nouvelles informations culturelles et/ou linguistiques et enfin, une tâche à effectuer (écrire un mail au secrétariat de l'université d'accueil, témoigner sur un sujet, etc.). Les informations communiquées via les activités correspondent au plus près aux attentes des étudiants avec six versions du cours proposées : une version par université. D'un point de vue technique, le cours est proposé en ligne, sur la plateforme Moodle. Ainsi, tous les étudiants participant au cours, malgré leur éloignement physique, partagent un même espace de travail en ligne. L'ensemble des activités se réalise individuellement et en autonomie, néanmoins, un espace collaboratif est mis à la disposition des étudiants sur le mode du tandem. L'objectif de notre projet étant de préparer culturellement et linguistiquement les étudiants en futur échange à vivre et étudier dans leur nouvelle ville/université d'accueil, intégrer des échanges réguliers avec un étudiant de la langue cible, voire de l'université d'accueil, apportera un gain en autonomie aux étudiants, une métaréflexion sur leur propre culture sociale et universitaire et des informations cruciales sur leur futur nouvel environnement. La pédagogie tandem en ligne rencontre ces dernières années un vif succès dans le contexte universitaire, comme le montrent, entre autres, le projet eTandem sino-francophone (Wang-Szilas, 2017) et le projet franco-brésilien Télétandem (Santos, 2012). Les résultats des recherches dans le domaine sociocognitif montrent que « l'espace protégé et encourageant du tandem » déclenche de nouveaux réflexes d'apprentissage (Eschenauer, 2013. p. 96). Travailler en tandem permet à deux étudiants de gérer un projet commun, de gagner de l'autonomie par la mise en place de ce projet, de se décentrer, de gagner en empathie et de mener une réflexion sur les moyens méthodologiques de mise en place pour l'organisation du travail (Eschenauer, 2013). Ainsi, les activités de la plateforme ont été conçues dans l'idée que les étudiants s'accompagnent mutuellement dans le développement de leurs compétences linguistiques et interculturelles. Au sein de notre parcours en ligne, le rôle du tandem est, tout d'abord, de permettre à l'étudiant d'avoir un soutien dans sa ville d'accueil, une personne-ressource apte à répondre à la majorité des questions liées à son installation dans la nouvelle ville. L'étudiant ressource devra opérer, comme mentionné plus haut, un travail de décentration dans la mesure où il devra apprendre à prendre du recul sur sa propre culture afin de pouvoir en parler avec son partenaire. Le partenaire, lui, développera son sens de l'empathie dans la mesure où il devra se montrer prêt à recevoir des informations pouvant différer des modèles culturels qui lui sont connus et familiers. Dans une autre mesure, une des stratégies spécifiques au tandem est de « proposer ou faire des corrections » (Lewis et Stickler, 2007, p.14). Cette stratégie de correction entre pairs est notamment applicable dans des activités de production écrite. Grâce à la relecture entre pairs, les étudiants ont plus tendance à retravailler leur production lorsqu'ils reçoivent des retours de pairs (Carifio, Jackson et Dagostino, 2001). Dans le cadre du projet, lorsqu'une tâche de production écrite est demandée, l'étudiant peut faire appel à son partenaire pour une relecture et des feedbacks avant de soumettre son travail en ligne. Ainsi, tous les étudiants ont donc un rôle à la fois de collaborateur et de co-évaluateur. Ils travaillent ensemble dans les trois situations suivantes : 96 relecture de documents : dans le cadre de la réalisation d'une tâche individuelle de production, l'étudiant est fortement encouragé à faire appel à son partenaire pour une relecture de son travail avant soumission de ce dernier pour évaluation. Le partenaire apportera des feedbacks à l'étudiant afin d'améliorer cette production. échange de conseils : comme mentionné plus haut, les étudiants sont, tout au long du travail sur la plateforme, des ressources les uns pour les autres. Chaque étudiant est un soutien, une personne-ressource pour son partenaire, apte à répondre (ou à chercher la réponse) à la majorité des questions liées à son installation dans la nouvelle ville. collaboration : tout au long du scénario, en plus des tâches à réaliser individuellement, il est demandé aux tandems de travailler en étroite collaboration sur des présentations communes à réaliser dans les deux langues et visant à approfondir encore une fois les connaissances linguistiques et culturelles respectives de la paire d'étudiants sur leur ville/université d'accueil. L'enjeu de l'intégration de la fonction tandem dans notre cours en ligne est de tester à la fois le principe de l'eTandem et la réalisation de tâches autour du Français sur Objectif Universitaire. Du fait de la collaboration de 6 universités représentant 4 pays, la relation avec un pair semble la source la plus fiable et précise pour la collecte d'informations et l'autoformation de l'étudiant en futur échange dans une de ces 6 universités. La complexité résulte dans la mise en place de cette fonction tandem et dans l'évaluation des compétences qu'elle permettra aux étudiants de réellement développer. Enfin, sert-elle vraiment l'autonomisation de l'étudiant ? Si on distingue l'autonomie de l'indépendance (l'indépendance comme capacité à gérer des situations tout seul et l'autonomie comme la capacité à faire ses choix, à décider par soi-même de nos besoins de ce qui est bon pour nous), la plateforme permet de développer les deux à la fois pour les étudiants. Les 5 étapes thématiques du Moodle permettent de développer leur indépendance, de les outiller pour qu'ils puissent se débrouiller pendant ce semestre avec la langue, la culture universitaire et nationale du pays d'accueil. Le travail en tandem va permettre à l'étudiant de s'émanciper du programme préconstruit pour choisir par lui-même ce qu'il veut savoir, ce qui l'intéresse, etc. et utiliser son tandem pour trouver les moyens d'accéder aux informations et compétences dont il peut avoir besoin pour rendre effective cette autonomie. La difficulté est de trouver ici un juste guidage du tandem : suffisamment cadrant pour le faire démarrer et lui servir d'étayage, et suffisamment lâche pour laisser le binôme s'en émanciper. L'objectif est d'« outiller » les étudiants au mieux pour acquérir le niveau suivant à leur niveau de langue actuelle (par exemple progresser de B1 à B2). Nous avons ainsi conçu pour notre scénario un ensemble de tâches à réaliser en tandem orientées autour de la vie culturelle et universitaire que les étudiants devront réaliser ensemble à distance, mais également en présentiel lors de deux sessions qui encadrent leur départ (une en amont et l'autre en aval). La mise en place de notre projet suit la logique du schéma d'ingénierie pédagogique ADDIE, utilisé notamment par J. Wang-Szilas (2017) dans le cadre de son projet eTandem sinofrancophone. Ainsi notre projet suit les étapes suivantes : Évaluation (étude préliminaire), Analyse (détermination des besoins des étudiants), Design (détermination du squelette et des principes du cours en ligne), Développement (mise en place des activités du parcours en ligne), Implémentation (phase test/pilote auprès d'étudiants testeurs), Évaluation (collecte de feedbacks 97 de la part des étudiants), Analyse (des feedbacks et réalisation d'un critical report), Design (redesign du cours en ligne en prenant en compte les retours des étudiants testeurs), Développement, Implémentation (phase de lancement). Dans notre communication, nous allons présenter notre dispositif, les tâches à réaliser en tandem et les premiers retours des étudiants sur ces tâches. Nous allons analyser les questionnaires de feedbacks des étudiants. Les questionnaires leur permettront à la fois de mettre en avant ce qu'ils ont apprécié, ce qu'ils ont appris culturellement et linguistiquement, mais également de proposer des pistes d'amélioration pour rendre le parcours plus attractif et surtout le plus adapté possible au public visé. Nous allons également faire un point concret sur la mise en pratique (forum, relecture, workshop etc.) du rôle de co-évaluateur et de collaborateur de réalisation de tâches au sein de notre parcours pédagogique sur Moodle. KH RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES Carifio, J., Jackson, I. et Dagostino, L. (2001). Effects of Diagnostic and Prescriptive Comments on the Revising Behaviors of Community College Students. Community College Journal of Research and Practice, 25(2), 109-122. Eschenauer, J. (2013). Apprendre une langue en tandem. Réinterprétation des tandems à la lumière d'une approche sociocognitive. Langages, 192(4), 87-99. doi:10.3917/lang.192.0087 Lewis, T. et Stickler, U. (2007). Les stratégies collaboratives d'apprentissage lors d'un échange en tandem via Internet. Lidil, 36, 163-188. Santos, L. (2012). Projet Télétandem Brésil, trois années d'échanges franco-brésiliens en ligne : le point de vue des étudiants français. Alsic, 15(2). Repéré à http://journals.openedition.org/alsic/2530 Wang-Szilas, J. (2017). Les enjeux de l'intégration de l'eTandem en didactique des langues-cultures étrangères : interactions entre apprenants et dynamique institutionnelle dans un dispositif universitaire sino-francophone. Adjectif.net. Repéré à http://www.adjectif.net/spip/spip.php?article436
Ce dossier d'Habilitation à Diriger des Recherches comprend trois volumes : - Un résumé du parcours scientifique, présenté sous la forme d'un rapport d'activité, incluant les actions d'enseignement et la liste des productions bibliographiques, - Un recueil des publications les plus représentatives, présenté par thématique, - Une synthèse concernant la contribution des SIG à la connaissance et à la gestion de l'environnement littoral. Les éléments présentés dans cette synthèse sont les suivants. En 1992, la seconde Conférence des Nations Unies pour l'Environnement et le Développement (CNUED, Rio) mettait l'accent sur la dimension planétaire de nombreux phénomènes écologiques et sur la nécessité d'en accroître la connaissance, d'améliorer la gestion des ressources et d'assurer la protection de l'environnement notamment contre les risques naturels et technologiques. Les zones côtières étaient alors reconnues comme des espaces extrêmement sensibles où les effets perturbateurs de l'homme sont parfois irréversibles, à l'image des pays en voie de développement où les littoraux subissent depuis quelques années un accroissement rapide de la population provoquant des mutations territoriales de grande ampleur. Cette conférence réaffirmait de ce fait l'intérêt du concept de « gestion intégrée des zones côtières » proposé au début des années 1970 par la Convention de Ramsar et l'US Coastal Zone Management Act, qui exprime le besoin d'agir collectivement sur les processus naturels et anthropiques susceptibles de menacer le maintien durable de la qualité de l'environnement et des activités qui s'y déroulent. Mais comment gérer cet espace complexe sans une connaissance approfondie de son fonctionnement et de son évolution ? C'est à ce niveau que la contribution des scientifiques peut s'exprimer. En effet, le fonctionnement de la zone côtière repose sur une multitude de variables physiques, naturelles et socio-économiques en interaction, agissant sur une gamme scalaire et temporelle relativement large et dont la compréhension implique de multiples compétences scientifiques. Ce contexte pluridisciplinaire ne facilite pas la production d'une vision synthétique des processus, puisque les disciplines académiques fournissent souvent des points de vue différents d'une même réalité. De plus, il nécessite la mise en œuvre de méthodes et d'outils technologiques adaptés au stockage, à l'analyse et à la représentation de données de source et de nature diverses. L'ensemble de ces contraintes pourrait être en partie à l'origine de l'intérêt tardif de la communauté scientifique pour les zones côtières. En effet, il ne s'est développé qu'à partir des années 1980, comme l'atteste la mise en place de programmes et de réseaux de recherche nationaux et internationaux. Cependant, malgré des résultats scientifiques importants notamment sur l'approche théorique de la gestion de la zone côtière, la difficulté à développer l'ouverture pluridisciplinaire nécessaire persiste. La complexité des processus en cause, l'éparpillement des compétences et des données dans un vaste champ disciplinaire et dans de multiples institutions, en sont en grande partie responsables. Si on se réfère à l'expérience internationale dans ce domaine, il semble acquis que les avancées les plus significatives concernant la prise en compte des conditions écologiques se sont notamment appuyées sur les systèmes d'information géographique (SIG). Outils scientifiques et techniques, ils établissent un lien tangible entre les différents compartiments du système étudié et synthétisent l'ensemble des progrès conceptuels et techniques réalisé dans le domaine de l'information géographique. Par leurs capacités de stockage, d'analyse et de représentation de l'information spatialisée, ils concourent à améliorer la connaissance du fonctionnement global des écosystèmes et contribuent aux réflexions des décideurs. Utilisés en synergie avec la télédétection et la géodésie spatiale, actuellement en plein essor, ils peuvent offrir un certain nombre d'atouts dans trois domaines d'application : l'aménagement et la gestion des territoires, l'appui à la recherche et au développement, et la planification des activités. Néanmoins, il apparaît après une décennie d'utilisation dans différents domaines d'application que les conditions du succès de leur mise en œuvre sont dépendantes non seulement de paramètres techniques et économiques, mais aussi sociaux, organisationnels et spatiaux. La première partie de cette synthèse pose le contexte géographique et méthodologique dans lequel s'inscrivent les applications géomatiques développées en mer d'Iroise et pour lesquelles des perspectives de recherche sont envisagées. Elle aborde différentes notions et propose un état de l'art concernant l'environnement littoral, les principes de gestion intégrée des zones côtières et les systèmes d'information géographique. L'environnement littoral est présenté dans ses limites géographiques et ses composantes thématiques comme un espace sensible et complexe où différents paramètres interférent, justifiant l'intérêt d'une multitude d'acteurs. L'attrait des sociétés humaines pour cet espace d'une grande richesse entraîne une pression sur la ressource et des conflits d'usage que la gestion intégrée de la zone côtière se propose de résoudre. Ce concept qui s'est développé depuis les années 1970 s'exprime par différentes actions politiques et scientifiques. Néanmoins, il apparaît que cet intérêt récent d'une communauté internationale composite se traduit par des visions et des approches différentes qu'il est parfois difficile de concilier dans le contexte pluridisciplinaire inhérent à la mise en œuvre d'un projet de gestion intégrée. C'est à ce niveau que l'utilisation des méthodes géomatiques peut contribuer à développer une approche territoriale et écosystémique de la zone côtière. Les systèmes d'information géographique sont présentés selon différents points de vue qui leur attribuent communément un rôle déterminant dans la gestion, l'analyse et la représentation de l'information géographique et dans l'aide à la décision qu'ils peuvent procurer. Leurs apports aux sciences environnementales et comme support à la gestion des territoires sont discutés. S'ils produisent des résultats intéressants dans différents domaines, il apparaît qu'ils sont encore peu utilisés sur le littoral et encore moins dans des projets finalisés basés sur des approches pluridisciplinaires. La seconde partie de ce mémoire décrit les composantes et les applications d'un SIG consacré aux espaces littoraux de la mer d'Iroise, développé depuis une dizaine d'années dans un laboratoire universitaire. Il est mis en œuvre avec deux objectifs complémentaires. Le premier est de contribuer aux recherches menées sur le fonctionnement et l'évolution d'un écosystème complexe, et le second est de procurer aux gestionnaires des éléments concrets permettant de faciliter leurs prises de décision. Ce système d'information géographique offre une plate-forme d'informations géospatiales suffisamment riche des points de vue thématique, temporel et scalaire, pour permettre la mise en œuvre de diverses applications scientifiques en relation étroite avec des objectifs de gestion de l'environnement. Afin d'illustrer les possibilités du système, trois applications menées selon une approche écosystémique sont présentées. L'analyse des changements d'occupation et d'utilisation des sols d'une île habitée est réalisée selon les perspectives scientifiques du programme international « Land Use and Land Cover Changes » de l'IGBP (International Geosphere Biosphere Program). Elle synthétise les changements territoriaux intervenus depuis 1844 sur l'île d'Ouessant, met en évidence le rôle actuel d'une activité traditionnelle, l'élevage du mouton, dans l'entretien des milieux semi-naturels et propose des scénarios prospectifs d'évolution de la végétation en relation avec différentes hypothèses de développement du cheptel ovin. Concernant l'étude des dynamiques de la végétation des îlots marins protégés, la démarche vise à proposer une méthode d'évaluation des changements du tapis végétal afin de procurer un outil synthétique aux gestionnaires, pouvant servir à l'élaboration de comparaisons entre différents sites d'un réseau d'espaces protégés, au niveau national. Les résultats acquis sur un ensemble représentatif d'îlots marins en réserve, mettent spatialement en évidence les changements intervenus en une décennie, en relation avec différents facteurs anthropo-zoogènes, et fournissent une évaluation synthétique des dynamiques en cours, à l'échelle du réseau. L'habitat d'une espèce marine d'intérêt patrimonial est étudié dans le cadre du projet européen « Tursiops, réseau atlantique des grands dauphins côtiers ». En dépit du peu d'informations environnementales disponibles, la recherche menée en mer d'Iroise permet de préciser les caractéristiques physiques du domaine vital des animaux, de réaliser une synthèse de la morphologie des fonds sous-marins susceptibles d'expliquer la distribution des groupes résidant et de proposer une approche par modélisation de l'habitat potentiel. Au vu des résultats présentés, la démarche géomatique entreprise au sujet de la mer d'Iroise paraît fructueuse tant dans le domaine de la connaissance du fonctionnement et de l'évolution de l'écosystème que dans celui de l'aide à la gestion de la zone côtière. Néanmoins, il apparaît que l'utilisation du système est limitée sur certaines problématiques du fait de l'indisponibilité de nombreuses données et de méthodes d'analyse peu adaptées à l'étude de certains processus environnementaux. La troisième partie de ce mémoire dresse un constat critique de l'apport et des limites du SIG mis en place en termes d'état des connaissances, d'analyse des processus et d'aide à la gestion. Les nouvelles méthodes géomatiques d'acquisition de données à haute résolution spatiale ainsi que le couplage des systèmes d'information géographique avec des plates-formes de modélisation sont présentés comme des perspectives méthodologiques prometteuses en vue du suivi à long terme et de la représentation des processus dynamiques. Ces méthodologies seront appliquées aux recherches en cours sur la zone côtière finistérienne. En outre, il apparaît que le SIG mis en œuvre, s'il veut répondre aux objectifs de compréhension du fonctionnement de l'écosystème et d'aide à la gestion intégrée, fixés au préalable, doit s'intégrer à un outil pluridisciplinaire fondé sur des méthodes complémentaires. Dans un tel dispositif, la télédétection permettrait d'alimenter les bases d'information géographique par des variables pertinentes, relatives notamment au milieu marin, en complément des échantillons acquis in situ et des bases de données existantes. Celles-ci seraient utilisées pour calibrer et valider les modèles qui seraient utilisés pour explorer la dynamique de l'écosystème et quantifier les processus en intégrant une large part des interactions entre les différents facteurs. En permettant leur organisation en un système cohérent, le SIG offrirait les moyens de coupler efficacement les données acquises par ces différentes méthodes et fournirait des outils d'analyse spatiale et de représentation. Enfin, des interfaces et des modules spécialisés d'aide à la décision compléteraient le système de manière à en faciliter l'accès à différents niveaux d'utilisation et à le rendre opérationnel dans le contexte d'une gestion intégrée de la zone côtière finistérienne. Concernant l'environnement littoral de la mer d'Iroise, la nécessité de disposer d'un outil fédérateur susceptible de rassembler différentes composantes du système et donc des compétences et des points de vue variés, ainsi que des méthodes d'analyse et de représentation efficaces est apparue voici une dizaine d'années. A cette époque, les méthodes géospatiales de fourniture et de traitement de données telles que les SIG, la télédétection, l'analyse spatiale, la modélisation s'imposaient comme un formidable potentiel pour l'étude des changements par leur capacité à fournir des éléments de réflexion et de synthèse. L'appropriation de cette nouvelle technologie par les géographes s'est fondée sur des bases théoriques rigoureuses, originales et somme toute attractives pour un bon nombre d'acteurs, praticiens ou théoriciens de l'environnement s'intéressant aux problématiques d'une zone côtière exemplaire, de par ses caractéristiques et ses évolutions. La problématique globale s'est donc nourrie d'approches spécifiques illustrant quelques facettes de la complexité de la zone côtière. La démarche écosystémique qu'elles sous-tendent s'inscrit dans une triple perspective spatiale, temporelle et pluridisciplinaire. Si ces deux premières composantes relèvent sans aucun doute de la pratique traditionnelle en Sciences Humaines, la connotation pluridisciplinaire des recherches menées est plus actuelle. De fait, l'évolution de la pratique scientifique combinée à l'étude d'un espace complexe d'interfaces géographiques implique nécessairement de positionner la réflexion aux marges de différentes disciplines qui deviennent alors complémentaires. On atteint ainsi une conception transversale de la recherche, aux limites des champs académiques traditionnels, où les Sciences de l'Homme et de la Société peuvent occuper une place à part entière aux côtés des Sciences de la Vie, des Sciences de l'Univers et des Sciences de l'Information et de la Communication.
Ce dossier d'Habilitation à Diriger des Recherches comprend trois volumes : - Un résumé du parcours scientifique, présenté sous la forme d'un rapport d'activité, incluant les actions d'enseignement et la liste des productions bibliographiques, - Un recueil des publications les plus représentatives, présenté par thématique, - Une synthèse concernant la contribution des SIG à la connaissance et à la gestion de l'environnement littoral. Les éléments présentés dans cette synthèse sont les suivants. En 1992, la seconde Conférence des Nations Unies pour l'Environnement et le Développement (CNUED, Rio) mettait l'accent sur la dimension planétaire de nombreux phénomènes écologiques et sur la nécessité d'en accroître la connaissance, d'améliorer la gestion des ressources et d'assurer la protection de l'environnement notamment contre les risques naturels et technologiques. Les zones côtières étaient alors reconnues comme des espaces extrêmement sensibles où les effets perturbateurs de l'homme sont parfois irréversibles, à l'image des pays en voie de développement où les littoraux subissent depuis quelques années un accroissement rapide de la population provoquant des mutations territoriales de grande ampleur. Cette conférence réaffirmait de ce fait l'intérêt du concept de « gestion intégrée des zones côtières » proposé au début des années 1970 par la Convention de Ramsar et l'US Coastal Zone Management Act, qui exprime le besoin d'agir collectivement sur les processus naturels et anthropiques susceptibles de menacer le maintien durable de la qualité de l'environnement et des activités qui s'y déroulent. Mais comment gérer cet espace complexe sans une connaissance approfondie de son fonctionnement et de son évolution ? C'est à ce niveau que la contribution des scientifiques peut s'exprimer. En effet, le fonctionnement de la zone côtière repose sur une multitude de variables physiques, naturelles et socio-économiques en interaction, agissant sur une gamme scalaire et temporelle relativement large et dont la compréhension implique de multiples compétences scientifiques. Ce contexte pluridisciplinaire ne facilite pas la production d'une vision synthétique des processus, puisque les disciplines académiques fournissent souvent des points de vue différents d'une même réalité. De plus, il nécessite la mise en œuvre de méthodes et d'outils technologiques adaptés au stockage, à l'analyse et à la représentation de données de source et de nature diverses. L'ensemble de ces contraintes pourrait être en partie à l'origine de l'intérêt tardif de la communauté scientifique pour les zones côtières. En effet, il ne s'est développé qu'à partir des années 1980, comme l'atteste la mise en place de programmes et de réseaux de recherche nationaux et internationaux. Cependant, malgré des résultats scientifiques importants notamment sur l'approche théorique de la gestion de la zone côtière, la difficulté à développer l'ouverture pluridisciplinaire nécessaire persiste. La complexité des processus en cause, l'éparpillement des compétences et des données dans un vaste champ disciplinaire et dans de multiples institutions, en sont en grande partie responsables. Si on se réfère à l'expérience internationale dans ce domaine, il semble acquis que les avancées les plus significatives concernant la prise en compte des conditions écologiques se sont notamment appuyées sur les systèmes d'information géographique (SIG). Outils scientifiques et techniques, ils établissent un lien tangible entre les différents compartiments du système étudié et synthétisent l'ensemble des progrès conceptuels et techniques réalisé dans le domaine de l'information géographique. Par leurs capacités de stockage, d'analyse et de représentation de l'information spatialisée, ils concourent à améliorer la connaissance du fonctionnement global des écosystèmes et contribuent aux réflexions des décideurs. Utilisés en synergie avec la télédétection et la géodésie spatiale, actuellement en plein essor, ils peuvent offrir un certain nombre d'atouts dans trois domaines d'application : l'aménagement et la gestion des territoires, l'appui à la recherche et au développement, et la planification des activités. Néanmoins, il apparaît après une décennie d'utilisation dans différents domaines d'application que les conditions du succès de leur mise en œuvre sont dépendantes non seulement de paramètres techniques et économiques, mais aussi sociaux, organisationnels et spatiaux. La première partie de cette synthèse pose le contexte géographique et méthodologique dans lequel s'inscrivent les applications géomatiques développées en mer d'Iroise et pour lesquelles des perspectives de recherche sont envisagées. Elle aborde différentes notions et propose un état de l'art concernant l'environnement littoral, les principes de gestion intégrée des zones côtières et les systèmes d'information géographique. L'environnement littoral est présenté dans ses limites géographiques et ses composantes thématiques comme un espace sensible et complexe où différents paramètres interférent, justifiant l'intérêt d'une multitude d'acteurs. L'attrait des sociétés humaines pour cet espace d'une grande richesse entraîne une pression sur la ressource et des conflits d'usage que la gestion intégrée de la zone côtière se propose de résoudre. Ce concept qui s'est développé depuis les années 1970 s'exprime par différentes actions politiques et scientifiques. Néanmoins, il apparaît que cet intérêt récent d'une communauté internationale composite se traduit par des visions et des approches différentes qu'il est parfois difficile de concilier dans le contexte pluridisciplinaire inhérent à la mise en œuvre d'un projet de gestion intégrée. C'est à ce niveau que l'utilisation des méthodes géomatiques peut contribuer à développer une approche territoriale et écosystémique de la zone côtière. Les systèmes d'information géographique sont présentés selon différents points de vue qui leur attribuent communément un rôle déterminant dans la gestion, l'analyse et la représentation de l'information géographique et dans l'aide à la décision qu'ils peuvent procurer. Leurs apports aux sciences environnementales et comme support à la gestion des territoires sont discutés. S'ils produisent des résultats intéressants dans différents domaines, il apparaît qu'ils sont encore peu utilisés sur le littoral et encore moins dans des projets finalisés basés sur des approches pluridisciplinaires. La seconde partie de ce mémoire décrit les composantes et les applications d'un SIG consacré aux espaces littoraux de la mer d'Iroise, développé depuis une dizaine d'années dans un laboratoire universitaire. Il est mis en œuvre avec deux objectifs complémentaires. Le premier est de contribuer aux recherches menées sur le fonctionnement et l'évolution d'un écosystème complexe, et le second est de procurer aux gestionnaires des éléments concrets permettant de faciliter leurs prises de décision. Ce système d'information géographique offre une plate-forme d'informations géospatiales suffisamment riche des points de vue thématique, temporel et scalaire, pour permettre la mise en œuvre de diverses applications scientifiques en relation étroite avec des objectifs de gestion de l'environnement. Afin d'illustrer les possibilités du système, trois applications menées selon une approche écosystémique sont présentées. L'analyse des changements d'occupation et d'utilisation des sols d'une île habitée est réalisée selon les perspectives scientifiques du programme international « Land Use and Land Cover Changes » de l'IGBP (International Geosphere Biosphere Program). Elle synthétise les changements territoriaux intervenus depuis 1844 sur l'île d'Ouessant, met en évidence le rôle actuel d'une activité traditionnelle, l'élevage du mouton, dans l'entretien des milieux semi-naturels et propose des scénarios prospectifs d'évolution de la végétation en relation avec différentes hypothèses de développement du cheptel ovin. Concernant l'étude des dynamiques de la végétation des îlots marins protégés, la démarche vise à proposer une méthode d'évaluation des changements du tapis végétal afin de procurer un outil synthétique aux gestionnaires, pouvant servir à l'élaboration de comparaisons entre différents sites d'un réseau d'espaces protégés, au niveau national. Les résultats acquis sur un ensemble représentatif d'îlots marins en réserve, mettent spatialement en évidence les changements intervenus en une décennie, en relation avec différents facteurs anthropo-zoogènes, et fournissent une évaluation synthétique des dynamiques en cours, à l'échelle du réseau. L'habitat d'une espèce marine d'intérêt patrimonial est étudié dans le cadre du projet européen « Tursiops, réseau atlantique des grands dauphins côtiers ». En dépit du peu d'informations environnementales disponibles, la recherche menée en mer d'Iroise permet de préciser les caractéristiques physiques du domaine vital des animaux, de réaliser une synthèse de la morphologie des fonds sous-marins susceptibles d'expliquer la distribution des groupes résidant et de proposer une approche par modélisation de l'habitat potentiel. Au vu des résultats présentés, la démarche géomatique entreprise au sujet de la mer d'Iroise paraît fructueuse tant dans le domaine de la connaissance du fonctionnement et de l'évolution de l'écosystème que dans celui de l'aide à la gestion de la zone côtière. Néanmoins, il apparaît que l'utilisation du système est limitée sur certaines problématiques du fait de l'indisponibilité de nombreuses données et de méthodes d'analyse peu adaptées à l'étude de certains processus environnementaux. La troisième partie de ce mémoire dresse un constat critique de l'apport et des limites du SIG mis en place en termes d'état des connaissances, d'analyse des processus et d'aide à la gestion. Les nouvelles méthodes géomatiques d'acquisition de données à haute résolution spatiale ainsi que le couplage des systèmes d'information géographique avec des plates-formes de modélisation sont présentés comme des perspectives méthodologiques prometteuses en vue du suivi à long terme et de la représentation des processus dynamiques. Ces méthodologies seront appliquées aux recherches en cours sur la zone côtière finistérienne. En outre, il apparaît que le SIG mis en œuvre, s'il veut répondre aux objectifs de compréhension du fonctionnement de l'écosystème et d'aide à la gestion intégrée, fixés au préalable, doit s'intégrer à un outil pluridisciplinaire fondé sur des méthodes complémentaires. Dans un tel dispositif, la télédétection permettrait d'alimenter les bases d'information géographique par des variables pertinentes, relatives notamment au milieu marin, en complément des échantillons acquis in situ et des bases de données existantes. Celles-ci seraient utilisées pour calibrer et valider les modèles qui seraient utilisés pour explorer la dynamique de l'écosystème et quantifier les processus en intégrant une large part des interactions entre les différents facteurs. En permettant leur organisation en un système cohérent, le SIG offrirait les moyens de coupler efficacement les données acquises par ces différentes méthodes et fournirait des outils d'analyse spatiale et de représentation. Enfin, des interfaces et des modules spécialisés d'aide à la décision compléteraient le système de manière à en faciliter l'accès à différents niveaux d'utilisation et à le rendre opérationnel dans le contexte d'une gestion intégrée de la zone côtière finistérienne. Concernant l'environnement littoral de la mer d'Iroise, la nécessité de disposer d'un outil fédérateur susceptible de rassembler différentes composantes du système et donc des compétences et des points de vue variés, ainsi que des méthodes d'analyse et de représentation efficaces est apparue voici une dizaine d'années. A cette époque, les méthodes géospatiales de fourniture et de traitement de données telles que les SIG, la télédétection, l'analyse spatiale, la modélisation s'imposaient comme un formidable potentiel pour l'étude des changements par leur capacité à fournir des éléments de réflexion et de synthèse. L'appropriation de cette nouvelle technologie par les géographes s'est fondée sur des bases théoriques rigoureuses, originales et somme toute attractives pour un bon nombre d'acteurs, praticiens ou théoriciens de l'environnement s'intéressant aux problématiques d'une zone côtière exemplaire, de par ses caractéristiques et ses évolutions. La problématique globale s'est donc nourrie d'approches spécifiques illustrant quelques facettes de la complexité de la zone côtière. La démarche écosystémique qu'elles sous-tendent s'inscrit dans une triple perspective spatiale, temporelle et pluridisciplinaire. Si ces deux premières composantes relèvent sans aucun doute de la pratique traditionnelle en Sciences Humaines, la connotation pluridisciplinaire des recherches menées est plus actuelle. De fait, l'évolution de la pratique scientifique combinée à l'étude d'un espace complexe d'interfaces géographiques implique nécessairement de positionner la réflexion aux marges de différentes disciplines qui deviennent alors complémentaires. On atteint ainsi une conception transversale de la recherche, aux limites des champs académiques traditionnels, où les Sciences de l'Homme et de la Société peuvent occuper une place à part entière aux côtés des Sciences de la Vie, des Sciences de l'Univers et des Sciences de l'Information et de la Communication.
Ce dossier d'Habilitation à Diriger des Recherches comprend trois volumes : - Un résumé du parcours scientifique, présenté sous la forme d'un rapport d'activité, incluant les actions d'enseignement et la liste des productions bibliographiques, - Un recueil des publications les plus représentatives, présenté par thématique, - Une synthèse concernant la contribution des SIG à la connaissance et à la gestion de l'environnement littoral. Les éléments présentés dans cette synthèse sont les suivants. En 1992, la seconde Conférence des Nations Unies pour l'Environnement et le Développement (CNUED, Rio) mettait l'accent sur la dimension planétaire de nombreux phénomènes écologiques et sur la nécessité d'en accroître la connaissance, d'améliorer la gestion des ressources et d'assurer la protection de l'environnement notamment contre les risques naturels et technologiques. Les zones côtières étaient alors reconnues comme des espaces extrêmement sensibles où les effets perturbateurs de l'homme sont parfois irréversibles, à l'image des pays en voie de développement où les littoraux subissent depuis quelques années un accroissement rapide de la population provoquant des mutations territoriales de grande ampleur. Cette conférence réaffirmait de ce fait l'intérêt du concept de « gestion intégrée des zones côtières » proposé au début des années 1970 par la Convention de Ramsar et l'US Coastal Zone Management Act, qui exprime le besoin d'agir collectivement sur les processus naturels et anthropiques susceptibles de menacer le maintien durable de la qualité de l'environnement et des activités qui s'y déroulent. Mais comment gérer cet espace complexe sans une connaissance approfondie de son fonctionnement et de son évolution ? C'est à ce niveau que la contribution des scientifiques peut s'exprimer. En effet, le fonctionnement de la zone côtière repose sur une multitude de variables physiques, naturelles et socio-économiques en interaction, agissant sur une gamme scalaire et temporelle relativement large et dont la compréhension implique de multiples compétences scientifiques. Ce contexte pluridisciplinaire ne facilite pas la production d'une vision synthétique des processus, puisque les disciplines académiques fournissent souvent des points de vue différents d'une même réalité. De plus, il nécessite la mise en œuvre de méthodes et d'outils technologiques adaptés au stockage, à l'analyse et à la représentation de données de source et de nature diverses. L'ensemble de ces contraintes pourrait être en partie à l'origine de l'intérêt tardif de la communauté scientifique pour les zones côtières. En effet, il ne s'est développé qu'à partir des années 1980, comme l'atteste la mise en place de programmes et de réseaux de recherche nationaux et internationaux. Cependant, malgré des résultats scientifiques importants notamment sur l'approche théorique de la gestion de la zone côtière, la difficulté à développer l'ouverture pluridisciplinaire nécessaire persiste. La complexité des processus en cause, l'éparpillement des compétences et des données dans un vaste champ disciplinaire et dans de multiples institutions, en sont en grande partie responsables. Si on se réfère à l'expérience internationale dans ce domaine, il semble acquis que les avancées les plus significatives concernant la prise en compte des conditions écologiques se sont notamment appuyées sur les systèmes d'information géographique (SIG). Outils scientifiques et techniques, ils établissent un lien tangible entre les différents compartiments du système étudié et synthétisent l'ensemble des progrès conceptuels et techniques réalisé dans le domaine de l'information géographique. Par leurs capacités de stockage, d'analyse et de représentation de l'information spatialisée, ils concourent à améliorer la connaissance du fonctionnement global des écosystèmes et contribuent aux réflexions des décideurs. Utilisés en synergie avec la télédétection et la géodésie spatiale, actuellement en plein essor, ils peuvent offrir un certain nombre d'atouts dans trois domaines d'application : l'aménagement et la gestion des territoires, l'appui à la recherche et au développement, et la planification des activités. Néanmoins, il apparaît après une décennie d'utilisation dans différents domaines d'application que les conditions du succès de leur mise en œuvre sont dépendantes non seulement de paramètres techniques et économiques, mais aussi sociaux, organisationnels et spatiaux. La première partie de cette synthèse pose le contexte géographique et méthodologique dans lequel s'inscrivent les applications géomatiques développées en mer d'Iroise et pour lesquelles des perspectives de recherche sont envisagées. Elle aborde différentes notions et propose un état de l'art concernant l'environnement littoral, les principes de gestion intégrée des zones côtières et les systèmes d'information géographique. L'environnement littoral est présenté dans ses limites géographiques et ses composantes thématiques comme un espace sensible et complexe où différents paramètres interférent, justifiant l'intérêt d'une multitude d'acteurs. L'attrait des sociétés humaines pour cet espace d'une grande richesse entraîne une pression sur la ressource et des conflits d'usage que la gestion intégrée de la zone côtière se propose de résoudre. Ce concept qui s'est développé depuis les années 1970 s'exprime par différentes actions politiques et scientifiques. Néanmoins, il apparaît que cet intérêt récent d'une communauté internationale composite se traduit par des visions et des approches différentes qu'il est parfois difficile de concilier dans le contexte pluridisciplinaire inhérent à la mise en œuvre d'un projet de gestion intégrée. C'est à ce niveau que l'utilisation des méthodes géomatiques peut contribuer à développer une approche territoriale et écosystémique de la zone côtière. Les systèmes d'information géographique sont présentés selon différents points de vue qui leur attribuent communément un rôle déterminant dans la gestion, l'analyse et la représentation de l'information géographique et dans l'aide à la décision qu'ils peuvent procurer. Leurs apports aux sciences environnementales et comme support à la gestion des territoires sont discutés. S'ils produisent des résultats intéressants dans différents domaines, il apparaît qu'ils sont encore peu utilisés sur le littoral et encore moins dans des projets finalisés basés sur des approches pluridisciplinaires. La seconde partie de ce mémoire décrit les composantes et les applications d'un SIG consacré aux espaces littoraux de la mer d'Iroise, développé depuis une dizaine d'années dans un laboratoire universitaire. Il est mis en œuvre avec deux objectifs complémentaires. Le premier est de contribuer aux recherches menées sur le fonctionnement et l'évolution d'un écosystème complexe, et le second est de procurer aux gestionnaires des éléments concrets permettant de faciliter leurs prises de décision. Ce système d'information géographique offre une plate-forme d'informations géospatiales suffisamment riche des points de vue thématique, temporel et scalaire, pour permettre la mise en œuvre de diverses applications scientifiques en relation étroite avec des objectifs de gestion de l'environnement. Afin d'illustrer les possibilités du système, trois applications menées selon une approche écosystémique sont présentées. L'analyse des changements d'occupation et d'utilisation des sols d'une île habitée est réalisée selon les perspectives scientifiques du programme international « Land Use and Land Cover Changes » de l'IGBP (International Geosphere Biosphere Program). Elle synthétise les changements territoriaux intervenus depuis 1844 sur l'île d'Ouessant, met en évidence le rôle actuel d'une activité traditionnelle, l'élevage du mouton, dans l'entretien des milieux semi-naturels et propose des scénarios prospectifs d'évolution de la végétation en relation avec différentes hypothèses de développement du cheptel ovin. Concernant l'étude des dynamiques de la végétation des îlots marins protégés, la démarche vise à proposer une méthode d'évaluation des changements du tapis végétal afin de procurer un outil synthétique aux gestionnaires, pouvant servir à l'élaboration de comparaisons entre différents sites d'un réseau d'espaces protégés, au niveau national. Les résultats acquis sur un ensemble représentatif d'îlots marins en réserve, mettent spatialement en évidence les changements intervenus en une décennie, en relation avec différents facteurs anthropo-zoogènes, et fournissent une évaluation synthétique des dynamiques en cours, à l'échelle du réseau. L'habitat d'une espèce marine d'intérêt patrimonial est étudié dans le cadre du projet européen « Tursiops, réseau atlantique des grands dauphins côtiers ». En dépit du peu d'informations environnementales disponibles, la recherche menée en mer d'Iroise permet de préciser les caractéristiques physiques du domaine vital des animaux, de réaliser une synthèse de la morphologie des fonds sous-marins susceptibles d'expliquer la distribution des groupes résidant et de proposer une approche par modélisation de l'habitat potentiel. Au vu des résultats présentés, la démarche géomatique entreprise au sujet de la mer d'Iroise paraît fructueuse tant dans le domaine de la connaissance du fonctionnement et de l'évolution de l'écosystème que dans celui de l'aide à la gestion de la zone côtière. Néanmoins, il apparaît que l'utilisation du système est limitée sur certaines problématiques du fait de l'indisponibilité de nombreuses données et de méthodes d'analyse peu adaptées à l'étude de certains processus environnementaux. La troisième partie de ce mémoire dresse un constat critique de l'apport et des limites du SIG mis en place en termes d'état des connaissances, d'analyse des processus et d'aide à la gestion. Les nouvelles méthodes géomatiques d'acquisition de données à haute résolution spatiale ainsi que le couplage des systèmes d'information géographique avec des plates-formes de modélisation sont présentés comme des perspectives méthodologiques prometteuses en vue du suivi à long terme et de la représentation des processus dynamiques. Ces méthodologies seront appliquées aux recherches en cours sur la zone côtière finistérienne. En outre, il apparaît que le SIG mis en œuvre, s'il veut répondre aux objectifs de compréhension du fonctionnement de l'écosystème et d'aide à la gestion intégrée, fixés au préalable, doit s'intégrer à un outil pluridisciplinaire fondé sur des méthodes complémentaires. Dans un tel dispositif, la télédétection permettrait d'alimenter les bases d'information géographique par des variables pertinentes, relatives notamment au milieu marin, en complément des échantillons acquis in situ et des bases de données existantes. Celles-ci seraient utilisées pour calibrer et valider les modèles qui seraient utilisés pour explorer la dynamique de l'écosystème et quantifier les processus en intégrant une large part des interactions entre les différents facteurs. En permettant leur organisation en un système cohérent, le SIG offrirait les moyens de coupler efficacement les données acquises par ces différentes méthodes et fournirait des outils d'analyse spatiale et de représentation. Enfin, des interfaces et des modules spécialisés d'aide à la décision compléteraient le système de manière à en faciliter l'accès à différents niveaux d'utilisation et à le rendre opérationnel dans le contexte d'une gestion intégrée de la zone côtière finistérienne. Concernant l'environnement littoral de la mer d'Iroise, la nécessité de disposer d'un outil fédérateur susceptible de rassembler différentes composantes du système et donc des compétences et des points de vue variés, ainsi que des méthodes d'analyse et de représentation efficaces est apparue voici une dizaine d'années. A cette époque, les méthodes géospatiales de fourniture et de traitement de données telles que les SIG, la télédétection, l'analyse spatiale, la modélisation s'imposaient comme un formidable potentiel pour l'étude des changements par leur capacité à fournir des éléments de réflexion et de synthèse. L'appropriation de cette nouvelle technologie par les géographes s'est fondée sur des bases théoriques rigoureuses, originales et somme toute attractives pour un bon nombre d'acteurs, praticiens ou théoriciens de l'environnement s'intéressant aux problématiques d'une zone côtière exemplaire, de par ses caractéristiques et ses évolutions. La problématique globale s'est donc nourrie d'approches spécifiques illustrant quelques facettes de la complexité de la zone côtière. La démarche écosystémique qu'elles sous-tendent s'inscrit dans une triple perspective spatiale, temporelle et pluridisciplinaire. Si ces deux premières composantes relèvent sans aucun doute de la pratique traditionnelle en Sciences Humaines, la connotation pluridisciplinaire des recherches menées est plus actuelle. De fait, l'évolution de la pratique scientifique combinée à l'étude d'un espace complexe d'interfaces géographiques implique nécessairement de positionner la réflexion aux marges de différentes disciplines qui deviennent alors complémentaires. On atteint ainsi une conception transversale de la recherche, aux limites des champs académiques traditionnels, où les Sciences de l'Homme et de la Société peuvent occuper une place à part entière aux côtés des Sciences de la Vie, des Sciences de l'Univers et des Sciences de l'Information et de la Communication.
L'Etat de droit face au terrorisme, défi majeur des démocraties européennes L'année deux mille vingt et un sonne le glas de vingt ans d'une lutte entamée au lendemain des attentats du 11 septembre et communément évoquée sous le terme de « guerre contre le terrorisme ». En effet il y a vingt-ans, le monde occidental découvre que la guerre auparavant délocalisée se retrouve dans leurs localités. Jamais un tel scénario n'aurait été envisageable pour une majorité d'individus, le sentiment d'invincibilité et la supériorité d'un régime démocratique débellicisé grandissant alors à l'époque depuis une dizaine d'années dans les mœurs. Pourtant, la menace terrorisme ne cessera dès lors d'augmenter pour atteindre son paroxysme chronique à partir de l'attaque dans les locaux de Charlie Hebdo en janvier deux mille quinze. Cette même année, la France connaît en novembre une tuerie de masse sans précèdent depuis la seconde guerre mondiale. Tous deux filmés pour l'Histoire à l'instar des procès de Nuremberg, les procès très médiatiques et hors normes de ces attentats ont débuté l'année dernière pour le premier et il y a quelques mois pour le second. Ces deux évènements marquent ainsi sans aucun doute le début d'une nouvelle ère au sein de l'arène judiciaire européenne, complétée par un cadre policier et législatif actualisé, composée à la fois de nouveaux combats mais aussi et surtout de nouveaux moyens. De l'état d'urgence à la justice de précaution, en passant par un désintérêt profond pour des problématiques ayant trait au socle législatif sur lequel se base notre société, les gouvernements démocratiques occidentaux revendiquent une place de faiseurs de normes sur l'échiquier diplomatique international. En y regardant de plus près, ces démocraties cauteleuses s'engouffrent pourtant dans une faille faisant basculer la balance en faveur d'une plus forte poussée du droit au détriment de la consécration des libertés. Ce phénomène, qui est censé plutôt résulter sur un équilibre afin de construire leur légitimité, entache fortement les gouvernements successifs en charge de la question terroriste. Bien qu'une opinion éclairée de la population appelle à plus de rigueur et de respect des normes fondatrices de l'Etat de droit, une grande majorité semble accepter cet écart sous couvert d'un climat sécuritaire se renforçant au fil du temps. Les représentants des Etats européens se sont lancés de plein fer dans cette guerre contre le terrorisme, à l'origine nonobstant frileux à employer ce ton martial au lendemain des attentats du 11 septembre, à l'instar de Jacques Chirac qui affirmait en 2001« Je ne sais pas s'il faut utiliser le mot guerre. Ce qui est sûr, c'est que nous avons un conflit d'une nouvelle nature »1. Ce « conflit d'une nouvelle nature » a engendré des politiques de prévention et de proactivité de l'Etat questionnant la gouvernance démocratique de l'Etat lui-même. Si le terrorisme a toujours existé, jamais autant de théories complémentaires ne se sont d'ailleurs glissées dans le contexte académique et sociétal, témoignant d'un véritable engouement pour la problématique. Certainement, se demander si l'intention vaut faute appelle une réponse qui semble sempiternelle. En revanche une dimension s'impose, celle de la mutation de l'éthique des relations internationales qui, bien que toujours présente face aux enjeux sécuritaires, a évolué avec certitude. Comment traiter des combattants étrangers élevés sur le sol européen partis rejoindre Daech en Syrie ? Que faire de leurs enfants ? Ces défis sont liés au fait que la « menace terroriste n'est plus seulement exogène » (Esposito & Baudouï, 2021), mais grandit et mature sur le sol des démocraties européennes. Il n'en reste pas moins que pour tenter d'endiguer une menace diffuse mais certaine, l'État de droit s'est paré de tout un arsenal législatif et judiciaire lui permettant de prévenir toute radicalisation et passage à l'acte. Les règles d'exception s'inscrivent pourtant dans une durée plus longue que celle de leur établissement, et comme « les dispositifs d'exception resteront en vigueur encore longtemps » (Ibid., 2021), cela implique ainsi de se questionner sérieusement. La question des enfants de combattants étrangers et de leur traitement se place comme un point de départ assez pertinent pour questionner l'affaiblissement de l'État de droit. Les États européens sont tous signataires de la Convention relative aux droits de l'enfant, ce qui implique que leur prise de position originelle, rejetant en majorité l'hypothèse d'un rapatriement, peut être considérée comme une violation de ce traité. En effet, les conditions de vie dans les camps de réfugiés de la zone irako-syrienne sont « déplorables » (Winkel, 2018, p.4), « indignes » (Baudouin, 2019, p.6) et les besoins sont multidimensionnels : santé, éducation, hygiène, alimentation. Les Nations Unies ont par exemple dénombré pas moins de 11 000 enfants âgés de 6 à 18 ans n'ayant pas rejoint les bancs scolaires depuis au moins 5 ans (OCHA, 2019, p.4). Sans compter ceux qui n'ont même pas encore la conscience de comprendre la situation dans laquelle ils se trouvent. N'étant pas scolarisés, vivant dans des conditions plus que déplorables, et constituant potentiellement des menaces aux yeux des États, ces enfants sont au cœur d'un véritable dilemme qui mêle des enjeux sécuritaires, humanitaires, politiques, légaux et moraux. Chaque État adopte une stratégie qui lui est propre, car compte-tenu de la complexité des positions en jeu, il devient impossible d'établir une réponse commune. Certains décident donc d'être entreprenants, tandis que d'autres préfèrent détourner le regard, ce qui soutient l'idée d'une « compassion à géométrie variable » (Belporo, 2020). La position des États se heurte à celle du Conseil des droits de l'homme, sur laquelle viennent se greffer les alertes des ONG qui n'hésitent pas à désigner le camp d'Al-Hol « Guantánamo bis ». Ainsi, l'intérêt supérieur de l'État est confronté à l'intérêt supérieur de l'enfant. La situation résulte donc d'une rupture complète avec le droit international, laquelle s'étant formée depuis le début des années 2000 dans le cadre de la guerre contre le terrorisme.Les réponses des pouvoirs publics aux questions du terrorisme doivent s'appréhender au regard de la lumière visiblement médiatique, au sein de laquelle à la fois les terroristes et finalement les politiques tirent leur épingle du jeu. Le traitement médiatique de chaque attaque, accentué par la diffusion instantanée sur différents canaux d'informations, s'impose comme un oxygène pour les premiers tandis qu'il se place comme l'initiateur d'un enjeu ayant intérêt à être intégré à l'agenda politique pour les seconds. L'opinion publique s'engouffre dans ce qu'il est possible de qualifier de « guerre des valeurs », où le phénomène de co-radicalisation, compris comme une montée exacerbée de l'altérité et d'une poussée terroriste identitaire, côtoie des manquements étatiques. Les enfants européens de combattants étrangers laissés pour compte sont des victimes malheureuses et collatérales de tels agissements. La littérature s'accordant sur « l'impassibilité du public devant les évènements à distance » (Sreberny, 2006, p.230), distance qui en l'occurrence ici est autant spatio-géographique que socio-culturelle, il devient plus aisé de comprendre ce manque d'intérêt et de sensibilité à l'égard des mineurs détenus dans les camps de réfugiés. A cela s'ajoute le fait qu'ils sont assimilés à la terreur de Daesh car en effet « c'est la vérité que ces enfants nous rappellent » (Giraud, 2020, p.229). Ainsi, face aux actes terroristes et particulièrement depuis les attentats du onze septembre, pléthore de réactions dans les médias s'imbibent de démonstration émotionnelle manifeste (Sreberny, 2006, p.232). Ce rejet est caractéristique de l'insensibilité qui se développe face à la question du rapatriement, y compris envers les enfants.Si l'on peut tenir les parents pour responsables de leurs progénitures, la réciproque est fausse. En effet, selon le réseau européen de sensibilisation à la radicalisation, le RAN (Radicalisation Awareness Network), ces enfants sont avant tout des « victimes » (RAN, 2017, p.50). De plus, ils auront de grandes difficultés à devenir citoyen d'un Etat et se sentir appartenir à la communauté de ce dernier en ayant été socialisés dans l'horreur. D'une part, comme le montre l'expertise de l'anthropologue Dounia Bouzar (2019), l'objectif du groupe jihadiste est de transmettre aux enfants « une idéologie totalitaire » (Bouzar, 2019, p.82) dès leur plus jeune âge, et surtout de les amener à appréhender le monde à travers une vision guerrière et haineuse. D'autre part, dans les camps de réfugiés de la zone irako-syrienne, dont notamment celui d'al-Hol où se trouve la majorité des ressortissants mineurs européens, les conditions de vie sont « apocalyptiques », digne d'un « enfer désertique » (Baudouin, 2019, p.6). La socialisation de ces mineurs ne répond donc à aucun standard européen et une fois de retour dans leur pays d'origine, leur réinsertion sera un défi complexe (Heinke, Raudszus, in Coolsaet & Renard, 2018, p.54). Les experts onusiens exhortent donc sans plus tarder les États ayant des ressortissants mineurs dans les camps de réfugiés irako-syrien à prendre toutes les mesures nécessaires pour respecter « l'intérêt supérieur de l'enfant »2. Les mécanismes qui bloquent le rapatriement de ces mineurs dans les pays européens semblent résulter d'un triptyque sécuritaire, confortée par une incertitude des services de sécurité quant à la menace qu'ils peuvent représenter mais également émotionnel, avec un désintérêt de la population à leur égard, et enfin politique, car les gouvernements en place peuvent être réticents face à la prise en charge de ces enfants pour ne pas avoir à assumer un coût d'audience nationale qui leur serait probablement défavorable « face à une problématique peu porteuse électoralement » (Winkel, 2018, p.18). Par exemple, la France avait mis sur pied un plan global de rapatriement mais face à une opinion publique française très défavorable à cette idée, le plan a été abandonné (Mazoue, 2019). C'est d'ailleurs pourquoi les plaidoyers de retour sont plutôt l'œuvre d'organisations non-gouvernementales ou de collectifs de familles ayant des proches sur place.Les tensions entre les intérêts sécuritaires et ceux éthiques se retrouvent également dans la question du retour des mères radicalisées, ayant pris la décision de rejoindre le proto-Etat de Daesh. En effet, les Etats « s'opposent au rapatriement des femmes considérées comme dangereuses et répugnent à rapatrier des enfants sans leur mère3 ». Elles constituent un facteur de radicalisation pour leurs enfants et leur retour est fortement décrié, ce qui explique que le rapatriement des orphelins soit plus aisément réalisable et légitime vis-à-vis de la population. En outre, depuis la tentative d'attentat de 2016, les femmes terroristes sont systématiquement judiciarisées et les mères d'enfants radicalisés déplorent le manque d'empathie de la population à l'égard de leur problématique (Bannani, 2019). Le cadrage dont elles font l'objet est effectivement en rupture totale avec celui de la figure de la femme terroriste que l'on retrouve dès la fin du XVIIIe siècle avec Charlotte Corday où la « femme « terroriste » est une beauté héroïque, emportée par son émotion, influencée par ses sentiments, exaltée plus que dotée d'une réelle conviction politique » (Salomé, 2010, p.10). Bien au contraire, la femme radicalisée et djihadiste est perçue comme une menace, et indéniablement coupable d'avoir mis sa capacité de conception au service de l'ennemi en lui permettant d'alimenter le vivier de ses jeunes recrues.L'Europe semble confrontée à un défi. Une personne qui porte atteinte à son État origine via un acte terroriste ou bien un citoyen qui part rejoindre les rangs d'une organisation terroriste étrangère implique en effet une réponse qui s'accorde avec les lois en vigueur sur le territoire d'origine ou de départ. Or, les États européens tiennent une posture moins respectueuse de ces normes qu'intrinsèquement hypocrites : leur double jeu consiste en effet d'une part à promouvoir des traités favorisant le respect des droits humains ou à condamner des gouvernements ne respectant pas ces derniers, mais de l'autre, ne pas afficher une position ferme à l'égard de leurs ressortissants se trouvant dans les couloirs de la mort en Irak dans l'atteinte de leur peine ou encore d'être intraitables aux frontières de la Biélorussie. Cela ouvre la porte à certains questionnements, dont notamment celui de l'adéquation des moyens utilisés dans la lutte contre le terrorisme en Europe face aux valeurs établissant le fondement de l'État de droit.
Cette thèse comporte trois essais traitant des problématiques relatives aux effets des accords commerciaux régionaux et des effets frontières sur les flux commerciaux et le bien-être des populations des pays membres et non membres. Elle adapte et développe des méthodes écnométriques de dernières générations pour analyser empiriquement des hypothèses relatives à la distribution hétérogènedes gains de création de commerce et les effets frontières. Le premier chapitre analyse l'asymétrie des effets de création de commerce en considérant tant à l'intérieur d'accord spécifique qu'entre les types des accords d'une part et d'autre part en décomposant les facteurs explicatifs contribuant à l'hétérogénéité. Le deuxième chapitre s'intéresse à l'analyse en équilibre général de la pertinence de la dynamique d'intégration profonde dans une perspective hypothétique en étudiant le cas de la Zone de libre-échange continentale africaine. Le troisième chapitre porte sur l'hétérogénéité des effets frontières en regardant les effets selon les types d'accords commerciaux regionaux. Dans le chapitre 1, nous partons du constat que le niveau d'intégration et la taille des ACRs peuvent ne pas convenir à tous les membres de la même manière et on pourrait s'attendre à ce que les avantages de l'intégration soient répartis de manière asymétrique entre les pays membres. Les petits pays profitent généralement davantage de la libéralisation des échanges parce qu'ils bénéficient d'une amélioration plus importante des termes de l'échange et de la réduction des coûts du commerce parce que leurs consommateurs consacrent une part plus importante de leurs revenus aux biens importés. Les ACRs éliminent l'incertitude concernant l'accès aux marchés en rendant plus difficile pour les grands pays d'adopter un comportement opportuniste. Outre la taille des pays, les avantages des ACRs sont susceptibles de varier d'un pays à l'autre en raison des politiques commerciales initiales, des institutions, des infrastructures et des déterminants géographiques. Étant donné qu'une intégration plus profonde entraîne des pertes plus importantes en termes de flexibilité politique, on pourrait s'attendre à ce que la sélection des membres soit plus stricte pour les ACRs plus profonds et à ce que les gains commerciaux soient distribués de manière plus symétrique entre les membres de ces ACRs. Nous nous s'inspirons de l'approche écnométrique à deux étapes de Baier et al. (2019). Nos résultats montrent qu'il existe une grande hétérogénéité dans la distribution des gains commerciaux au sein des ACRs, certains pays subissant même des pertes, ce qui met en évidence la nature de second choix des ACRs. Plus précisément, nous obtenons que les effets directionnels par paire d'une ZLE sont plus hétérogènes que les effets directionnels par paire de l'UD qui, à leur tour, sont moins hétérogènes que ceux pour les MCs et les UMs. Cela signifie que les pays membres d'ACRs plus profonds ont tendance à bénéficier d'un effet de création de commerce similaire. Notre conclusion est conforme à nos attentes théoriques. Par ailleurs, nous constatons que de nombreux facteurs contribuent positivement ou négativement à l'hétérogénéïté dans la création de commerce entre une paire de pays appartenant à un type d'ACR avec des différences en termes d'ampleur. Dans le deuxième chapitre, nous utilisons un modèle de gravité structurel en équilibre général pour générer dans une perspective hypothétique quatre scénarios pour la mise en œuvre de la ZLECAf. Le premier scénario concerne les effets de la ZLECAf en tant qu'une ZLE. Dans le deuxième scénario, nous supposons que la ZLECAf devient une UD avec un tarif extérieur commun. Le troisième scénario concerne le statut de MC et la quatrième expérience concerne le statut UM de la ZLECAf en lien avec le premier objectif général de l'article 3 des textes de la ZLECAf. Dans les quatre scénarios, nous sommes en mesure de stimuler l'incidence des quatre types d'ACRs sur les pays membres et leurs principaux partenaires commerciaux sur les flux commerciaux, les indices de résistance multilatérale, les prix à l'usine et le bien-être des populations. Nos résultats indiquent que les pays gagnent différemment selon le niveau d'intégration. Certains pays atteignent leur niveau optimal d'intégration dans l'UD. D'autres pays maximisent leurs gains commerciaux lorsque la ZLECAf est un MC. Nos résultats montrent également une situation non monotone pour un groupe de pays, notamment la majorité des pays d'Afrique de l'Ouest. Nous avons utilisé des produits manufacturés et considéré que la production est à élasticité nulle. Des recherches plus approfondies pourraient mener des analyses avec plusieurs secteurs en considérant une endogénéité de la production. Dans le chapitre 3, nous faisons une extension de l'approche économétique de Larch et al (2019)pour investiguer empiriquement sur les incitations des gouvernements à procéder à des ajustements des tarifs extérieurs après la conclusion de différents types d'accords commerciaux. L'économie du régionalisme fournit des explications sur les baisses et les hausses des tarifs extérieurs induites par la participation à un accord commercial. Les UD et les formes d'intégration plus poussées amènent les membres à fixer des tarifs extérieurs communs. C'est certainement vrai pour les membres de l'Union européenne, mais des écarts par rapport à cette règle sont observés dans d'autres cas. En faisant abstraction de la possibilité de déviations, la coordination a des implications importantes qui distinguent clairement les UD, les MC et les UM des ZLE. Les membres des ZLE peuvent fixer des tarifs extérieurs différents en raison des règles d'origine. Une application faible et/ou un contenu national faible encourageraient les membres de la ZLE à fixer des tarifs extérieurs assez similaires. Dans le cas contraire, les pays dont les tarifs extérieurs sont les plus élevés perdraient des recettes tarifaires sur le commerce extérieur au profit des membres de la ZLE dont les tarifs extérieurs sont les plus bas, lorsque les coûts de transport entre les membres de la ZLE sont faibles. Ainsi, la manière dont l'épaisseur de la frontière s'ajuste après la mise en œuvre de différents types d'ACR est une question empirique. Nos résultats montrent qu'en moyenne, les importateurs d'une ZLE imposent 19,52% de barrières supplémentaires aux non-membres, tandis que ceux d'une UD imposent 56,54% de barrières supplémentaires. Ce résultat semble refléter une certaine réalité puisque les membres de l'UD ont tendance à imposer davantage de barrières (tarifs extérieurs et mesures non tarifaires) aux non-membres. Les importateurs d'un MC ont tendance à faciliter environ 27,63% de barrières en moins pour les pays non-membres. Ce résultat pourrait s'expliquer par l'effet de taille dû à la présence des 26 pays membres de l'UE. Lorsque le nombre de membres augmente, le tarif commun a tendance à diminuer. Les pays importateurs membres de l'UM ont tendance à imposer 26,41% de barrières en plus aux pays non-membres. ; This thesis consists of three essays dealing with issues related to the effects of regional trade agreements and border effects on trade flows and welfare in member and non-member countries. It adapts and develops econometric methods to empirically analyse hypotheses on the heterogeneous distribution of trade creation gains, welfare and border effects. The first chapter analyses the asymmetry of trade creation effects by considering both within-agreement and between-agreement types on the one hand and by decomposing the explanatory factors contributing to the heterogeneity on the other. The second chapter focuses on the general equilibrium analysis of the relevance of deep integration dynamics in a hypothetical perspective by studying the case of the African Continental Free Trade Area. The third chapter focuses on the heterogeneity of border effects by looking at the effects of different types of regional trade agreements. In Chapter 1, we start from the observation that the level of integration and the size of RTAs may not suit all members equally and one would expect the benefits of integration to be distributed asymmetrically across member countries. Smaller countries generally benefit more from trade liberalisation because they enjoy a greater improvement in the terms of trade and lower trade costs because their consumers spend a greater share of their income on imported goods. RTAs remove uncertainty about market access by making it more difficult for large countries to engage in opportunistic behaviour. In addition to country size, the benefits of RTAs are likely to vary from country to country due to initial trade policies, institutions, infrastructure and geographical determinants. Given that deeper integration entails greater losses in policy flexibility, one would expect membership selection to be stricter for deeper RTAs and trade gains to be distributed more symmetrically among the members of these RTAs. We draw on the two-stage econometric approach of Baier et al. (2019). Our results show that there is considerable heterogeneity in the distribution of trade gains within RTAs, with some countries even experiencing losses, highlighting the second-best nature of RTAs. Specifically, we find that the pairwise directional effects of an FTA are more heterogeneous than the pairwise directional effects of CUs, which in turn are less heterogeneous than those for MCs and MUs. This means that countries in deeper RTAs tend to experience more similar trade creation effects. Our conclusion is consistent with our theoretical expectations. Furthermore, we find that many factors explains heterogeneity in trade creation between pairs of countries belonging to a given RTA. In the second chapter, we use a general equilibrium structural gravity model to generate four scenarios for the implementation of the AfCFTA from a hypothetical perspective. The first scenario concerns the effects of the AfCFTA as an FTA. In the second scenario, we assume that the AfCFTA becomes a CU with a common external tariff. The third scenario concerns the CM status and the fourth experiment is about of MU status of AfCFTA in relation to the first general objective of Article 3 of the AfCFTA texts. In all four scenarios, we are able to stimulate the impact of the four types of RTAs on member countries and their main trading partners on trade flows, multilateral resistance indices, factory prices and welfare. Our findings indicate that countries gain differently depending on the level of integration. Some countries reach their optimal level of integration in CU. Other countries maximise their trade gains when AfCFTA is a CM. Our results also show a non-monotonic situation for a group of countries, notably the majority of West African countries. We have used manufactured goods and considered that production has zero elasticity. Further research could carry out analyses with several sectors considering endogeneity of output. In Chapter 3, we extend the econometric approach of Larch et al. (2019) to investigate empirically the incentives of governments to make adjustments in external tariffs after different types of trade agreements. The economics of regionalism provides explanations for the decreases and increases in external tariffs induced by participation in a trade agreement. DUs and deeper forms of integration lead members to set common external tariffs. This is certainly true for EU members, but deviations from this rule are observed in other cases. Leaving aside the possibility of deviations, coordination has important implications that clearly distinguish CUs, CMs and MUs from FTAs. FTA members may set different external tariffs due to rules of origin. Weak enforcement and/or low domestic content would encourage FTA members to set fairly similar external tariffs. Otherwise, countries with higher external tariffs would lose tariff revenues on external trade to FTA members with lower external tariffs, when transport costs between FTA members are low. Thus, how the thickness of the border adjusts after the implementation of different types of RTAs is an empirical question. Our results show that, on average, importers in an FTA impose 19.52% additional barriers on non-members, while those in a DU impose 56.54% additional barriers. This result seems to reflect a certain reality since DU members tend to impose more barriers (external tariffs and non-tariff measures) on non-members. Importers from a MC tend to facilitate about 27.63% worth of barriers for non-members. This result could be explained by the size effect due to the presence of the 26 EU member countries. As the number of members increases, the common tariff tends to decrease. Importing countries that are members of the CU tend to impose 26.41%more barriers on non-members.
Diplôme attribuée avec la mention très honorable avec félicitations ; RÉSUMÉDans la délimitation de notre corpus, constitué exclusivement de romans relatifs aux fazendas de café esclavagistes, nous avons été amenée à utiliser certaines notions redevables à la sociologie. Tout d'abord, celle où Maria Sylvia de Carvalho Franco élucide l'ordre esclavagiste comme celui qui, en donnant sa forme à la société brésilienne à un moment donné, exclut par sa propre nature « les hommes libres et pauvres » d'un univers polarisé entre maîtres et esclaves. Cet ordre est celui qui sous-tend toute l'organisation de la période impériale et qui permet à la jeune nation de rebondir, grâce au café, dans les années difficiles qui s'ensuivent à son indépendance en 1822. Dans cette « civilisation du café », d'immenses fazendas, partant des alentours de Rio de Janeiro, couvrent d'abord la vallée du Paraïba, remontant le cour du fleuve en direction notamment de São Paulo. C'est toujours la forme fictionnelle du roman qui semble la mieux adaptée à la fazenda de café littéraire, avec son organisation d'où sont exclus les hommes libres et pauvres, pour lesquels elle n'a pas de place.Leurs propriétaires, des fazendeiros associés à des financiers et à d'autres agents citadins, accroissent leur pouvoir et leur richesse, notamment à partir de 1850, où l'interdiction du trafic négrier libère d'immenses capitaux réinvestis désormais dans la modernisation des villes comme des fazendas. C'est aussi en cette année que s'inaugure une ligne régulière de vapeurs entre Liverpool et Rio de Janeiro mettant en consonance le temps brésilien, impérial et esclavagiste avec le temps industriel et urbanisé de l'Europe. Cette date, souvent évoquée par l'historiographie, a aussi impressionné trois écrivains brésiliens du XIX° siècle qui, tous, choisissent cette décennie comme le noyau central de leurs romans écrits entre 1871 et 1914. La fazenda de café esclavagiste vers le milieu du XIX° siècle au Brésil est un univers en plein épanouissement, où règne en maître absolu sur tout ce qui vit à l'intérieur de ses domaines le fazendeiro. Ce grand propriétaire, en s'enrichissant, abandonnera un mode de vie jusque là austère et isolé ; il voudra s'anoblir et achètera au pouvoir impérial des titres de noblesse qui feront de lui une figure ambiguë, respectée et raillée à la fois, celle des « Barons du café » de la période impériale brésilienne. Souvent évoqués par la littérature dans leurs riches villas citadines, ces nouveaux aristocrates créés par D. Pedro II attirent moins l'attention à l'époque de la construction de leurs personnages et de leur fortune dans les mondes réduits que sont leurs fazendas, polarisées entre la Casa Grande où résident les maîtres et la Senzala réservée aux esclaves. Dans cet univers, les rapports intensément vécus entre les uns et les autres, constitutifs de la vie nationale, composent le noyau d'échanges quotidiens qui envahissent un cadre rural et seigneurial. Trois romans se sont penchés sur ce mode de vie, installant son action dans une riche maison de maître au centre d'une immense propriété où les relations entre dominants et dominés vont évoluer d'une trompeuse harmonie jusqu'à l'éclatement d'une violence tardive mais d'autant plus meurtrière.De ces romans qui constituent le corpus principal de notre thèse, le premier est O tronco do ipê, écrit par José de Alencar en 1871, où apparaît pour la première fois la désignation du siège de la propriété comme Casa Grande, par la suite adoptée par la sociologie et par le langage courant au XX° siècle. Ce terme, plus connu pour son application à la réalité du Nord-est des moulins à sucre, apparaît ainsi comme originaire de la littérature relative à cette vallée caféière, qui a été au centre des discussions économiques et politiques du Brésil impérial et dont la fiction romanesque montre l'ascension fulgurante, suivie de sa disparition encore plus rapide et étonnante, de la mémoire nationale. Le deuxième roman est A escrava Isaura, de 1875, où Bernardo Guimarães a créé l'icône la plus célèbre de la lutte pour l'abolition de l'esclavage au Brésil, dans une œuvre au succès populaire jamais démenti et proportionnel au mépris où il est tenu dans les milieux académiques. Son insertion dans ce corpus permet, en le plaçant à côté des autres deux romans qui traitent du même thème, de mettre en lumière la profonde implication de cette intrigue feuilletonesque et séduisante dans la problématique de son temps et l'habile déconstruction qu'elle fait des clichés usuels dans ce genre de récit. Les deux premiers romans du corpus sont écrits à un moment où le romantisme n'avait pas quitté le centre de la scène littéraire brésilienne, mais où il recevait de plein fouet les attaques d'un régionalisme réaliste, plus représentatif des aspirations qui prenaient corps dans une société qui ne se contentait plus de l'unité impériale et esclavagiste du pays. Finalement, le troisième roman qui se penche sur les fazendas de la vallée est un ouvrage apparemment anachronique, puisque, écrit en 1914, empreint de toutes les tendances qui se croisent dans ce contexte du « Pré-modernisme » brésilien, il met en discussion les problèmes de l'esclavage aboli depuis 1888 et qui n'intéresse plus personne. Les esclaves alors libérés et jetés sur les routes pour mourir de faim, font désormais partie des hommes libres et pauvres toujours exclus de l'organisation sociale du pays. Pour en parler, Coelho Neto crée dans Rei Negro un héros entre romantique et parnassien, une figure olympique et pleinement noire, toutes des caractéristiques associées pour la première fois dans un roman brésilien, ce qui permet de douter de l'anachronisme attribué à cette œuvre. Ce roman vient combler un vide que la fiction romantique brésilienne n'avait pas osé ou pas pu remplir, au moins tant qu'elle était contemporaine de l'esclavage : le droit au centre de la scène pour un protagoniste esclave, le droit à la beauté associée à une peau noire comme l'ébène, le droit à la révolte conduite et assumée par le nègre, sans qu'aucun protagoniste blanc ne vienne lui voler sa fonction de héros romantique, teinté ici du naturalisme, du symbolisme et du régionalisme partout présents dans l'expression littéraire du pays à ce moment-là.Ces romans réunis autour du thème de la fazenda recréent dans leur diversité un même aspect de l'évolution sociale et culturelle du Brésil, la vie et les valeurs qui se développent à l'écart de la ville jusqu'à cette moitié du XIX° siècle qui constitue le moment choisi par les trois auteurs. C'est alors que l'ordre traditionnel se voit contesté par des valeurs nouvelles qui prennent de l'ampleur dans une population qui commence à peser du côté urbain, à échanger des idées avec une Europe en pleine mutation, tout en essayant de consolider son indépendance politique et de réduire sa dépendance économique héritée de l'époque coloniale. Ces facteurs rassemblés et reflétés dans l'espace symbolique d'une vallée autrefois sauvage, rapidement conquise par une culture qui l'occupe, l'enrichit et la détruit en un cycle extraordinairement court, fournissent des caractéristiques communes à nos trois romans. D'autre part, le création littéraire qui en résulte, tout en présentant une grande complexité dès les premier roman du corpus, éprouve le besoin d'expliciter de plus en plus clairement la place centrale de l'esclavage dans la problématique sociale brésilienne.Tout comme la période, le cadre où se situent ces romans fournit des traits déterminants pour leur construction et pour la figuration de la réalité dont ils se chargent. Le fleuve Paraïba, puissant et mythique jusqu'à l'arrivée du café et à la profonde altération de l'environnement alors survenue, est peu à peu ensablé par un sol épuisé et par l'abattage des forêts et se voit petit à petit amoindri, n'étant plus capable des inondations légendaires recréées par Alencar dans un roman précédant, le Guarani. Dans ce roman que l'auteur lui-même situait dans une période coloniale mythifiée, où le langage et les coutumes de l'envahisseur se modifiaient sous l'influx de la nature américaine, le Paraïba était le facteur déterminant du dénouement, puisque c'est lui qui provoque la catastrophique inondation créatrice de la nouvelle humanité qui va occuper l'espace géographique national à partir de cette vallée née en même temps que le pays indépendant. Le fleuve demeure l'espace des mythes dans O tronco do ipê, mais comme un miroir du passé, des légendes et de l'image de la mort qui se cache désormais dans tous les éléments du récit et du paysage. Dans A escrava Isaura, il occupe le fond du décor, les marges de la fazenda, il fait partie de la nature brute domptée et écartée par l'homme du centre du tableau et de l'action. Son cours est évoqué pour tracer les limites d'un immense verger qui allait se perdre dans ses marges escarpées et imposantes, « nas barrancas do grande rio ». Encore majestueux dans ce deuxième roman, bien qu'éloigné par le regard d'un narrateur qui ne s'intéresse qu'aux interactions humaines reflétées dans les discours des personnages, le Paraïba disparaît du décor dans Rei Negro. Dans le dernier roman du corpus, écrit à la veille de la Première guerre mondiale, le paysage n'est plus que symbolique et vaporeux, les terres sont couvertes par des cultures elles-mêmes vues de très loin, tandis que l'eau est devenue un élément sombre et sinistre, apportant la mort et la reflétant. Ce paysage complètement occupé par l'homme n'est évoqué que dans des visions polarisées entre des regards de maîtres et des regards d'esclaves, symbolisant un droit d'appropriation ou la transgression de ce même droit. Dans un conte (« Banzo ») contemporain de son roman, Coelho Neto compare le fleuve desséché et abandonné par le café à l'esclave jeté sur les routes après l'abolition, tous deux vivant de l'aumône d'une pluie ou d'un reste de nourriture. Quant aux terres, elles se transforment tout aussi vite, la forêt sauvage disparaît en quelques années faisant place à l'or vert des caféiers gourmands de terres vierges et d'esclaves en nombre croissant, tous deux engloutis dans la construction de la richesse des fazendeiros. Dans leurs maisons devenues de vrais châteaux, ces propriétaires raffinés ne se contentent plus de l'espace de la fazenda, peut-être trop marqué à la fois par le souvenir lointain d'un travail trop pénible et par la violence nécessaire à son acquisition, toujours présente dans les romans. La propriété de la terre apparaît partout comme originaire de la trahison et de l'usurpation, et le souvenir de ces crimes hante tous les paysages. Abandonnées par leurs propriétaires qui s'en vont vers la capitale ou vers d'autres destinations, maison et plantations tombent en ruine dans la vallée géographique, devenant un thème obsédant pour la fiction. Symptomatiquement, la représentation de la vallée et de ses fazendas dans le dernier roman du corpus est emboîtée dans une sorte d'ellipse qui, associée à l'historiographie, rend évidente la rapidité et la paradoxale fragilité de ce processus. Pour nos trois auteurs, postérieurs à Balzac, leur écriture est une histoire du cœur humain ou histoire sociale, où le terme « histoire » n'indique pas un examen scientifique d'événements passés, mais une invention relativement libre ; ce qu'ils font c'est de la fiction et non de l'history, pour utiliser les termes anglais, particulièrement précis, comme l'a si bien remarqué Auerbach. Ce n'est pas du passé que traite leur écriture, mais d'une époque qui leur est contemporaine et dont la connaissance est indispensable à la compréhension de leurs œuvres, comme l'accentue ce même critique dans son analyse de la représentation de la réalité dans la littérature occidentale.La rapidité des transformations intervenues au Brésil vers la moitié du XIX° siècle a, de toute évidence, retenu l'attention de nos trois romanciers. C'est le passage ravageur du temps le vrai conducteur de leurs intrigues. La représentation qu'ils en donnent reflète le moment fugace de fluctuation entre le monde ancien, rural, fermé, isolé et l'ouverture aux valeurs nouvelles qui aspireront vers la ville, vers l'Europe, vers le monde citadin les propriétaires terriens ainsi que leur richesse. La vallée, désertée par des maîtres qui n'y ont pas créé des racines, ainsi que par le café qui l'a épuisée, s'appauvrit, se dessèche pour être abandonnée au profit d'une avancée vers les terres rouges de l'Ouest pauliste, qui attirent désormais de nouveaux maîtres et de nouveaux travailleurs, les colons européens immigrés, qui viennent remplacer le Noir africain. Accrochée à son économie basée sur la force esclave, qu'elle veut à tout prix conserver, et absorbée par le besoin de rénovation constante de ces « machines humaines » remplaçables à peu de frais jusqu'en 1850, la richesse de la vallée se crée et se détruit en moins d'un siècle, dans un temps qui se précipite vers une modernité qu'elle ne voit pas ou ne veut pas voir venir. La répercussion de tous ces changements offre à nos trois romans un cadre circonscrit où dramatiser et condenser ces événements que nos auteurs ressentent comme décisifs pour les destins de leur société. Situés ainsi entre un ordre conservateur et une aspiration à la modernité que chacun d'eux voit reflétée sous un aspect différent dans la vie de la fazenda, nos trois romanciers ont recours à quelques constantes dans la construction de leurs récits. Les constellations des personnages et le jeu de leurs désirs autour de la propriété de la terre, condition incontournable pour devenir un personnage respectable depuis les premiers temps de la colonie ; l'éducation de l'héritier qui doit se cultiver en Europe mais revenir à un ordre le plus rétrograde qui soit ; les personnages féminins de la sinhá libre et de la mucama esclave qui interagissent à l'intérieur de la Casa Grande sont quelques-uns des thèmes de tout le corpus. Les représentations des esclaves, idéalisés mais point simplifiés chez Alencar, apportent à notre premier roman les voix du mythe, des légendes et de la mémoire du passé. Bernardo Guimarães élabore un personnage d'esclave blanche, tout à fait représentative des changements subis par la société brésilienne vers la moitié du XIX° siècle, chargée de commenter et retourner les raisonnements de ses maîtres dont l'hypocrisie, aujourd'hui patente, était parfaitement en conformité avec la doxa pratiquée par ses contemporains et lecteurs moins avertis. Finalement, l'esclave de Coelho Neto, enfin pleinement noir, est l'instrument de la vengeance épique contre toute une période où sa représentation le condamnait à la farce ou à l'ombre des fonds du tableau romanesque, comme le prouvent d'ailleurs les précédents romans : l'esclave noir de José de Alencar, pour devenir personnage littéraire, doit occuper des espaces mythifiés et légendaires, et l'esclave de Bernardo Guimarães, pour venir débattre dans les salons, est d'abord dépouillée de sa couleur. D'autre part, pour parler des valeurs qui importent à leurs lecteurs sans trop les secouer, les narrateurs de ces romans sont tous très prudents, ironiques, presque sournois dans leurs commentaires et suggestions. Les discours les plus incisifs seront généralement laissés pour le compte de personnages plats, capables d'attirer dans leur interaction la sympathie ou l'aversion de ces lecteurs à la fois éclairés et dépendants des esclaves pour le moindre de leurs gestes, voire pour leur apporter le roman abolitionniste qu'ils s'apprêtent à lire.Les espaces de vie à la fazenda se trouvent représentés dans nos trois romans de différentes manières. La Casa Grande est le lieu du discours civilisé, des échos du monde référentiel et historique contemporain, des arts à la mode et des idées éclairées ou conformistes qui divisent les opinions. Elle est aussi un espace de lecture, activité par ailleurs confiée aux esclaves ; ils sont aussi les seuls personnages chargés de l'acte de raconter. Ainsi, dès le premier roman, c'est dans la cabane de l'esclave que revit tradition orale, c'est là que les légendes sont ressuscitées et la mémoire du passé pieusement conservée. Dans le deuxième, la parole qui raconte retourne au salon en musique, mais portée par une figure d'esclave surdouée qui envahit et occupe entièrement cet espace de sociabilité. Elle ne cède jamais le centre de la scène à ses maîtres ou maîtresses, dont le discours elle réfute point par point, sans jamais se départir de son humilité ; en toute modestie, c'est elle qui occupe le piano pour chanter sa propre épopée (la muse qui l'inspire d'après la narration est la muse épique Calliope) et émouvoir le public le plus traditionnel du pays. Dans le troisième roman, le roi nègre a son propre oracle noir pour recréer un passé de gloire qui lui rendra insupportable l'humiliation de l'esclavage, mais ici les discours les plus significatifs des personnages n'ont plus pour cadre la maison seigneuriale, dont l'espace rétréci et ne peut plus rendre compte de la progression de l'action. À l'opposé de la casa grande, dans la polarisation inhérente à cette organisation, les romans de la fazenda donnent tout d'abord l'impression d'avoir laissé un vide inexplicable, car la senzala, le lieu d'habitation des esclaves n'y apparaît pratiquement jamais et ce qui fait vivre, ce qui permet à la fazenda historique d'exister, soit le travail de la terre, encore moins. Et pourtant, tout est là. Par des allusions, par des histoires racontées dans des digressions opportunes, par des rebondissement provoquées ailleurs qu'au premier plan de l'intrigue. Tout ce que le récit ne dit pas clairement agit sur lui ; tout ce que les intrigues laissent dans l'ombre les éclaire d'une lumière commune, et toutes ces fazendas se constituent ainsi en un univers fictionnel cohérent et problématisé par la structure romanesque. Ces romans mis ensemble offrent des possibilités de lecture inédites, mais il faut aussi les lire « à l'envers », comme le fait remarquer Heloisa Toller Gomes à propos du Tronco do ipê. En portant notre regard au-delà des protagonistes blancs et en concentrant notre attention sur la communauté environnante, et surtout en observant comment les uns et les autres interagissent, nous découvrons la diversité des moyens mis en œuvres par ces textes pour nous fournir un panneau très vivant et illustratif du Brésil esclavagiste au XIX° siècle. Par ailleurs, le brouillage de l'espace des esclaves, avec l'effacement de la senzala qui avait d'abord attiré notre attention, semble susciter encore des discussions, car si la senzala existe jusqu'à la fin de l'esclavage, les cabanes des esclaves avec leur petites plantations vivrières ou d'agrément font tout aussi partie d'un paysage référentiel absorbé et utilisé comme matériau littéraire.C'est dans ce cadre que la lutte entre passéisme et modernité peut se nouer dans des intrigues parfois presque pédagogiques grâce à la concentration permise par la délimitation restreinte du cadre, au nombre relativement réduit des personnages, et au dialogue forcé et constant entre ces deux classes de personnages, les maîtres et les esclaves. Il devient clair que les auteurs de notre corpus ont voulu construire une fiction complexe, capable de toucher un public ambivalent, peu nombreux mais liseur avide, éclairé et esclavagiste à la fois, conservateur mais curieux des nouveautés qui lui arrivent en nombre croissant depuis l'Europe, un public qui commence à changer ses habitudes d'habillement, de sociabilité - et de lecture. ; RESUMONa constituição deste corpus, foram usadas noções fundamentais para a compreensão dos romances das primeiras fazendas de café brasileiras, como aquelas em que Maria Sylvia de Carvalho Franco elucida a « ordem escravagista » como sendo a que, ao dar forma à sociedade exclui os "homens livres e pobres" de um universo polarizado entre mestres e escravos. A ordem evocada nessa obra é aquela que subtende toda a organização imperial e que possibilita à jovem nação, graças ao café, reconstruir-se nos anos difíceis que se seguem à sua independência em 1822. Esse estudo refere-se à velha "civilização do café" e às imensas fazendas que cobrem inicialmente o vale do Paraíba, a meio-caminho entre o Rio de Janeiro e São Paulo, onde fazendeiros associados a comissários e agentes financeiros citadinos formam uma sociedade cada vez mais poderosa, cujas características de ruralidade vão rapidamente ceder espaço à urbanização do país. As mudanças sofridas por essa sociedade se aceleram precisamente em torno do ano de 1850, momento que, freqüentemente evocado pela historiografia, impressionou também três escritores brasileiros do século XIX, que escolhem essa década como o nódulo central de seus romances escritos entre 1871 e 1914. Nos três casos, a forma ficcional do romance parece ser a que mais se adapta à fazenda de café literária, com a sua organização que exclui os homens livres e pobres, para os quais tanto a fazenda como sua representação romanesca parecem não ter lugar.A fazenda de café escravagista, na metade do século XIX é um universo em plena expansão, no qual reina e governa o fazendeiro com poderes absolutos sobre tudo o que vive em suas terras. Este grande proprietário, ao enriquecer, deseja também tornar-se nobre e compra seus títulos do poder imperial, tornando-se assim essa figura ambígua, ao mesmo tempo respeitada e ironizada, do Barão do café do período imperial brasileiro. Freqüentemente evocado pela literatura nas suas mansões citadinas, esses novos aristocratas criados por D. Pedro II, não chamam tanto a atenção na época da construção de seus personagens e de sua fortuna nesses mundos reduzidos que são as fazendas polarizadas entre Casa Grande e Senzala. Nesse universo, as relações intensamente vividas entre mestres e escravos, constitutivos da vida nacional, compõem o nódulo de trocas quotidianas que invadem um quadro rural e senhorial. Três romances se interessaram por esse modo de vida que, na época de sua escritura, dizia respeito à maior parte da população brasileira (no que se refere ao aspecto de ruralidade), instalando sua ação numa rica casa de senhor de escravos no meio de uma imensa propriedade na qual as relações entre dominantes e dominados vão evoluir de uma enganosa harmonia à explosão de uma violência tardia mais tanto mais mortífera.Desses romances que constituem o corpus principal de nossa tese, o primeiro é O tronco do ipê, escrito por José de Alencar em 1871, onde aparece pela primeira vez a designação da sede da propriedade como Casa Grande, em seguida adotada pela sociologia e pela linguagem corrente durante o século XX. Esse termo, mais conhecido por sua aplicação à realidade do Nordeste dos engenhos de açúcar, aparece assim como originário da literatura relativa a esse vale cafeeiro, que esteve no centro das discussões econômicas e políticas do Brasil imperial, e cuja ficção romanesca mostra a ascensão fulgurante, seguida de seu desaparecimento ainda mais rápido e surpreendente, da memória nacional. O segundo romance é A escrava Isaura, de 1875, no qual Bernardo Guimarães criou o ícone mais célebre da luta pela abolição da escravidão no Brasil, numa obra cujo sucesso popular nunca desmentido é proporcional ao desprezo que lhe votam os meios acadêmicos. Sua inserção neste corpus, ao lado dos outros dois romances que tratam do mesmo tema, permite esclarecer a profunda implicação dessa intriga folhetinesca e sedutora na problemática de seu tempo, bem a como a hábil desconstrução dos clichês usuais nesse gênero de narrativa. Os dois primeiros romances foram escritos num momento em que o romantismo ainda não tinha abandonado o centro da cena literária brasileira, mas em que ele já era alvo dos ataques furiosos de um regionalismo mais preocupado com o realismo e mais significativo das aspirações que tomavam corpo numa sociedade que não se satisfazia mais sob a unidade imperial e escravocrata do país. Finalmente, o terceiro romance a tratar das fazendas do vale é uma obra taxada de anacronismo pois, escrita em 1914, prenhe de todas tendências que se cruzam nesse contexto do Pré-modernismo brasileiro, põe em discussão os problemas da escravidão abolida desde 1888 e que não interessa mais ninguém. O país tem pressa de esquecer tanto o antigo regime escravagista quanto os escravos libertados para fazer parte dos homens livres e pobres que continuam excluídos da nova organização social do país. Para tanto, Coelho Neto cria em Rei Negro um herói romântico e parnasiano, uma figura olímpica e plenamente negra, características essas associadas pela primeira vez num romance brasileiro, o que permite duvidar do anacronismo atribuído a uma obra que vem preencher um vazio que a ficção romântica brasileira não pudera ou não ousara ocupar, pelo menos enquanto contemporânea da escravidão: o direito ao centro do palco para um protagonista escravo, o direito à beleza associado a uma pele negra como o ébano, o direito à revolta conduzida e assumida pelo negro, sem que nenhum protagonista branco venha lhe roubar sua função de herói romântico, tingido aqui pelo naturalismo, pelo simbolismo e pelo regionalismo presentes na expressão literária do país nesse momento.Os romances reunidos em torno do tema da fazenda recriam em sua diversidade um mesmo aspecto da evolução histórica do Brasil, a vida e os valores que se desenvolvem à margem da cidade até essa metade do século XIX que constitui o momento escolhido pelos três autores. É então que a ordem tradicional se vê contestada por valores novos que se amplificam numa população que começa a pesar do lado urbano, a trocar idéias com uma Europa em plena mutação, enquanto tenta consolidar sua independência política e reduzir sua dependência econômica herdada da época colonial. 1850 é o ano em que a cessação do tráfico de escravos africanos libera enormes quantidades de divisas e fornece aos fazendeiros os créditos que vão mudar um modo de vida até então austero e isolado. É também nesse ano que é inaugurada uma linha de navios a vapor entre Liverpool e o Rio de Janeiro, pondo em consonância o tempo brasileiro, imperial e escravocrata, com o tempo industrial e urbanizado da Europa. Esses fatores reunidos e refletidos num espaço simbólico de um vale outrora selvagem, rapidamente conquistado por uma cultura que o enriquece e o destrói num ciclo extraordinariamente curto, fornecem as características comuns que vão se acentuar na passagem do primeiro ao último romance.Tanto quanto o período, o cenário desses três romances fornece traços determinantes para sua construção e para a representação da realidade que eles trazem. O rio Paraíba, poderoso e mítico até a chegada do café e à profunda alteração do meio-ambiente sobrevinda então, já não é mais capaz das inundações legendárias recriadas por Alencar num romance precedente, O Guarani. Nesse romance que o próprio autor situava num período colonial mitificado, em que a linguagem e os costumes do invasor se modificavam sob o influxo da natureza americana, o Paraíba era o fator determinante do desenlace, pois é ele que provoca a catastrófica inundação criadora da nova humanidade que vai ocupar o espaço geográfico nacional a partir desse vale nascido ao mesmo tempo que o país independente. O rio permanece o espaço dos mitos no O tronco do ipê, mas como um espelho do passado, das lendas e da imagem da morte que se esconde doravante em todos os elementos da narrativa e da paisagem. Em A escrava Isaura, ele ocupa o fundo do cenário, as margens da fazenda, faz parte da natureza bruta, domada e afastada pelo homem do centro do quadro e da ação. Seu curso é evocado para traçar os limites do imenso pomar que ia se perder nas suas margens escarpadas e imponentes, "nas barrancas do grande rio". Ainda majestoso nesse segundo romance, se bem que descartado pelo olhar de um narrador que só se interessa pelas interações humanas refletidas nos discursos dos personagens, o Paraíba desaparece do cenário em Rei Negro. Nesse último romance do corpus, escrito às vésperas da Primeira Guerra Mundial, a paisagem torna-se simbólica e vaporosa, as terras são cobertas de culturas vistas de bem longe, enquanto a água se torna um elemento sombrio e sinistro, trazendo a morte e refletindo-a. Esta paisagem completamente ocupada pelo homem só é evocada em visões polarizadas entre olhares de mestres e olhares de escravos, simbolizando um direito de apropriação ou a transgressão desse mesmo direito. Num conto ("Banzo") contemporâneo de seu romance, Coelho Neto compara o rio ressecado e abandonado pelo homem ao escravo jogado nas estradas após a abolição, os dois vivendo da esmola de uma chuva ou de um resto de comida.Quanto às terras, elas se transformam tão depressa quanto o rio; a floresta desaparece em alguns anos, dando lugar ao ouro verde dos cafezais famintos de terras virgens e de escravos cada vez mais numerosos, ambos engolidos na construção da riqueza dos fazendeiros. Em suas mansões que se transformam em verdadeiros castelos, esses proprietários refinados não se contentam mais com o espaço da fazenda, talvez duplamente marcado pela lembrança longínqua de um trabalho demasiado penoso, ou pela violência necessária à sua aquisição. Nos romances, a propriedade da terra aparece sempre ligada à traição e à usurpação, e a lembrança desses crimes assombra todas as paisagens. Abandonadas por seus proprietários que partem para a capital ou ainda mais longe, casa e plantações ficam arruinadas, o que é um outro tema obsedante para esta ficção. Sintomaticamente, a representação do vale e de suas fazendas no segundo tempo de escritura dos romances, encaixa-se numa espécie de elipse que, associada à historiografia, torna evidente a rapidez e a paradoxal fragilidade desse processo. À medida que se aproximam a Abolição e a República, e que se percebem os progressos reais então conquistados, os escritores são obrigados a constatar a grande decepção que esses dois acontecimentos representaram para aqueles que ainda acreditavam em mudanças profundas, quando foram escritos os dois primeiros romances. Para os três autores, como para Balzac, sua escritura é uma "história do coração humano" ou "história social", na qual o termo história indica, não um exame cientifico de acontecimentos passados, mas uma invenção relativamente livre; o que eles fazem é fiction e não history, para usar termos ingleses particularmente precisos, como bem notou Erich Auerbach. Para esses escritores posteriores a Balzac, não se trata de passado, mas de uma época que lhes é contemporânea. Assim, o conhecimento do referente histórico é indispensável à compreensão de suas obras, como acentua esse mesmo crítico na sua análise da representação da realidade na literatura ocidental, ao evocar, após a obra de Balzac, a íntima relação entre a construção do romance de Stendhal, Le rouge et le noir, e os anos 1830 na França.A rapidez das transformações ocorridas no Brasil por volta da metade do século XIX não podia deixar de chamar a atenção de nossos três romancistas. A representação construída por eles reflete o momento fugaz de flutuação entre o mundo antigo, rural, fechado, isolado, e a abertura aos valores novos que atrairão para a cidade, para a Europa, para o mundo citadino os donos das terras com suas riquezas. O vale, desertado por senhores que não criaram raízes, bem como pelo café que o esgotou, empobrece, seca, para ser abandonado em proveito de uma corrida para as terras vermelhas do Oeste paulista, que atraem a partir de então novos senhores e novos trabalhadores, os colonos europeus imigrados, que vêm substituir o negro africano. Apoiada na sua economia baseada na força escrava, que ela quer conservar a qualquer preço, e absorvida pela necessidade de renovação constante dessas "máquinas humanas" facilmente descartáveis até 1850, a riqueza do vale se cria e se destrói em menos de um século, num tempo que se acelera para precipitá-lo numa modernidade que ele não vê ou não quer ver chegar. A repercussão de todas essas mudanças na fazenda oferece aos três romances um quadro circunscrito para dramatizar e condensar esses acontecimentos que nossos autores sentem como decisivos para os destinos de sua época.Assim, situados entre uma ordem conservadora e uma aspiração à modernidade que cada um deles vê refletida sob um aspecto diferente na vida da fazenda, os três romancistas recorrem a algumas constantes na construção de suas narrativas. As constelações de personagens e o jogo de seus desejos em torno da propriedade da terra, condição indispensável para fazer parte dos "homens bons" e respeitáveis desde os primeiros tempos da colonização; a educação do herdeiro que deve se cultivar na Europa para depois voltar à ordem a mais retrógrada; as personagens femininas da sinhá livre e da mucama escrava que interagem no interior da Casa Grande são alguns dos temas que percorrem todo o corpus. As representações de escravos, idealizadas mas não simplificadas por Alencar, trazem para o primeiro romance as vozes do mito, das lendas e da memória do passado. Bernardo Guimarães elabora um personagem de escrava branca, perfeitamente representativa das mudanças sofridas pela sociedade brasileira na metade do século XIX, encarregada de comentar e retornar os argumentos de seus mestres, cuja hipocrisia, hoje patente, estava perfeitamente em conformidade com a doxa praticada por seus contemporâneos e leitores menos prevenidos. Finalmente, o escravo de Coelho Neto, enfim plenamente negro, é o instrumento da vingança épica contra todo um período em que sua representação o condenava à farsa ou à sombra dos fundos do quadro romanesco, como provam aliás os romances precedentes: o escravo negro de José de Alencar, para se tornar personagem literário, deve ocupar espaços mitificados e legendários, e o escravo de Bernardo Guimarães, para vir debater nos salões, é primeiro despojado de sua cor. Por outro lado, para falar de valores que importam a seus leitores sem desestabilizá-los, os narradores desses romances são todos muito prudentes, irônicos, dissimulados em seus comentários e sugestões. Os discursos mais incisivos ficam geralmente por conta de personagens planos, capazes de atrair a simpatia ou a aversão desses leitores ao mesmo tempo ilustrados e dependentes dos escravos para o menor gesto, até mesmo para lhes trazer o romance abolicionista que eles se preparam para ler.Os espaços de vida na fazenda se acham representados nos três romances de diferentes maneiras. A Casa Grande é o lugar do discurso civilizado, dos ecos do mundo referencial e histórico contemporâneo, das artes da moda e das idéias esclarecidas ou conformistas que dividem as opiniões. É também um espaço de leitura, atividade que aliás passa progressivamente dos mestres aos escravos, que em todos os relatos são os únicos personagens encarregados do ato de contar. Assim, desde o primeiro romance, a tradição oral revive na cabana do escravo, onde as lendas são ressuscitadas e a memória do passado é piedosamente conservada; no segundo, a voz que conta (e canta) retorna ao salão, espaço agora inteiramente ocupado por uma figura de escrava excepcional. Ela não cede jamais o centro do palco a seus sinhôs ou sinhás, cujo discurso ela refuta ponto por ponto, sem jamais abandonar sua humildade; sempre modesta, é ela que ocupa o piano para cantar sua própria epopéia (a musa que a inspira, segundo a narração, é a musa épica Calíope) e emocionar o público mais tradicional do país. No terceiro romance, o rei negro tem seu próprio oráculo negro para recriar um passado de glória que torna insuportável a humilhação da escravidão, mas aqui os discursos mais significativos dos personagens não têm mais por cenário uma casa senhorial, cujo espaço encolheu e não pode mais dar conta da progressão da intriga. Do lado oposto à casa grande, na polarização inerente a essa organização, os romances da fazenda dão inicialmente a impressão de ter deixado um vazio inexplicável, pois a senzala, o lugar de moradia dos escravos, não aparece praticamente nunca, menos ainda aquilo que faz viver, que possibilita a existência da fazenda, ou seja, o trabalho da terra. E, no entanto, tudo está presente. Por alusões, por histórias contadas em digressões oportunas, por peripécias provocadas fora do primeiro plano do relato. Tudo o que a narrativa não diz claramente age sobre ela; tudo que as intrigas deixam na sombra as esclarece com uma luz comum, e todas essas fazendas constituem assim um universo ficcional coerente e problematizado pela estrutura romanesca. Esses romances oferecem possibilidades de leitura inéditas, mas deve-se lê-los "pelo avesso", como nota Heloísa Toller Gomes a propósito do O tronco do ipê. Projetando nosso olhar além das personagens brancas e concentrando nossa atenção sobre a comunidade negra, sobretudo observando como uns e outros interagem, descobrimos a diversidade dos meios empregados por esses textos para nos fornecer um painel vivo e ilustrativo do Brasil escravocrata do século XIX. Aliás, os contornos mal delimitados do espaço dos escravos, que desde o início tinha atraído nossa atenção, não ficam mais claros na historiografia, pois se a senzala existe até o final da escravidão, as cabanas dos escravos, com suas pequenas roças ou jardins, também fazem parte de uma paisagem referencial absorvida e utilizada como material literário.É nesse quadro que a luta entre passadismo e modernidade pode se travar em intrigas às vezes quase pedagógicas graças à concentração possibilitada pela delimitação restrita do quadro, ao número relativamente reduzido de personagens, e ao diálogo forçado e constante entre essas duas classes de personagens, os senhores e os escravos. A introdução dessas duas linguagens diversas na intriga romanesca, bem como a imbricação dramática entre tempo e espaço que predominam na construção de nossos romances, foram explicitados graças aos conceitos de "polifonia" e de "cronótopo" desenvolvidos por Mikhaïl Bakhtine. Torna-se claro que os romancistas do corpus queriam construir uma ficção complexa, capaz de sensibilizar um público ambivalente, pouco numeroso mas leitor ávido, ilustrado e escravagista ao mesmo tempo, conservador mas curioso das novidades que lhe chegam em número cada vez maior da Europa, um público que começa a mudar seus hábitos de vestuário, de moradia, de sociabilidade e, o que mais nos interessa, de leitura.
cf thèse ; L'objet de cette étude est d'analyser le fonctionnement des marchés internationaux et les répercussions de ce fonctionnement sur la gestion de l'entreprise. Dans un chapitre introductif, l'actualité du sujet est soulignée: depuis 1973, avec l'abandon du système des parités fixes, le fonctionnement des marchés financiers internationaux a été particulièrement chaotique. L'adoption d'un système de cours de changes flottants qui devait favoriser une allocation rationnelle des ressources au niveau international, a eu comme résultat le plus visible, l'apparition de variations de grande ampleur des cours de change à intervalles très rapprochés. Une telle modification de l'environnement international n'a pas été sans conséquences sur la gestion des entreprises; dans certaines conditions, en effet, il est apparu que les variations des cours de change ont pu modifier les résultats engendrés par l'activité des entreprises. Ces variations étant de plus en plus fréquentes, une sensibilité nouvelle s'est développée au sein des entreprises face à leurs répercussions possibles, et à la façon de les contrôler; ces variations n'étant plus le résultat de décisions politiques, mais le fruit du fonctionnement des marchés, il est apparu progressivement qu'une bonne compréhension de ce fonctionnement était nécessaire avant qu'il soit possible de définir une stratégie de l'entreprise à l'égard du cheminement des cours de change. L'idée que la compréhension du fonctionnement des marchés est nécessaire, non seulement à la connaissance économique, mais également à l'élaboration d'une stratégie d'entreprise peut sembler presque évidente dans un monde où les mécanismes de marché deviennent prépondérants. En ce qui concerne l'élaboration d'une stratégie à l'égard des variations des cours de change, il semble qu'une telle idée est valide dans la mesure où au moins l'une des deux conditions suivantes est réalisée: d'une part, si les prévisions effectuées par le gestionnaire sont dépendantes de la compréhension qu'il a du fonctionnement des marchés; d'autre part, si cette compréhension lui permet de mieux évaluer l'impact sur la valeur de l'entreprise d'une variation des cours de change. A priori, l'élaboration de prévisions des cours de change peut se fonder ou non sur une compréhension des fonctionnements des marchés. Au niveau de chaque agent économique, une prévision peut être effectuée, fondée sur une appréciation subjective (même si elle utilise des méthodes scientifiques) de la distribution de probabilité des cours futurs. Dans certains cas, cette appréciation est réduite à sa plus simple expression: la formulation d'un cours anticipé. Parfois s'ajoute à cette anticipation la prise en compte du risque associé à la forme de la distribution. En aucun cas, bien entendu, la prévision ne peut être assurée de coïncider avec la réalité: d'une part, parce qu'il existe objectivement, en raison de l'incertitude sur le futur, un risque de se tromper; d'autre part, parce que le caractère subjectif des prévisions effectuées augmente ce risque en proportion des capacités prédictives individuelles. Sans qu'il soit possible d'éliminer ce risque subjectif, il peut néanmoins paraître utile de l' "objectiviser", en fondant les prévisions sur une base plus large que l'appréciation individuelle d'un agent économique: une telle base peut être constituée par les anticipations de l'ensemble des agents économiques, telles qu'elles sont susceptibles d'être reflétées par les prix du marché. Une telle démarche nous ramène à l'étude du fonctionnement des marchés internationaux, et en particulier à celle des liens qui peuvent exister entre le mode de fixation des prix et les anticipations des agents économiques. De même, l'appréciation de l'impact des variations de cours de change sur la valeur de l'entreprise peut apparaître, au premier abord, comme étant dissociée de l'étude du fonctionnement des marchés internationaux. Une telle conception semble d'ailleurs justifiée par l'existence de règles permettant de déterminer cet impact, règles dont les fondements reposent sur les principes généraux de la comptabilité. Il apparaît cependant que les principes comptables ne permettent pas de définir une règle unique et incontestée permettant de mesurer l'exposition de l'entreprise à une variation du cours de change. D'autre part, quand bien même une telle règle existerait, elle ne permettrait d'apprécier l'impact des variations de change que sur la valeur comptable de l'entreprise, non sur sa valeur économique. Pour évaluer l'impact sur cette dernière, il convient de prendre en compte les liens existant entre les cours de changes et les prix des biens et services produits et utilisés par l'entreprise. Une telle reformulation du problème nous ramène une fois de plus à l'étude des marchés internationaux, et en particulier à l'examen des rapports entre les marchés financiers et les marchés de biens et de facteurs. Il apparaît, par conséquent, que l'étude du fonctionnement des marchés internationaux est le point de passage obligé de toute réflexion s'efforçant de définir les conditions d'une adaptation de la gestion de l'entreprise au cheminement du cours de change. C'est à cette étude que s'attache cette thèse, dans une première partie à un niveau global, en analysant l'impact du fonctionnement des marchés internationaux sur la valeur de la firme à la lumière de la littérature existante, puis en s'efforçant, dans une deuxième partie, d'étendre l'analyse au problème particulier du choix d'un horizon de gestion, à la lumière d'une étude théorique et empirique originale de la structure des primes de change à terme. Le premier chapitre aborde l'analyse de l'impact d'une variation de change sur la valeur de la firme en partant des pratiques actuelles de calcul de "l'exposition comptable" de l'entreprise, avant de passer en revue diverses méthodes proposées pour appréhender une "exposition économique" de l'entreprise. L'exposition de l'entreprise est définie comme l'élasticité de la valeur de l'entreprise par rapport à une variation du cours de change. Selon l'approche comptable traditionnelle, une entreprise est exposée à la variation du cours de change, dans la mesure où certains postes en devises du bilan sont exposés. Lorsque le cours de change, par rapport à la devise de référence, varie d'un certain pourcentage, la valeur en devise de référence de ces postes varie d'un pourcentage identique, provoquant par là même une variation de la situation nette du bilan. Un problème surgit cependant du fait qu'aucun principe comptable ne permet de définir quels postes en devises sont exposés. Aussi plusieurs méthodes coexistent-elles: la première, considérant que tous les postes en devises du bilan sont exposés, - la deuxième, que seuls les postes à court terme le sont, - enfin, la troisième, attribuant cette qualité aux seuls postes monétaires du bilan. Si le choix entre les diverses méthodes ne peut être fondé sur des principes comptables, on s'aperçoit en revanche, qu'il est possible de discriminer entre les diverses méthodes en fonction d'une analyse économique. En particulier, la deuxième méthode semble n'être pas sans rapport avec une analyse "keynesionne" du comportement du cours de change, ce dernier étant considéré comme imprévisible à court terme, mais devant se rapprocher d'un cours "normal" à long terme. De même, la troisième méthode, adoptée par l'ordre des experts-comptables américains, semble reposer à la fois sur le caractère imprévisible du cheminement du cours de change, et sur la conviction que ce caractère ne saurait modifier la valeur en monnaie de référence des éléments réels du bilan, dans la mesure où ceux-ci se réévaluent en proportion de la variation du cours de change. Ainsi, des arrières-pensées économiques ne sont pas absentes des définitions de l'exposition comptable de l'entreprise. Certains auteurs ont voulu aller plus loin en donnant des définitions économiques à l'exposition de l'entreprise. Le premier, LIETAER (1971) se borne à apporter certaines retouches à l'approche comptable, en introduisant entre les postes exposés et non exposés du bilan, des postes dont la valeur a, par rapport à une variation de change, une élasticité différente de un. D'autres, (DUFEY 1972, SHAPIRO 1975), étendent cette idée d'élasticités différenciées à l'ensemble des flux de liquidité engendrées par l'entreprise. HECKERMAN (1972) formalise cette dernière conception en élaborant un "bilan économique" à partir des flux de liquidités futurs actualisés de l'entreprise, et en étudiant les répercussions d'une variation de change sur ce bilan. Cependant, le modèle d'HECKERMAN est peu clair, en ce qu'il fait dépendre l'impact de cette variation de change de la variation de valeur d'un actif intangible dont l'existence apparait justifiée par la nécessité de maintenir en permanence un levier financier déterminé. Si l'on admet cette contrainte contestable, on peut néanmoins montrer que lorsque la variation du cours de change a un caractère purement monétaire, la valeur de l'entreprise ne change pas. Cette conclusion, inaperçue par HECKERMAN, n'est pas sans rapport avec certaines conclusions ultérieures de cette thèse. Néanmoins, elle ne peut ici être obtenue qu'en raison d'hypothèses très fortes et contestables du modèle, que les chapitres suivants s'efforcent de lever. Dans les chapitres II et III, une approche semblable à celle de HECKERMAN est développée, mais le cadre conceptuel est différent. Comme dans le modèle d'HECKERMAN, un effort est fait pour distinguer les conséquences sur la valeur des flux de liquidité futurs d'une variation du cours de change, en distinguant les activités réelles et financières de l'entreprise. Une entreprise dont les flux de liquidité sont en devises, sera considérée comme exposée, non pas si la variation du cours de change modifie sa valeur au cours du temps, mais si cette modification est différente de celle d'une entreprise identique ayant uniquement des flux de liquidité en monnaie domestique. Il s'agit en effet d'appréhender l'influence spécifique de la dénomination en devise des flux concernés, et non un autre phénomène économique qui modifierait simultanément la valeur de toutes les entreprises. De même, afin de vérifier qu'une variation de change est susceptible en soi d'avoir un impact sur la valeur de ces flux, l'analyse est menée dans le cadre de marchés internationaux parfaits. Ne sont donc pas abordés les effets pouvant résulter des opportunités d'arbitrage qu'offrent éventuellement les imperfections des marchés. Enfin, une distinction est faite entre les effets susceptibles d'être produits par la variabilité du cours du change, et par l'incertitude sur cette variabilité. Pour cela, une hypothèse un peu artificielle est utilisée dans le chapitre II : celle de la connaissance parfaite du futur. Cette hypothèse est relâchée dans le chapitre III. En univers de certitude, un raisonnement d'arbitrage intuitif permet d'établir, à la suite de nombreux auteurs, la validité d'un certain nombre de relations d'équilibre. Ces relations peuvent être classées en deux catégories : celles qui résultent d'un arbitrage en termes nominaux, - et celles qui résultent d'un arbitrage en termes réels. Les premières sont la loi du prix unique, la relation de parité des taux d'intérêt, la relation de "FISHER Open" entre la variation du cours de change et le différentiel d'intérêt, et la relation des anticipations sur les rapports entre cours à terme et cours futur. Les secondes sont la relation d'unicité du taux réel sur un bien, la relation entre ce taux réel et le taux d'inflation sur ce bien, enfin la relation de Fisher en économie fermée entre taux réel et taux d'inflation sur un panier de biens. Dans la mesure où ces relations sont valides, en particulier en ce qui concerne la loi du prix unique et la relation de "FISHER Open", il est facile de montrer qu'une variation (certaine) du cours du change ne modifie pas la valeur des flux réels ou financiers en devises, par rapport à des flux libellés en monnaie domestique. Il convient de remarquer que cette absence d'exposition à la variation du cours de change n'est nullement la conséquence de la parité des pouvoirs d'achats (CASSEL 1923), laquelle, même en univers de certitude, ne saurait résulter d'un simple phénomène d'arbitrage, mais constitue une théorie de propagation de l'inflation. Une telle remarque nous amène à critiquer les conceptions d'ALIBER (1976) quant aux relations d'équilibre sur les marchés internationaux. En univers d'incertitude, des quatre relations monétaires mentionnées précédemment, seules la loi du prix unique et la relation de parité des taux d'intérêt restent valides. Des homologues de la relation des anticipations sur les rapports entre cours à terme et cours futur, et de la relation de "FISHER Open", peuvent être proposés, mais ce sont des relations d'arbitrage spéculatif faisant apparaître une prime de risque. De même, des trois relations réelles, seule reste valide la relation d'unicité du taux réel sur un bien. De cette modification de ces relations d'équilibre résulte un certain nombre de conséquences quant à l'exposition de l'entreprise. Tout d'abord il est montré que les flux réels ont un impact identique sur la valeur de l'entreprise lorsqu'ils sont libellés en devises ou en monnaie domestique, que la variation du cours du change soit égale à celle anticipée ou non. En revanche, toute tentative pour couvrir les flux réels en devises par un contrat de change à terme serait susceptible de modifier la valeur anticipée de ces flux, dans la mesure où la prime de risque incluse dans le cours à terme existe. Même si une telle prime de risque n'existait pas, la valeur de ces flux réels pourrait être modifiée à posteriori si la variation de change effective est différente de la variation anticipée. Au contraire, du fait de la non validité en présence d'incertitude de la relation de "FISHER Closed" (contra ALIBER 1976) la valeur anticipée des flux financiers en devises non couverts est susceptible d'être différente de la valeur des flux financiers en monnaie domestique s'il existe une prime de risque incluse dans le cours à terme. Il en va de même pour la valeur à posteriori des flux financiers en devises lorsque la variation de change effective est différente de la variation anticipée. La couverture des flux financiers en devises futurs permet d'égaliser la valeur de ces flux avec celle de flux en monnaie domestiques. Ainsi, c'est bien l'incertitude, et non pas la seule variabilité des cours de change, qui est à l'origine de l'exposition de l'entreprise. Encore faut-il souligner que cette exposition est la conséquence des seuls flux financiers en devises, à l'exclusion des flux réels. Enfin, cette exposition est susceptible de se matérialiser par une variation de la valeur de l'entreprise, non seulement dans le cas où la variation de change effective est différente de la variation anticipée, mais également lorsque cette dernière se réalise, s'il existe une prime de risque incluse dans le cours de change à terme. Ce résultat est confirmé et étendu aux primes de risques incluses dans les cours de change à terme futurs lorsque l'on introduit les délais de paiements liés aux ventes à tempérament, et que l'on prend en considération la possibilité de différer le rapatriement des bénéfices réalisés à l'étranger. Ces conclusions reposent sur un raisonnement intuitif quant au comportement d'agents confrontés à des opportunités d'arbitrage et de spéculation sur des marchés des biens et sur des marchés financiers supposés être parfaits. Elles permettent de préciser la notion d' "exposition à la variation de change" dans un sens étonnamment proche de la conception des experts comptables américains. Elles doivent cependant, pour être retenues, être soumises à une double vérification, tant théorique que pratique. Sur le plan théorique, le chapitre IV a fourni l'occasion de confronter les résultats du raisonnement intuitif d'arbitrage avec ceux qui découlent des modèles théoriques d'équilibre général ou partiel des marchés internationaux. Ces modèles permettent de déterminer la forme des relations d'équilibre en fonction d'hypothèses spécifiques sur les préférences des consommateurs, et sur les ensembles d'opportunités auxquels ceux-ci sont confrontés. Les deux principaux modèles théoriques existant sont ceux de SOLNIK (1973, 1974) et de GRAUER, LITZENBERGER et STEHLE (G.L.S., 1976). Tous deux définissent les conditions de l'équilibre sur les marchés internationaux dans les mêmes termes : celui-ci est le produit du comportement de consommateurs qui répartissent leur richesse entre consommation présente et investissement, en maximisant l'espérance d'utilité de leur consommation présente et future. En revanche, les ensembles d'opportunités auxquels sont confrontés les individus, sont légèrement différents. L'investissement peut, dans les deux modèles être réparti entre l'actif sans risque domestique, les actifs sans risque étrangers, et les actifs risqués domestiques et étrangers, mais la consommation des individus varie selon leur nationalité pour SOLNIK, alors que pour G.L.S. les individus consomment un panier réel identique: seul le taux d'inflation (aléatoire) associé à ce panier est différent selon les pays. Il apparaît rapidement que la qualité de l'équilibre est affectée par cette hypothèse au niveau du panier de consommation. L'hypothèse de SOLNIK introduit un risque de change réel, lié à l'incertitude sur les prix relatifs des paniers nationaux, qui modifie les conclusions habituelles du Modèle d'équilibre des actifs financiers (MEDAF) (SHARPE 1964), et amène à reformuler ce dernier sous une forme originale. En revanche, chez G.L.S., le risque de change est une variable purement monétaire, lié à l'incertitude sur les différentiels d'inflation nationale, et ne modifie nullement la formulation traditionnelle du MEDAF tant que les individus ne sont pas victimes de l'illusion monétaire. Ces différences quant à la qualité de l'équilibre obtenu, ne sont pas sans influence sur la formulation des relations d'équilibre proposées dans les chapitres II et III. Sur le plan formel, les deux modèles montrent que le cours à terme reflète bien les anticipations sur le cours futur, mais de façon biaisée, du fait de l'existence d'une prime de risque qui rémunère les spéculateurs pour la position ouverte qu'ils acceptent de supporter. C'est la confirmation du résultat intuitif déjà obtenu, dont l'importance pour l'exposition de l'entreprise est cruciale. Cependant, la structure de cette prime de risque diffère selon les modèles. SOLNIK montre que la prime dépend de la covariance entre le cours de change considéré et les cours de toutes les autres devises. Le résultat de G.L.S. a une formulation beaucoup plus complexe, dont les auteurs ne précisent pas la signification économique. Il est possible de montrer que cette prime dépend essentiellement des effets réels des politiques monétaires nationales sur la richesse mondiale. En l'absence d'illusion monétaire, une prime de risque marginale subsiste, liée à l'incertitude sur le différentiel d'inflation. Cette prime est cependant virtuelle, car si les individus raisonnent en termes réels, ils ne souscriront aucun contrat de change à terme. En effet, dès lors que la parité des pouvoirs d'achat est vérifiée, le rendement réel d'un actif financier est indépendant de la devise dans laquelle il est libellé. En ce qui concerne les autres relations d'équilibre abordées dans les premiers chapitres, SOLNIK (1977) en donne une formulation complète et différenciée selon qu'il existe ou non des marchés à terme de marchandises. Les résultats valident et précisent ceux qui avaient été obtenus à l'aide d'un raisonnement intuitif d'arbitrage. En particulier, la relation de parité des taux d'intérêt apparaît chez lui comme chez G.L.S. découler automatiquement des modèles théoriques. Cette conclusion est contestée par ADLER et DUMAS (1975), qui montrent que cette relation n'est pas vérifiée lorsqu'existe un risque politique. Ceux-ci utilisent pour leur démonstration une fonction d'utilité quadratique. Leur démonstration est ici reprise et élargie; leurs résultats concernant la parité des taux d'intérêt restent valides quelle que soit la fonction d'utilité. Néanmoins ces résultats supposent des hypothèses très fortes, généralement incohérentes avec les conditions habituelles du fonctionnement des marchés. De même, un modèle de BARON (1976) valide la relation de parité des taux d'intérêt. Le modèle est intéressant en ce qu'il s'efforce d'intégrer les conditions macroéconomiques de l'équilibre et leur répercussion sur l'exposition de l'entreprise. Cependant, l'excessive simplicité des hypothèses de départ retire au modèle une grande partie de son intérêt. Ainsi l'étude des modèles théoriques d'équilibre permet de préciser et de nuancer certaines conclusions développées dans les chapitres II et III. Les principales relations d'équilibre sur lesquelles repose le calcul de l'exposition de l'entreprise, ont bien la forme qui avait été prédite. En particulier, la parité des taux d'intérêt reste valide en présence de l'incertitude, tandis que le cours à terme est bien égal à l'espérance du cours futur majoré d'une prime de risque. Cependant la portée pratique de cette prime de risque dépend de la validité d'une troisième relation : celle de parité des pouvoirs d'achats. Dans la mesure où celle-ci serait vérifiée, le risque de change relèverait de la pure illusion monétaire. Dans le cas contraire, cette prime rémunèrerait un risque réel, susceptible de modifier la valeur des flux financiers en devises. Ces conclusions des modèles théoriques doivent maintenant être confrontées avec les enseignements tirés du monde réel. L'objectif du chapitre V est double: vérifier, à la lumière de la littérature existante, la robustesse des deux principales relations d'équilibre sur lesquelles repose l'analyse théorique de l'exposition de l'entreprise; discriminer, en fonction des vérifications empiriques de la parité des pouvoirs d'achat, entre les deux modèles théoriques d'équilibre sur les marchés internationaux. La relation de parité des taux d'intérêts a été testée empiriquement par un certain nombre d'auteurs. Les résultats peuvent être résumés par deux propositions. Tout d'abord, si l'on adopte comme prédicteur de la prime de change à terme le différentiel d'intérêt calculé sur les dépôts en eurodevises, l'erreur prédictive moyenne n'est pas significativement différente de zéro; le résultat est sensiblement moins satisfaisant lorsque le prédicteur utilisé est le différentiel d'intérêt sur Bons du Trésor domestiques (ALIBER 1973). D'autre part, si l'on considère les coûts de transactions qu'engendrerait une opération d'arbitrage visant à profiter d'un différentiel d'intérêt couvert non nul, il apparaît que ce différentiel d'intérêt est inférieur aux coûts de transactions dans 100 % des cas, lorsqu'on le calcule par rapport aux euro dépôts, et seulement dans 33 à 100 % des cas selon les périodes lorsqu'on le calcule par rapport aux bons du Trésor (FRANFEL et LEVICH 1975). Si l'on tient compte des inévitables erreurs sur les variables liées à la difficulté d'obtenir des données parfaitement concomitantes, on peut donc considérer que sur les devises et pour les périodes ayant fait l'objet du test, la parité des taux d'intérêts a été largement vérifiée. Les tests de la relation des anticipations sur les liens entre cours à terme et cours futur répondent à la volonté de répondre à une double question : le cours à terme est-il un bon prédicteur du cours futur? La prédiction fournie par le cours à terme comporte-t-elle un biais, représentatif d'une éventuelle prime de risque. Sans entrer dans le détail des tests pratiqués, la réponse à la première question s'articule autour de trois idées. Le niveau du cours à terme apparait généralement comme un bon prédicteur du niveau du cours futur : cela tient essentiellement au fait que sur courte période, l'ampleur des fluctuations est relativement modérée par rapport au niveau des cours de change. En revanche la prime de change à terme est un prédicteur médiocre du niveau de la variation de change, même si elle semble prévoir avec une efficacité relative le sens de cette variation. Enfin, bien que la prime de change soit un médiocre prédicteur, ses performances ne sont pas plus mauvaises que d'autres prédicteurs, en particulier ceux fondés sur des modèles autorégressifs. Ce dernier résultat souligne cependant la difficulté de la prévision plus que l'efficacité de l'un quelconque des prédicteurs. La réponse à la deuxième question semble devoir comporter deux éléments. Sur longue période, la plupart des auteurs montrent que le cours de change futur n'est pas significativement différent du cours de change à terme: il n'existerait donc pas de biais moyen, représentatif d'une prime de risque stable quant à son ampleur et à son signe. En revanche une étude approfondie par ROLL et SOLNIK (1975), confortée par une lecture fine des tests pratiqués par d'autres auteurs (KOLHAGEN 1974) semble confirmer l'existence d'un biais instable, représentatif d'une prime de risque dont le signe et l'ampleur peuvent varier d'une période à l'autre. Enfin, l'analyse de la littérature consacrée à la parité des pouvoirs d'achat permet de discriminer entre les deux modèles théoriques. En effet, la parité des pouvoirs d'achat semble assez largement vérifiée dans deux cas: Si l'on compare le différentiel d'inflation à la variation de change sur une très longue période, ou si les indices de prix utilisés sont ceux des prix de gros. En revanche, à court terme, si les indices de prix utilisés sont ceux des prix de détail, la parité des pouvoirs d'achats n'est pas vérifiée; bien plus, l'erreur prédictive constatée ne permet pas d'inférer les variations ultérieures du cours de change. Par conséquent, au moins à court terme, il semble bien que ce soit le modèle de SOLNIK (1973, 1974) qui soit validé empiriquement, dans la mesure où les bons résultats obtenus avec les indices de prix de gros reflètent plus la validité de la loi du prix unique que celle de la parité des pouvoirs d'achat au sens classique du terme. Ainsi l'analyse critique développée dans cette première partie, à la fois sur le plan théorique et sur le plan empirique, de la littérature sur les marchés internationaux permet de formuler deux conclusions importantes. D'une part, en ce qui concerne la mesure de l'exposition de l'entreprise, celle-ci dépend uniquement de l'existence de flux financiers en devises; elle est proportionnelle, pour chaque maturité, à la prime de risque incluse dans le cours à terme, en ce qui concerne l'exposition anticipée, et à l'écart entre ce cours et le cours au comptant réalisé, en ce qui concerne l'exposition au risque de change. D'autre part, au niveau des stratégies envisageables, l'analyse des marchés internationaux ne fournit pas, ainsi qu'il est observé au chapitre VI, les bases théoriques d'un choix entre ces stratégies. Un tel choix ne peut résulter que d'une théorie de l'entreprise, en tant qu'intermédiaire entre les individus et les marchés. Elle fournit en revanche des indications sur les conséquences de certaines stratégies. Il apparait notamment que la couverture systématique des flux financiers permet d'éliminer totalement l'exposition de l'entreprise, tandis que l'acceptation d'un certain degré de risque s'accompagne, du fait des effets positifs de l'exposition anticipée, d'une amélioration de la rentabilité anticipée. La richesse de l'analyse des marchés internationaux n'est cependant pas épuisée par les résultats obtenus dans la première partie. Cette analyse peut en effet être poursuivie et approfondie, de façon à examiner les conséquences du fonctionnement des marchés sur les stratégies que l'entreprise peut adopter dans le choix d'un horizon de gestion. Dans les chapitres précédents, le raisonnement théorique et les vérifications empiriques ont été menés comme si le temps pouvait être divisé en deux périodes : le présent et le futur. Un effort est mené dans les chapitres VII et VIII pour élargir ce cadre d'analyse et réexaminer les résultats obtenus lorsque le futur comporte lui-même plusieurs horizons. Dans le chapitre VII, un modèle théorique est développé, qui reprend la plupart des hypothèses de celui de SOLNIK (1977), mais qui considère que les agents économiques maximisent l'espérance d'utilité de leur consommation présente et future sur trois périodes. Les principales relations d'équilibre établies aux chapitres III et V sont réexaminées à la lumière de ce modèle. Les résultats sont formellement identiques à ceux déjà obtenus, si l'on considère les relations entre la période présente et l'une ou l'autre des deux périodes futures. En particulier, la relation de FISHER en économie fermée, la relation de "FISHER Open", la relation de parité des pouvoirs d'achat et la relation entre cours à terme et cours futur ont une formulation différente en univers incertain de celle qui prévaut en univers certain. En revanche, si l'on considère les rapports entre les deux périodes futures, les relations précédentes ont une formulation identique à celle qui prévaut en univers certain. En particulier le cours de change à terme futur ne commande à priori aucune prime par rapport au cours au comptant pour la maturité considérée. Un tel résultat, surprenant au premier abord, est cependant logique: pour un investisseur à l'instant t, il n'est pas moins risqué de spéculer sur la valeur du cours à terme au t + 1 que sur celle du cours au comptant en t + 2. Enfin le modèle théorique permet de spécifier une nouvelle relation d'équilibre: celle, traditionnelle, de la structure des taux d'intérêt. Il apparaît que les taux longs comportent une prime par rapport aux taux courts anticipés, si l'utilité marginale de la dépense en deuxième période n'est pas indépendante du rapport des utilités marginales de la dépense en deuxième et troisième période. A contrario, si l'achat d'un panier de consommation supplémentaire donne la même satisfaction en périodes deux et trois, la structure des taux d'intérêt sur cet horizon sera sans biais. En revanche le modèle théorique ne permet pas de définir une structure maturité des primes de change à terme. En effet, un effort pour préciser la structure de la prime de risque selon la maturité a été tenté, en utilisant une fonction d'utilité particulière. Le résultat ne permet pas d'établir un lien entre les primes de risque selon les maturités. En revanche, il permet pour chaque maturité de montrer que la prime de risque sur une devise particulière est égale au produit de la prime de risque du marché par un coefficient de volatilité. Ainsi retrouve-t-on au niveau de chaque maturité un résultat traditionnel de la théorie financière moderne. Un tel résultat permet d'apprécier pour chaque devise et chaque maturité, la façon selon laquelle une position spéculative est rémunérée par rapport à une position bien diversifiée. Il ne permet pas, en revanche, de comparer l'intérêt de positions dans une même devise pour deux maturités différentes. L'étude empirique entreprise dans le chapitre VIII s'efforce à la fois de vérifier la validité du modèle théorique, et de suppléer à ses silences en ce qui concerne les rapports entre les diverses maturités. Un test du modèle théorique de marché est effectué par la régression des primes de risque individuelles pour diverses maturités sur un indice de marché naïf égal à la somme pondérée des primes de risque sur quatre devises. Le test fait apparaitre des coefficients de détermination relativement élevés, entre 50 et 30 %. Les coefficients de volatilité ne sont pas très différenciés entre les devises, et restent relativement stables pour des maturités différentes. L'étude fait cependant apparaître un rôle particulier du Franc suisse, qui commande une prime constante par rapport à toutes les autres devises. Lorsque le Franc suisse est pris comme base, on obtient une différenciation importante entre les devises, le dollar apparaissant très volatile, le deutsche mark très peu volatile, surtout pour les plus courtes maturités. Quant à la prime de risque moyenne du marché, elle semble augmenter proportionnellement à l'horizon choisi. L'étude empirique s'efforce ensuite de différencier entre les maturités, en ce qui concerne .la capacité prédictive des individus d'abord, puis en ce qui concerne les relations entre cours au comptant et à terme. En ce qui concerne la capacité prédictive des individus une étude ponctuelle a été réalisée auprès de treize cambistes parisiens sur leurs prévisions des cours du dollar et du mark pour diverses maturités. Cette enquête révèle une très grande homogénéité des prévisions, un très faible écart entre les cours à terme et les prévisions, et un très fort écart entre prévisions et réalisations. Cependant, l'écart est relativement moindre pour les maturités moyennes (2 ou 3 mois) que pour les courtes ou longues maturités. Enfin, les relations entre cours à terme et au comptant sont examinées. La capacité prédictive du cours à terme à l'égard du cours au comptant futur apparaît comme très faible et peu différenciée selon la maturité. Le dollar occupe une place particulière dans la mesure où ses variations semblent avoir fait l'objet d'erreurs systématiques de prévision. D'autre part, un effort est fait pour appréhender les relations entre cours à terme de maturités différentes. Les résultats de cet effort sont mitigés. En effet, la structure des cours à terme apparaît comme un mauvais prédicteur de la variation future du cours de change. En revanche, la capacité prédictive de la structure des cours à terme à l'égard de la prime de change future apparaît assez importante. De plus, cette capacité est assez différenciée selon les devises et l'horizon considéré. Dans le cas du Franc français cette différence est suffisamment sensible pour suggérer la possibilité d'une stratégie de spéculation dans un sens déterminé. Ainsi l'analyse théorique et pratique de la structure des primes de change à terme permet de compléter les résultats obtenus dans la première partie. Le fait que la structure horizontale des primes de risque obéit à la logique d'un modèle de marché pour chaque maturité semble une conclusion importante. Il implique qu'une entreprise souhaitant conserver une position ouverte en maximisant la rémunération de son risque doit conserver une position diversifiée en devises, maturité par maturité. Les résultats empiriques indiquent d'autre part que le risque encouru est proportionnel à l'éloignement de l'horizon. Ils suggèrent en revanche, sur la base d'une étude ponctuelle, qu'il pourrait exister un horizon de prévision privilégié. Enfin, ils semblent ne pas exclure la possibilité de définir des stratégies naïves de spéculation, en fonction d'une certaine rigidité de fait de la structure des primes de change à terme. Néanmoins certains résultats empiriques restent peu satisfaisants. Ils indiquent que des progrès restent à faire dans la compréhension du comportement des agents sur le marché des changes. En particulier une analyse plus fine des séries statistiques paraît souhaitable, en même temps qu'il conviendrait de préciser l'impact vraisemblable des imperfections des marchés.